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PHystorique- Les Portes du Temps
13 avril 2021

1838 - Regards sur le passé - Les Plantagenets à Fontevraud et à Rouen

Le coffret de plomb dans lequel le coeur embaumé de Richard Coeur de Lion a été conservé pendant plusieurs siècles

Deux des fils de Henri II Plantagenet eurent leur effigie funéraire dans la Cathédrale de Rouen.

L'un, Henri le Jeune, appelé quelquefois Court-Mantel, fils de Henri II et de l'Impératrice Mathilde, mourut avant son père.

Né en 1155, il avait, en qualité de roi associé, gouverné par procuration la Normandie de 1170 jusqu'à sa mort, survenue en 1183 (1).

 

Il était tombé malade dans le Quercy. Raymond V, comte de Toulouse, Eudes, duc de Bourgogne, Bertrand, évêque d'Agen, venant vers lui avec l'intention de le réconcilier avec son père, le trouvèrent agonisant.

Chacun d'eux raconta ces faits en des chartes authentiques au Pape Lucius III. L'évêque d'Agen dit : « Après qu'il eut reçu de nos mains, avec la plus profonde humilité et dévotion l'Extrême-Onction et les autres services de notre ministère que réclament les mourants, il parla du choix de sa sépulture, nominativement dans l'église de la Bienheureuse Marie de Rouen. Et comme nous-même et plusieurs autres hommes de religion, eu égard à la difficulté du voyage et à l'éloignement du lieu, nous insistions pour qu'il choisît sa sépulture dans le monastère de Grandmont, nous ne pûmes en rien le faire revenir de sa détermination ».

Suivant l'usage du temps on sala son corps dont cervelle et entrailles avaient été enlevées, on le cousit dans un cuir de bœuf, on enferma le tout dans un cercueil de plomb et on l'inhuma dans le sanctuaire de la cathédrale, du côté de l'évangile.

Au- dessus du caveau qui renfermait sa dépouille mortelle on plaça, très peu de temps après l'inhumation, la statue sépulcrale du royal défunt.

Richard Cœur-de-Lion, duc de Normandie et roi d'Angleterre après le décès de son père, Henri II, mourut 16 ans après, en 1199.

Il légua, nous l'avons dit, son cœur aux Rouennais, et les Rouennais le placèrent dans le sanctuaire de la cathédrale et élevèrent à la mémoire du plus chevaleresque de leurs ducs un monument funèbre qu'ils posèrent parallèlement à celui de son frère Henri, dans le sanctuaire, du côté de l'épître.

Fût-ce avant l'incendie de 1200, fût-ce seulement après, question non résolue actuellement et dont cependant la solution aurait une importance très grande pour l'histoire de notre cathédrale.

Ces deux tombeaux restèrent en place jusqu'au XVIIIe siècle.

Toutefois l'enveloppe d'argent qui renfermait le cœur de Richard Cœur-de-Lion fut, paraît-il, « prinse pouf la rançon du roy saint Loys de France, prisonnier aux Sarrasins. »

En 1734, le Chapître résolut de « renouveller le Grand Autel dans un meilleur goût ».

C'était alors la mode de la « table rase ».

En conséquence, dit D. Toussaint Duplessis dans sa « Description de la Haute-Normandie », « on a abattu tous ces tombeaux pour dégager entièrement le chœur et le sanctuaire », ce qui est confirmé par les comptes du Chapître où entr'autres indications on lit : « Payé au sieur Cécile, maistre maçon, pour ouvrage de son mestier par lui fait pour la démolition de l'autel et le pavage du chœur, suivant mémoire et quittance du 28 juin 1734, cinq cents neuf livres ».

Les tombeaux de Henri le Jeune et de Richard disparurent donc et furent remplacés, chacun, par une inscription gravée sur les dalles du nouveau pavé, et due vraisemblablement à l'abbé Terrisse :

HIC JACET (2)

HENRICUS JUNIOR

 RICARDI REGIS ANGLIAE

COR LEONIS DICTI FRATER

OBIIT ANNO

MCLXXXIII

 

COR (3)

RICARDI REGIS ANGLIAR

NORMANNIAE DUCIS

 COR LEONIS DICTI

 OBIIT ANNO

MCXCIX

Les choses restèrent ainsi pendant un siècle.

En 1838, au cours de travaux exécutés dans le sanctuaire, on découvrit sous le pavé, à main droite, du côté du midi, près l'entrée du sanctuaire « la statue de pierre de Richard Cœur de Lion».

M. A. Deville, conservateur du Musée des Antiquités, assisté de M. l'abbé Fayet, vicaire général, et de J. Pinchon jeune, inspecteur des travaux de la Cathédrale, fut chargé de poursuivre les fouilles.

Il releva la statue, fit creuser la maçonnerie servant de base au premier entrecolonnement du sanctuaire, et dans une petite excavation, on trouva une inscription identique à celles qu'avaient placées sur le pavé les chanoines de 1736..

 

« A 57 centimètres de profondeur, on découvrit une boîte en plomb. Portée à la sacristie de la cathédrale, elle fut ouverte. Elle renfermait une seconde boîte également de plomb, dont le couvercle n'existait plus ; elle en contenait une troisième sur laquelle était gravée, en lettres majuscules, l'inscription suivante :

HIC: JACET :

COR : RICAR :

DI : RÉGIS :

ANGLORUM

Au fond de la boîte, on trouva au milieu des fragments d'étoffe de soie et de petits morceaux d'encens, une 'matière pulvérulente de couleur brun jaunâtre : c'étaient les cendres du cœur.

La triple boîte avec son contenu lut enfermée dans plusieurs feuilles de fort papier, ficelée, cachetée, et déposée dans une armoire de la sacristie de la cathédrale; elle devait y rester trente ans.

Les chanoines de 1734 n'avaient donc pas expulsé la statue de l'avant-dernier due de Normandie. Quand ils eurent « remué toutes les terres du sanctuaire jusqu'à la profondeur de 15 pieds », ils couchèrent la statue dans cette terre remuée et établirent par- dessus leur nouveau dallage. N'auraient - ils pas procédé de même pour le monument funèbre d'Henri le Jeune ?

C'est la question que se posa l'abbé Cochet. Mis en éveil par les travaux de Deville et par la découverte que lui-même fit, par hasard, en 1862, du cœur de Charles V dans le chœur de la cathédrale, il se détermina à entreprendre, en 1866, des fouilles méthodiques au côté gauche du sanctuaire.

 Elles furent faites le 18 octobre. Après quelques heures de travail, la statue apparut, décapitée, brisée en deux, « enveloppée dans un bain de mortier, noyée dans un blocage dur comme un rocher, à 20 centimètres seulement du pavage actuel ».

 

Voici donc retrouvées les deux statues originales d'Henri et de Richard. Qu'en fera-t-on ? Elles devaient avoir un destin différent.

L'intention de l'abbé Cochet n'était pas douteuse. Parlant de la statue de Henri le Jeune, il disait : « Espérons qu'elle pourra, complètement restaurée, reprendre à la cathédrale la place d'honneur qui lui appartient. Toute mutilée qu'elle est, cette image rappelle les plus grands souvenirs de la nationalité normande et intéresse à titre égal les deux plus puissantes nations de l'Europe ».

 En 1838, Deville avait formulé le même souhait pour la statue à peu près intacte de Richard Cœur-de-Lion.

En 1868, on résolut d'élever dans le pourtour du chœur, de chaque côté du sanctuaire et aussi près que possible du lieu primitif des sépultures, deux sarcophages identiques, en pierre de liais.

 L'ornementation, à oves évidés à jour sur un fond garni de denticules, fut empruntée à un motif du XIIe siècle, qui décore la base des colonnes soutenant l'archivolte du portail Saint-Jean. Sur le sarcophage de droite, en face de la sacristie du Chapitre, on plaça l'ancienne statue de Richard, restaurée par le sculpteur Bonet.

Sur le sarcophage de gauche on mit une statue nouvelle due au même sculpteur, et faite d'après la statue mutilée qu'avait découverte l'abbé Cochet. Cette statue primitive fut transportée au musée d'antiquités. Les restaurations en ont été faites en plâtre.

Elles ont été considérables, car outre que la statue a été fendue au milieu du corps, « la tête avait disparue, de même que les deux mains; les bras ont été très altérés et le pied gauche fut complètement défait ainsi que le lion qui le supportait.

« Malgré cela, dit l'abbé Cochet, la royale image offre un grand intérêt au point de vue de l'art, du costume et de l'histoire.

Elle offre une représentation fidèle des costumes de l'époque. On y voit la tunique ou robe longue, fermée sous la gorge par une jolie fibule dont la bordure est décorée de lentilles. Une élégante ceinture, bouclée sur les reins, présente sur toute sa longueur des croix de Saint-André, des traverses et des besants de l'aspect le plus gracieux.

Le corps du prince est enveloppé du manteau royal, auquel il emprunte son surnom de Court-Mantel. Ce manteau fermé sur les épaules à l'aide de deux agrafes en forme de quatre-feuilles, est relevé sur les jambes.

Le duc-roi ne porte pas d'épée, pas plus que Richard ; comme lui, il soutient du bras gauche un sceptre brisé ; plus que son père, il montre, suspendue à sa ceinture, une charmante aumônière ou escarcelle.

Cette statut mesurait 2 mètres 23 et était sculptée, mais dans une pierre de liais. -

La statue neuve qui fut payée 3 000 francs ne rend peut-être pas exactement le mouvement des bras ni la souplesse des plis que forme l'extrémité du manteau replié sur les jambes.

Quant à la statue de Richard Cœur-de-Lion, on n'a eu que de légères restaurations à lui faire subir (elles coûtèrent 400 frs.).

Voici ce qu'en dit Courajod dans son étude sur la sépulture des Plantagenets : « Le Richard normand nous semble inférieur en intérêt à celui de .Fontevrault. C'est en vain qu'après les avoir visités et comparés tous les deux (Courajod écrit en 1867 et il a vu notre statue, avant sa restauration, dans un atelier de la Cathédrale) nous avons cherché à établir l'identité de l'un par l'autre. Le Richard de Rouen ne ressemble nullement à celui de Fontevrault. Il n'a pas de barbe, ne porte qu'une robe attachée au cou par une grosse fibule carrée et serrée à la taille par une ceinture fort ornée.

Un manteau-chape jeté sur les épaules est retenu par une cordelière lâche. La main gauche tenait un sceptre. Il a un lion sous les pieds. En avant du bloc de pierre qui forme le lit, un petit bas-relief du plus joli travail représente un sujet de chasse : un chien guette un lapin sortant du terrier. »

L'architecte de la Cathédrale, M. Barthélémy, a fait alors œuvre excellente au point de vue des traditions normandes en restituant à la Cathédrale ces deux tombeaux qui, avec ceux de Rollon et de Guillaume Longue-Epée, comptent parmi les plus glorieux qu'ait possédés notre Cathédrale.

C'étaient là des souvenirs bons à rappeler à la veille du Millénaire normand et qui justifient amplement, s'il en était besoin, les résolutions prises par Monseigneur l'Archevêque, de célébrer ce millénaire par une grande fête religieuse où, en évoquant le souvenir des créateurs de la Normandie, on priera pour la grande et la petite patrie.. L. J.

 

 Son tombeau, avec gisant du XIIIe siècle, est situé dans le déambulatoire de la cathédrale Notre-Dame de Rouen, installé à son emplacement actuel en 1956. Longtemps caché, il a été redécouvert par l'abbé Cochet en 1866.  Il a servi de modèle au gisant de Rollon, détruit lors des bombardements de 1944

 

 

Itinéraire d’Aliénor d’Aquitaine après les funérailles de Richard Cœur de Lion à Fontevraud par Alfred Richard <==.... ....==> Conférence proposée par les Amis du musée de Cluny : La croix du Valasse. Une relique Plantagenêt ? de Nicolas Hatot

 

 


 

(Photo L'épopée de Richard Cœur de Lion. château de talmont saint hilaire- Aliénor d'Aquitaine Cie Capalle)

Le coffret de plomb dans lequel le coeur embaumé de Richard Coeur de Lion a été conservé pendant plusieurs siècles, avant d’être déplacé dans un coffret de cristal en 1838, par le Directeur des Antiquités de l’époque

(1) Voir dans la Revue de la Normandie de 1866, une intéressante note historique sur Henri Court-Mantel, note due à la plume (qui depuis n'a pas vieilli) de l'abbé Julien Loth.

(2) « Ci-git Henri le Jeune, frère de Richard, Roi d'Angleterre, dit Cœur de Lion. Il mourut en 1183 ». Remarquez l'anomalie que constitue en une inscription funéraire l'allusion faite à Richard qui ne mourut que seize ans plus tard.

- (3) « Coeur de Richard, roi d'Angleterre, duc de Normandie, dit Cœur de Lion. Il mourut en 1199 « 

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