L’Abbaye et l’église de Sainte Croix - Ville Basse D'ANGLES-SUR-L'ANGLIN
Deux monuments ont dominé au moyen-âge : le château fortifié destiné à protéger le territoire contre l’ennemi éventuel, et l’abbaye, ou les religieux partageaient leur temps entre la prière et la culture des sciences, des lettres et des arts. En Poitou on comptait, en 1787, 44 abbayes royales dont trois de religieuses.
Il est important de signaler, pour qu’il n’y ait pas confusion, deux monastères portant le même nom : Notre-Dame d’Angles (ordre de Saint-Augustin), près des Sables d’Olonne et de la mer, fondée vers 1210, dont il est resté une église abbatiale du commencement du XIIIe siècle, restaurée au XIVe, le monastère de Fontaine d’Angles (1) en bas Poitou, et l’abbaye de Saint-Michel d’Angle, dont fait mention Thibaudeau, sans indiquer la localité, mais qui dépendait probablement du fief d’Angle près Usson, à 30 kilomètres de Civray.
Le vicomte de Thouars, du fait de Louis Ier de la Trémouille qui épousa Marguerite d’Amboise, depuis vicomtesse de Thouars, avait droit de fondation sur vingt ou vingt-cinq abbayes, parmi lesquelles se trouvait celle de Saint-Michel d’Angles. La terre de la Trémouille, qui a donné son nom à cette maison, était située près de la sénéchaussée de Montmorillon.
Sainte-Croix d’Angles sur l’Anglin, ordre de Saint-Augustin, s’élevait dans la basse-ville. On voit encore les restes de cellules et plus loin « un cimetière qui apparait abandonné, seul avec sa grande croix de pierre » (Jacques Rougé).
SAINTE-CROIX D'ANGLES, ABBAYE.
Angla, Angle, 0. A. S. Crucis dicata, ad Anglinam vulgo Anglin fluviolum in diœcesi Pictaviensi, tribus minoribus leucis ab urbe de la Roche-Posay, versus meridiem non longe à finibus Turoniæ et Biturigiae; an. fundationis 1210 (Clef du Pouillé).
Abbatia S. Crucis de Anglâ sive S. Mariæ de Anglia O. S. Augustini, beneficium regium, rev. 4,000 l. (P. Roy).
Abbaye de Ste-Croix d'Angles, O. S. Augustin.
C'est Isembert II, Évêque de Poitiers, de la maison de Châtaillon (Châtel-Aillon); Tiburge, sa mère; Senebaud et Manassé, ses frères qui ont fondé cette Abbaye.
Ecclesia Sancte Crucis apud Englam, 1090 .
Guillaume Tempier, Évêque de Poitiers, en dédia l'église en 1192 : Coll. le Roi (P. 1782).
CARTA GUILLELMI DE ANGLA DE PASTURIS DE FROS. 1199 (a).
Ego Guillelmus de Engla notum facio universis tam presentibus quam futuris, querelam diu versatam inter me et monachos de Misericordia Dei, pro pasturis de Fros, que res ad concordiam tali modo ducta est.
Ego pro remissione peccatorum meorum, concedente uxore mea Agnes, acceptis de karitate domus septem libris andegavensium, concedo ipsis fratribus libere et quiete in perpetuum pasturas nemoris de Fros ad usum pecudum suarum et mortuum nemus ad usus proprios ; et ne quis posterorum de hac re possit ejus movere calumpniam, presentem paginam munitam trado sigillo donni Pétri, abbati Sancte Crucis de Angla, quia proprium sigillum nunquam habui.
Testes hujus rei sunt: Johannes de Mirmanda, Haimericus, monachi Petrus de Marcelleic, cappellanus Sancte Crucis ; Renaudus de Issoria, sacrista ; Philipus de Longo Prato ; Hugo de Calviniaco; Guillelmus de la Corbere; Guillelmus de Buxeria ; Guillelmus de Bonolio ; hi canonici : Galterus Asinus, Grimoldus, Philipus de Podio, Guillelmus de Podio, Mauricius Chacebesunge; hi milites : Hugo Barduns, Humbertus Artusuns, prepositus, Johannes Navas, Haimericus Pelet, Ranulfus, nepos abbatis Sancte Crucis.
Actum anno Incarnacionis dominice M° C° XC° nono, donni Sigerii abbatis primo anno.
(a). Les auteurs de la Gallia christiana ont placé Siger en 1229, lisant XX° au de XC°, et ont corrigé C° en CC°, la date de 1129 étant inadmissible.
L’ordre des Augustins était assez répandu en Poitou ; il y en avait à Montmorillon et à Poitiers (2) ; « Sainte-Croix d’Angles dépendait dans les premiers temps de l’abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers » (Thibaudeau).
Il eut été intéressant de reconstituer ; comme cela a été fait pour beaucoup d’autres monastères, la liste des abbés de Sainte-Croix, depuis l’origine jusqu’en 1787, mais faute de documents ce travail ne peut être exécuté.
Abbaye d'Angles, M. Gabon, abbé ; rev., 2,000 l. (Alm. Prov. 1789).
Abbatia Stæ Crucis de Anglia, Ord. S. Augustini, debet II c. florenos (Taxæ Benef.).
Il est fait mention cependant, dans l’Histoire du Poitou de Thibaudeau, d’un Adrien Gouffié, cardinal de Boissi, qui fut abbé d'Angles en 1505, évêque de Coustances en 1512, cardinal en 1515, grand aumônier de France et l’égat du pape en 1519.
On cite une église situé près de Chênevelles, canton de Pleumartin, du nom de Saint-Pierre de la Chapelle-Roux, aujourd’hui désaffectée et se trouvait sous la dépendance de l’abbé d’Angles.
L’abbé de Sainte-Croix était archiprêtre d’Angles. Le territoire de cet archiprêtré en l’archidiaconé de Poitiers renfermait les paroisses de Sainte-Croix et de Saint-Martin d’Angles, Lurais (Indre), Saint-Pierre et Saint-Phèle de Maillé, Néons (Indre) et Vicq. Le pouillé de Gouthier fait aussi mention d’une
Aumônerie (Saint-Jehan) et d’une léproserie : episcopus Pict. Dat elemosinarium et leprosariam cui vult libere (f° 134) ; maison Dieu et chapelle Saint-Jehan, 1498 ; magister Sancti Lazari de Englia, 1320 (évêché 22) ; chapelle de Saint- Lazarre, 1596 (prieuré de Saint-Martin d’Angles)
On lit, dans un manuscrit de la Merci-Dieu (3), que la première pierre de l’église Sainte-Croix fut possée en 1175 ; la cérémonie de la dédicace fut faite par Guillaume Tempier, évêque de Poitiers. L’église qui était belle, a été ruinée par les calvinistes ; on n’en a rétabli qu’une partie.
D’aspect très simple à l’intérieur, elle comporte une voûte en bois, comme cela se fit beaucoup à l’époque de la transition, dans les églises de campagne, probablement par raison d’économie. Le plein-cintre est composé de voliges clouées sur des aisseliers qui viennent reposer sur des arbalétriers, et les parois de la nef sont ornées de colonnes engagées, d’un diamètre moyen, terminées par des chapiteaux sculptés et très romans avec leurs palmettes.
Le tabernacle du maître –autel, entièrement en bois doré et sculpté, est très beau ; il peut dater des débuts du XVIIe siècle. On y voit de petit médaillons avec au centre des bustes d’évêque et de moines. De chaque côté du tabernacle, deux anges se tiennent debout, tandis qu’au bas de l’ensemble courent des rinceaux d’un très beau travail.
Je dois attirer l’attention sur la façade de cette église, très intéressante au point de vue de son architecture de transition.
Le portail annonce la période gothique, par son Ogive surbaissée, appliquée également aux longues fenêtres jumelles qui le surmontent. Les voussures sont simples et reposent par l’intermédiaire de chapiteaux dont les crochets représentent des feuilles retournées délicatement sculptées, sur des colonnettes, engagées dans des évidements formant pieds-droits et dons les arêtes sont décorées de guirlandes de feuillages. Ces guirlandes annoncent le délaissement de l’ornementation géométrique, si en honneur à l’époque romane, pour des motifs empruntés à la nature, lesquels avec le temps s’éloigneront de plus en plus de la stylisation.
On remarquera le profil roman, de la façade, encadrée de deux énormes contreforts soutenant les coins. Elle annonce la période ogivale par son élancement, l’importance de ses ouvertures, l’angle aigu formé par les rampants du pignon et les deux faux portails qui se soudent au portail principal, disposition adoptée pour la première fois à Saint-Denis (1140), imitée par l’Ecole poitevine et don N.-D. La Grande nous offre un exemple, avec ses deux faux portails encadrant une porte romane. Dans l’avenir, les fausses portes deviendront réelles et donneront entrée à trois nefs.
Le portail de Sainte-Croix d’Angles comporte un tympan en pierre, dépourvu de sculptures et porté par un linteau de bois. Ce tympan montre, à l’exemple de ceux employés dans les édifices byzantins et carolingiens, une inscription gravée, surmontée d’un blason.
L’appareil de cette façade, comme on peut s’en rendre compte sur la photographie, est très soigné et très régulier.
Enfin, l’édifice est surmonté d’un clocher en ardoise, très simple et très élégant, ce qui lui donne un peu l’air d’une chapelle.
Malheureusement, le chœur de cette église aurait été d’après ce qui m’a été dit, fortement entamé lors de la construction de la route. Elle se termine actuellement par un mur droit, ne comporte ni transept, ni absidioles, et peut mesurer 15 mètres de longueur sur 7 à 8 mètres de largeur.
Sainte-Croix a été paroissiale jusqu’en 1791.
L’ancien pont sur l’Anglin a été détruit par une crue des eaux en 1741 (Fonteneau) ; un nouveau pont en charpente a été construit de 1842 à 1845
(Vue du Panorama - Pont ville basse Angles sur l'Anglin)
La Chapelle SAINT-PIERRE de la Forteresse D'ANGLES-SUR-L'ANGLIN (Time Travel) <==.... ....==> L’église paroissiale de Saint-Martin (haute-ville Angles sur l’Anglin)
(1) Il est parlé de cette abbaye dans une charte originale du XIIe siècle, conservée parmi les papiers de ce monastère, au sujet d’un duel judiciaire qui eut lieu à cette époque pour les marias de Fontaine d’Angles, dont les moines se disputaient la propriété avec ceux de Talmond (Hist. Du Poitou de Thibaudeau, Ed. 1840)
(2) Les ermites de Saint-Augustin, ou simplement les Augustins, furent établis à Poitiers le 14 aout 1345, par Hubert Berland, citoyen de cette ville et sgr des Halles)
(3) La Merci-Dieu, ordre de Cîteaux, située paroisse de Posay le Vieux, sur la Gartempe, était de la filiation de Charlieu, dans le temps où cette abbaye était en règle ; elle fut ensuite de Pontigny (Thibeaudeau)