LES JURIDICTIONS BAS – POITEVINES
On est généralement convenu d'appeler Fief la terre primitivement donnée, à titre de récompense, par un chef Franc ou Germain aux guerriers qui s'étaient groupés autour de lui pour marcher à la conquête du pays sur le sol duquel ils allaient s'implanter.
Tout d'abord, sous la dynastie mérovingienne, ces concessions agraires eurent un caractère viager, parce qu'elles étaient inhérentes à certaines obligations de service, et prirent le nom de Bénéfices, comme récompense accordée à ceux qui s'étaient distingués (belle fecerant) à la guerre.
Les bénéficiaires durent donc, en retour, soit le secours de leur épée, soit une redevance en argent ou en nature. L'amovibilité lut le premier caractère de ces donations ; car tout bénéfice devenait révocable pour cause d’ingratitude.
C'est ainsi que Thierry III, roi de Bourgogne et de Neustrie, dépossédant, en 676, le duc Adalgise, écrivait en tête de son diplôme : « Ceux qui, non-seulement se montrent ingrats envers les donateurs, mais sont même convaincus de leur être infidèles, perdent, avec raison, les bénéfices qu'ils possèdent (1). »
D'amovibles, les bénéfices devinrent insensiblement viagers et enfin héréditaires ; et, au IXe siècle, cette appellation, en tant que militaire, fait place à celle de Fief, et ne s'applique plus désormais qu'aux fonds de terre ou aux revenus attachés à des charges ou dignités ecclésiastiques.
(1) La Bédollière. — Mœurs et vie privée des Français, tome I, p. 240.
Le mot Fief, dérivé du saxon feod — fee, salaire et od bien — apparaît donc pour la première fois, en 884, dans une charte de Charles le Gros. — L'aleu, dérivé également du saxon alod (al tout, od bien) désignait, au contraire, la terre conquise que les vainqueurs se partageaient par la voie du sort.
Les aleux n'étaient assujettis qu'au service militaire et leurs possesseurs s'appelaient hommes libres, arimans, par opposition aux vassaux, possesseurs de fiefs ou bénéfices. Mais, dès le Xe siècle, ils avaient disparu pour se transformer en fiefs ou bénéfices, soit par suite d'usurpations, soit sur la demande des hommes libres eux-mêmes.
Tout propriétaire foncier était donc soldat, l’allodial comme le bénéficier ; c'est ce qui résulte en propres termes du capitulaire de l'an 807. « Imprimis quicumque bénéficia habere videntur, omnes lit hostem veniant. » Le mot vassal, signifiant homme de fief, ne paraît dans les actes que depuis le XIIIe siècle. Vassallus, vient de l’ancien mot franc gessell, compagnon.
Les feudataires étaient tenus d'emmener à leur suite, à l'armée, les hommes libres qui s'étaient recommandés à eux. Mais, à leur mort, ces derniers pouvaient se recommander à qui bon leur semblait. — De leur côté, comtes, vicomtes, marquis, barons, employaient la violence ou la ruse pour contraindre les allodiaux à céder leurs terres.
Lorsqu’enfin se constitua la féodalité, au Xe siècle, le mot fief servit à désigner une terre, un office et même une simple rente concédée par une personne à une autre, sous la condition que le preneur reconnaîtrait le bailleur pour son seigneur, lui garderait fidélité, lui rendrait certains services, ou lui paierait certains droits.
Avant de prendre possession de son fief, tout nouveau vassal devait rendre foi et hommage au seigneur dominant. Cette formalité comportait l'accomplissement de deux 'actes distincts bien que simultanés. Par l'hommage, le vassal se reconnaissait l'homme du seigneur et déclarait tenir de lui son fief; et, par la foi, il s'engageait à lui être fidèle.
Quant à l'hommage, il était de deux sortes : il était simple ou lige.
L'hommage simple ou plain obligeait le vassal à assister aux plaida (placita) ou audiences du seigneur pour y remplir les fonctions d'assistant ou de conseil, à se soumettre à sa juridiction, au service militaire ou host, mais avec faculté de fournir un remplaçant.
L'hommage-lige, au contraire, obligeait le vassal à servir en personne envers et contre toute créature pouvant vivre ou mourir. Il ne pouvait se faire remplacer, que lorsque le seigneur dominant guerroyait comme auxiliaire d'un autre feudataire.
La façon de prêter hommage (1) variait suivant les pays. Mais, en général, le vassal se mettait à genoux, la tête nue, sans épée ni éperons, les mains dans celles du seigneur assis et la tête couverte; et, dans cette posture, prononçait la formule usuelle :
« De ce jour en avant, je deviens votre homme de vie, de membres, de terres et d'honneurs, et à vous serai féal et loyal, et foy à vous porterai des tènements que je reconnais tenir de vous, sauf la foy que je dois à nostre seigneur le Roy. »
Après quoi, le suzerain déclarait recevoir son vassal au dit hommage à la foi et à la bouche, c'est-à-dire au baiser, parce que c'était en embrassant son homme qu'il scellait, en quelque sorte, son acceptation. On procédait ensuite à l'investiture ou saisine, c'est-à-dire à l'acte par lequel le seigneur mettait le vassal en possession de son fief.
(1) Celui qui fait hommage-lige, doit jurer fidélité sur le livre touché de la main ; si le dit hommage est plain, il suffit de jurer fidélité sans livre.
Cet acte était toujours symbolique, et consistait, quand il s'agissait d'un fief terrien, à mettre, dans la main du vassal, une motte de terre, une touffe de gazon, une pierre, une branche d'arbre, etc.
La foi et l'hommage étaient dus à chaque mutation de seigneur et de vassal, dans un délai fixé, et par le vassal en personne. Après avoir rendu l'hommage ci-dessus, ce dernier remettait au seigneur l'acte appelé Aveu et dénombrement, lequel devait être rédigé par un notaire ou un procureur fiscal. Il était ainsi appelé parce que, d'un côté, il emportait reconnaissance que son fief relevait du seigneur; et que, de l'autre, il énumérait, article par article, les diverses parties de ce même fief.
Sa remise devait avoir lieu dans un délai de quarante jours après la foi et l'hommage, et le suzerain avait un délai égal pour le blâmer, c'est-à-dire le contester. A chaque changement de vassal, le nouveau venu était obligé de payer les droits de mutation au seigneur dominant. Quand le fief changeait de propriétaire autrement que par vente ou acte équivalent, la somme à payer s'appelait Rachat ou Relief. Elle consistait habituellement, soit dans le revenu d'un an, soit dans une somme proposée par le vassal ou fixée à titre d'experts.
Le droit de justice était inhérent à la terre et tenait une place importante dans l'organisation féodale. Il y eut donc, à cette époque, deux espèces de Justices.
La Justice royale, rendue au nom du roi et par des agents royaux; la Justice seigneuriale, rendue par chaque seigneur, dans l'étendue de ses domaines, pour son compte. Mais, ceux condamnés par un juge inférieur, ne se tenant pas pour bien jugés, voulurent être entendus de nouveau par le seigneur dominant, puis encore par le suzerain. Il s'établit donc ainsi, peu après, trois degrés de juridiction, désignés sous les noms de Haute, moyenne et basse justice. La première comprenait les deux autres, et la moyenne, la basse. Aussi, disait-on du seigneur haut- justicier, qu'il avait haute, moyenne et basse justice, et du moyen-justicier, qu'il avait moyenne et basse justice.
Cependant le droit de justice n'était pas nécessairement attaché au fiel ; de telle sorte qu'un fief pouvait être sans justice. Il y en avait pourtant peu sans basse justice.
Le haut-justicier connaissait de tous les crimes commis dans l'étendue de son ressort, soit qu'ils ne comportâssent qu'une peine pécuniaire, soit qu'ils méritassent une peine afflictive, à l'exception cependant des cas royaux ('). Il avait donc le droit de glaive et pouvait condamner au fouet, au carcan, à l'amende honorable, à la marque, au
(1) On entendait par cas royaux les crimes portant atteinte à la majesté du prince, aux droits de sa couronne, à la dignité de ses officiers et à la sûreté publique, dont il était le protecteur. — La reconnaissance de ces sortes de crimes appartenait aux baillis et aux sénéchaux. - Dans cette catégorie étaient :
Le vol d'église avec effraction intérieure ou extérieure ;
La rébellion à la justice du Roi ;
L'hérésie, qui comprend l'idolâtrie, l'athéisme, le crime de relaps; Le péculat ;
La levée d'impôts sans permission ;
La falsification du sceau ;
Le transport des matières d'or et d'argent hors du royaume ; Les incendies des villes, des églises et lieux publics ;
La démolition des murs et fortifications des villes;
La soustraction et vol de deniers publics ;
Le bris des prisons royales ;
La simonie des laïques ;
Le duel ;
Le crime contre nature ;
Les oppressions et exactions commises par les seigneurs contre leurs vassaux ;
Les cas prévôtaux ou présidiaux, ou crimes exigeant une punition prompte et qu'il eût été dangereux de différer; ceux qui paraissaient indignes de la faveur de l'appel et commis par des personnes viles et méprisables.
bannissement, aux galères et à mort. Pour exercer ce droit, il fallait une concession spéciale du Roi ou une possession immémoriale. Il devait avoir des juges, des prisons, etc.; enfin il devait faire élever des piloris, des carcans, des fourches patibulaires pour la punition des malfaiteurs.
Dans le Poitou, cet échafaudage prenait le nom de Justice. Elle devait avoir six piliers pour un comte, quatre pour un baron, trois pour un châtelain, deux pour un prévôt. En matière civile, ils connaissaient de toutes les affaires réelles, personnelles ou mixtes, non exceptées de sa compétence par des lois expresses. Il avait le droit de faire la police dans tous les lieux dépendant de sa juridiction.
Les appels du jugement du haut-justicier étaient portas directement devant les baillis et sénéchaux du Roi quand il relevait directement de ce dernier; dans le cas contraire, devant son suzerain en matière civile, et devant les parlements en matière criminelle.
Comme le haut-justicier, le moyen-justicier avait la connaissance de toutes les causes civiles; mais, en matière criminelle, sa compétence variait suivant les coutumes. — Selon celles du Poitou, il pouvait donner tutelles et curatelles, émanciper, bailler mesure, connaître d'apleigements et contre-apleigements et autres causes, dont l'amende n'excéderait pas la somme de soixante sols.
Le bas-justicier avait juridiction et contrainte, jusqu'à l'amende de sept sols six deniers seulement, et pouvait connaître sur ses hommes, en actions personnelles et réelles des choses immeubles, étant de son dit fief et en sa juridiction. Il pouvait également connaître des causes d'injures dont l'amende n'excéderait pas sept sols six deniers ; mais ne pouvait connaître d'injures de sang, plaies ou propos insultants; car alors l'amende était de soixante sols tournois.
On l'appelait aussi justice foncière ou sous l'orme parce qu’elle se rendait en plein champ. Les justices étaient parfois si mélangées, qu'il y avait, dans le même bourg ou village, trois ou quatre justices différentes. C'est ce qui engageait quelquefois les paysans à construire des maisons sur les limites des justices. On les appelait Chicanes.
Les droits attachés à la haute justice étaient multiples, et ont été divisés par les feudistes en droits personnels, réels et mixtes. Les droits personnels étaient les patronages, les nominations aux bénéfices, les honneurs et préséances dans les églises, le droit de litre ou ceinture funèbre du tombeau et d'inhumation, de faire rendre la justice, la nomination et la révocation des officiers de justice, etc.
Les droits réels étaient ceux qui avaient trait aux cens, tailles, lods et ventes, quints et requints, reliefs et autres droits annuels et usuels dus sur des héritages. Les droits mixtes étaient les droits de corvée, de manœuvres, de banalités, de guet et garde, et autres concernant les personnes et leurs héritages.
Le droit de patronage, dont on vient de parler, était celui accordé, par le clergé, aux fondations des églises, chapelles et bénéfices, fondés, construits ou dotés à leurs frais et de leurs propres biens ; lequel consistait à nommer, et à présenter à l'évêque diocésain des sujets susceptibles de desservir l'église ou le bénéfice. Les armoiries à la clé de voûte ou aux vitraux du chœur, au fronton de la principale entrée de l'église étaient les marques du patronage.
Le haut-justicier avait, en outre, le droit d'avoir un banc à queue dans le chœur, pourvu qu'il n'incommodât pas le service divin. Les curés lui donnaient l'eau bénite par aspersion. De Clugny, dans son Traité des Droits honorifiques, raconte, à ce sujet, une plaisante histoire.
Un curé ayant été condamné, par arrêt, à donner à son seigneur l'eau bénite, séparément et avec distinction, attacha une queue de cheval au goupillon et l'ayant trempée dans le bénitier, il l'aspergea de si belle façon que sa perruque, qu'il mettait pour la première fois, en fut tout inondée, ce qui fit naître un nouveau procès.
Le patron et le haut-justicier avaient encore le droit de suivre immédiatement l'officiant aux processions, qui se faisaient dans leurs paroisses. Le premier avait la droite, et le second la gauche. Ils étaient suivis par leurs femmes et leurs enfants, les juges du seigneur de la paroisse, puis par les gentilshommes et seigneurs du fief, suivant les qualité et dignité de leurs propres fiefs.— Le patron allait encore le premier à l'offrande et au baiser de paix ; et le seigneur haut-justicier était recommandé, ainsi que sa femme, par nom et qualités, par les curés dans leurs prônes.
Le pain bénit devait également être donné, avant tous autres, au seigneur haut-justicier et à sa femme, et, en leur absence, au premier officier de justice, à l'exclusion de tout autre. Quant à l'encens, ils ne le recevaient qu'après le clergé, chacun une fois séparément, étant sur les marches de l'autel, à la grand'messe, et leurs enfants une fois collectivement et à vêpres.
Naguère, l'on n'enterrait personne dans les églises. Ce fut le Concile de Tibur, de 895, qui leva enfin cette interdiction en faveur des prêtres, et celui de Meaux, de 962, qui étendit cette faculté aux laïques. Les patrons et seigneurs hauts-justiciers, ainsi que leurs femmes et leurs enfants, avaient donc le droit d'être inhumés dans le chœur des églises et de mettre des épitaphes sur leurs tombeaux.
La Litre (de l'allemand leiste, bande ou ceinture funèbre) était une bande d'étoffe que l'on mettait autour des murs de l'église, soit dedans, soit dehors, lors du décès du patron, en raison du deuil que ce monument devait porter de son bienfaiteur, et pour exciter les fidèles à offrir leurs prières. Ces ceintures avaient été imaginées pour y placer les armoiries des patrons et hauts-justiciers. Mais si les premiers ne pouvaient les mettre qu'en dedans, les seigneurs avaient le droit de les placer en dedans et en dehors.
La cour seigneuriale, investie des droits de haute, moyenne et basse justice, comprenait : 1° un juge ou bailli, maire et garde de la justice, quelquefois assisté ou remplacé par un lieutenant, ou adjoint remplissant les mêmes fonctions ; 2° un procureur fiscal stipulant l'intérêt public et veillant aussi aux droits du fisc ; 31 un greffier recueillant les dépositions, les plaidoiries et transcrivant les arrêts; 4° un sergent mettant à exécution les arrêts, sentences, jugements et ordonnances, signifiant les exploits d'ajournement, les sommations, exécutant les saisies-arrêts et autres actes extra-judiciaires.
Nous allons, en terminant, passer en revue la nomenclature prodigieuse des droits seigneuriaux qui permettra de se rendre compte de la situation malheureuse et de l'état d'abrutissement dans lesquels se trouvait plongé le peuple lors de la Révolution.
Abeillage. — Droit de prendre une certaine quantité d'abeilles, de cire ou de miel sur les ruches des sujets.
Abeilles épaves. — Droit du seigneur de s'emparer des abeilles égarées, ou ne retournant plus à la ruche.
Abenevis. — Autorisation de se servir des eaux des ruisseaux et des chemins pour faire tourner les moulins ou arroser les fonds voisins, moyennant une somme d'argent.
Abonnement. — Droit de transformer la perception de certains droits éventuels en une rente annuelle, d'un chiffre déterminé, en espèces ou en nature.
Accordement. — Droit résultant de l'arrangement que l'acquéreur d'un héritage féodal faisait avec son seigneur.
Acquêt. — Droit payé au seigneur par le roturier qui achetait un fief ou recevait un héritage noble.
Adultère. — Droit qu'avait le seigneur d'obliger le sujet, surpris en flagrant délit d'adultère, à courir tout nu par la ville, ou à lui payer 50 sols.
Affiage. — Droit payé par le roturier au seigneur lorsque ce dernier lui aliénait une partie des terres nobles de son fief, laquelle était tenue en roture par le vassal.
Afforage. — Droit payé pour obtenir la permission de vendre, dans l'étendue de la seigneurie, du vin, de la bière et autres boissons, après établissement de la taxe par les juges des lieux.
Affouage. — Droit payé pour être autorisé à couper du bois de chauffage dans une forêt.
Agastis. — Droit qu'avait le seigneur de faire tuer, une sur vingt, des oies commettant des dégâts dans les blés, et de faire payer au propriétaire du troupeau sept sols six deniers.
Aide. — Subvention due pour cause de guerre. Amortissement. — Droit de dispense par lequel les seigneurs pouvaient autoriser les gens de main-morte à posséder des héritages.
Ces vassaux étaient soumis à la servitude personnelle et réelle, et dans l'incapacité de disposer de leurs biens. Ils ne pouvaient léguer qu'une somme insignifiante, variant de 5. à 60 sols. En l'absence d'enfants légitimes, la succession passait au seigneur.
Arage. — Droit perçu sur chaque labour.
Arban. — Droit obligeant à certaines corvées à bras, ou avec boeufs ou charrettes, tout sujet tenant héritage, serf ou mortaillable (1).
(1) Voy. Mortaille.
Armoiries. — Droit du seigneur haut-justicier, de faire mettre ses armoiries dans les églises de leurs justices.
Arsin. — Droit de faire mettre le feu à la maison de celui qui avait blessé un bourgeois, ou commis quelqu’autre crime de la compétence du haut ou bas-justicier.
Assise.- Droit perçu sur les chevaux et autres bêtes servant au labourage, et dû tant par les habitants de la seigneurie, que par les étrangers y possédant des héritages.
Aubaine. — Droit payé au seigneur par l’étranger venant se fixer dans sa châtellenie.
Aubenage. — Droit perçu pour l'inhumation d 'un forain, ou d'un étranger décédé dans sa terre, sans s’être avoué bourgeois.
Avenage. — Droit consistant en quelque redevance en avoine, due à cause des droits d’usage et de pacage, accordés aux habitants de la seigneurie.
Avouerie. — Droit payé par le vassal au seigneur, et en retour duquel celui-ci devait protection et défense à son vassal.
Avrislage. — Droit perçu sur les ruches d'abeilles. Aide-rançon. — Droit payé par les vassaux pour racheter leur seigneur, fait prisonnier de guerre.
Aide de l'host. — Droit payé au seigneur par ses vassaux, lorsqu'il allait en guerre pour le service du Roi.
Aide de relief .- Droit dû par le vassal, après le décès de son seigneur, à son héritier, pour l’aider à payer au seigneur dominant les droits dus par lui-même.
Bac. — Droit d'établir un bac sur une rivière et d'en percevoir le fermage.
Bail. — Droit dû par tous baux consentis pour plus de dix ans de durée.
Barrage. — Droit sur les hommes et bêtes chargées ou déchargées, et qui se percevait en un endroit du chemin, fermé par une barre.
Bannée. — Droit d'établir des moulins, des fours, des pressoirs, dont les vassaux devaient se servir exclusivement et payer un certain prix.
Banvin. — Droit d'accorder l'autorisation de vendre du vin. — Impôt prélevé sur la vente du vin.
Bâtage. — Droit perçu, en sus du droit de péage et de barrage, sur le bât porté par chaque bête passant dans une seigneurie.
Bâtardise. — Droit en vertu duquel un seigneur succédait à un bâtard, décédé intestat.
Bichenage. — Droit perçu sur les blés vendus au marché de la seigneurie.
Blairie. — Droit perçu sur les habitants faisant pacager leurs bestiaux dans les bois, les places communes, les chemins, les terres vaines ou vagues et même les terres labourables de la seigneurie.
Bordage. — Redevance en argent, en grains, en volaille, exigée par le seigneur de tout laboureur tenant une métairie.
Bourgeoisie. — Droit dû au seigneur par tout habitant d'un bourg affranchi.
Bûche. — Grosse bûche que les vassaux devaient porter, la veille de Noël, dans le foyer de leur seigneur.
Caninage. — Obligation, par les tenanciers, de nourrir les chiens de chasse du seigneur, et droit dû à ce dernier, pour la permission, par lui accordée aux paysans, d'avoir des chiens chez eux.
Carnalage.— Droit levé sur la viande mise en vente, et consistant quelquefois à prendre toutes les langues de bœufs tués.
Catel. — Droit de prendre, après le décès des vassaux, le meilleur meuble, au choix du seigneur, dans leur succession.
Cellerage. — Droit dû par le vassal lors de l'entrée de la récolte au cellier, après vendange.
Cênage. — Droit dû pour obtenir la permission de pêcher dans la rivière.
Cens. — Redevance ou prestation annuelle, perpétuelle et non rachetable, imposée par un seigneur direct, lors de la première concession, qu'il avait faite d'un héritage, sujet à cette charge. Elle s'acquittait en argent, grains, vins, bestiaux, volailles et principalement en chapons.
Chambellage. — Droit perçu par les seigneurs féodaux sur leurs vassaux, à toute mutation de fief.
Champart (Campi pars). — Droit en vertu duquel le seigneur prélevait, sur une terre labourable, une certaine quantité de céréales, avant que le cultivateur, exploitant cette terre, eût pu rien enlever pour son propre compte. Il consistait, suivant les localités, dans le vingtième, le cinquième ou le quart des fruits du sol.
Chantellage. — Droit perçu sur tous les vins vendus, soit en gros, soit en détail, dans les caves et celliers des habitations de la seigneurie.
Chasse.— Redevance payée au seigneur, en échange de l'autorisation, donnée au serf, de prendre des oiseaux pendant une saison.
Cheval de service. — Droit d'un cheval dû par le vassal, une seule fois dans sa vie.
Chevrotage. — Droit perçu par les seigneurs sur les tenanciers, en raison des chèvres et chevreaux nourris dans leurs terres.
Civerage. — Droit consistant en avoine, en grains ou en poules, perçu sur les habitants des seigneuries ayant des bestiaux.
Cohuage. — Droit perçu sur les marchandises vendues aux halles ou cohues.
Complant. — Droit perçu sur les vignobles et s'exerçant au cinquième, et quelquefois au quart du produit.
Cornage. — Droit perçu à raison de chaque bœuf de labour.
Coutume. — Droit des seigneurs bas-justiciers de percevoir un denier tournois, sur chaque bête à quatre pieds, nourrie, achetée, arrivée dans l'étendue de leur fief, à l'exception des bêtes à laine.
Crédit. — Droit du seigneur de prendre à crédit, chez les affranchis, les denrées nécessaires.
Corvée. — Journée de travail ou de charroi, due au seigneur, par un paysan ou par ses bêtes.
Dîme. — Droit fixe payé par le vassal, pour la redevance de sa dime.
Échoppe. — Droit perçu sur les marchands qui, au jour de foire ou de marché, installaient des échoppes le long des rues.
Essogne. — Droit dû par les héritiers au seigneur, dans la censive duquel le défunt possédait des biens, le jour de son trépas.
Establage. — Droit payé par les marchands exposant leurs denrées, sous les halles ou ailleurs, les jours de foire et marchés.
Estage. — Obligation de se rendre, pendant un certain temps, au château du seigneur, pour le garder et le défendre.
Étalage.- Droit perçu sur les marchands, qui étalaient des marchandises à la devanture de leurs échoppes.
Fief. — Changement du relief ou rachat et quelquefois de l'hommage même, en une certaine redevance annuelle payable en deniers ou en grains.
Fouage. — Droit dû au seigneur par chaque chef de famille tenant feu, lors même que plusieurs ménages vivaient séparément sous le même toit.
Fournage. — Droit payé pour faire cuire son pain dans sa maison, au lieu de le porter au four banal.
Gants.— Obligation pour l'acquéreur d'un bien censuel. qui se faisait investir par le seigneur, d'offrir à celui-ci une paire de gants, redevance convertie en argent.
Garde (Guet et). — Droit de se faire garder par ses vassaux, en cas de guerre ou de nécessité, autour de son château, ou de payer une redevance annuelle en gélines, en argent ou en grains. Ils devaient être munis d'armes, de poudre et de munitions. En temps de paix, ils payaient cinq sols par feu. En retour, les seigneurs prenaient l'engagement de leur y donner asile, avec leurs meubles, bestiaux et effets.
Garde seigneuriale. — Droit donnant au seigneur féodal la jouissance des fiefs, relevant directement de lui, pendant le bas-âge de ses vassaux.
Gîte.— Droit des seigneurs, dans l'étendue de leur fief, de réclamer de leurs vassaux le logement et la nourriture, pour eux et leur suite, pendant un jour et une nuit, quand ils voyageaient.
Glaive. — Droit du haut-justicier de punir les crimes méritant peine afflictive.
Gruerie. — Droit de chasser, d'avoir paisson (1) et pasnage (2) dans les bois de ses vassaux.
(1) Droit de faire paître dans les forêts.
(2) Droit de pâturage, pour les porcs dans les bois.
Guet. — Voy. GARDE.
Havage. — Droit du seigneur de percevoir, en nature, sur les grains vendus au marché, en en prenant autant qu'il pouvait avec la main.
Hébergement. — Droit de certains seigneurs de pouvoir loger, avec ceux qui venaient les visiter, dans la maison de leurs vassaux.
Herbage. — Droit sur les bêtes à laine, que les vassaux faisaient pacager, et consistant à prendre un mouton sur dix, vingt ou vingt-cinq, selon les coutumes. C'était le vif herbage. Quand le nombre était moindre, on percevait un denier parisis, une maille ou une obole par chaque bête. C'était alors le mort herbage.
Hostellage. — Droit exigé de tous les marchands forains. ou étrangers, pour la location des boutiques, où étaient étalées les marchandises, vendues aux jours de foires et marchés.
Huitième. — Droit de la 8e partie du prix des vins, cidres et autres boissons vendues au détail.
Lods et Ventes. — Droit consistant dans le paiement, au profit du seigneur, d'une portion du prix d'un immeuble, et répondant à nos droits de mutation modernes. D'après la coutume du Poitou, il devait être du sixième.
Luet. — Droit d'un boisseau de seigle, perçu sur chaque habitant tenant feu et laboureur dans la paroisse.
Mesurage. — Droit perçu sur chaque mesure, et pour les poids et mesures, fournis par le seigneur à ses sujets.
Minage. — Droit sur le mesurage des blés vendus dans la seigneurie, tirant son nom du vase destiné à ce mesurage, appelé mine, mesure équivalant à 78 litres.
Mortaille. — Droit en vertu duquel les biens du serf, mort sans enfants légitimes, ou sans avoir fait de testament, étaient généralement dévolus au seigneur.
Morte-main. — Droit perçu sur les lépreux ou ladres, lorsqu'ils étaient reconnus tels, à condition de restitution en cas de retour à la santé.
Moulage. — Voy. VÉROLIE.
Moutonnage. — Droit perçu sur les moutons vendus, ou achetés dans la seigneurie.
Mutation. — Droit perçu chaque fois que des héritages censuels ou des fiefs changeaient de main.
Offrande. — Droit pour les patrons et hauts-justiciers, leurs femmes et leurs enfants, les gentilshommes et seigneurs de fief de même qualité, d'aller les premiers à l'offrande.
Parc. — Obligation par les particuliers ayant parc, d'y laisser deux ouvertures de huit à neuf pieds de large, afin que le seigneur pût y entrer pour y chasser.
Parnage. — Droit en grains ou en argent, dû au seigneur pour la paisson des porcs, ou le pacage des autres bestiaux.
Pasquerase. —Droit perçu sur les habitants d'une terre, par joug de bœufs, de mules et autres bestiaux de labourage.
Patronage. — Droit pour le seigneur, ayant fondé une église, de nommer et présenter un desservant à l'évêque diocésain.
Pâturage. — Droit perçu en argent, ou en grains, pour la permission de faire paître les bestiaux, sur les terres du seigneur.
Péage. — Droit payé pour passer un pont, suivre un chemin, traverser une seigneurie.
Pied et langue. — Droit sur les pieds et la langue de toute bête, tuée dans la juridiction de la seigneurie, langues de veaux exceptées.
Plaict seigneurial. — Droit dû à chaque mutation de seigneur.
Plaict de morte-main. — Droit perçu après la mort d'un vassal fieffé.
Plume. Droit perçu sur les poules, les chapons, la volaille en général.
Porc banal. — Droit d'avoir un verrat pour couvrir les truies, et de se faire payer un prix réglé par l'usage.
Poule de commande. — Droit d'une poule pour toute personne tenant feu.
Poursuite. Droit de poursuivre les serfs fugitifs en quelque lieu qu'ils se retirassent.
Prélation. — Droit de prendre un héritage vendu dans l’étendue de la seigneurie, en remboursant l'acquéreur.
Prémice. — Droit des curés, usurpé par certains seigneurs, de prendre un agneau sur dix, et un denier par agneau, s'il y en avait moins de dix.
Prévôté. — Droit pour les hauts-justiciers, châtelains et barons, d’établir dans leurs justices, un prévôt fermier pour recevoir les péages, coutumes, acquêts et autres droits levés sur les denrées et marchandises.
Quête. — Droit levé, chaque année, sur chaque chef de famille, ayant feu et lieu dans la seigneurie.
Quint et requint. Droit du Se sur le prix de vente et d'un 5 sur ce cinquième, au profit du seigneur, pour tout fief vendu dans la seigneurie.
Quintaine. — Droit d'obliger les vassaux à venir courir la quintaine, sous leurs fenêtres, dans certaines occasions.
Les mariés de l'année précédente étaient tenus de venir courir la quintaine à cheval et devaient se présenter revêtus de leurs habits nuptiaux. Ils recevaient, du concierge du château, une lance en bois de treize pieds et demi de long, et chacun devait revenir, au galop, frapper d'estoc et de taille sa lance sur un écusson, peint aux armes du seigneur et attaché à un poteau, appelé quintaine. Celui qui, dans trois coups, ne réussissait pas à la rompre sur l'écusson, était condamné à payer une amende au seigneur (1).
Rivage. — Droit perçu sur les vins et autres marchandises, transportées par eau, et abordant dans les ports, situés dans l'étendue de la seigneurie.
Rouage. — Droit payé sur chaque pièce de vin vendue en gros, pour pouvoir la transporter ailleurs ; ou d'une gerbe de blé, lors de l'enlèvement du terrage, pour être exempté de le conduire dans la grange du seigneur.
Seigneur. — Droit du seigneur de passer, avec leurs vassales, la première nuit de leurs noces. Il prenait encore le nom de braconnage, de cuissage, jambage, marquette, etc.
Segorage. — Droit du cinquième du prix des bois vendus par les vassaux.
Sépulture. — Droit des patrons et hauts-justiciers d'être enterrés dans le chœur de leur église.
Sexterage. — Droit payé pour chaque setier de blé vendu aux halles, foires et marchés de la seigneurie.
(1) Sentence du sénéchal de Luçon, condamnant un nouveau marié à soixante sols d'amende et un denier, pour n'avoir pas tiré à la quintaine, le premier dimanche de Carême, selon l'usage. (Bibl. de Poitiers. — Man. Dom Fonteneau.)
Taille. — Elle était de deux sortes. La taille seigneuriale était une redevance foncière et personnelle, établie par les hauts-justiciers sur leurs sujets, et que les rois s'étaient réservé le droit de modérer, quand ils le jugeaient convenable. — La taille serve consistait en une certaine somme de deniers, prélevés sur les serfs ou hommes taillables.
Terrage. — Droit de gerbe perçu par le seigneur sur la totalité des fruits, s'élevant tantôt au sixième, tantôt au huitième ou au dixième. C'était encore le droit perçu sur les marchandises, étalées à terre sur les places, foires et marchés.
Trosse (1). — Droit de faire botteler son foin.
Vérolie. — Droit payé par les meuniers, sur les grains moulus dans l'étendue de la seigneurie.
Vin. — Droit de seize pintes de vin, soit en argent, soit en nature, en cas de ventes d'héritages censuels, outre les lods et droits accoutumés.
Vinade. — Droit de faire charroyer ses vins, à l'aide de charrettes et de paires de bœufs, fournis par le paysan.
Vinage. — Droit perçu en argent, ou en nature, sur les vins récoltés dans la seigneurie.
Vingtaine. — Droit du vingtième des fruits se récoltant dans une seigneurie, et payé au seigneur, à condition par lui de mettre son château en état de défense, pour y recevoir, en temps de guerre, ses sujets et leurs effets.
On peut donc dire, avec raison, comme Henri Martin (2) : « Tout est frappé d'impôts; les meubles et les immeubles,- « les denrées et objets fabriqués, la terre et l'eau. Ce ne « sont que péages, aux portes, sur les routes, les ponts et
(1) Sorte de botte de foin.
(2) Histoire de France, tome III, p. 226.
« même au passage d'un quartier de ville dans un autre, quand la ville est partagée entre plusieurs seigneurs, ce qui n'est pas rare. Ce ne sont que droits de toute sorte sur les ventes et mutations, droits sur les récoltes et profits. On ne peut adopter telle ou telle profession, ni bâtir ou relever une maison, ni faire, en quelque sorte, aucun acte de la vie civile, sans payer un droit au seigneur. On ne peut moudre son blé qu'aux moulins du seigneur, cuire son pain qu'au four banal. On est enchaîné à son logis, comme le serf à sa glèbe. On doit payer cens et taille pour sa maison, pour son terrain, pour sa personne, celle de sa femme et de ses enfants. La mesure est comblée par les toltes et quêtes extraordinaires, et par des corvées et des exactions, ou plutôt des brigandages intolérables. Les seigneurs et leurs gens prennent continuellement à crédit, chez les bourgeois, toute espèce de denrées et de marchandises, et ne paient presque jamais. Les chevaux et charrettes sont mis en réquisition ; les meubles, la literie, les fourrages sont saisis pour l'usage du seigneur et de sa suite, quand il fait son entrée dans la ville ou dans la bourgade. C'est le droit de prise et de chevauchée.
Après avoir payé de son argent et de sa récolte, le cultivateur devait encore payer de son sang et de ses bras ; car il devait à son seigneur le service militaire de quarante jours, le guet et la garde ; et la corvée l'enlevait sans cesse à ses travaux personnels.
Sous le rapport du rang occupé dans la hiérarchie féodale, les fiefs se distinguaient en suzerains, dominants et servants.
Le premier ne relevait que du roi; le second du fief suzerain, et le fief servant ou arrière-fief relevait directement du fief dominant. Néanmoins, le même fief pouvait être dominant à l'égard d'un autre et servant à l'égard d'un troisième; de telle sorte que le seigneur suzerain était le seigneur immédiat du seigneur dominant, et le seigneur médiat, du fief servant qui se trouvait ainsi l'arrière-vassal du premier et le vassal du second.
Tous les fiefs et arrière-fiefs ressortissaient au manoir des seigneurs, comme à la tente du capitaine. La grosse tour du Louvre était donc le fief dominant ou pavillon du général. — Mais, par contre, il arrivait que, quand le Roi possédait des terres dans la mouvance d'une seigneurie, il devenait vassal de cette dernière ; mais alors il se faisait représenter pour prêter, comme vassal, foi et hommage à son propre vassal.
Annuaire départemental de la Société d'émulation de la Vendée
Droit de la Motte, la justice féodale des seigneurs <==........==> 4 août 1789 : abolition des privilèges et droits féodaux