26 Octobre 1425 Chauvigny, Charles VII confirme a Louis d'Estouteville la garde et capitainerie du Mont Saint Michel
Les sièges du Mont Saint-Michel ont duré dix-neuf ans, et se partagent en deux périodes : la défensive qui dura quatre ans (1425-1429) et l’offensive qui se prolongea pendant quinze ans jusqu’à la trêve de Tours (1444).
Si la défensive ne dura que quatre ans, cette période fut la plus dure, le Mont s’y trouva en grand péril.
Il fallut les succès prestigieux de Jeanne d’Arc, sur le front d’Orléans, pour démoraliser l’ennemi, et ramener l’espérance avec la victoire au Mont de l’Archange.
Au commencement de mars 1425, Charles VII avait nommé capitaine du Mont-Saint-Michel Jean, surnommé le bâtard d 'Orléans, comte de Mortain, vicomte de Saint-Sauveur, seigneur de Valbonnais, grand chambellan de France, l'illustre guerrier qui devait devenir si populaire sous le nom de Dunois; mais celui-ci, après avoir approvisionné et ravitaillé la place et avoir reçu le serment de fidélité des hommes d'armes de la garnison, avait délégué ses pouvoirs à un brave chevalier bas-normand, à Nicole Paynel, seigneur de Bricqueville, qui ne tarda pas à le remplacer tout-à-fait lorsqu'il fut entraîné, le 3 août 1425, dans la disgrâce où le président Louvet, son beau-père, tomba dès les premiers mois de cette année.
Le 22 octobre 1425, le roi ayant reconstitué à Poitiers la Cour des aides, Charles VII nomma Combarel général avec le titre et les attributions de président.
Le 26 octobre suivant, Nicole Paynel lui-même fut invité à remettre ses pouvoirs à Louis d'Estouteville qui conserva cette charge jusqu'à sa mort qui eut lieu le 21 août 1464.
1425, 26 OCTOBRE, CHAUVIGNY
Charles VII mande au sire de Bricqueville, chevalier, son chambellan, commis à la garde et capitainerie du Mont-Saint-Michel, aux religieux du dit lieu ainsi qu'aux gentilshommes et compagnons de la garnison, de ne plus différer de recevoir son cousin Louis d'Estouteville, seigneur d'Auzebosc, en qualité de capitaine du dit Mont.
Charles, par la grace de Dieu roy de France, a nostre amé et feal chevalier et chambellan le sire de Briqueville (1), commis a la garde et capitainerie du Mont Saint Michel, aux religieux du dit lieu et aux gentilz hommes et compaignons de la garnison d'ilec, salut et dileccion. Remonstré nous a esté de la partie de nostre chier et feal cousin Loys d'Estouteville, seigneur d'Ausebosc, que, combien que par noz lettres dont il vous est apparu et pour les causes dedens contenues, nous l'ayons fait et ordonné cappitaine et garde de la dicte place du Mont Saint Michel et en ayons deschargié le bastart d'Orleans, neantmoins, soubz umbre de certains seremens ou promesses par vous fais au dit bastart et de voz seellez a lui baillez ou autrement, et aussy de certains privilegez que vous religieux dites avoir de non recepvoir aucun en capitaine en la dicte place, sinon l'abbé du dit lieu, vous avez differé et faictes encore de recevoir nostre dit cousin en capitaine d'icelle place et de luy faire sur ce les obeissance et serement qui y appartiennent, et pour ce que, considéré par nous la disposicion du temps et le besoing qu'il est de pourveoir a la garde et deffense de la dicte place de personne a nous seure et feable et qui a ce vacque et entende en personne, voulans nos dictes lettres avoir et sortir leur plain effect, nous vous mandons bien expressement et a chascun de vous, comme a lui appartendra, que, non obstans les dis seremens et promesses fais au dit bastart ou a autres pour lui, voz seellez sur ce baillez et les advitaillemens, habillemens et autres choses quelzconques qui de par le dit bastart ont esté mises et baillées en la dicte place, dont nous vous avons quittez et deschargez, quittons et deschargons par ces presentes et vous en promettons garantir partout ou mestier sera, ensemble les dis privilegez auxquelz nous ne voulons estre derogué en ceste partie, mais, sans prejudice d'iceulx pour le temps avenir, vous nostre dit cousin recevez en capitaine et garde de la dicte place et l'obbeissez et faites obeir tout selon nos dictes lettres.
Donné a Chauvegny le XXVIe jour d'octobre l'an de grace mil quatre cens vint cinq, et le quart de nostre regne.
Par le roy, le conte de Foix, l'admiral, les sires de Graville et de Giac et autres presens.
BUDE (2).
Le nouveau capitaine débuta par une victoire : à la Toussaint de 1425 « la garnison Tombularroise fut massacrée par les Michaélistes ».
Mais voici venir les revers.
Pontorson, la citadelle avancée du Mont, reprise en 1426, est perdu à nouveau, les troupes de Richemont ayant pris panique. Le meilleur auxiliaire de d’Estouteville, le baron de Coulonces, Jean de la Haye, vaillant élève du duc d’Aumale, se fait tuer le jeudi-saint 1427, entre Huynes et Court ils.
Puis c’est la chute du château de Pontorson, séjour préféré de Duguesclin au siècle précédent, puis de Saint-James dont les remparts sont démolis.
C’est l’affolement démoralisateur de l’évêque Philibert de Montjeu, qui fait retirer en hâte du Mont les reliquaires d’or et ornements somptueux qu’il y avait mis en dépôt. Ce sont les agissements de l’Abbé Jollivet travaillant au compte de l’ennemi.
L’anglais triomphe partout : l’invasion est arrivée au point culminant. Trois forteresses seulement tiennent encore : Vaucouleurs à l’est ; Orléans au centre ; le Mont de l’Archange à l’ouest.
Vaucouleurs vient de capituler, Orléans est investi, il faut à tout prix faire tomber au printemps de 1428, la petite forteresse insolente, en l’attaquant par terre et par mer.
A l’assaut du Mont.
L’anglais tenace va tenter un effort décisif. Pour cela, il forge d’abord un trésor de guerre. Bedfort lève un décime sur tous les ecclésiastiques de Normandie, et c’est Cauchon qui se charge de cette honteuse perception.
D’autre part, on lève, dans le duché, 30.000 livres tournois qu’on convertit en saints d’or, monnaie anglaise.
Avec ce budget de guerre, on renforce Tombelaine, Pontorson et Genest : le petit Mont est condamné à périr dans ce triangle de fer.
La garnison de Pontorson est portée à 300 hommes, tous à cheval pour la poursuite dans les grèves. Elle est confiée à Thomas Scales, le vainqueur du baron de Coulonces. Les bastilles de Tombelaine et de Genest sont remises en état : celle de Genest reçoit 100 archers à cheval, sous la conduite de Sir John Harpeley, bailli du Cotentin. Bedfort fait venir en renfort des marins et des gens d’armes d’au-delà du détroit. C’est le blocus.
Le Mont est perdu. Les jours de sa résistance sont comptés.
D’où pourrait venir le salut ? Charles VII est loin et embarrassé dans des difficultés plus grandes.
« La Pucelle vient au Roy ».
Soudain, par dessus les anglais, vole un miraculeux message. « Une nouvelle étrange, merveilleuse, presqu’invraisemblable traverse les grèves et arrive dans ce coin perdu de l’Océan où une poignée de braves soutient depuis onze ans une lutte sans trêve ».
« L’an 1429, le sixième jour de Mars, la Pucelle vint au Roi ».
Le messager qui l’a apportée, peut-être au péril de sa vie, l’a sans doute commentée de tous les détails merveilleux qui soulèvent la France d’enthousiasme et d’espoir. Le pauvre chroniqueur qui l'a saisie au vol, la reproduit avec ce laconisme émouvant, sans se douter que cette petite ligne renferme l’Annonciation du Salut de la France. « La Pucelle au Roi » c’est la France immortelle qui se ressaisit.
D’autres nouvelles viennent le confirmer : la délivrance d’Orléans, la victoire de Patav (18 juin).
Le « Lion » contre le « Léopard ». L’Offensive (1429-1450).
Un souffle d’enthousiasme passe sur les défenseurs et ramène l’espérance au cœur des assiégés. Le vent de la défaite secoue les assiégeants et fait chanceler la victoire. Ils entrevoient que le Mont ne leur appartiendra jamais. La situation est changée : le Lion s’est retourné contre le Léopard.
La retraite anglaise.
Les Anglais battent en retraite, mais lentement.
Dès le 8 Juillet, ils démolissent Pontorson qu’ils se sentent impuissants à conserver. D’Estouteville pousse des pointes jusqu’à Saint-Lô.
Les défections se préparent : Le vicomte de Carentan, jusque-là dévoué aux Anglais, noue une intrigue avec des hommes du Mont « pour si le temps tournait ».
Au début de Juillet, un soulèvement populaire tente de livrer Cherbourg aux Français. La panique s’en mêle : les Gallois veulent repasser la mer.
Le bruit court, que la Pucelle va venir jusqu’aux marches d’Avranches, en compagnie de Dunois, son loyal servant.
Elle y songea : son sens mystique plus perspicace que le sens politique, la poussait, par reconnaissance, vers le Mont de l’Archange qui l’avait inspirée dans la clairière du Bois-Chenu.
Mais la politique humaine, fermée aux impondérables, l’en empêcha, comme aussi la jalousie odieuse des grands chefs, La Trémoille et Régnault de Chartres.
En tous cas, il est certain que c’est elle qui par sa diversion sur Orléans, dégagea le Mont en péril et le sauva.
Par reconnaissance, Louis d’Estouteville fera placer sur la porte d’entrée du Mont, une reproduction de l’étendard de la Pucelle « auquel était portraicturé Dieu en sa majesté, et de l’autre costé Notre-Dame et cinq écus de France tenus par Anges ».
Louis d'Estouteville, capitaine et défenseur du Mont Saint-Michel et Jeanne Paynel, son épouse, inhumés dans le choeur de l'abbaye de Hambye E. Niobey
Octobre 1422, le dauphin se proclame roi de France sous le nom de Charles VII <==....
(1). Nicole Paynel, seigneur de Bricqueville, lieutenant de la capitainerie du Mont en l'absence de Louis d'Estouteville qui prêta serment comme capitaine, d'après la note précédente, le 8 octobre 1425.
(2). Cette même pièce se retrouve incluse dans un vidimus de Guillaume aynel, clerc, garde des sceaux des obligations de la vicomté d'Avranches, en date du 18 novembre 1425 (série H, n° 15362).
