A history of Chartres Cathedrale – Time Travel
L’histoire de la cathédrale de Chartres en quelques dates :
Milieu du Vie siècle : construction probable d’un groupe cathédral sous l’impulsion des évêques saint Lubin et saint Calétrie.
743 : première mention d’une cathédrale.
Vers 876 : Charles le Chauve offre la relique du Voile de la Vierge à la cathédrale ; construction de la cathédrale carolingienne et de sa crypte.
1020 : incendie de la cathédrale : Saint Fulbert, alors évêque, entreprend sa reconstruction.
1037 : consécration de la cathédrale romane.
1134 à 1170 : construction des tours nord et sud, du Portail Royal et de la flèche sud.
1194 : Incendie de la cathédrale romane. L’église basse de cette cathédrale et sa façade sont épargnées ; la reconstruction est immédiatement entreprise.
Vers 1217 : la voûte est achevée, les chanoines prennent possession du chœur.
1260 : consécration solennelle peut-être en présence de Saint Louis. La cathédrale est placée sous le vocable de « Bienheureuse toujours vierge Marie de Chartres » (Dedicatio basilicae beatae semper virginis Mariae carnotensis).
1323 : édification de la chapelle Saint-Piat au chevet.
1507 – 1513 : élévation de la flèche du « clocher neuf » (nord).
1514 -1713 : réalisation de la clôture du chœur.
1520 : construction du pavillon de l’horloge à l’intérieur, au nord.
1594 : sacre de Henri IV. (==> Time Travel 27 février 1594, Sacre du roi Henry IV dans la cathédrale Notre-Dame de Chartres )
1836 : incendie de la charpente en bois et de sa couverture en plomb. Construction d’une charpente en fer et en fonte recouverte de plaques de cuivre.
1912 : conversion de Charles Péguy.
1914 – 1918 et 1939 – 1945 : les vitraux sont démontés, la cathédrale est indemne.
1979 : inscription de la cathédrale sur la liste du patrimoine mondiale de l’UNESCO.
Le premier sinistre qui frappa l'église de Chartres et dont les chroniques nous ont conservé le souvenir, eut lieu, dit Souchet, au chapitre 2 de son histoire manuscrite, sous le règne de Thierry second, roi de France, et pendant l'épiscopat de Flavius, .37e ou 39e évêque du diocèse.
La ville entière fut brûlée ainsi que son église, l'an 770. Le manuscrit de sa fondation, dans lequel il a puisé ce document, s'exprime ainsi : La première destruction Fut l'an de l'incarnation Sept cent soixante et dix.
Deux autres historiens, Pintard et Challine, témoignent de cet incendie dans leurs manuscrits.
Le second incendie arriva vers l'an 858, sous l'évêque Frobold, lors de la prise de la ville par les Normands sous la conduite de Byer, leur roi, dont les bandes étaient sous le commandement d'Hastings.
La plus grande partie des habitants furent massacrés, un grand nombre d'hommes, de femmes et d'enfants, qui croyaient trouver un asile certain dans l'église, y furent impitoyablement assassinés aux pieds des autels ; la ville et son église furent entièrement brûlées et dévastées.
Le troisième eut lieu sous l'évêque Hardouin, l'an 962 ou 973 Richard, duc de Normandie, étant en guerre depuis huit ou neuf ans avec Thibault-le-Tricheur, premier comte héréditaire de Chartres, vint fondre tout-à-coup sur la ville qu'il prit et réduisit en cendres ainsi que son église, qui fut promptement reconstruite de bois en majeure partie.
Teude ou Teudon, orfèvre architecte, qui, suivant un nécrologe de St.-Père, décéda le 18 des kalendes de janvier, l'an 991, le même qui fit en or la chasse qui renfermait la tunique de la Sainte Vierge, donnée par Charles-le-Chauve, fit le frontispice de l'église de Notre-Dame et coopéra à sa reconstruction; et l'on regarde comme certain, que les statues des rois et des reines qui ornent encore aujourd'hui la porte royale, lui appartiennent, et qu'elles y ont été rajustées dans le cours des grands travaux exécutés sous l'évêque Fulbert. Ce Teudon avait aussi décoré l'église de Saint-Père.
Le quatrième, qui dévora entièrement cette antique basilique, signala l'épiscopat du célèbre Fulbert, qui en occupait le siège, et commença la reconstruction de ce temple magnifique continué sous ses successeurs, et que nous admirons aujourd'hui encore.
Ce sinistre eut lieu le 7 septembre, veille de la Nativité de la Vierge, en l'an 1020. On pense généralement qu'il fut produit par le feu du ciel.
Cette église, qui n'était reconstruite en grande partie que de bois, fut complètement détruite. La Sainte Châsse, contenant la chemise de la Vierge, fut sauvée par des Chartrains qui, bravant la fureur des flammes pour l'enlever de dessus le maître-autel où elle reposait, la descendirent dans un souterrain pratiqué sous le sanctuaire, où ils se trouvèrent emprisonnés pendant trois jours. On les retira sains et saufs avec le précieux : dépôt qu'ils avaient ainsi conservé au péril de leurs vies.
Après ce désastre, Fulbert ayant conçu le projet de léguer à la postérité un monument durable, tracé sur un vaste plan, et construit avec une solidité capable de résister aux efforts du temps et des sinistres qui pourraient le frapper, fit un appel à la munificence des souverains de l'Europe et des princes particuliers de la France, qu'il invita à contribuer à l'élévation d'un temple si auguste.
D'abord il y employa les revenus de son évêché pendant trois a ans; à son exemple, Robert, roi de France, appelé le père de l’architecture religieuse et dont il était le chancelier; Kanut ou Canut-le-Grand, roi d'Angleterre et de Danemark ; Richard, duc de Normandie, beau-frère de ce dernier; Guillaume, duc d'Aquitaine; Eudes, comte de Chartres, et beaucoup d'autres princes et seigneurs y contribuèrent par de grandes largesses.
Le chapitre et le clergé du diocèse s'empressèrent de suivre un aussi noble exemple. Entraînés par ces grandes libéralités, les peuples des pays circonvoisins, rivalisant de zèle et de générosité, fournirent l'argent et les matériaux dont ils pouvaient disposer, ainsi que les vivres nécessaires à la multitude innombrable d'ouvriers qu'une telle construction exigea.
Cet immense travail fut poussé avec tant d'activité, que huit années suffirent pour en asseoir les énormes fondements et clore les voûtes des cryptes, puisqu'en 1028, Fulbert, qui mourut le 10 avril 1029, écrivit (1), entr'autres choses, à Guillaume, duc d'Aquitaine, qu'avec l'aide de Dieu et son assistance, il avait terminé les grottes de son église, qu'il espérait couvrir avant l'hiver, pour les garantir des effets des intempéries de cette saison rigoureuse. Le grand Fulbert laissa, par son testament, une forte somme d'argent pour continuer la reconstruction de son église, qu'il avait commencé à réédifier.
La dédicace de l'église (et l'on ne peut parler ici que de l'église souterraine ou des cryptes) fut faite, suivant une chronique de Maxence, le 17 mai ou 16 des kalendes de juin de l'an 1037, ou bien, d'après une chronique d'Angers, le 17 octobre ou 17 des kalendes de novembre même année (2).
Cet édifice fut continué avec la même activité par les successeurs de l'évêque Fulbert.
Au nécrologe de M. Leferon, chanoine, (que nous ne possédons plus) et qui existait dans le milieu du 17e siècle, on lisait : Le 8 des kalendes de janvier, mourut Jean, médecin, qui construisit, en argent, le siège ou reposoir des chasses (sur lequel on exposait, sur le maître-autel, les reliquaires) ; ce fut lui qui fit construire le vestibule (portique méridional) du côté droit, et qui présida à la confection de plusieurs autres travaux de cette église.
En marge était écrit : Le 8 des kalendes de janvier 1030, mourut le médecin Jean, natif de Chartres, médecin du roi Henri premier, lequel fit construire les voûtes de l'église.
A cette époque, un médecin réunissait plusieurs professions.
Cormier dit : Jean-le-Sourd, Chartrain, était le médecin de Henri 1er, fils du roi Robert, lequel, après la mort de son fils aîné Hugues, arrivée le 7 septembre 1023, s'associa Henri, son second fils, couronné à Reims le 4 mai 1027 ; et c'est à ce titre que Fulbert, dans sa 99e épitre, adressée au roi Robert, dit à ce monarque : Nous avons envoyé nos délégués au roi Henri votre fils. (==>Le sacre des Rois de France à Reims)
Ainsi donc, ce Jean-le-Sourd , Chartrain, fut l'architecte qui, sous le grand Fulbert, dut tracer et faire établir les immenses fondations de la cathédrale de Chartres, et diriger la construction des cryptes ainsi que la première partie de l'église supérieure, qui comprend les basses ailes et le portique méridional; l'ornementation en statues et bas-reliefs, dont il est singulièrement enrichi, ne put être exécutée que plus tard, c'est-à-dire dans le cours des 12e et 13e siècles, à cause du temps qu'exigeait un tel ouvrage, et du choix à faire des artistes qui en furent chargés.
Il paraît, d'après le nécrologe que nous venons de citer, que le roi Henri premier, qui mourut au mois d'août 1060, fit construire non-seulement les voûtes de l'apside, mais encore la grande voûte de l'église.
Si, comme on l'a toujours prétendu, la belle charpente en châtaignier de l'église de Chartres provenait des forêts du Danemark ou de la Norvège, ce qui paraît assez vraisemblable à cause de la beauté des bois dont elle était formée, elle ne put être due qu'à la munificence de Canut II, dit le Saint, second fils naturel de Suenon II, neveu de Canut-le-Grand. Ce prince, qui fut roi de Danemark en 1080, montra beaucoup de zèle pour la propagation de la foi dans ses états, et donna lui-même l'exemple de la plus sincère piété, fut égorgé dans une sédition, l'an 1086, dans l'église d'Odensée, où il s'était retranché.
Vers l'an 1088, un chanoine, prévôt de l'église (3), ayant trouvé en mauvais état la couverture provisoire du sanctuaire, abîmée par les intempéries, la fit faire en plomb, à ses frais, et placer au sommet de l'aiguille, qui en réunissait les 58 fermes, une girouette sous la forme d'un ange drapé, en cuivre doré, sur un noyau en bois, et tournant, sur un pivot en fer, au gré du vent qu'il indiquait de la main droite, tendue et armée d'une croix. On le nomma vulgairement l'ange Gabriel ou l'ange gardien.
Cet emblème religieux, véritable horoscope de la propagation de la foi chrétienne, en indiquant à tous les instants le point d'où le vent soufflait, semblait annoncer en même temps qu'il n'existait sur la terre aucune contrée qui fût inaccessible au salut du monde, que l'image du Christ placée en avant sur la pointe du pignon de la porte royale, enseignait aux peuples de la terre.
A la même époque, 1088, Mahault, femme de Guillaume-le-Bâtard, duc de Normandie, fit couvrir en plomb la charpente du chœur, du transept et de la grande nef (4). Toute cette première couverture fut peinte et parsemée de fleurs de lys d'or (5). (==>Histoire de la Tapisserie de Bayeux, la conquête de l’Angleterre, faite en 1066 par Guillaume le Conquérant)
Le même obituaire porte encore, sous la date des ides 7 septembre même année, qu'un roi d'Angleterre fit faire, pour le repos de l'âme d'Alix, sa fille, et établir au-dessus du chœur le petit clocher des nones (des bavardes ou bubillardes), qui comprenait six petites cloches (les commandes) que l'on sonnait pour avertir des offices, les chanoines, les chantres et les enfants de chœur. Cette Alix ne peut être qu'une fille (sans doute naturelle) de Guillaume II, dit le Roux, roi de la Grande-Bretagne, mort célibataire en 1100.
Un autre petit clocher percé à jour en forme de lanterne, appelé la grue, s'élevait au centre de la croisée, au-dessus du grand œillard par lequel on montait les bois, le plomb, et en général tous les matériaux nécessaires à la construction des combles et de la couverture de l'église.
Cette opération se faisait au moyen d'une machine architectonique, une grue. Le clocher qui remplaça cet instrument après la confection de la couverture, en conserva la dénomination, qui se perpétua par le double usage auquel il fut dans la suite consacré.
Le premier, c'est qu'on y établit un treuil, au moyen duquel on montait et descendait les cloches du petit clocher dont on vient de parler, ainsi que toutes les matières nécessaires aux réparations de la toiture. Le second, parce que, dominant toute la campagne, le chapitre y entretenait un guetteur pour avertir des incendies qui se manifestaient dans la ville, la banlieue et au loin, ainsi que l'approche des ennemis qui menaçaient la ville de quelque surprise, et que ce guetteur y faisait alors le pied de grue.
On y plaça également une crecelle dont le bruit avait pour objet d'annoncer les offices des jours de la semaine sainte, pendant lesquels le son des cloches était interdit; le peuple donna encore à cette crecelle le nom de grue.
En construisant ce vaste édifice au milieu des guerres et d'une tourmente incessante, l'architecte ne pouvait négliger les moyens d'une surveillance indispensable pour prévenir toute surprise et toute attaque de la part des ennemis, et ce fut dans ce but (nous dit une vieille chronique de l'église ) que les deux portiques du nord et du midi furent flanqués de deux tours carrées, percées à jour, qui s'élèvent à droite et à gauche, et dont deux, celles qui regardent les clochers, sont couronnées d'un parapet à hauteur de poitrine d'homme. On entretenait dans ces quatre tours ou guérites ( camenilœ ), quatre hommes armés qui, pendant toute la nuit, gardaient ainsi l'église et le cloître, dont les infracteurs de sa liberté étaient punis d'une amende de cent livres, valeur d'or, aux termes des privilèges royaux qui lui étaient accordés.
En avant de chaque portique, vers l'apside, et à peu de distance des premières, sont deux autres tours, carrées aussi, construites à jour et destinées au même usage; elles se terminent par des plates-formes entourées d'une balustrade.
Les quatre corps-de-garde qui fournissaient ces sentinelles nocturnes, étaient établis dans des chambres voûtées, dont l'entrée se trouve sous la galerie du pourtour intérieur de l'église, dans le voisinage de chacune de ces guérites. Ceux du midi se trouvent aujourd'hui occupés, l'un par le bureau du contremaître de M. Mignon, constructeur de la belle charpente en fer que nous devons à la générosité du gouvernement; et l'autre, par les peintres qui y ont établi leur atelier.
- Peu d'années après la mort de Fulbert et pendant la reconstruction de l'église sous l'épiscopat de Théodoric, successeur immédiat de ce prélat, la ville de Chartres fut encore consumée par le feu, l'an du Seigneur 1051. Les masses de pierres que cet édifice comprenait alors, ne reçurent aucune atteinte de ce fléau.
Saint Yves, l'un des plus grands évêques de l'église de Chartres, qui mourut le dimanche de l'Incarnation de l'an 1115, ajouta, pendant son épiscopat, à l'œuvre de Fulbert, un magnifique jubé, pulpitrum , qu'il avait érigé à ses dépens l'an 1099 , puis décoré d'une manière merveilleuse par une élégante architecture et des bas-reliefs dorés et peints de diverses couleurs, représentant les principaux faits de la vie de Jésus-Christ et de sa divine mère.
Ce bel ouvrage, conservé avec soin pendant plus de six siècles, fut détruit par ordre du chapitre, dans l'espace d'une nuit, le 25 avril 1763, lorsqu'il voulut changer la décoration du chœur, sous l'épiscopat de M. de Fleury.
L'an 1154, sous l'épiscopat de Godefroy ou Geoffroy, et sous le règne de Louis-le-Gros, la ville de Chartres fut encore la proie d'un vaste incendie qui respecta la cathédrale (reservata per Dei gratiam ecclesia). Mais dans ce désastre, la belle et vaste église du monastère de St.-Père fut détruite (corruit cum claustro ) ainsi que sa maison conventuelle qui n'offrit plus que des ruines.
A l'époque de ce désastre, Foucher, qui en était abbé, faisait partie de la première croisade dont il écrivit l'histoire; à son retour, il s'occupa de la reconstruction de son église dont il fit faire les voûtes de l'apside. Ce grand travail était en pleine activité en 1165.
Le pignon du grand portail occidental et les deux clochers, à la construction desquels on travaillait particulièrement depuis longtemps, ne furent achevés que vers le milieu du 12e siècle, puisqu'ils étaient encore en construction en 1145.
La pyramide, dite le clocher vieux, fut érigée en pierre telle que nous la voyons encore aujourd'hui ; dans la plus haute lucarne cintrée, celle qui regarde le clocher neuf, sur le côté droit, porte, gravé sur la pierre, le millésime 1114, et au-dessous le nom d'Adrien en grandes lettres, puis celui d'une autre personne, sans doute des ouvriers qui y travaillaient alors.
L'autre pyramide, nommée le clocher neuf, avant son rétablissement en pierre, était construite en bois et couverte en plomb, les moyens ayant probablement manqué alors pour la continuer en pierre sur la tour carrée destinée à la recevoir.
Sa hauteur pouvait être la même que celle du clocher vieux.
Un auteur du temps s'exprime ainsi sur le travail de ces deux pyramides : « Les hommes, qui d'abord avaient conduit dans des voitures, les pierres, les bois, les vivres, et beaucoup d'autres objets, à Chartres, dont les tours se construisaient alors, a commencèrent à transporter sur leurs épaules tous ces objets, pour hâter la reconstruction de l'église. Celui qui n'a pas vu ces choses n'en verra jamais de semblables, non-seulement sur a les mêmes lieux, mais même dans presque toute la France et la Normandie et dans beaucoup d'autres pays.
La perte de ce monument (l'église de Chartres) avait répandu partout la plus grande affliction ; et l'on croyait ne trouver la fin de tous ses maux et ne pouvoir sécher ses pleurs, qu'en coopérant de tous ses moyens à la reconstruction de ce temple ; les femmes même s'associaient à ces pénibles travaux (6).»
Sous l'épiscopat de Pierre de Mincy, qui mourut l'an du Seigneur 1286, la ville de Chartres fut encore entièrement consumée par le feu, excepté sa grande église (reservata majori ecclesia), mais celle de St-Aignan fut entièrement consumée et détruite (sed ardente ecclesia Sancti Aniani).
Le manuscrit qui nous transmet ces faits d'une grande importance pour l'histoire de notre église, en nous reproduisant, dans la majeure partie de son texte, ceux consacrés par le Livre noir qui a disparu, fut écrit par ordre du chapitre, sous le règne du roi Charles V, dit le Sage, fils aîné et successeur du roi Jean II. Il régna de 1364 à 1380.
Ce cartulaire précieux, remarquable par une exacte reproduction des faits les plus importants qui regardent l'église de Chartres, ne signale, de1134 à 1286, aucun sinistre dans la ville de Chartres, autre que ceux que nous venons de mentionner, et l'on ne doit pas raisonnablement supposer que l'auteur eût pu ou même voulu passer sous silence un fait aussi important qu'un incendie qui aurait détruit et fait crouler, en 1194, l'église construite par Fulbert et ses successeurs , monument si extraordinaire par la force de sa construction en pierres dures, qui dominait, par la hardiesse de son élévation, sur la crête de la montagne, toutes les maisons de la ville que le feu pouvait bien dévorer entièrement sans l'entamer, et qui avait été si habilement destiné à braver les orages des siècles et les sinistres des guerres dont on était continuellement menacé.
S'il fut tombé en ruines à l'époque indiquée, il aurait infailliblement entraîné dans sa chute immense, la destruction de ses deux admirables pyramides ; pourquoi alors le vieux clocher porte-t-il encore aujourd'hui le millésime de 1114 ? dans quel but cette réminiscence historique gravée par un ouvrier sur cette tour majestueuse ? puis il aurait été reconstruit aussitôt ; et pourquoi alors ce grand événement se serait-il trouvé indigne de quelques pages dans notre histoire locale? pourquoi, enfin, nos cartulaires seraient-ils restés muets sur un fait d'une si haute importance, qui devait faire la gloire des prélats qui auraient présidé à cet œuvre magnifique? la saine raison se refuse à le croire.
Quand nos cartulaires des 11e et 12e siècles constatent avec tant de rigueur tous les actes de la munificence des souverains, les largesses des princes et des seigneurs, et les pieuses et généreuses libéralités des peuples qui rivalisèrent de zèle et d'ardeur pour nous doter de ce chef-d'œuvre gothique ; pourquoi nos archives n'auraient-elles pas signalé, d'une part, ce grand sinistre, et de l'autre, l'immensité de sa perte et de sa destruction deux siècles après Fulbert ?
pourquoi n'aurait-on pas dit les noms de ceux qui coopérèrent à ce grand œuvre, et signalé les faits qui durent l'accompagner, ainsi que sa durée et les offrandes, en même temps que les sentiments de la douloureuse affliction inspirée par une perte de cette nature ? L'étrangeté d'une telle lacune fait reculer la froide raison devant sa supposition. Cet édifice admirable, dont Fulbert a posé les fondements, est donc resté immuable sur sa base, pour transmettre à la postérité le nom de son immortel auteur.
Cependant des historiens, respectables par leur érudition et une réputation justement méritée, ont-avancé, comme fait consommé, la destruction de la cathédrale de Chartres en 1194.
D'abord, Rigord le consacre dans une lettre écrite à Saint-Denis, à 99 lieues du théâtre de l'événement.
Ensuite, Guillaume de Neubrige, dit le Petit (7), attribue ce malheur aux dépouilles de l'église de St.-Taurin d'Evreux, enlevées sacrilègement, et transportées à Chartres où elles attirèrent la vengeance du ciel.
Puis, Guillaume-le-Breton (8), historien et poète célèbre, qui mourut après 1226, vante la magnificence incomparable de la reconstruction (après 1194) de ces voûtes miraculeuses, etc., de l'église de Chartres, dans les vers du 4e livre de sa Philippide.
Enfin Robert d'Auxerre ou de St.-Marien (9) (abbaye de l'ordre de Premontré, près cette ville) et qui florissait à la fin du douzième siècle, caractérise ce sinistre d'une manière plus détaillée.
« La cité des Carnutes, dit-il, populeuse, ornée d'édifices, fut dévastée par une combustion subite, et dans cet incendie, son église célèbre, dédiée à la mère de Dieu, fut totalement détruite avec le cloître qui ne présentèrent plus que des ruines, etc.»
Nous répondrons à ces objections, d'autant plus spécieuses qu'elles sont puisées dans les écrits d'auteurs graves et contemporains de l'époque supposée d'un tel sinistre, qu'il existe contre le fait qu'ils annoncent, un argument des plus forts : la preuve négative qui résulte du silence de nos cartulaires, si positifs et si exacts dans leurs documents historiques sur notre cathédrale, et particulièrement du silence absolu du Poème des Miracles de la Vierge à l'occasion de la reconstruction du temple de Marie , mis du latin en vers français par Jean Le Marchand, en 1202, sur l'invitation de l'évêque Mathieu, qui reçut le siège épiscopal la même année, sous le règne de St. Louis, et mourut l'an 1270.
Pourquoi le poète, qui traçait un poème de plus de 7,000 vers en l'honneur de la Vierge, et qui caractérisa tous les faits remarquables qui se passèrent lors de sa reconstruction, aurait-il omis un sinistre aussi grave et aussi récent, en même temps qu'une réédification aussi merveilleuse qui, à coup sûr, ne put s'opérer en 68 années qui s'écoulèrent de1194 à 1262, quand la construction commencée par Fulbert dura un siècle et demi, sans l'ornementation due à la statuaire? Serions-nous donc condamnés à déchirer la tradition importante consacrée à la dernière page du Poème des Miracles, composé par Jean Le Marchand en 1262, que l'auteur presque contemporain de l'incendie que l'on suppose être arrivé en 1194, et qui aurait été surtout le témoin inévitable de la reconstruction de la cathédrale, page dans laquelle il dit positivement que cette église est la même que Fulbert avait fait construire? Cette tradition ne donne-t-elle pas la solution la plus complète et la plus péremptoire de l'objection tirée des auteurs déjà cités ? Comment les deux pyramides auraient-elles résisté à une aussi épouvantable conflagration, pour nous conserver le millésime de 1114 ? Quel miracle aurait donc sauvé le beau jubé construit par S. Yves, en 1099, et quine fut détruit qu'en 1763.
Nos magnifiques vitraux, dont le caractère resté indélébile sous les efforts du temps, déposent d'une manière si incontestable de l'état de l'art admirable de la peinture sur verre du milieu du 12e au milieu du 15e siècle, tant par les légendes qu'ils consacrent, en même temps que par les personnages qui en ont fait hommage au temple de la Vierge, nous fournissent, d'accord avec les nécrologes de l'église, des preuves incontestables de l'époque de leur confection ; ils sont toujours là, ils frappent continuellement notre vue étonnée de tant de beauté.
Qu'on nous dise donc quelle puissance surnaturelle les aurait affranchis avec leur bel état de conservation dans l'écroulement de cet immense édifice; et cette basilique, si vaste dans ses développements, si magnifique dans son ensemble, se serait retrouvée reconstruite et élevée sur sa base première dans le court espace de 52 ans, c'est-à-dire de 11194 à 1226, pour fournir les inspirations des Philippides de Guillaume-le-Breton. Il n'y a pas moyen d'y songer, l'impossibilité est trop radicalement matérielle.
A l'époque où écrivaient ces auteurs, l'église de St.-Père ou de Saint-Pierre, détruite par l'incendie de 1154, était en reconstruction. L'abbé Foucher en fit faire le chœur, et les voûtes de la nef sont dues au moine Hilduart (10).
La structure de ce monument, tel que nous le voyons aujourd'hui, est d'une légèreté et d'une élégance admirables. C'est un type parfait de l'architecture ogivale. On y remarque encore des restes du genre roman de sa construction primitive, conservés dans les bas- côtés.
(Construction d'un château fort, la grue du Moyen Age Cage à écureuil )
Ce ne peut être qu'à ce beau travail que ces historiens ont fait allusion dans leurs documents historiques, et l'application de la dédicace de ce monument à la mère de Dieu., est sans contredit une erreur palpable, dans laquelle les renseignements sur lesquels ils ont écrit et qu'ils ont négligé de vérifier, les ont jetés.
Quant au millésime de 1194, placé en marge de ces articles dans le volume qui les comprend, il est encore hors de doute que les premiers éditeurs de leurs manuscrits se sont trompés, et qu'ils ont lu sur l'original 1194 au lieu de 1134, faute typographique si facile à commettre dans l'espèce. Il reste donc établi en fait, que la seule église importante dont la construction à Chartres pouvait se terminer à la fin du XIIe siècle, est celle de Saint-Pierre, qui, d'après les archives de ce monastère, était en reconstruction en 1165, époque à laquelle on y trouva le corps de St. Gildouin, évêque de Dôle qui, passant par Chartres, tomba malade et mourut dans cette abbaye où il fut inhumé dans le chœur de l'église, l'an 1077, le 27 de janvier. Le corps du saint personnage, enveloppé d'une dalmatique, d'une tunique et d'un cilice, fut trouvé dans un caveau voûté : il en fut retiré pour être renfermé dans un châsse avec les reliques d'autres saints qui étaient conservés dans cette église.
A ces preuves si concluantes, nous ajouterons encore celles qui résultent de la statuaire de nos portiques, des peintures de nos vitraux, et qui démontrent d'une manière irrécusable qu'ils sont encore aujourd'hui ceux-là même de l'église construite par Fulbert, puisqu'ils reproduisent des faits historiques d'une haute importance , qui se passèrent à l'époque ou à la suite immédiate de la reconstruction de l'ornementation de cet édifice, et antérieurement à 1194.
1.° L'ornementation des portiques de l'église de Fulbert était en pleine activité dès la fin du XIe siècle, époque du départ de la 1re croisade ; aussi consacre-t-elle dans la statuaire les faits majeurs qui se passèrent de 1096 à 1144, départ de la seconde puisqu'on remarque dans celui du nord, alors consacré à l'entrée solennelle des souverains, les statues de nos rois, de nos reines, de Thibault IV le Grand, comte de Chartres, qui accordèrent l'acte primordial de la liberté communale due à la sollicitation des évêques Geoffroy II et Gosselin II, dont les images s'y trouvent également au milieu des détails de ce grand drame politique.
Puis, le portique du midi comprend le complément de cette scène glorieuse, dans les statues des papes Honorius II et Innocent II, qui y coopérèrent. Ce dernier surtout, pendant le débat qui s'agitait à Rome sur sa nomination, séjournait alors à Chartres où il s'était retiré, et où il fut reconnu dans sa dignité par saint Bernard qui y prêchait la seconde croisade. Le pape Calixte, prédécesseur immédiat d'Honorius II, vint également à Chartres pendant ces grands travaux. Pourquoi encore sa statue ne se trouverait-elle pas au nombre de celles des souverains pontifes qui ornent ce portique, pour consacrer la mémoire de cet événement d'une haute importance?
Enfin, sous l'arcade du même portique, celle qui s'élève vers le clocher vieux, deux princes croisés se font remarquer à droite et à gauche. Ces deux statues représentent incontestablement, l'une le comte Etienne qui fit partie de la croisade de 1096, et la seconde qui est en regard, celle de Henri, fils de Thibault-le-Grand, lequel se croisa en 1144.
La consécration de ces glorieux souvenirs ne caractérise-t-elle pas toute la puissance de l'intérêt positif de l'époque à laquelle ils se passèrent, intérêt qui perdait toute son intensité un siècle plus tard, pour faire place à d'autres actes importants dont une reconstruction, reportée au XIIIe siècle, serait devenue le témoin ? des sentiments nouveaux, n'auraient-ils pas commandé alors impérieusement des souvenirs qui auraient consacré la mémoire des réparateurs de ce nouveau désastre? cette ornementation de nos portiques ne stigmatise-telle pas de nos jours encore, la suite immédiate et non interrompue des travaux de l'église dont Fulbert a posé les fondements en 1020, et qui furent continués par ses successeurs?
2.° Le caractère des belles peintures de nos vitraux, tous si évidemment exécutés de la fin du XIe siècle au commencement du XIIIe, n'offre-t-il pas encore la preuve la plus forte en faveur de la conservation de l'église de Fulbert, et ne repousse-t-il pas toute idée de la destruction de notre cathédrale dans un incendie qui serait arrivé en 1194, c'est-à-dire dans les dernières années du XIIe siècle? Comment concevoir que ces frêles matériaux qui forment une partie du grand tout, si admirable dans son ensemble, aient pu être sauvés au milieu d'un aussi épouvantable désastre? Quelle puissance les aurait détachés pour les conserver intacts au milieu d'un incendie subit et imprévu, qui aurait fait crouler cet immense édifice sur sa base ? Le caractère spécial de cette riche composition, qui ne peut être méconnu, n'est-il pas l'argument le plus fort en faveur de l'église de Fulbert?
Enfin, nos archives nous enseignent que toute cette brillante ornementation est due aux libéralités de personnages manquants dont elles donnent une partie des noms, tandis que l'autre se trouve écrite sur ces mêmes verrières avec quelques dates. Les donateurs de ces vitraux peints sont représentés au pied de chaque verrière, et on y voit dans le chœur Pierre Abailard à genoux, revêtu du l'habit monastique, faisant hommage à la Vierge de Chartres de la grande verrière qui le comprend, et cet homme célèbre, abbé de St.-Gildas, mourut en 1142.
En définitive, si nous admettons pour un instant le fait de la destruction en 1194 de la grande église de Chartres, sur lequel l'exactitude de nos archives garde le silence le plus absolu, et qui n'est annoncé que par des écrivains étrangers à notre pays, nous voyons évidemment qu'il n'est pas possible d'en accorder la reconstruction, qui ne pouvait se terminer, d'après les documents de la première, qu'avec le XIIIe siècle, et permettre seulement à partir de cette époque qui commençait avec le XIVe, la confection de nos verrières peintes, dont la symétrie s'accorde si parfaitement avec les baies destinées à les recevoir, puisque ces verrières portent le cachet irrécusable de l'enfance de l'art de la peinture sur verre aux XIe et XIIe siècles, et qui, au XIVe, se faisait déjà remarquer par des améliorations et de grands succès. Aurait-on été exhumer de la tombe les premiers peintres verriers auxquels sont dus ceux que nous admirons aujourd'hui ?
Cette supposition sortant des bornes de la raison, nous terminerons ici une discussion dont tous les éléments se trouvent épuisés. Il restera donc démontré que les auteurs, tout graves qu'ils soient, qui ont annoncé la destruction de la cathédrale de Chartres dans un incendie arrivé en 1194, ont commis une double erreur de fait; d'une part, parce qu'il n'y eut pas de sinistre en cette année; de l'autre, parce que cette église est encore celle de Fulbert avec son ornementation du XIIe siècle.
L'erreur grave commise par ces historiens, ne peut se comprendre et s'expliquer que par la confusion qu'ils ont faite de l'église dédiée à la Vierge avec celle du monastère de St.-Père, qui, détruite entièrement avec sa maison conventuelle dans l'incendie de 1164, se trouvait en pleine reconstruction en 1165, époque à laquelle ils vivaient, ils écrivaient. Cette question ne peut faire maintenant aucun doute.
Que résulte-t-il en définitive de cette dissertation ? c'est qu'il y a une erreur étrange dans l'énoncé des historiens que nous venons de citer, et que bien certainement ils n'ont rien vu de leurs propres yeux, ils ne se sont point assurés d'un fait dont une renommée mensongère est venue frapper leurs oreilles; à cette époque si éloignée, la correspondance était presque nulle et en partie toute orale. Puis, arrêtons-nous à celle du dernier sinistre ; nous avons des milliers de journaux, tous plus inexacts les uns que les autres ; comment ont-ils rendu compte des résultats de l'incendie de 856? les uns détruisaient totalement notre basilique ; d'autres, non moins ridicules et qui disaient l'avoir vu de leurs propres yeux, faisaient imprimer sur leur parole (11), que sur le parvis, le métal et le plomb fondus coulaient comme l'eau sur le pavé par un jour de pluie d'orage; et voilà pourtant comme de nos jours on écrit l'histoire; tandis que le métal des cloches mis en fusion, resta prisonnier sur la voûte du clocher ; seulement deux morceaux des cloches et un battant furent projetés au dehors.
Quant au plomb fondu, il coula naturellement dans les hottes de la grande voûte, où il forma des masses qui en furent extraites après l'extinction du feu. Si de nos jours on a osé écrire de pareilles niaiseries, pourquoi ne pardonnerions-nous pas l'erreur dans laquelle ont été induits des auteurs graves, qui, voulant transmettre à la postérité un grand sinistre dont on leur avait parlé avec plus que de la légèreté, se laissèrent facilement entraîner par les mouvements indiscrets de leur imagination toute poétique?
Si nous abordons le 14e siècle , nous lisons (12) qu'en l'année 1395, la pointe du clocher vieux , bâti de pierres, dégradée par les injures du temps, fut démolie d'environ 20 pieds au-dessous de la pomme et reconstruite à neuf. L'année suivante on y ajouta des cercles de fer.
Le cinquième incendie de l'église de Chartres arriva le 26 juillet 1506, le jour de Ste. Anne, sur les 7 à 8 heures du soir (13). La foudre frappa et incendia la pointe du clocher en bois et couvert en plomb qui reposait sur la plate-forme carrée construite en pierres dures, et qui s'élève un peu au-dessus du niveau du comble de l'église, à gauche de la porte royale. Le feu s'allumant dès le haut et descendant peu à peu, ne tarda pas à consumer la charpente entière de cette flèche. Les six cloches qu'elle renfermait furent fondues, et toute cette construction, jusqu'à la plate-forme de la tour, devint la proie des flammes. Le comble entier de l'édifice eût subi infailliblement le même désastre, si l'on n'eût coupé promptement huit chevrons de la couverture que le feu avait atteint, et dont il avait déjà consumé douze ou quatorze fermes au-delà de l'espace compris entre les deux clochers.
Le feu continua de dévorer tout ce qu'il avait atteint, jusqu'au lendemain 27 vers midi, que, faute d'aliment, perdant graduellement de son intensité, il fut éteint par l'efficacité des secours rapides ordonnés et dirigés par messieurs du chapitre, grandement secondés par le zèle et l'activité des habitants, sur pied toute la nuit et partie du lendemain.
La violence du feu fut si grande, qu'il calcina, torréfia la plate-forme et toute la partie intérieure de cette tour jusqu'à la première voûte, qui était alors la seule qui fermât le clocher au-dessus de l'entrée des cryptes. Les murs de cette partie, qui fut réparée intérieurement, portent encore des traces frappantes de ce sinistre.
On les renforça de contre-forts et doubla de murailles sur lesquelles reposent les deux voûtes intermédiaires, au-dessus desquelles la sonnerie est établie. Un travail semblable exécuté dans le clocher vieux pour le conforter à la même hauteur, cachait également les traces du même sinistre qui en détruisit probablement sa vieille charpente. La désolation fut à son comble. On redoutait un embrasement général et on sauvait du temple les objets précieux qu'il renfermait ; la sainte châsse, les reliques, le grand crucifix en vermeil du poids de 80 marcs, placé sur le jubé, en face de la nef, et que l'on avait descendu, furent mis à l'abri de tout danger.
Au moment où cette calamité vint accabler la ville et le diocèse de Chartres, René d'Illiers, qui en occupait le siège, se trouvait absent : son retour fut aussi prompt que le danger avait été grand. Convaincu que toutes les précautions humaines auraient été insuffisantes pour préserver de l'embrasement le reste de l'église, dont la conservation ne pouvait être due qu'à une divine protection, le chapitre, voulant en rendre grâces à Dieu, ordonna le samedi 1er août, que le .lendemain il serait fait à l'église de St.-Père une procession générale, où la sainte châsse serait portée par l'évêque et par les dignitaires et chanoines de la cathédrale.
Louis XII, sur une requête qui lui fut présentée par M. de Mainterne, chancelier de l'église, donna, par lettres patentes signées à Blois en 1506, la somme de 2,000 livres à prendre sur les tailles en cinq années, à raison de 400 livres par an, pour la reconstruction en pierres de cette pyramide.
L'évêque René d'Illiers fit commencer de suite la reconstruction de cette partie de son église, et donna en mourant une somme considérable d'or et d'argent consacrée à cet objet ; il termina ses jours le 6 du mois d'août 1507, et fut enterré dans le chœur de l'église de St.-Cheron.
La reconstruction de ce clocher en pierre tendre de St.-Leu fut confiée à Jean Texier dit de Beausse, habile architecte, qui en posa la première pierre le 24 mars 1507, et termina ce bel ouvrage en 1514.
Il donna à cette pyramide en pierre plus d'élévation que n'en avait la première, et lui imprima, par la hardiesse gracieuse de sa forme, un caractère de légèreté qui la rend admirable. Jean de Beausse traça son nom et l'époque de son œuvre, sur un listel dans sa belle ornementation de la face du nord-ouest ; il gagnait par jour sept sous six deniers, et ses compagnons cinq sous.
En 1510, sous l'épiscopat d'Evrard de la Marc , fut fondu le premier et le plus gros bourdon, qui portait le nom de Marie.
En l'an 1514, Jean de Beausse commença la reconstruction du tour du chœur, où sont sculptés admirablement toutes les situations de la vie de Jésus-Christ et de sa mère ; les figures des premières niches du côté de la sacristie sont dues à son habile ciseau dont elles portent le véritable caractère. Toutes les modernes de cette architecture légère furent terminées en 1539 (14).
Sa journée pour cette partie, fut fixée à 7 sous 6 deniers ; ses ouvriers étaient payés 5 sous. Ce travail si précieux fut continué par Thibault Boudin, vers 1612, et parachevé par d'autres sculpteurs qui y travaillèrent encore en 1706.
Pour consacrer la mémoire d'un événement aussi important, on incrusta dans le mur de la chambre de la sonnerie, une pierre qui s'y voit encore, et sur laquelle on lit les vers suivants :
Je fu jadis de plomb et bois construict,
Grand , haut et beau, de somptueux ouvrage,
Jusqu'à ce que tonnerre et orage
M'ha consommé, dégasté et destruict.
Le jour sainte Anne, vers six heures de nuict,
En l'an compté mil cinq cent et six ;
Je fu bruslé, démoli et recuit,
Et avec moi de grosses cloches six.
Après messieurs en plein chapitre assis,
Ont ordonné de pierre me refaire,
A grandes voûtes et piliers bien massifs,
Par Jean de Beaulse ouvrier qui le seut faire-
L'an dessus dict, après pour me refaire,
Firent asseoir le vingt-quatriesme jour
Du mois de mars, pour le premier affaire,
Première pierre et autre sans séjour.
En apuril, huictiesme jour exprès
René d'Illiers, évesque de renom,
Perdit la vie, au lieu duquel après
Fut Erard mis par postulation.
En ce temps-là qu'avais nécessité
Avait des gens qui pour moi lors veilloient :
Du bon du cœur, fust hiver ou esté,
Dieu leur pardoint car pour lui travailloient.
1508.
Ce clocher qui contenait six cloches, percé, sur deux étages, de seize croisées au-dessus de la voûte inférieure de la chambre de la sonnerie, comprend au-dessus de ce grand vide, une lanterne ou êchauguette (15) destinée à recevoir le timbre de l'horloge ou cloche du guet, qui y fut placée en 1520, époque de la construction du petit bâtiment de l'horloge, qui s'élève au pied du même clocher. L'ancienne cloche du timbre fut extraite du petit clocher de la grue, au centre de la croisée, puis cassée, rechargée et refondue le 25 septembre 1520. Son poids actuel est de 10 milliers. En l'érigeant ainsi sur un point plus élevé, elle offrit plus d'avantages au service des deux guetteurs qui y sont toujours entretenus.
Un quart de siècle venait à peine de s'écouler, que déjà la veille de St. Pierre, l'an 1539, il se trouva atteint par la foudre, sans toutefois lui causer un grave dommage ; seulement la croix, haute de 15 ou 16 pieds, revêtue de lames de cuivre doré ainsi que la pomme, devinrent noires comme du charbon.
La croix fut descendue pour la dorer de nouveau, et sa hauteur réduite à moitié. La pomme qui lui sert de base, fixée au clocher au moyen de gros crampons, ne pouvant être descendue, fut redorée à neuf sur place (16).
Le 29 décembre 1529, mourut Jean Texier dit de Beausse, qui fut inhumé aux dépens du chapitre, dans l'église de St.André. Mais ses ouvriers, qui continuèrent la clôture du chœur jusqu'en 1559, y ayant pratiqué, dans le sanctuaire, une petite chambre du côté de l'évangile, pour recevoir la sainte châsse qui, jusque- là, avait été renfermée sous le dossier du grand autel, cette précieuse relique fut renfermée dès-lors dans le tabernacle qui lui avait été ainsi préparé. Elle y resta déposée jusqu'en 1608, époque à laquelle Marie de Médicis, femme d'Henri IV, fit construire à ses frais un dôme en bois doré, destiné au même objet, et qui fut placé au côté droit de l'autel; il coûta 1,100 livres. Cet ouvrage, confié à un nommé Toussaint, de St.-Jean de Chartres, menuisier à Paris, fut achevé de dorer le 17 mai 1611.
Le dernier jour d'octobre 1621, la même reine, venue en dévotion à Chartres, donna à la cathédrale une lampe d'or du plus riche travail et d'une valeur de 20,000 livres, pour être suspendue en face du dôme dû à sa munificence. Cet objet précieux fut volé en 1690 par un orfèvre de Chartres, qui fut condamné à être pendu.
Le mardi 15 juin 1573, le tonnerre tomba, vers les 4 heures du soir, sur le clocher neuf, dans lequel il pénétra et séjourna quelques instants, puis en sortit avec un bruit épouvantable, n'y laissant qu'une fumée épaisse sans causer aucun dommage.
Le sixième incendie se manifesta le jeudi 15 novembre 1674 : le feu prit dans la chambre des guetteurs au clocher neuf, par l'imprudence de l'un d'eux, nommé Jeandrin ou Gendrin, qui, s'amusant à lire dans son lit, laissa tomber sa chandelle allumée sur sa paillasse, qui s'enflamma et incendia l'intérieur de cette chambre, garnie de quelques meubles en bois. Le danger était d'autant plus grand, qu'il était difficile d'aborder le siège du feu par un escalier étroit et rempli de fumée, et déjà la charpente du beffroi de l'horloge commençait à brûler, quand arrivèrent les secours provoqués par les deux malheureux guetteurs, qui étaient allés prévenir les deux marguilliers qui couchaient à l'intérieur de l'église.
Un ouvrier couvreur plus intrépide que les autres, Claude Gauthier, dit Lachaume, pénétra dans cette chambre malgré la fumée, en brisant avec son marteau la porte à moitié brûlée. Une fois entré, armé d'une échelle de corde, après s'être fait jour avec une hardiesse inouïe, il fournit à ceux qui s'étaient portés à la galerie extérieure, en forme de couronne, les moyens de lui donner de l'eau, avec laquelle, après deux heures de travail, il parvint à se rendre maître du feu qui, sans lui, aurait causé le plus horrible dégât en se communiquant à la charpente de la sonnerie, puis à celle de l'église, qu'il sauva ainsi d'un grand désastre auquel elle ne pouvait échapper.
Le chapitre, tant pour conserver la mémoire de cet événement que pour exciter la vigilance et le soin des guetteurs, fit placer dans la chambre de ces derniers une inscription gravée sur une pierre fixée au mur :
Ob vindicatam singulari Dei munere
Et a flammis illaesam hanc pyramidem;
Anno 1674, 15 decembris per incuriam
Vigilium, hic excitato ac satim extincto incendio
Tanti beneficii memores solemni pompa,
Gratiis Deo prius per solutis Decanus
Et capitulum Carnotense hoc posteritati
Monumentum posuere.
Le chapitre fait réparer, en 1680, les pointes des deux clochers.
1° Celle du clocher vieux endommagée depuis cent ans et plus.
La pointe du clocher vieux, tant de fois frappée par la foudre, se trouvait dans un état alarmant de dégradation, et menaçait ruine, tant par la destruction des pierres brisées qui la forçaient à s'incliner, que par la grande fissure pratiquée depuis des siècles dans la hauteur du cône.
Le 11 juillet 1680, par ordre du chapitre, le nommé Mathurin Bernier, plombier et couvreur de l'œuvre, en fit la visite au moyen de la corde à nœuds attachée à la croix; il constata scrupuleusement le dégât et indiqua les moyens de réparation.
Après avoir bien examiné son rapport, on chercha des gens pour exécuter les travaux qu'il comprenait. Le maçon de l'œuvre, nommé maître Simon, se faisant un point d'honneur de ne pas laisser passer l'ouvrage en d'autres mains que les siennes, dit qu'il en viendrait bien à bout ; mais , soit qu'il ne fût pas accoutumé de travailler à une telle élévation, et qu'il se trouvât saisi de frayeur en mesurant des yeux la profondeur de l'abîme au-dessus duquel il se vit suspendu; soit enfin que l'attaque subite de quelqu'infirmité l'ait frappé instantanément lorsqu'il posa le pied sur son échafaud , il éprouva un si grand tremblement dans tout son corps à l'instant où il sortit par la lucarne percée au-dessous de la pomme, qu'il fut contraint de se retirer. Il fallut le descendre pour le mettre au lit, d'où il ne se releva pas.
Dans ces entrefaites, le couvreur Bernier, homme hardi et autant habile dans la maçonnerie que dans la plomberie, se présenta et offrit de remettre cette pointe dans son premier état. Sa proposition fut acceptée, et le chapitre lui fournit toutes les choses nécessaires à cet effet.
Toutes les pierres de réparation furent montées à l'intérieur du cône et passées par la lucarne; on arrêta les cordons avec les crampons et des arcs de fer, les scellements furent faits en plomb.
Ce bel et dangereux ouvrage fut exécuté si exactement et avec tant de célérité, sous la surveillance de MM. les commis à J'œuvre qui le visitaient souvent, qu'il n'exigea que vingt-sept jours d'un travail peu coûteux : tandis que, vingt ans auparavant, des entrepreneurs de Paris, venus exprès, avaient demandé vingt mille livres pour s'en charger.
Ensuite on enleva les crampons qui existaient le long de la pyramide au-dessous de la lucarne, et l'on ne laissa subsister que ceux qui se trouvent au-dessus et scellés sur les branches de fer qui descendent de la pomme ; ils sont au nombre de vingt-six.
2.° Réparation de la pointe du clocher neuf, en la même année 1680.
Pendant que l'on travaillait à la pointe du clocher vieux, lei ouvriers s'aperçurent que la chappe de plomb qui enveloppait la pointe du clocher neuf, se laissait aller et ne tenait plus aux agrafes qui la fixaient. On en fit la visite après avoir terminé l'ouvrage du clocher vieux, et l'on reconnut qu'elle était sur le point de quitter, et que les soudures en ayant manqué, principalement du côté des grands vents, il était tombé entre elle et le clocher, de l'eau qui avait beaucoup gâté la pierre; ce qui obligea de faire une nouvelle chappe plus grande et sans soudure, ou bien très-légère, ou à bourrelets bien joints, bien rabattus et tournés. On trouva aussi que plusieurs pierres des cordons étaient éclatées et prêtes à tomber, on les arrêta avec des crampons et colliers.
Pour poser la nouvelle chappe de six pieds de hauteur et fort pesante, on établit à la pointe du clocher un échafaud en forme de hotte renversée. On rétablit en même temps les bras de la croix en ressoudant les lames de cuivre dont ils étaient revêtus.
On fit aussi un grand cercle de fer qui entoura le bas de la virole de la pomme, qui se trouva toute écartée, et dont quelques morceaux même étaient prêts à tomber. La verge de fer qui portait le croissant était tellement mangée de rouille, qu'il fallut la supprimer et la remplacer par une autre ; mais au lieu de la surmonter du croissant, on réserva celui-ci pour le clocher vieux, qui n'avait plus de girouette depuis que le haut de sa croix avait été emporté par un coup de tonnerre.
On fit faire au moyen de deux plaques de cuivre embouties, du poids de cinquante-six livres, un soleil à double face, de cinq pieds de diamètre; il fut mis sur la verge qui le portait, au moyen d'une écoperche surmontée d'une poulie, et attachée à la croix qu'elle surpassait de 10 à 12 pieds. Le croissant que l'on fit dorer en même temps que le soleil, fut placé sur le clocher vieux au moyen d'une douille à queue, dans laquelle entra le bout de la croix cassée par la foudre.
Ce travail important fut exécuté par quatre ouvriers seulement, savoir : Bernier, un compagnon, un manœuvre et un tailleur de pierres. Bernier gagnait 20 sous par jour, son compagnon et le manœuvre 12 sous, et le tailleur de pierres 15 sous. Mais attendu qu'ils furent les uns et les autres fort actifs et n'appréhendèrent pas le péril, MM. les commis à l'œuvre leur donnèrent outre leur gages ordinaires, le double des journées qu'ils avaient employées dans ces opérations, autant dangereuses qu'habilement exécutées.
Depuis les grandes réparations faites en 1680 à la pointe des deux clochers, le chapitre n'avait cessé d'être alarmé par la crainte d'un incendie de l'église, par suite des orages violents dont les pyramides étaient continuellement frappées. Sa vive et juste sollicitude détermina MM. de l'œuvre à aviser aux moyens conservateurs les plus sûrs et les plus puissants.
Un mécanicien hydraulique consulté, proposa le projet suivant, le 16 octobre 1683 :
1. ° Il sera établi quatre réservoirs d'eau sur les quatre plateformes des tours qui flanquent les deux extrémités des bras de la croisée au nord et au midi.
2.° Quatre réservoirs dans le vieux clocher.
5.° Sept réservoirs dans le clocher neuf.
4.° Cinq pompes pour élever l'eau dans les deux clochers, c'est-à-dire, dans le vieux clocher, une pour l'élever jusqu'à la charpente où sont les deux bourdons (le troisième n'ayant pas encore été fondu) , et quatre autres pompes dans le clocher neuf pour l'élever jusqu'à l'horloge.
Premier réservoir sur la première plate-forme du côté du clocher neuf La dimension de ce réservoir sera de dix-neuf sur quinze pieds en largeur et de cinq pieds en profondeur, et comprendra soixante-six pieds de développement.
Seconde plate-forme du côté du clocher neuf.
Ce réservoir dont la dimension en largeur sera de dix-neuf sur seize pieds et cinq pieds de profondeur, produira soixante-neuf pieds et demi dans son développement.
Troisième plate-forme du côté du vieux clocher.
Le réservoir qui y sera établi aura dix-huit sur seize pieds, et produira un développement de soixante-trois pieds et demi.
Quatrième plate-forme du côté du vieux clocher.
Il y sera également établi un réservoir de dix-neuf pieds sur seize de largeur et cinq pieds de profondeur ; son développement sera de soixante-cinq pieds.
La formation de ces quatre réservoirs en cuivre rouge, comprendra deux cent quarante tables d'une valeur totale de sept mille deux cent vingt livres. La dépense des quatre réservoirs à établir dans le vieux clocher, comprenant cinquante-six tables de cuivre rouge, coûtera seize cent quatre-vingt livres.
Celle des sept réservoirs à établir dans le clocher neuf, de la même manière, exigera l'emploi de quatre-vingt-dix tables du même cuivre et exigera une dépense de deux mille cinq cent soixante livres.
La soudure de ces cuivres coûtera douze cents livres.
Les cinq corps de pompes en cuivre, aspirantes et foulantes à double corps avec leurs colliers ou liens en fonte, tuyaux en cuivre rouge de trois pouces de diamètre, robinets et becs, couteront en somme deux mille livres.
La dépense totale sera de quatorze mille six cent soixante livres.
Le complément de l'exécution de ce projet exige l'ouverture de deux portes ou lucarnes joignant les encoignures des deux clochers; elles seront percées dans la couverture de l'église et auront pour objet, en cas d'incendie, de faciliter plus promptement les secours. En dedans de la charpente de l'église, une galerie avec une balustrade communiquera d'une porte à l'autre, afin d'aller plus facilement aux deux clochers.
Ce projet si salutaire était en discussion et devait être exécuté, lorsqu'un violent ouragan nécessita les nouvelles réparations qui furent faites aux deux pyramides en 1691.
Nouvelle réparation du clocher neuf en 1691.
Dix ans à peine s'étaient écoulés depuis les réparations importantes que nous venons de signaler, lorsque le 12 octobre 1690 un vent furieux mêlé de pluie, qui s'était élevé surtout dans la Beauce, ébranla si fort la pointe du clocher neuf, qu'il la fit courber à douze pieds au-dessous de la pomme ; quelques pierres s'étant détachées , et la charge supérieure qui se trouvait alors en porte à faux perdant son centre de gravité, les joints d'assemblage s'entr'ouvrirent. Dans cet état de choses, le poids énorme du soleil qui surmontait la pointe entraînait nécessairement la chute du sommet de la flèche, sans la résistance que lui opposèrent et la tige de la croix de fer qui la traverse et l'échelle de fer dont elle est flanquée au dehors. On se hâta donc de la faire démolir pour prévenir ce danger imminent.
Ces travaux importants furent entrepris et commencés l'année suivante 1691, par Claude Auge, sculpteur lyonnais, qui rétablit en pierre de Vernon cette pyramide dont il augmenta la hauteur de quatre pieds. Pour donner plus de solidité à cet ouvrage, il reprit et reposa les assises de plus de vingt pieds au-dessous de la fracture, rebâtit à neuf le haut qu'il liaisonna par des pierres emboitées les unes dans les autres à queue d'aronde, et fortifiées par des barres de fer qui traversent l'ouvrage d'espace en espace.
Le même Augé lit les moules et conduisit la fonte d'un vase en bronze qui remplace la pomme à six pans qui formait antérieurement la base de la croix du clocher. Ce vase, coûté en trois parties qui s'emboîtent avec une grande justesse et furent soudées ensemble, est garni extérieurement de serpents entrelacés : il porte cinq pieds et demi de hauteur sur deux et demi de diamètre. Il pèse neuf cent soixante-seize livres, compris le fer qui y est enfermé ; il est garni au-dedans d'une cage de gros barreaux de fer pour maintenir les huit barres qui serrent la pointe du clocher, puis traversant le vase, vont se lier par des crampons à l'arbre de la croix. Cet arbre est enté et scelle en plomb sur celui qui pénètre tout le plein de la pointe du clocher.
La croix, garnie à ses extrémités de trois pommes dorées, a huit pieds de hauteur sur cinq de largeur, et la verge qui portait le soleil servant de girouette , et réduit à quatre pieds de diamètre, afin de lui donner moins de prise aux vents , porte trois pieds et demi de hauteur.
Le vase et la croix, scellés en plomb, furent poses et le reste de l'ouvrage se trouva terminé le 8 août 1692. Ensuite le vase et les serpents enlacés qui l'entourent furent dorés à l'huile. Sur la doncine de la gorge du vase on a tracé en caractère en relief l'inscription suivante :
» Olim lignea, tecta plumbo, decocta, tacta , deflagrata, anno 1506 , ad sex pedes 62 opere lapideo educta statit ad annum1690, quo curvata ventorum vi, ac penè dejecta, sed in sequenti anno 1691 , pari mense, die propè pari 4 , refecta jussu capituli, D. Henrico Goault, Decano, cura Roberti D. Salornay, canonici ; arte Claudii Auge Lugdunensis conferente in sumptu mille libras, Philippo Goupil, Clerico fabricœ. Altuin nubibus infert culmen, quod faxit Deus esse diuturnum ».
L'échafaud construit pour cette pointe du clocher était à neuf étages et avait de hauteur plus de cinquante pieds. Il était composé de chevrons et de soliveaux enclavés les uns dans les autres et arrêtés avec des chevilles de fer. Son assemblage était si juste et si solide qu'il n'éprouva aucun effort sous la charge de 10 à 11 milliers qu'il subit tout à-la-fois par le poids des démolitions et des pierres neuves dont il fut chargé pendant le cours de cette reconstruction.
La belle facture de cette cage aérienne qui dans sa hardiesse embrassait tout le contour de la flèche, avec tant de solidité et à une telle hauteur, excita l'admiration autant que la surprise des contemporains.
La démolition de la pointe de ce clocher dévoila un phénomène minéralogique singulier, curieux et intéressant, dans plusieurs morceaux de rouille épaisse, ou croûte ferrugineuse, que l'on trouva dans l'intérieur de la maçonnerie qui enveloppait la tige de fer de la croix, dans l'interstice qui la séparait de la pierre de Saint-Leu qui la couvrait. Cette substance, produit d'un amalgame de partie d'oxide de fer et de sels émanés d'une dissolution de la pierre , et avec lesquels il fut mis en contact, en fermentation par le séjour prolongé des eaux pluviales infiltrées, s'était ainsi formée par la succession du temps qui lui avait donné toutes les qualités de l'aimant le plus parfait et le plus fort que l'on pourrait extraire des minières.
Cette découverte précieuse pour les sciences physiques est due aux savantes observations d'un M. Cassegrain, chirurgien à Chartres, qui, se trouvant au haut du clocher avec l'entrepreneur des travaux, recueillit certains morceaux de cette rouille dont la barre de fer était cernée, et en partie adhérents encore à des pierres. Il reconnut qu'ils avaient la nature, la couleur, le poids et la vertu de l'aimant, spécialement, surtout, quant à ceux qui séjournaient au nord; les autres parties trouvées à l'exposition des autres points de l'horizon se trouvant privées presqu'entièrement de cette propriété.
Le bruit de cet événement s'étant répandu, M. Pintard , échevin de la ville de Chartres, s'en procura quelques morceaux qu'il envoya à Paris , dès le 19 juillet 1691 , à M. Félibiendes-Avaux, qui s'empressa de les soumettre à l'examen de MM. de l'académie royale des sciences. Là, ils devinrent l'objet d'une étude particulière, tant sous le rapport de l'analyse que sous celui de comparaison des propriétés de cette substance métallique avec celles reconnues dans le meilleur aimant de minières, et l'expérience démontra, par ses résultats, qu'elle en réunissait toutes les qualités et toute la force. La description en fut consignée dans les registres de l'académie, qui chargea M. Lahire d'en faire insérer un extrait dans le Journal des Savants, où il se trouve compris sous la date du 5 décembre 1691.
M. l'abbé de Vallemont, prêtre et docteur en théologie, homme distingué dans les sciences physiques, s'étant emparé de cette question importante , donna , dans le temps, un traité intéressant sur la formation et la nature de l'aimant trouvé à la pointe du clocher neuf de Notre-Dame de Chartres, et fit connaître que l'exemple de cette transmutation d'un métal , tel que le fer, en une véritable pierre d'aimant, sur le sommet des édifices élevés et exposés à la fureur des tempêtes et des orages, n'était pas nouveau et spécial pour les pyramides chartraines ; puisque Philippe Costa , de Mantoue, témoigne le premier qu'un M. Jules César, chirurgien, examinant une barre de fer soutenant depuis longtemps un ornement en brique, au haut du clocher des Augustins de cette ville, et qui avait été courbée par la violence du vent et remise ensuite à un forgeron chargé de la redresser , reconnut qu'elle ressemblait à de l'aimant et qu'elle attirait le fer; enfin, que le célèbre Gassendi parle d'un aimant semblable, et découvert de la même manière au pied de la croix de fer du clocher d'Aix, frappée et abattue par la foudre en 1634. La partie inférieure de cette croix, scellée dans la pierre, se trouva enveloppée d'une couche de rouille ou croûte ferrugineuse qui attirait le fer, comme fait le meilleur aimant.
Ainsi donc, trois faits incontestables concourent à démontrer ce phénomène aérien, cette métamorphose du fer en pierre d'aimant, la première par son contact avec la brique, et les deux dernières par ses affinités avec la pierre, déterminées par le secours et le séjour prolongé des eaux pluviales. Enfin, on ne peut s'empêcher de remarquer que la première et la dernière de ces trois découvertes faites à la suite des orages violents, sont dues à de savants chirurgiens.
Nous pénétrons dans le milieu du 18.c siècle, époque si funeste aux beaux-arts arrivés à l'apogée de la décadence pour se régénérer plus tard sous les auspices des Julien et des Moitte, véritables restaurateurs de l'art statuaire en France.
Le chapitre de Notre-Dame, entraîné par le faux goût qui dominait alors, décide que le magnifique jubé dont Saint Yves avait si noblement enrichi l'église de Chartres à la fin du IIe siècle, sera démoli, sous le prétexte apparent de vétusté, pour être remplacé par une grille.
Pour éviter les entraves et l'opposition qu'il redoutait de la part des anciens chanoines qui voulaient sa conservation, on fait secrètement un forfait avec un entrepreneur (M. Morin), qui se chargea de faire exécuter, dans 10 heures de nuit, cette œuvre si honteuse pour ceux qui l'ordonnaient.
L'opération commence le 25 avril 1765, à 10 heures du soir, et le lendemain, à 5 heures du matin, cet ouvrage admirable avait disparu entièrement sous le marteau des démolisseurs qui n'avaient pas laissé pierre sur pierre. Les grandes voûtes des cryptes en recélèrent les pénibles débris qui plus tard furent employés en remblai et en pavage du sol même qu'il avait décoré pendant 664 ans.
La brèche est faite, l'ignorance envahit le chœur et sans respect pour le Saint des saints, des stucateurs y brisent sans respect cette précieuse harmonie de notre vieille gloire gothique, qui se trouve déshéritée en 1766 de cet ensemble si pur et si parfait que nous avait légué la piété de nos pères.
Heureusement que pour fasciner les yeux sur cette pitoyable mutilation, l'académicien Bridan vint poser, en 1773, ce beau groupe de marbre, chef-d'œuvre de majesté, qu'il éleva en l'honneur de la mère de Dieu, et dont l'effet si grandiose dans cette admirable basilique console sur les défauts que les beaux-arts peuvent reprocher au statuaire. Nous ne parlerons pas des huit bas-reliefs en marbre qu'il y fit sculpter par des artistes qu'il avait amenés de Carrare, où il passa près de deux ans, pour faire son choix et ébaucher les blocs dont tout cet ensemble se compose. Ces bas-reliefs ont toujours été reconnus comme un ouvrage de mauvais goût et un objet manqué.
Nous avons pris le monument à son origine, en traçant l'historique des phases du développement des richesses dont la munificence des souverains et la piété des peuples se sont empressés de le doter; nous avons jalonné à travers les siècles traversés par son existence, les époques funestes des divers sinistres qu'il dut aux guerres qui déchirèrent les empires et aux orages qui frappent indistinctement tout ce qu'ils rencontrent sur leur route calamiteuse.
LES POSSESSIONS de Thibaut Ier de Blois (THIBAUD LE TRICHEUR) <==.... ....==> L’histoire de la Cathédrale de Chartres sous la Révolution 1793
==> De la Féodalité, des Institutions de St Louis et de l’Influence de la Législation de ce Prince
(1) Epitre 86.
(2) Recueil des historiens de France, par dom Bouquet et ses continuateurs, tome 11. An 1037.
(3) Souchet et un obituaire de l'église de Chartres, du 4 des nones d'août ou 2 du même mois.
(4) Même obituaire que ci-dessus. Le jour de devant les kalendes de novembre même année.
(5) Un ordre militaire de Notre-Dame du Lys, fut institué par Gercin IV, roi de Navarre, en 1048, à l'occasion d'une image de la Vierge trouvée miraculeusement dans un lys, et qui guérit ce prince d'une maladie dangereuse.
(6) De Robert Dumont à Sigebert. Recueil des historiens de France, par dom Bouquet. In-folio, t. 13, pag. 290.
(7) Recueil des historiens de France, vol. 17, p. 44- Ann. 1I94.- Historia rerum anglicarum.
(8) Id. page.
[9] Id. pag. 208-261.
(10)Voir l'histoire Mss. du monastère de St-Père; par le moine Auger.
(11) Voir la Gazette des Tribunaux des lundi 6 et mardi 7 juin 1836, article incendie de la cathédrale de Chartres, dans lequel son auteur annonce gravement que les populations voisines sont accourues de fort loin. Ce passage est impayable. Voir également la seconde édition du même article, donnée, non sans quelque prétention, par le même auteur, à la France départementale, troisième année, sixième livraison, 10 juillet 1836. Le récit rapide, puisqu'il fut tracé le lendemain même du sinistre, le plus vrai est, sans contredit, celui adressé à la Gazette de France par M. le marquis de la Rochejaquelein. Il fait exception au bavardage semé dans les autres journaux.
(12) Pintard.
(13) Souchet.
(14) Ce millésime est gravé sur un des cartouches.
(15) Guérite.
(16) Extrait du journal de Jean Bouyart, huissier royal à Chartres.