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PHystorique- Les Portes du Temps
10 octobre 2019

Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe de Bourgogne

Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe de Bourgogne

Chartres, comme beaucoup de villes de la Normandie, de la Picardie, de l'Ile-de-France, possède encore bon nombre de maisons de bois, dont les portiques sculptés, les étages en encorbellement, les poutres en saillies, les colombages losanges, curieux spécimens de l'architecture civile aux quinzième et seizième siècles, plaisent à l'observateur et intéressent l'archéologue. Mais, entre toutes ces constructions, se fait remarquer un petit monument de l'art gothique, une cage d'escalier en hélice, formée de colonnettes et de spirales assez élégamment sculptées, désignée vulgairement sous 1 ; nom d'Escalier de la reine Berthe, bien que, jusqu'à ce jour, aucune pièce authentique ne vienne à l'appui de cette dénomination.

Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe de Bourgogne (3)

Presque tous les historiens du pays chartrain racontent qu'Eudes ou Odon, qui succéda, en 974, à Thibault-le-Tricheur, son père, dans les comtés de Chartres, Blois et Tours, avait épousé, en secondes noces selon les uns, en troisièmes selon les autres, Berthe, fille de Conrad Ier, roi d'Arles, nièce du roi Lothaire et petite-fille du roi Louis d'Outremer ; qu’Eudes étant mort vers 994, la comtesse épousa, en 995, Robert de France, fils de Hugues Capet, et que ce mariage fut déclaré nul par le pape Grégoire V, attendu que les conjoints étaient parents, et que Robert avait tenu sur les fonts de baptême un enfant de Berthe. (1)

Saint Louis, Chartres rue des Ecuyers

Nous voulons bien croire qu'après la répudiation de la reine, celle-ci, en sa qualité de douairière, continua de jouir du comté de Chartres et vint habiter le château que Thibault-le-Tricheur, l'ancien geôlier de Louis d'Outremer, avait fait construire sur le point le plus élevé de la colline.

 

Nous voulons bien croire qu'on ne pouvait aborder à cet antique palais ayant « son assiete dans la ville, et au milieu d'icelle, sur  le heurt et bord de la montaigne 2 » que par une grande porte et un pont-levis du côté de la rue des Changes, et par une poterne d'où partait un escalier serpentant qui facilitait la descente hors la ville et communiquait aux écuries du comte, « qui étaient au bas du rempart, où se trouve aujourd'hui la rue qui, pour cette raison, s'appelle rue des Ecuyers (3). »

Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe de Bourgogne (2)

 

Le petit monument qui nous occupe ici se trouve, en effet, dans la cour d'une maison ouvrant sur la rue des Ècuyers et adossée aux murs de l'ancien château. Mais cet escalier dont les sculptures, parmi lesquelles on remarque une salamandre, rappellent le style du commencement du seizième siècle, ne remonte point à l'époque où vivait ladite reine.

Il est plus probable qu'il a remplacé une construction de même sorte, communiquant avec les bas jardins du château, ou qu'il a été apporté là, de quelque domaine royal, pour servir tout simplement de cage d'escalier à une construction peu en rapport avec lui, et qui cache à peu près la moitié de son contour extérieur.

 Revenons donc au but principal de cet article.

Cet escalier à hélice, souvent reproduit par la peinture, la gravure, la lithographie, est construit en encorbellement et divisé en quatre tournants, dont les poutres rampantes sont ornées de zigzags, de cœurs de lys et de fleurs de lys, semblables aux anciennes armoiries de la ville d'Orléans. (Ce qui nous fait émettre l'opinion que cet escalier pouvait provenir d'un domaine royal.)

Ces poutres sont reliées entre elles par des montants en spirale, terminés, en bas, par des culs-de-lampe à figures grotesques; en haut, par un socle soutenant une statue. Ces statues ainsi disposées au sommet du dernier tournant, sont au nombre de neuf.

On distingue entre autres:–Un homme à longue barbe, vêtu d'une robe et d'un manteau, tenant une clef d'une main, et de l'autre un étau qu'il presse contre sa poitrine. Un autre à peu près semblable, tenant une épée au lieu d'une clef. Ne serait-ce pas saint Pierre et saint Paul ou saint Barthélemy? Un homme vêtu d'une longue tunique retenue à la ceinture par un cordon auquel est attachée une aumônière ; il est coiffé d'un bonnet pointu orné de deux cornes ou longues oreilles.- Ces statues paraissent supporter les bois cannelés qui composent l'entablement circulaire de l'escalier.

Il est vrai que les espaces compris entre les montants, remplis par des baies en ogives quittaient jadis à claire-voie, sont noyés aujourd'hui dans la maçonnerie.

Mais il existe encore sous l'escalier une porte dont les montants, moulés en cannelés, ont, au sommet, un génie tenant une légende déroulée et pendante sur les poteaux, dont le chambranle, décoré de deux génies soutenant un écusson aux armes de France et une couronne royale, est sur- monté de quatre statues, dont trois paraissent, à cause de leurs emblèmes, représenter les vertus théologales.

Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe de Bourgogne (4)

Henri III Plantagenêt (roi d'Angleterre)

On en était à regretter les altérations que le temps et la main des hommes avaient infligées aux sculptures de ce petit monument, quand, il y a quelques jours, au milieu de travaux d'appropriation que le nouveau propriétaire de cette maison y faisait exécuter, un coup de marteau a fait sauter une couche de plâtre couvrant un lattis sous lequel se trouvaient quinze panneaux en bois, sculptés el très-bien conservés, décorant le contour intérieur de l'escalier jusqu'à la hauteur du premier étage.

Ces panneaux, hauts de 95 centimètres sur 20 de large, sont décorés de rinceaux, d'ornements et de figures. L'un d'eux représente vin homme armé d'une lance de la main droite, et cherchant à arracher une flèche qui lui traverse la jambe gauche.- Un autre, un serpent disputé par deux oiseaux. Un autre, et toujours accompagné de rinceaux, deux femmes nues.

Saint Louis Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe (2)

Saint Louis Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe

Un autre, celui qui paraît le mieux conservé, un homme coiffé d'un chapeau à bords retroussés, velu d'une espèce de robe courte, chaussé de bottes, tient à la main un martinet dont les lanières se mêlent aux zig-zags que décrivent les branches d'un arbre sans feuilles garnissant le fond de ce panneau. Sur le socle d'un de ces panneaux, on retrouve encore la salamandre.

Saint Louis Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe (1)

La porte citée plus haut est également sculptée à l'intérieur; seulement les génies tenant les légendes sont remplacés, au sommet intérieur, par des écus 5 sur l'un sont représentées trois tours en gerbes, posées deux, un, et sur l'autre, deux épées en sautoir, accompagnées de croissants, eu tète, en pointe, à dextre et à senestre.

On ignore depuis quand et pourquoi ces panneaux, entrecoupés de colonnes également sculptées, ont été cachés sous ce lattis, auquel, du reste, nous devons leur conservation. Espérons que les études qui seront faites à propos de ces panneaux jetteront quelque jour sur l'histoire de cet antique escalier, ou sur la construction qui, précédemment, se trouvait en cet endroit.

 

 l'escalier est accolé à une maison qui faisait office de l’hôtel des consuls (tribunal de commerce) de 1560 à 1792.

Adresse : Ecuyers (rue des) 35
Informations : Escalier (cad. AI 378) : classement par liste de 1889

Saint Louis Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe (4)

Saint Louis - Chartres - À l'angle de la rue aux Cois, une maison à pans de bois forme proue.

  Chartres, Rue Des Ecuyers – l’escalier de la Reine Berthe de Bourgogne 5

 


 

1  Souchet, Doyen, Chevard, de l'Epinois.

2 Rouillard. Parthènie, p 206.

3 Chevard, Histoire de Chartres, t. 1er,

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