1372 – Bertrand du Guesclin fait le siège de Melle.
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En 1372, comme Duguesclin venait de reprendre Poitiers, le duc de Berry et les autres seigneurs français qu'il avait laissés devant la ville de Ste-Sévère, étant en marche pour le rejoindre
« prindre en Poitou une ville appelée Saint-Maixant, laquelle se rendit sitost qu'ils y vindrent, le chastel fut pris d'assaut et tous ceux morts qui dedans estoient, après prindrent le chastel de Mesle ».
Ce siège s'inscrit dans la grande campagne de reconquête française menée par le connétable Bertrand Du Guesclin en 1372, visant à reprendre les territoires aquitains et poitevins cédés aux Anglais par le traité de Brétigny (1360).
Contexte général
Date : Fin septembre - début octobre 1372.
Le siège de Melle suit de près la prise de Niort (fin septembre) et précède celle de Thouars (début octobre).
Il fait partie d'une offensive fulgurante lancée après la victoire navale de La Rochelle (août 1372), où les Français, alliés aux Castillans, reprirent l'initiative en Aquitaine.
Enjeux : Melle, bastide fortifiée avec un château dominant la vallée de la Dive, était une place stratégique anglaise depuis 1360.
Tenue par une garnison anglo-gasconne sous le commandement de capitaines comme Robert Knolles ou des routiers locaux, elle bloquait les routes vers le Poitou central.
Sa chute ouvrait la voie à la reconquête de Poitiers et affaiblissait les Anglais, déjà en difficulté après les chevauchées ratées de Jean de Gand (duc de Lancastre).
L'armée française, forte de 3 000 à 4 000 cavaliers (lances) et autant d'arbalétriers et de pavoisiers (1), était un mélange de contingents royaux, bretons, bourguignons et gascons fidèles à la couronne de France.
Elle était financée par des impôts spéciaux (la "gabelle") et motivée par la stratégie de Charles V : éviter les batailles rangées au profit de sièges méthodiques.
Déroulement du siège
Arrivée des forces françaises (fin septembre 1372) :
Du Guesclin, secondé par le duc de Berry (frère du roi Charles V), Philippe le Hardi (duc de Bourgogne) et Louis II de Bourbon (duc de Bourbon), approche Melle après avoir pris Niort.
L'armée campe autour de la ville, coupant les routes d'approvisionnement.
Les "engins" (trébuchets et mangonneaux) sont déployés pour bombarder les murailles.
La garnison anglaise, estimée à 200-300 hommes (archers longs, mercenaires gascons), résiste vaillamment.
Les Anglais contre-attaquent avec des sorties, mais les Français, mieux organisés, les repoussent.
Renforts des seigneurs de Coucy et de Parthenay :
Enguerrand VII de Coucy (1340-1397), sire de Coucy (fils illégitime d'Édouard III d'Angleterre mais rallié à la France depuis 1376 ; en 1372, il est déjà un allié français via sa femme Isabelle de Lorraine), apporte un contingent de chevaliers picards et normands.
Connu pour sa bravoure (il participera plus tard à la croisade de Hongrie), il arrive avec "grands renforts" pour soutenir le duc de Berry, renforçant l'aile droite de l'armée.
Guillaume Larchevêque, sire de Parthenay (vers 1340-1403), seigneur poitevin fidèle à la France malgré les pressions anglaises, mobilise des troupes locales (viguiers de Thénezay et Ardin) et des vassaux gâtinais.
Comme lieutenant du roi en Poitou, il connaît le terrain et guide les assaillants, apportant cavalerie et archers pour contrer les sorties ennemies.
Ces renforts, totalisant plusieurs centaines d'hommes, arrivent opportunément vers le 28-29 septembre, alors que les Anglais menacent de briser le siège.
Leur intervention permet de consolider les lignes françaises et d'intensifier le blocus.
La capitulation (début octobre 1372) :
Après trois à quatre jours de bombardements et de combats au pied des murs, la ville capitule sans combat final majeur.
Les murailles, déjà endommagées par les engins, cèdent sous la pression.
Le Château :
La forteresse féodale, celle connue et qu'on retrouve au cabinet des estampes à Paris, consistait en un donjon élevé, aux épaisses murailles.
Le château de Melle, a été initialement construit sur une motte castrale au XIe siècle, comme en attestent les sources historiques et archéologiques locales.
Cette motte, typique des fortifications primitives du Moyen Âge, consistait en un monticule artificiel de terre entouré de fossés, sur lequel une tour en bois ou en pierre a été érigée pour servir de donjon.
Au reste, toutes les constructions de cette époque avaient le même caractère, elles différaient seulement en ce qu'elles étaient doubles ou simples et que les donjons étaient couverts ou termines par une plate- forme ; dans ce dernier cas ils avaient des créneaux mais toujours des mâchicoulis s'ils étaient surmontés d'une toiture.
Melle n'eut donc qu'une tour, une tour aux murs formidables, au faîte perdu dans l'air et des fossés sans eau ; à la base de cette tour se groupaient les dépendances usuelles et les servitudes utiles à une garnison dont elle était le refuge dans les cas d'attaque.
La place de la forteresse est de nos jours parfaitement dessinée par la charmante promenade, qui fait l'orgueil de la ville, et où il n'existe de l'ancien château qu'un puits modeste.
Les fosses du château étaient littéralement au bas des murs actuels de la promenade et venaient du côté de la ville jusqu'à l'ancien collège.
La garnison anglaise est autorisée à se retirer avec les honneurs de la guerre (armes et bagages), évitant un massacre – une pratique courante chez Du Guesclin pour encourager d'autres redditions.
Le 2 octobre, comme indiqué dans les chroniques, Philippe le Hardi séjourne à Aulnay (proche de Melle), signe que la région est sécurisée.
Du Guesclin laisse une garnison française (sous Olivier de Clisson) et poursuit vers Thouars.
Conséquences et héritage
Impact stratégique : La prise de Melle, avec celles de Saint-Maixent et de Benon, libère le Poitou oriental et force les Anglais à se replier vers La Rochelle et Bordeaux.
En octobre 1372, l'armée française balaie le Bas-Poitou (Fontenay-le-Comte, Clisson), aboutissant à la reconquête quasi totale de la région d'ici fin 1373.
Melle redevenu français fut réuni au comté de Poitou qui fut donné successivement en apanage, en 1372, au duc de Berry qui le posséda jusqu'à sa mort (26 mai 1416)
Rôle des protagonistes : Le duc de Berry émerge comme un chef habile, Du Guesclin comme un tacticien impitoyable.
Coucy et Parthenay illustrent l'alliance entre la noblesse picarde et poitevine, essentielle à la victoire française.
Parthenay, en particulier, recevra des récompenses royales pour sa loyauté.
Sources : Les détails proviennent des chroniques de Jean Froissart (Chroniques, liv. IV), des registres du Trésor des Chartes, et d'archives locales (Deux-Sèvres).
Aucune bataille rangée n'eut lieu, mais le siège symbolise la "guerre en dentelle" de Charles V.
(1). Les pavoisiers étaient des soldats d'infanterie au Moyen Âge, particulièrement en usage dans les armées françaises et européennes entre les XIIIe et XVe siècles, notamment pendant la guerre de Cent Ans.
Leur rôle principal était de protéger les arbalétriers et les archers en utilisant de grands boucliers rectangulaires appelés pavois, d'où leur nom.
Voici une explication concise :
Équipement : Le pavois était un bouclier en bois renforcé, souvent peint avec des armoiries, mesurant environ 1,2 à 1,5 mètre de haut.
Il était planté dans le sol ou tenu devant les tireurs pour les abriter des tirs ennemis (flèches, carreaux d'arbalète).
Rôle tactique : Lors des batailles ou des sièges (comme celui de Melle en 1372), les pavoisiers formaient une ligne défensive mobile, permettant aux arbalétriers de recharger à l'abri tout en répondant aux attaques.
Ils accompagnaient souvent les assauts ou protégeaient les retraites.
Composition : Ces soldats étaient généralement des paysans ou des hommes d'armes moins nobles, recrutés pour leur robustesse. Ils étaient armés d'une épée ou d'une dague en complément du pavois.
Évolution : Avec l'apparition des armes à feu et des tactiques plus modernes au XVe siècle, leur usage déclina, remplacé par des unités plus polyvalentes.