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PHystorique- Les Portes du Temps
10 janvier 2024

1914 Éphémérides de la Mobilisation à Rochefort - Hôpital de la Marine de Rochefort - Pierre Loti

1914 Éphémérides de la Mobilisation à Rochefort Hôpital de la Marine de Rochefort - Pierre Loti et la Cathédrale de Reims

Vers la fin de juillet 1914, des bruits de guerre circulent ; parce que quelques Serbes fanatiques ont assassiné un prince autrichien, héritier de la couronne, le vieux François-Joseph, dont l'intelligence s'effondre dans la décrépitude (84 ans), veut rendre la Serbie tout entière responsable du crime de Sarajevo.

Les Etats de l'Europe amis de la paix s'efforcent de détourner l'orage en représentant au vieux monarque les horreurs et les aléas d'un conflit sanglant.

Le kaiser de Berlin souffle la tempête avec l'intention évidente de saisir cette occasion pour écraser la France et la Russie et tâcher d'isoler ou d'amoindrir l'Angleterre, de façon à pouvoir remanier la carte d'Europe au seul profit de l'Allemagne.

 

28 JUILLET 1914

Fin du procès de Mme Caillaux, femme d'un ancien président du conseil, qui, après avoir tué M. Gaston Calmette, directeur du Figaro, est acquittée ; le verdict est commenté avec passion.

Ce procès politique, qui tenait une grande place dans la préoccupation publique, passe au second plan ; on ne parle plus que de la guerre possible.

 

29 JUILLET

Dépêches et nouvelles. — La guerre est déclarée entre l'Autriche et la Serbie.

On dit que la Russie ne laissera pas écraser la Serbie par sa puissante voisine ; ces provocations menacent de déchaîner une conflagration européenne.. -

M. Poincaré, président de la République, et M. Viviani, président du conseil, rentrent de Petrograd et de Stockholm ; les graves événements qui se préparent n'ont pas permis au Président de s'arrêter à Copenhague, comme il en avait l'intention.

L'imminence du conflit produit une grande nervosité parmi notre population rochefortaise.

 

30 JUILLET

On dit qu'il reste encore une lueur d'espoir d'éviter la guerre ; cependant, les principales puissances de l'Europe mobilisent et se préparent à la lutte.

Une foule stationne sur la place Colbert, attendant les -dépêches de l'agence Havas qui, aussitôt leur arrivée, sont affichées au journal Les Tablettes des deux Char entes.

31 JUILLET

Des dépêches font connaître que les Autrichiens bombardent Belgrade.

La Russie déclare mobiliser quatorze corps d'armée sur la frontière autrichienne.

A Paris, Jean Jaurès, député, au Parlement chef du parti socialiste, est assassiné dans un café, à dix heures du soir.

A Rochefort, la population est toujours anxieuse au sujet de la guerre qu'elle croit inévitable.

 

SAMEDI 1er AOUT

Dépêches et nouvelles. — L'Allemagne déclare la guerre à la Russie.

On dit que, depuis quelques jours déjà, l'Allemagne mobilise sournoisement ; de son côté, la France se prépare en cas d'événements. Les négociations diplomatiques ne sont pas encore rompues. La Belgique n'est pas rassurée sur les intentions de l'Allemagne. On dit que le Japon interviendrait en notre faveur.

Dans l'après-midi, un télégramme officiel venant de Paris ordonne la Mobilisation générale. On appose partout des affiches faisant connaître que le premier jour de la mobilisation est le 2 août. La guerre est maintenant inévitable !

A Rochefort, cette nouvelle est accueillie avec un patriotique enthousiasme.

L'ordre de mobilisation a été lu aux troupes dans les casernes ; les soldats ont crié « Vive la France ! »

La suppression des défenses sous-marines, qui assurait la protection du front de mer dans nos rades, cause, dans les milieux compétents, une certaine inquiétude. Actuellement, en effet, rien n'empêcherait l'ennemi de venir bombarder nos'côtes.

La section rochefortaise de la Croix-Rouge Française (Société de secours aux blessés militaires) fait appel aux femmes et aux jeunes filles qui désirent servir comme volontaires dans les services auxiliaires de la Société.

Il règne en ville une grande émotion, tout le monde commente les événements ; mais la confiance domine. Dans un groupe, un jeune bomme dit : « Toute ma vie, j'ai entendu parler de cette revanche qui n'arrivait jamais ; hé bien ! puisqu'il faut y aller, allons-y de bon cœur !!... »

J'entends dire, avec raison, qu'il faut faire disparaître toutes les Questions politiques qui nous séparent les uns des autres, afin que, devant un pareil danger, l'unité morale de la France soit complète.

Ce soir, la foule massée sur la place Colbert accueille les soldats par les cris de « Vive l'armée ! Vive la France ! »

En exécution d'ordres antérieurs aux bruits de guerre, ce samedi 1er août, une retraite militaire a lieu; elle parcoure les principales rues de la ville et du faubourg ; plus de 3,000 personnes suivent les musiques : civils, marins et militaires de toutes armes sont enlacés bras dessus bras dessous chantant des airs patriotiques ; tout Rochefort est dehors acclamant l'armée ; l'animation est à son comble.

Sous la poussée des événements, l'esprit public se transforme rapidement ; il semble qu'une nouvelle vie commence....

 

DIMANCHE 2 AOUT

(Premier jour de la mobilisation)

A Bruxelles, on craint que l'Allemagne n'envahisse la Belgique pour atteindre la France par le Nord.

L'Italie reste neutre.

A Rochefort, un détachement du 57c de ligne part pour Libourne ; le colonel Dapoigny prononce des paroles patriotiques.

La gare présente une animation extraordinaire, tous les trains amènent de nombreux réservistes.

Certes, ces hommes laissent dans leurs foyers des êtres chers et abandonnent un travail nécessaire à l'alimentation de la famille ; mais ne faut-il pas défendre la Patrie contre l'envahisseur ?

Les premiers mobilisés sont ceux préposés à la garde des voies de chemin de fer; leur costume n'est pas luxueux, tant s'en faut, mais leur service est des plus utiles.

Nous sommes heureux de constater que tous ces appelés : marins, coloniaux, fantassins, sont pleins d'entrain et paraissent fermement résolus à faire vaillamment leur devoir.

L'état de siège étant proclamé sur tout le territoire français, on ne peut plus circuler hors de la commune de Rochefort sans un sauf-conduit, avant six heures du matin et après six heures du soir. Ces mesures sont certainement utiles, mais à coup sûr elles sont bien gênantes. Les services d'ordre sont assurés par l'armée aidée de la police ; les établissements publics sont gardés militairement ; les trains de voyageurs sont limités, l'horaire est changé et incertain, les dépêches privées ne sont plus acceptées au guichet du télégraphe.

Depuis quelques jours, la guerre est l'unique préoccupation, tout le monde est devenu belliqueux, même, dit-on, les partisans de l'internationalisme ; jusqu'aux enfants qui maintenant jouent à la guerre dans les jardins et les squares publics, sur la place Colbert, les cours Roy-Bry et d'Ablois ; après s'être divisés en groupes adverses, ces guerriers en herbe, armés de fusils de 39 sous et de sabres de bois, se pourchassent avec acharnement en se dissimulant derrière les arbres ou autres obstacles, parfois même ils s'abordent avec une violence qui peut faire craindre des accidents.

L'empereur d'Allemagne, qui est l'auteur principal de cette guerre, est, de la part du peuple, l'objet de toutes les malédictions. Tous les Guillaume mentionnés dans l'histoire ont porté des surnoms ; si la postérité est juste, l'actuel tyran allemand devra s'appeler Guillaume le Criminel ; car il faut être un bien grand criminel pour déchaîner, au XXe siècle, une guerre où des millions d'hommes vont s'entretuer, laissant après eux le deuil, la désolation et la ruine !

Hier, sur le cours Roy-Bry, de nombreux enfants de 8 à 12 ans bombardaient à coups de cailloux une image grossière de Guillaume II, fixée à un tronc d'arbre ; chaque fois que l'un d'eux atteignait le but, c'était des cris de joie.

 

LUNDI 3 AOUT

(2e jour de la mobilisation)

L'Angleterre mobilise sa flotte.

L'Allemagne envoie un ultimatum à la Belgique.

Les Allemands nous ont provoqués ; puis, ils ont envahi le grand-duché de Luxembourg, maintenant ils se disposent à violer la neutralité de la Belgique.

Sans doute, les deux complices, François-Joseph et Guillaume, avaient entre eux signé ce pacte odieux, honte de leurs noms.

Tout le monde est d'avis que la paix armée est ruineuse ; mais le désarmement, avec l'Allemagne pour voisine, serait une duperie qui coûterait encore plus cher..

A Rochefort, la mobilisation s'effectue au milieu de 1’entrain général nos rues présentent une animation extraordinaire, partout le plus réconfortant enthousiasme se manifeste.

Plusieurs fois par jour, d'importants détachements de réservistes font leur entrée en ville ; le soir, soldats de l'active et de la réserve parcourent nos rues en chantant la Marseillaise et le Chant dit départ.. ,

Le 57e d'infanterie et le 3c colonial ont pris possession des Lycée, Collège, écoles, Théâtre, Apollo, Casino, etc.

 

L'Union des femmes de France », sous la présidence de Mme P. Charron, fait un appel patriotique à la générosité de tous pour s'associer à son œuvre d'assistance aux blessés par des dons en argent ou en nature.

 

MARDI 4 AOUT

(3e jour de la mobilisation)

Dépêches. — L'Allemagne déclare la guerre à la France.

Deux croiseurs allemands bombardent Bône et Philippeville. On dit que les Allemands ont fusillé Samain, ainsi que le curé de Moineville (Alsace-Lorraine).

A Rochefort, il arrive sans cesse des réservistes.

Il y a dans nos rues un grand mouvement de véhicules de toutes sortes pour le service de la .place, ces véhicules transportent des casernes aux locaux réquisitionnés le matériel d'habillement et d'équipement de la troupe.

Des commissions de réquisition de chevaux, voitures, charrettes, autos, etc., fonctionnent, depuis quelques jours déjà, sur les cours Roy-Bry et d'Ablois ; les chevaux proviennent de la ville et des communes les plus rapprochées ; après avoir été estimés à leur valeur, la plupart sont dirigés sur le 24c d'artillerie, à La Rochelle, ou sur le 15c dragons, à Libourne. On a peut-être tort de priver totalement les ruraux de leurs chevaux ; comment vont-ils terminer les moissons qui manquent de bras ? On ne pense pas peut-être assez à l'agriculture ; cependant, comme à l'époque du roi Henri, « elle est toujours la mamelle principale qui alimente la France ».

 

MERCREDI 5 AOUT

(4e jour de la mobilisation)

Les Allemands se présentent devant Liège qui résiste.

L'Angleterre, indignée de l'invasion de la Belgique, déclare la guerre à l'Allemagne.

Le conflit s'étend ; l'Allemagne et l'Autriche ont maintenant devant elles, pour défendre la civilisation et le droit : la France, la Russie, l'Angleterre, la Belgique et la Serbie.

Le bruit circule que le général d'Amade est entré à Mulhouse, à la tête d'une armée française.

A Rochefort, les réservistes arrivent sans cesse, ils paraissent toujours animés du plus bel entrain.; la plus grande activité se concentre dans les casernes.

A deux heures du matin, une foule nombreuse, malgré l'heure matinale, accompagne à la gare le 57c d'infanterie qui part pour la frontière. Ce beau régiment, qui n'est dans notre ville que depuis dix mois, a conquis l'estime et l'affection de toute la population ; la foule sympathique et enthousiaste acclame nos soldats ; la musique joue la Marseillaise et le Chant du départ, les soldats et les civils chantent les paroles.

Le 57e' a les plus beaux faits d'armes à son actif et son drapeau est décoré de la Légion d'honneur ; ce régiment a hâte de prouver à nos barbares envahisseurs que l'on n'attaque pas impunément la France pacifique et laborieuse !

Ce même jour, un important détachement du 3e colonial quitte notre ville pour contribuer à la formation du 33° de la même arme.

Toute la journée, une foule stationne sur la place Colbert, attendant des nouvelles.

Les réjouissances ont cessé, les théâtres font relâche ; tout le monde a compris qu'il ne serait pas convenable de s'amuser tandis que la jeunesse lutte aux frontières pour l'existence de la Patrie.

 

JEUDI 6 AOUT

(56 jour de la mobilisation)

L'Autriche déclare la guerre à la Russie.

Les forts de Liège et l'armée belge arrêtent les Allemands qui éprouvent des pertes sensibles ; la Belgique est partout acclamée.

Les Allemands n'ont en vue que leurs intérêts commerciaux et la domination mondiale ; pour ces barbares modernes, le droit des autres n'existe pas, la force brutale prime tout !

Il n'est pas admissible que l'argent et l'ambition malsaine et . démesurée d'un peuple sans scrupule puissent gouverner le monde ! Ne semble-t-il pas que la justice, la générosité et la bonté doivent avoir leur part ?

Malgré le départ du fort détachement d'hier, il reste encore peut-être 3,000 coloniaux à Rochefort qui vont partir incessamment et à leur grande satisfaction.

Le bataillon colonial qui tenait garnison à Marennes est -arrivé ; il est cantonné au Casino d'été, à l'Apollo et aux écoles de la rue Zola ; les cuisines sont installées au pied du rempart, sur le cours d'Ablois ; il est réconfortant de voir avec quelle gaîté insouciante ces braves marsouins acceptent les événements ; habitués au danger et à la vie des camps sous toutes les latitudes, nos coloniaux sont des débrouillards, des vaillants et les premiers soldats du monde.

A la mairie, une foule se presse pour se faire inscrire au bureau de secours.

Au terme de la nouvelle loi, les femmes d'appelés nécessiteuses reçoivent 1 fr. 25 par jour et chaque enfant 0 fr. 50.

Ici, tout le monde est plein de confiance dans l'issue de cette guerre formidable qui nous a été imposée ; M. Février, directeur du Casino d'été, a fait placarder sur son établissement une affiche en gros caractères, portant : Relâche jusqu'après la victoire.

 

VENDREDI 7 AOUT

(6e jour de la mobilisation)

Dépêches et nouvelles. — L'armée allemande est toujours arrêtée devant Liège, elle demande un armistice de vingt-quatre heures, pour enterrer ses morts, on ne lui accorde que quatre heures.

Nos troupes se montrent en Belgique et sur la frontière d'Alsace-Lorraine.

A Rochefort, des réservistes et des inscrits maritimes arrivent sans cesse.

Le départ du 3c colonial s'est effectué aujourd'hui ; il n'a pas fallu moins de trois trains pour embarquer la troupe et le matériel.

Nos braves coloniaux sont partis pleins d'entrain et bien résolus à venger leurs aînés de Bazeille.

Ils ont quitté Rochefort aux accents de la Marseillaise et du Chant du départ, joués par la fanfare et les clairons ; une foule enthousiaste les a accompagnés jusqu'à la-gare, les cris de « Vive l'armée ! Vive le 3e ! Vive la France ! » se sont souvent fait entendre ; une ovation a été faite au drapeau ; de part et d'autre, on s'est dit « au revoir » ; mais combien, hélas, ne reviendront plus !

Ce beau et vaillant régiment est enfant de Rochefort ; à son départ, bien des yeux ont versé des larmes.

La population civile partage l'enthousiasme des soldats, on ne néglige aucune occasion de manifester ses sentiments. Les nombreuses autos qui circulent sont pavoisées aux couleurs nationales et des alliés.

 

SAMEDI 8 AOUT

(7e jour de la mobilisation)

Des dépêches annoncent la prise d'Altkirch et la marche sur Mulhouse.

Dans le duché de Luxembourg, nos troupes seraient en présence des Allemands.

Des combats incessants ont toujours lieu sous les murs de Liège, l'avantage serait aux Belges.

On dit également que des troupes anglaises débarquent à Dunkerque, Calais et Ostende.

On sait que, sur la frontière d'Alsace-Lorraine, nos troupes sont aux prises avec les Allemands ; notre population est impatiente de connaître le résultat et stationne en foule sur la place Colbert, attendant des nouvelles.

La très grande partie de nos concitoyens parle de cette guerre avec une parfaite tranquillité d'esprit ; surtout depuis que l'Angleterre est avec nous.

Depuis le départ du 3e' colonial, qui a eu lieu hier, notre ville paraît déserte ; il nous manque quelque chose ! Aux jours de fièvre et d'agitation fébrile a succédé une sorte d'engourdissement profond.

Parmi la population civile, on se compte, il en manque beaucoup ; c'est que chacun a rejoint son poste militaire.

 

DIMANCHE 9 AOUT

(8e jour de la mobilisation)

Les Français entrent à Mulhouse.

Les Allemands fléchissent devant Liège.

Les communiqués officiels sont laconiques et incomplets ; ils semblent être rédigés plutôt pour entretenir ou développer l'enthousiasme chez les masses ; ces communiqués, affichés place Colbert, sont entourés de gens avides de connaître les détails ; mais, pour ne pas alarmer sans doute, ils n'indiquent ni les régiments engagés, ni les corps d'armée, pas même les noms des généraux qui ont obtenu des succès.

La prise de Mulhouse est le premier rayon de la victoire, l'enthousiasme est grand, on s'arrache les journaux ; mais gardons-nous des illusions qui nous perdirent en 1870, craignons toujours un lendemain redoutable !

(Mulhouse [Alsace-Lorraine], entre les Vosges et le Rhin, est à 43 kilomètres de Colmar, sa population est de 90,000 habitants environ.)

L'entrée de nos troupes en Alsace cause une grande satisfaction à Rochefort ; des groupes se forment dans les rues et sur les promenades, on s'aborde pour s'annoncer la première victoire.

Les mobilisés arrivent sans cesse, les soldats sont dirigés vers les casernes, les inscrits maritimes vont dans l'arsenal ; parmi cette jeunesse exubérante, l'entrée des Français à Mulhouse est accueillie avec joie.

Par ordre de la municipalité, il ne sera plus fait qu'une seule qualité de pain, vendu 0 fr. 95 les 2 kil. 500.

L'autorité militaire fait connaître que la circulation de nuit est redevenue libre, sauf pour les autos qui ne pourront pas circuler de 7 heures 30. du soir à 4 heures 30 du matin.

 

LUNDI 10 AOUT

(9e jour de la mobilisation)

Les Allemands sont toujours devant Liège.

En Belgique, nos troupes seraient en contact avec les troupes allemandes.

En Russie, la mobilisation s'effectue normalement; mais elle est lente, étant donné l'immensité du territoire.

La flotte allemande serait bloquée par la flotte anglaise dans la mer du Nord et dans le canal de Kiel.

L'Autriche et l'Allemagne feraient de grands efforts pour entraîner l'Italie qui persiste à rester neutre.

Nos parlementaires semblent enfin sacrifier leurs haines de partis et de sectes à l'intérêt supérieur et au salut de la Patrie. Ils offrent là un bel exemple de l'union entre tous les citoyens ; s'il en était toujours ainsi, la France serait prospère et invincible !

La marine a sans doute mobilisé un trop grand nombre de classes à la fois ; car, depuis quelques jours, il y a partout ici des inscrits maritimes provenant de tout le littoral du 4c arrondissement.

Depuis deux jours, le temps, de maussade et couvert qu'il était, est redevenu très chaud, les limonadiers et les débitants doivent faire des affaires d'or.

La police délivre un grand nombre de sauf-conduit.

Au début de ces temps calamiteux on a constaté que certains fournisseurs, peu délicats, avaient sensiblement majoré les prix des denrées nécessaires à la vie ; des plaintes adressées à la municipalité les ont fait rentrer dans l'ordre ; les plus compromis seront poursuivis devant les tribunaux.

Le conseil d'administration de la Caisse d'épargne de Rochefort a prélevé une somme de 3,600 francs, sur la fortune personnelle de cet établissement, pour venir en aide aux familles nécessiteuses.

 

MARDI 11 AOUT

(10e jour de la mobilisation)

On annonce la rupture des relations diplomatiques entre la France et l'Autriche.

On dit que des forces allemandes considérables nous obligent à évacuer Mulhouse.

C'est une déception que chacun commente selon son tempérament ; il importe de garder son sang-froid, il faut s'attendre à des succès et à des revers. Il est plus humain d'évacuer Mulhouse que d'exposer cette ville à un bombardement.

Il fait, ici, une chaleur accablante.

La Société française de secours aux Blessés militaires (Croix-Rouge) installe un hôpital auxiliaire, 65, rue Voltaire (salle Jeanne d'Arc). Président, M. Julien-Laferrière ; présidente, Mme Dick-Lemoine.

 

MERCREDI 12 AOUT

(11, jour de la mobilisation)

La France et l'Angleterre déclarent la guerre à l'Autriche qui a envoyé des troupes contre nous.

La liaison est complète entre Anglais, Belges et Français.

La France aurait 1 million 200,000 hommes sur la frontière.

La Turquie donne asile aux deux croiseurs allemands Breslau et Goeben, qui ont bombardé Bône et Philippeville.

À Rochefort, l'anxiété est grande, on voudrait savoir ; mais les nouvelles habilement présentées ne donnent que des renseignements évasifs, on a l'intuition qu'il se passe quelque chose de tragique et de douloureux que nous ne savons pas.

La rareté des correspondances avec les militaires qui sont à la frontière contribue encore à alarmer davantage les familles.

 

JEUDI 13 AOUT

(12e jour de la mobilisation)

Les Allemands bombardent Pont-à-Mousson.

En Belgique, nos troupes se portent au-devant des Allemands par Charleroi.

On apprend, par des blessés et des lettres particulières, que nos canons de 75 font des ravages terribles dans les rangs ennemis.

Bon nombre de nos compatriotes, d'opinion avancée, sont victimes de leur générosité; ils croyaient que, grâce au socialisme international, cette guerre n'aurait pas lieu ; ils comptaient qu'un soulèvement se serait produit en Allemagne contre la classe dirigeante et le parti de la guerre ; il y a bien eu un soulèvement, en effet ; mais contre la France !

De nombreux curieux sont groupés sur la place Colbert commentant les communiqués officiels placés sur des planchettes aux réverbères.

Sur le, cours Roy-Bry, quelques centaines d'appelés ou d'engagés, ni armés ni habillés, font des exercices, ils sont remplis de bonne -volonté, ils voudraient déjà être sur le théâtre de la guerre; cet entrain et cette confiance dans le succès final sont vraiment admirables.

Depuis plusieurs jours, les journaux de Paris ne nous arrivent plus ; seuls ceux de Bordeaux nous apportent quelques nouvelles épurées par la censure.

Dans nos rues, on voit des monômes d'enfants et de jeunes gens chantant : « C'est l'Alsace et la Lorraine, c'est l'Alsace qu'il nous faut ! » puis, comme refrain, sur l'air connu : « Conspuez Guillaume ! Conspuez Guillaume ! Conspuez ! »

 

VENDREDI '14 AOUT

(13e jour de la mobilisation).

Le Japon déclare la guerre à l'Allemagne.

Les armées russes entrent en Allemagne par le Nord.

On dit que les Japonais, alliés des Anglais, vont détruire une division navale allemande qui croise dans les mers de Chine et du Japon.

Sur ce qui se passe en Belgique, nous n'avons que peu de renseignements, encore sont-ils contradictoires.

Les journaux disent que les Allemands en Belgique agissent comme des barbares, ils commettent des actes de pillage, d'incendie, de violence et d'assassinat

Bismark disait : « La force prime le droit » ; l'actuel chancelier de l'empire, à qui on reprochait l'invasion de la Belgique, vient de dire à son parlement : « Quand on est embarrassé, on s'en tire comme on peut » ; ce sont à peu près les mêmes doctrines.

Avec ces procédés, il n'y aurait plus ni droit, ni honneur, ce serait comme aux premiers âges de la terre !

Parmi les nouveaux mobilisés qui arrivent sans cesse, il y a des hommes d'âges différents. Sue le cours Roy-Bry, ils font l'exercice sans armes et sans vêtements militaires ; pendant un repos, j'ai fait causer un groupe de ces braves qui m'ont dit « Nous usons nos vêtements, nous dépensons le peu d'argent que nous avons apporté, pendant que notre famille souffre ; si encore à notre retour nous retrouvons nos places, nos travaux? » Je me suis efforcé de rassurer ces bons Français qui, d'ailleurs, consentent bravement tous ces sacrifices.

A la gare, à chaque instant il passe des trains transportant des appelés entassés dans des prolonges ou des wagons à bestiaux ; d'autres trains sont chargés de canons, de munitions, de vivres, de chevaux, de bœufs, etc., etc. Que de choses vont être entassées sur cette frontière, pourvu qu'il n'y ait pas d'encombrement ? Ce qui serait un véritable désastre, surtout si nous étions obligés de reculer ; un ancien combattant de 1870, comme moi, qui ai assisté it la triste débâcle, ne peut songer à cela sans frémir....

 

SAMEDI 15 AOUT

(14e jour de la mobilisation)

Le tsar vient de promettre la reconstitution du royaume de Pologne.

Les forts de Liège repoussent toujours les attaques allemandes. Le général French, venant prendre le commandement de l'armée anglaise en France, est acclamé à Paris.

J'entends dire souvent que si les auteurs de cette guerre entendaient les lamentations et les désespoirs des mères, des épouses et des sœurs, ces tyrans exécrés auraient horreur de leur œuvre.

Cette conflagration va endeuiller et ruiner plusieurs nations. Si encore, disent quelques-uns, elle pouvait nous amener les Etats-Unis d'Europe, administrés par les plus expérimentés, les plus sages, les moins sectaires, nous n'aurions peut-être pas trop à le regretter. Mais cela ressemble bien à une utopie. Sauver la France d'abord et la faire plus grande !

A Rochefort, toujours la même inquiétude, on trouve les communiqués officiels insuffisants ; quant aux autres dépêches, on n'y croit-pas sans réserves.

Nos églises sont bien plus fréquentées qu'avant la guerre, la foule va prier pour les chers absents en danger et pour le succès de nos armes.

Il arrive sans cesse des inscrits maritimes ; on ne comprend pas la mobilisation d'un seul coup d'une pareille quantité de braves pères de famille ; ils ne sont ni habillés ni armés et ne font aucun service, on les voit désœuvrés, couchés sous les arbres du Cours ; d'autres flânent sur les quais des bassins ou remplissent les cabarets de la ville et du faubourg.

 

DIMANCHE 16 AOU ,

(15e jour de la mobilisation)

Des dépêches disent que nos troupes avancent dans les Vosges et que les Allemands hésitent à engager une grande bataille en Belgique où des combats d'avant-garde nous ont été favorables.

Des aviateurs français jettent des bombes sur les hangars des zeppelins à Metz.

L'Italie se préparerait à la guerre... contre l'Autriche ? Aujourd'hui dimanche, une foule de curieux massée sur le cours Roy-Bry; assiste aux exercices des réservistes coloniaux, au nombre d'environ 2,000, ils vont former un nouveau régiment redoutable qui ne tardera pas à rejoindre la frontière.

Ces braves, animés du plus bel entrain patriotique, tiendront haut et ferme le drapeau de la France.

L'Union des Femmes de France a installé un hôpital auxiliaire dans l'un des bâtiments de l'Asile de nuit, appartenant aux Œuvres de l'Assistance rochefortaise, rue Zola, il comprend trente lits répartis en deux salles : cet hôpital sera dirigé par Mme Morel.

Dans un but patriotique et humain, un Comité de secours et d'initiative vient d'être créé à Rochefort ; ce comité se propose de seconder l'effort des pouvoirs publics en vue d'assurer le ravitaillement, l'hygiène, des soupes populaires, des cantines scolaires, garderies et crèches, délivrance de secours, travail aux ouvriers et ouvrières sans emploi, etc.

Dans ce comité de secours, sont réunis des hommes venus de tous les horizons politiques ou religieux, ce qui dénote très heureusement qu'une grande pacification intérieure suivra cette-tuerie affreuse.

La Chambre de commerce de Rochefort offre au Comité de la Société française de secours aux Blessés militaires de notre ville le rez-de-chaussée de son hôtel, rue Victor-Hugo, pour y installer une ambulance pour convalescents, blessés ou malades, annexe de l'hôpital auxiliaire Jeanne d'Arc (rue Voltaire, 65).

Depuis deux jours, de gracieuses jeunes filles offrent la petite fleur belge; elles obtiennent un réel succès et font des recettes importantes.

 

LUNDI 17 AOUT

(16e jour de la mobilisation)

Un croiseur autrichien est coulé par la flotte française devant Antivari.

Dans l'Est, nos troupes avancent sans cesse, elles prennent des passages importants dans les Vosges.

Le Japon envoie un ultimatum à l'Allemagne lui enjoignant d'évacuer le territoire de Kiao-Tchéou, sur la côte de Chine.

Dans la Haute-Alsace, le 10c bataillon de chasseurs à pied prend le drapeau du 132e d'infanterie allemande.

Les communiqués disent que nous sommes à la veille d'un choc formidable en Belgique.

Sur toutes les mers, le commerce allemand est ruiné par les flottes anglaise et française.

D'après les journaux, toutes les rencontres nous sont favorables; mais des faits abominables sont officiellement recueillis et contrôlés : les soldats allemands commettent des atrocités, ils se livrent à d'horribles et sanguinaires vengeances en achevant nos blessés, ' en fusillant de paisibles habitants.

A Rochefort, il arrive sans cesse des réservistes de différentes armes.

A la chaleur accablante de la semaine dernière a succédé une température plus supportable, quelques ondées ont rafraîchi l'atmosphère ; nos mobilisés sont enfin en partie habillés ; mais un certain nombre ne sont pas encore armés.

De temps à autre, quelques fausses nouvelles sont mises en circulation, mais la population sait qu'il ne faut accepter comme sérieuses que les communications officielles ; elles ne nous disent peut-être pas tout, mais ce qu'elles nous disent est vrai.

Un avis officiel fait connaître que les propriétaires de chevaux de 5 ans et au-dessus, susceptibles d'être réquisitionnés, sont invités à en faire la déclaration à la mairie.

 

MARDI 18 AOUT

(17e jour de la mobilistion)

Le généralissime Joffre télégraphie au Gouvernement les succès obtenus en Alsace-Lorraine.

Sur le Danube, la vaillante petite armée Serbe tient tête à l'Autriche ; mais, ce qui est plus inquiétant pour nos ennemis, c'est que l'armée Russe entre sur les territoires allemand et autrichien.

A Rochefort, notre population espère de plus en plus la victoire ; les visages sont plus rayonnants qu'au début des hostilités.

On dit que les vivres ne manqueront pas cette année ; mais l'année prochaine, si la guerre n'est pas finie, la vie matérielle sera plus chère.

Le Gouvernement vient de décréter que, dans les villes de moins de cent mille habitants et de plus de cinq mille, il est accordé un délai de quatre-vingt-dix jours pour payer les loyers dont le coût annuel est inférieur à 300 francs.

 

MERCREDI 19 AOUT

(18e jour de la mobilisation)

Une dépêche fait connaître que le croiseur autrichien coulé à Antivari par la flotte française serait le Zeuta, de 2,600 tonnes ; il portait 17 officiers et 285 hommes, tout a péri.  

Les troupes françaises ont occupé Guebviller, après un combat très vif ; nous avons également réoccupé Mulhouse.

Notre ligne s'étend de la région de Sarrebourg, en passant par Morhange, jusqu'à Delme.

Tous les journaux et de nombreuses correspondances particulières font connaître les attentats et les crimes commis par l'armée allemande depuis son entrée en Belgique.

 Il semble que le pillage, l'incendie des villes et des villages, la violence et la mise à mort des habitants font partie des opérations et que ces ordres sont donnés par les grands chefs.

Les Allemands du XXe siècle sont aussi barbares et inhumains que leurs ancêtres les Huns !

JEUDI 20 AOUT

(19e jour de la mobilisation)

Les Allemands passent la Meuse en Belgique, les Belges se retirent sur Anvers ; on dit que ce mouvement était prévu (?).

Jusqu'à ce jour, on évalue à 165,000 hommes les forces anglaises arrivées en Belgique.

Les Russes battent les Autrichiens et les Allemands et avancent toujours dans l'intérieur.

Le pape Pie X est mort cette nuit. Malgré une vive insistance auprès de François-Joseph pour empêcher la, guerre actuelle, ses démarches restèrent sans résultat ; on dit que cet échec a activé la fin de cet ami de l'humanité.

Les engagements volontaires pour la durée de la guerre, sont ouverts à la mairie.

Ce matin, en l'église Saint-Louis, on a célébré un service funèbre pour le repos de l'âme de l'une des premières victimes de la guerre, notre concitoyen P.-E.-M.-E. Dupriez, ingénieur civil, caporal au 4° bataillon de chasseurs à pied, tué à l'ennemi, sur les Vosges.

Un arrêté préfectoral interdit la vente de l'absinthe comme contraire à la santé publique, dans les cafés et débits de boissons de la Charente-Inférieure.

Cet adage est toujours vrai : « A quelque chose malheur est bon. »

Cathédrale Reims 1914 Pierre Loti

 

Notre honorable concitoyen Pierre Loti demande au ministre un service plus important que celui qui lui a été donné dans notre arsenal. En raison de sa double situation d'officier et d'écrivain, il sollicite un poste le rapprochant de l'ennemi, ou une mission à bord de quelque navire... « Il est, dit-il, cruel pour lui de se voir condamner à une presque inaction quand la France entière est en armes. »

 

VENDREDI 21 AOUT

(20e jour de la mobilisation)

La conquête de l'Alsace-Lorraine est commencée, nous semblons avancer sérieusement dans la direction de Colmar ; le général Pau commande.

Nos aviateurs font des prodiges, le capitaine Finck a détruit le hangar de Frascatti qui contenait un zeppelin et des aéroplanes.

Nous vivons des heures tragiques ; nous ignorons ce qui se passe en Belgique, où est la majeure partie de notre armée. Les renseignements officiels qui nous parviennent sont très incomplets.

Les territoriaux des classes 1894 et 1893 affectés au 138° régiment, qui devaient être mobilisés les 22u et 30e jour de la mobilisation, sont maintenus dans leurs foyers jusqu'à nouvel ordre,

Le maire vient de prendre les arrêtés suivants :

En raison de la situation actuelle et de l'état de siège, le square Parat sera fermé à 9 heures 20 et l'éclairage public de toutes les rues, places et promenades cessera à 10 heures 30 du soir.

Les cafés, cabarets et débits de boissons devront être fermés à 10 heures 30.

Un groupement, pour venir en aide aux victimes de la guerre, vient de se fonder à Rochefort, sous la présidence d'honneur du vice-amiral Amelot, préfet maritime, et de MM. Bafrey, sous-préfet, Pouzet, député, et Giron, maire; un des membres de ce comité siègera tous les jours à l'Hôtel-de-Ville de 17 heures à 19 heures; M. Jonquet, conservateur des hypothèques, en est le président.

 

SAMEDI 22 AOUT

(21e jour de la mobilisation)

L'armée belge serait tout entière concentrée sous Anvers. Les Allemands seraient entrés à Bruxelles, ils auraient frappé la ville d'une contribution de guerre de deux cents millions.

Sur la vaste ligne allant de Mons à la frontière luxembourgeoise, une grande bataille est engagée.

Charleroi, après avoir été pris et repris cinq fois, reste entre les mains des Allemands; des millions d'hommes sont aux prises et la bataille durera plusieurs jours.

Les Russes avancent en Galicie et dans la Prusse orientale. Comme on le voit, la vaillante Belgique, qui n'a commis d'autre crime que de défendre son honneur, a été mise à feu et à sang par l'Allemagne ; non seulement ce peuple de barbares viole ses engagements formels vis-à-vis de ce petit peuple, mais encore il frappe Bruxelles d'une contribution de guerre de deux cents millions. Ces procédés d'un autre âge sont absolument monstrueux. A eux seuls ils suffisent pour mettre l'Allemagne au ban de la civilisation.

A Rochefort, on s'arrache les journaux et les dépêches Havas imprimées aux Tablettes.

Notre concitoyen le docteur Burot, médecin général de la marine, en retraite, est agréé par le ministre de la guerre comme délégué régional de l'Union des femmes de France, pour le 18e corps d'armée.

 

DIMAMCHE 23 AOUT

(22e jour de la mobilisation)

La France et l'Angleterre avancent cinq cents millions à la Belgique.

Liège et Namur sont tombées.

Les communiqués officiels ne donnent que des renseignements parcimonieux sur ce qui se passe en Belgique ; ils font connaître que l'action principale se déroule entre Namur et Charleroi, et qu'il y aurait sur toute l'étendue des succès et des revers de part et d'autre.

A Rochefort, cette bataille de Belgique passionne tous les esprits, on est inquiet à la pensée que tant de vies humaines sont sacrifiées ; les épouses et les mères vont dans les églises faire des offrandes et prier.

Dans notre arsenal maritime, on travaille jour et nuit à la fabrication des munitions.

A l'établissement de pyrotechnie du Vergeroux, il règne également une grande activité.

 

LUNDI 24 AOUT

(23e jour de la mobilisation)

Nos alliés russes avancent toujours, on prête à leur état-major l'intention de marcher rapidement sur Berlin.

Les Serbes, ce petit peuple héroïque, refoulent les armées autrichiennes très supérieures en nombre.

On dit que l'armée française recule en Lorraine ; des bruits venus on ne sait d'où attribuent ce repliement à la défaillance d'une division du 15e corps : qu'y a-t-il de vrai dans tout cela ?

A l'heure actuelle, tous nos regards, toutes nos pensées sont tournés vers la Belgique ; là se joue, depuis trois jours, un drame immense ; Français, Anglais, Belges, Allemands se heurtent avec la dernière énergie.

Quelle sera l'issue de cette lutte gigantesque ? Espérons que la civilisation et la justice feront reculer la barbarie.

J'entends dire ici et j'ai lu quelque part, qu'en France, depuis de trop nombreuses années, hélas ! on s'est beaucoup plus occupé de la défense laïque que de la défense du territoire...

On savait cependant que l'Allemagne devait nous attaquer. Pourvu que cette négligence (?) ne nous coûte pas trop cher....

La municipalité, dès le début de la guerre, s'est préoccupée des misères à secourir ; cinq cents demandes sont déjà arrivées à l'Hôtel-de-Ville ; les secours se font régulièrement, l'on distribue plus de 200 francs de pain par jour et environ six cents rations à prendre au Fourneau économique.

 

MARDI 25 AOUT

(24e jour de la mobilisation)

Une dépêche fait connaître qu'en Belgique, nous nous sommes repliés sur tout le front ; que notre armée d'Afrique a beaucoup souffert et que nous occupons nos lignes de défensives...

C'est un recul !...

A Rochefort, ces nouvelles peu favorables ont vivement impressionné le public. Tout l'après-midi, de nombreuses personnes sont venues prendre connaissance de ces dépêches qui en disent long sur notre échec.

Tout le monde est attristé, la consternation est sur certains visages ; les plus pessimistes voient déjà la défaite ; il ne faut cependant pas se livrer au découragement. Notre armée est toujours aussi résolue ; espérons qu'elle reprendra bientôt l'offensive.

Du côté russe, les nouvelles sont bonnes, nos alliés avancent toujours en Prusse orientale et en Galicie, ils menacent Berlin ; c'est pourquoi l'état-major allemand a hâte d'en finir avec nous pour se retourner ensuite contre les Russes.

L'ancienne caserne de gendarmerie, rue Chanzy, a été aménagée pour recevoir des officiers allemands prisonniers ; l'un d'eux y est détenu depuis quelques jours, c'est un ingénieur civil mobilisé comme capitaine d'artillerie de réserve.

Ce monsieur croit absolument à la victoire allemande, il aurait dit : « Vous serez battus parce que vous n'êtes pas suffisamment préparés, et vous ne savez pas faire la guerre moderne. »

D'après ces gens-là, la guerre moderne consisterait, sans doute : à détruire les villes et les villages, à fusiller les femmes, les enfants et les vieillards ; en un mot, à violer les principes les plus sacrés et les notions les plus élémentaires de la justice et de l'humanité ? Singulière « kultur » !

 

MERCREDI 26 AOUT

(25e jour de la mobilisation)

Le communiqué officiel dit simplement que le combat continue en Belgique et que l'impression est favorable.

L'armée russe s'avancerait sans cesse en Allemagne et en Autriche.

Les Serbes auraient infligé des perles sérieuses aux Autrichiens dans une bataille sur la Drina.

Démission du ministère ; M. Viviani est, de nouveau, chargé de -constituer le cabinet.

En France, il nous faut du calme et du sang-froid ; dans la partie qui se joue à nos frontières, on dit que c'est celui des deux adversaires qui aura le plus de ténacité et d'endurance qui vaincra.

 On dit encore que l'Allemagne, pour nous vaincre, compte beaucoup sur nos divisions intérieures ; pour ne pas périr, il faut donc que toutes les mesquines discordes politiques et religieuses disparaissent, il faut que toutes les volontés, toutes les forces vives de la, nation fassent bloc contre l'envahisseur; avant tout, nous sommes Français et nous devons donner tout à la Patrie !

Ce matin, vers neuf heures, j'ai assisté à l'arrivée d'un convoi d'environ onze cents blessés, provenant des champs de bataille de la Belgique ; à la gare, les autorités civiles, militaires et maritimes présidaient au débarquement ; c'était navrant !

Ces blessés furent répartis entre les divers hôpitaux de la ville ; pour les transporter, on avait dû réquisitionner des véhicules de toutes sortes.

Une foule nombreuse et compatissante était massée sur tout le parcours.

 Dans le train depuis deux jours et deux nuits, ces hommes paraissaient être très fatigués ; la plupart étaient des soldats de la ligne, il y avait aussi quelques chasseurs à pied, quelques artilleurs, mais peu de cavaliers ; ils sont, en général, atteints de blessures légères : aux jambes, aux bras ou à la tête ; certains, tombés entre les lignes des combattants sont restés longtemps sans secours, brisés par la fatigue et les souffrances, affaiblis par les pertes de sang ces malheureux-font peine à voir; quelques-uns veulent paraître gais, ils sourient à la foule qu'ils saluent de la main ; à leur passage, tout le monde se découvre et les acclame.

Ce défilé était impressionnant ; des femmes versaient des larmes, près de moi l'une d'elles disait : « Qui sait ce que sont devenus mes deux pauvres fils, je n'ai pas de nouvelles depuis dix jours ! »

 

JEUDI 27 AOUT

(26e jour de la mobilisation)

Nous concentrons des forces nouvelles dans le Nord ; on dit que nos positions sont bonnes.

Les Russes vont de succès en succès.

Les Allemands concentreraient leurs forces sur l'Oder.

Le public ne sait pas encore pourquoi on a remanié le ministère; on nous dit que, dans la nouvelle combinaison, on a fait la trêve des partis. On aurait dû alors prendre des hommes de tous les partis ; ce qui n'a pas eu lieu.

Est-ce que nos soldats qui se battent à la frontière ne sont pas confondus : riches et pauvres, républicains de toutes nuances et monarchistes de toutes conceptions ne luttent-ils pas avec le même héroïsme et pour la France ?

Sur le cours Roy-Bry, les réquisitions de chevaux et de voitures ont recommencé ; c'est lamentable de voir ces pauvres chevaux de trait blessés par le collier, un grand nombre sont vieux et décharnés.

Ces compagnons de travail de l'homme vont, eux aussi, combler le charnier ouvert par l'affreux Guillaume !

Ce matin, les vendeuses du marché, dans Un bel élan patriotique, ont rempli de légumes et de fruits les deux charrettes de la Société de secours aux blessés militaires.

 

VENDREDI 28 AOUT

(27e jour de la mobilisation)

La place forte de Longwy capitule après un bombardement de plus de vingt jours.

On dit qu'en Prusse orientale, les cosaques qui précèdent l'armée ont déjà parcouru un immense territoire et terrorisé les populations.

Des croiseurs allemands auraient été coulés près des côtes russes. 'En Belgique, les troupes anglaises résistent aux Allemands cependant supérieurs en nombre.

Dans les Vosges, nous aurions repris l'offensive.

Des lettres particulières émanant de nos concitoyens, officiers ou soldats sur le front, ayant pris part aux derniers combats, font connaître que, de part et d'autre, les victimes sont très nombreuses ; ils disent que la supériorité de notre canon de 75 est incontestable, mais que les Allemands, dans tous les combats, étaient plus nombreux que nous et qu'ils nous sont bien supérieurs en gros canons et en mitrailleuses ; d'après ces témoins oculaires, si nous avions eu de ces dernières armes en quantité raisonnable, jamais les Allemands n'auraient franchi notre frontière.

A Rochefort, il se chuchote bien bas, en effet, que, malgré les affirmations officielles, nous n'étions pas prêts pour la guerre : les vêtements, l'équipement et peut-être l'armement ne sont pas suffisamment abondants.

S'il en était ainsi, ce serait une peine bien imméritée pour la France; depuis de longues années, le Parlement votait de nombreux millions pour la défense nationale, mais pas assez évidemment.

Parmi les blessés arrivés depuis deux jours à peine, quelques-uns des moins atteints circulent déjà dans nos rues ; on chercher volontiers à lier conversation avec eux, on les entoure d'une réelle sympathie ; on les interroge pour savoir dans quelle affaire ils ont été blessés, ce qu'ils ont vu et ce qu'ils savent de cette guerre.

Tous ces braves sont unanimes à déclarer qu'ils ont hâte de revenir au front pour se venger.

 

SAMEDI 29 AOÛT

(28e jour de la mobilisation)

Le nouveau ministre de la guerre, M. Millerand, s'est rendu au quartier général où il a conféré avec le généralissime Joffre ; il est, dit-on, revenu très satisfait.

Des croiseurs et contre-torpilleurs anglais auraient coulé dans la baie d'Heligoland deux croiseurs allemands, un troisième incendié aurait pu fuir.

Les-armées russes avancent sans cesse.

La ville de Louvain (Belgique) aurait été incendiée et détruite ; c'est un acte monstrueux, cette ville ouverte contenait une bibliothèque des plus rares et de nombreux chefs-d'œuvre d'art d'une grande valeur.

Ce qui est horrible dans cette guerre, telle que la font les Allemands, c'est le pillage, l'incendie et le bombardement des villes et des villages, sans aucune utilité militaire ; ce sont les violences, les assassinats des femmes, des enfants et des vieillards ; chaque jour, les journaux nous font des récits émouvants des scènes qui ont eu lieu en Belgique.

Les neutres devraient intervenir, nous dit-on ; mais les Etats sont comme les hommes en général foncièrement égoïstes, ils s'émeuvent très peu des désastres infligés aux autres ! Il leur était facile cependant de faire une protestation de principe, d'abord contre la violation des frontières belge et luxembourgeoise et ensuite contre les procédés barbares des envahisseurs ; cette protestation n'aurait pas amené un conflit armé. Mais ils ont eu peur !

A Rochefort, la municipalité fait appel aux personnes désireuses d'obtenir du travail dans les campagnes, actuellement dépourvues de bras.

La presse ne peut formuler aucune critique, elle est arrêtée par une censure sévère ; cette rigueur a peut-être sa raison d'être, en France surtout, où une grande partie de la population est nerveuse et impressionnable ; mais pourquoi ne pas faire connaître au pays le nom des généraux qui commandent l'armée, des chefs de corps, des officiers et des soldats, en un mot de tous les héros qui s'immortalisent en défendant le sol de la Patrie ; en quoi ce silence peut-il être utile? Ne semble-t-il pas, au contraire, que ce serait un puissant stimulant d'honorer et de récompenser le plus rapidement possible tous les actes de bravoure? Sans compter que le moral de l'intérieur en serait fortifié.

 

DIMANCHE 30 AOUT

(29e jour de la mobilisation)

On se bat entre Mézières et Rethel, le résultat serait indécis.

On fortifie les environs de Paris.

En Belgique, les Allemands bombardent la ville ouverte de Malines.

Le nouveau ministre de la guerre, M. Millerand, appelle la classe 1914 sous les drapeaux, en outre il rappelle deux classes de la territoriale.

On dit que notre progression s'accentue en Lorraine.

Le Gouvernement adresse un émouvant appel au pays, il promet la victoire finale.

Depuis l'entrée en fonction du nouveau ministère, on est chiche de nouvelles ; peut-être s'est-on aperçu qu'il y a des inconvénients à trop renseigner attendu que, pour certain public, le plus petit échec est un désastre et le moindre avantage une victoire, voilà ce qui trouble le calme et le sang-froid dont nous avons tant besoin à l'heure présente.

L'entrée des Allemands en France, et la préparation de Paris à un siège, causent ici une certaine émotion, l'inquiétude grandit, on se plaint ; mais ceux qui sont réellement à plaindre, ce sont les malheureuses populations du Nord qui subissent les brutalités, les vexations et les horreurs de l'invasion allemande.

Il est arrivé des officiers allemands prisonniers, ils ont été hues ! On reconnaît qu'il ne sera pas possible de les maintenir à Rochefort ; notre population maritime, si patriote, ne pourra pas supporter la morgue et l'insolente attitude de ces hobereaux allemands, surtout depuis que l'on connaît les atrocités commises par eux en Belgique.

Un détachement important de coloniaux vient de quitter notre ville pour la frontière.

 

LUNDI 31 AOUT

(30e jour de la mobilisation)

L'Italie préparerait sa mobilisation générale ; contre qui ?

On se bat dans les environs de Saint-Quentin et de Compiègne.

Des lettres privées disent que les routes aux environs de Paris sont remplies de fugitifs...

A Rochefort, la majorité de la population a toujours espoir dans le succès final; à l'heure actuelle, il est presque dangereux de manifester publiquement, une opinion contraire ; les alarmistes sont considérés comme traîtres à la Patrie ; il serait peut-être plus juste de les considérer comme des esprits faibles, mal trempés ou n'ayant pas une vocation très accentuée pour l'héroïsme.

Quant à ceux qui, systématiquement dénigrent, comme de parti-pris, tous les actes du Gouvernement et de l'état-major, je les crois plus coupables.

 

MARDI 1er SEPTEMBRE

Les Austro-Allemands sont battus par les Russes qui investissent Lemberg ; ils retireraient des troupes de notre frontière pour les diriger sur leur front oriental.

Si cette nouvelle était vraie, elle nous permettrait, en France, d'espérer des événements prochains et favorables.

A Rochefort, 70 blessés militaires, à peu près guéris, sont sortis de nos hôpitaux pour être dirigés sur leurs régiments.

 

MERCREDI 2 SEPTEMBRE

Une rencontre de cavalerie a eu lieu entre Anglais et Allemands aux environs de Compiègne.

La Russie modifie le nom de sa capitale qui désormais s’appellera Petrograd au lieu de Petersbourg.

En Lorraine, nous continuons à progresser sur la rive droite du Sanon.

Ici, la même impatience règne sur la place Colbert ; les bancs sont toujours garnis de gens attendant des nouvelles ; quand une dépêche est annoncée, ou l'arrivée d'un journal, tout le monde se précipite ; mais il y a toujours déception, car rien ne transpire relativement aux opérations militaires.

On dit que le général Rondony, commandant la 3e brigade coloniale, dont on était sans nouvelles, serait en bonne santé et n'aurait aucune blessure.

 

JEUDI 3 SEPTEMBRE

Au conclave de Rome, le cardinal de la Chiesa, archevêque de Bologne, est nommé pape, en remplacement de Pie X, décédé ; il prend le nom de Benoît XV.

On dit que le nouveau pape est un ami de la France, nous en sommes heureux ; car dans ce temps de calamités surtout, la France a grand besoins d'amis.

Par mesure de précaution, le Président de la République et le Gouvernement tout entier se transportent à Bordeaux, qui, pour la seconde fois depuis 1870, devient le siège provisoire des pouvoirs publics.

La dépêche annonçant le déplacement du Gouvernement a produit ici une impression de crainte à peine dissimulée ; les pessimistes jettent des gris de désespérance ; cependant cette mesure a été prise afin que le Gouvernement puisse rester en relation constante avec l'ensemble de la nation.

Comme mesure de précaution contre les maladies contagieuses, il est prescrit, par la municipalité, de se faire vacciner ; des séances de vaccination ont lieu les lundi et jeudi de chaque semaine.

 

VENDREDI 4 SEPTEMBRE

Les Russes prennent Lemberg, capitale de la Galicie.

En France, il y a peu de nouvelles officielles; on parle de grands mouvements stratégiques faits par les Allemands ; mais nous avons l'espoir que notre état-major saura les déjouer.

Tous nos concitoyens rivalisent de zèle pour venir en aide, chacun selon ses moyens, aux familles dont les membres sont aux armées.

 

SAMEDI 5 SEPTEMBRE

Les mouvements des armées ne nous sont guère connus ; on dit que l'ennemi semble négliger Paris pour faire contre nous un mouvement débordant vers le Nord.

Maubeuge, bombardée, résiste énergiquement.

Une convention vient d'être conclue à Londres, entre les puissances de l'Entente qui s'engagent mutuellement à ne pas faire de paix séparée au cours de cette guerre. Ceci est une garantie de la victoire finale.

Notre concitoyen le général Bachelard a eu le pied droit traversé par une balle à Busancy ; il est hospitalisé à Limoges.

 

DIMANCHE 6 SEPTEMBRE

Le mouvement débordant de l'ennemi-dans le Nord n'a pas réussi.

On dit qu'une grande bataille, en France, est imminente.

Une nouvelle comète est visible la nuit, entre la Grande Ourse et les Gémeaux ; certaines gens voient dans cette apparition des signes intéressant la guerre.

Depuis que le Gouvernement est à Bordeaux, les chefs des principaux services de la marine venant de Paris sont installés à Rochefort, ce sont : MM. le vice-amiral de Jonquière, vice-président du Conseil supérieur de la marine ; le vice-amiral Auvert, membre du Conseil supérieur de la marine ; le mécanicien général Hugues ; Polard, inspecteur général du génie maritime ; Louis, ingénieur général de 2e classe, directeur des constructions navales ; Castelneau, ingénieur général ; les ingénieurs en chef du génie maritime Marbec et Callou ; l'ingénieur de lre classe Wetzel, du génie maritime ; le médecin général Bertrand, inspecteur général du service de santé de la marine ; l'inspecteur général des ponts et chaussées Coustolle ; M. Lépinoy, chef de bureau au ministère de la marine.

A l'église Saint-Louis, une quête pour les blessés militaires a produit 229 francs, qui ont été remis à la Croix-Rouge.

Chaque matin, après l'arrivée du courrier de Paris, les bancs de la place Colbert sont garnis de gens avides de connaître les nouvelles ; rien n'est plus curieux que ces liseurs absorbés qui semblent être figés dans des attitudes différentes ; il serait facile de prendre un cliché d'ensemble, l'opérateur n'aurait pas à faire la recommandation traditionnelle « ne bougeons plus » ; mieux que toutes les descriptions, une photographie ainsi obtenue ferait connaître les préoccupations du moment.

 

LUNDI 7 SEPTEMBRE

La dépêche officielle dit qu'une action générale est engagée sur -une ligne passant par Nanteuil-le-Hauduin, Meaux, Sézanne, Vitry-le-François et s'étend jusqu'à Verdun.

On dit également que, sur l'Ourcq, des troupes de l'armée de Paris auraient arrêté les Allemands.

Espérons que la justice et le droit finiront par triompher de la force brutale !

La presse donne peu de renseignements concernant l'armée, la censure ne laisse rien passer.

La Société de préparation militaire La Rochefortaise recommence ses cours interrompus depuis le début de la guerre.

La Société L'Amicale des médaillés militaires fait des quêtes à domicile, afin de procurer du tabac à nos blessés dans les hôpitaux.

Partout ces vétérans sont bien accueillis.

 

MARDI 8 SEPTEMBRE

Le communiqué officiel est encore très laconique ; il nous fait connaître cependant que l'ennemi se replie entre Meaux et Cézanne; qu'entre La Fère-Champenoise et Vitry-le-François nous avançons également..

On se bat tous les jours depuis bientôt un mois, avec des alternatives de succès et de revers.

Les troupes doivent 'être bien fatiguées, particulièrement les nombreux soldats improvisés, encore peu entraînés aux travaux et aux tribulations de la guerre.

Un convoi de 209 blessés est arrivé cette nuit ; ils ont été répartis ainsi : Hôpital maritime, 118 ; Hôpital civil, 37 ; Lycée, 31 ; Femmes de France, 12 ; salle Jeanne d'Arc, 11.

Un mouvement charitable s'étend de plus en plus pour venir en aide à nos soldats blessés à l'ennemi ; les campagnes environnantes s'y associent largement, notamment : Muron, Landrais, Saint-Nazaire, Soubise, Saint-Coutant-le-Grand, 'Cabariot, etc., etc.

Le maire de Rochefort vient de prendre un arrêté pour assurer la protection de la santé publique.

Le personnel du Collège de jeunes filles et du Lycée de garçons installe un ouvroir destiné à distribuer du linge et des vêtements au» familles les plus nécessiteuses.

 

MERCREDI 9 SEPTEMBRE

Les dépêches officielles nous disent que, sur tout le front, il y a des alternatives d'avance et de recul.

Le public, qui croit connaître la situation des armées et qui sait que la capitale est menacée, est impatient ; il dit : .nous avons des troupes partout qui ne demandent qu'à combattre ; pourquoi ne pas les utiliser ! Mais nous ne sommes ni compétents, ni renseignés ; nous devons nous en rapporter à notre état-major !

L'armée russe avance sans cesse, c'est un réconfort pour nous, puisque nous sommes solidaires.

 

JEUDI 10 SEPTEMBRE

Le communiqué officiel fait connaître :

A l'aile gauche, toutes les tentatives allemandes pour repousser nos troupes sur l'Ourcq ont échoué. Nous avons pris deux drapeaux.

L'armée anglaise a franchi la Marne et l'ennemi aurait reculé d'environ 40 kilomètres. Au centre et à droite, pas de changement.

Du côté de Nancy, l'ennemi progresserait légèrement.

Attendons encore ; pourvu que ce soit une victoire !

On parle de la chute de Maubeuge.

Le publie est anxieux, une certaine animation règne sur la place Colbert ; on attend toujours des nouvelles....

 

VENDREDI 11 SEPTEMBRE

Communiqués officiels :

Nous avons franchi la Marne entre la Ferté-sous-Jouarre, Charly et Château-Thierry, suivant l'ennemi en retraite.

L'armée britannique a fait de nombreux prisonniers et pris des mitrailleuses.

Depuis quatre jours que dure la bataille, nous avons gagné plus de 60 kilomètres.

Entre Château-Thierry et Vitry-le-François, la garde prussienne a été rejetée au nord des marais Saint-Gond.

L'action continue avec violence entre le camp de Mailly et Vitry.

Au centre et à droite, sur l'Ornain et en Argonne, chacun maintient ses positions.

Du côté de Nancy, l'ennemi progresse sur la route de Château-Salins ; par contre, nous avons gagné du terrain dans la forêt de Champenoux.

Les pertes sont considérables de part et d'autre. L'état moral est excellent.

Comme on le voit, c'est une grande bataille et une victoire française ; on se battait depuis le 6 septembre et le front .s'étendait, d'une façon générale, de Paris à Verdun.

L'ennemi est en retraite vers l'Aisne et vers l'Oise, il a donc reculé de 60 à 75 kilomètres depuis quatre jours.

Les combats les plus acharnés ont eu lieu au nord de Cézanne et de Vitry. Nos troupes ont arrêté la marche des Allemands sur toute la ligne.

 

SAMEDI 12 SEPTEMBRE

La bataille de la Marne est terminée.

L'ennemi est en retraite sur tout le front ; nos troupes, malgré leurs grandes fatigues', poursuivent les Allemands. Est-ce la déroute qui commence '?

A Petrograd, on mande que les troupes austro-allemandes sont battues et en retraite.

Mais gardons notre sang-froid, le colosse guerrier n'est pas encore abattu ; cependant, la blessure qu'on vient de lui faire pourrait être grave.

 

DIMANCHE 13 SEPTEMBRE

Le généralissime Joffre confirme la victoire de la Marne.

Nos troupes poursuivent sans cesse les Allemands en retraite: Depuis le début de la guerre, nos parlementaires semblent vouloir modérer, au moins pour un temps, leurs querelles politiques, leurs haines de partis et de sectes ; ils comprennent enfin qu'il leur faut offrir ce grand exemple de l'union entre tous les citoyens ; il le faudrait toujours et la France serait invincible !

Le capitaine Hardouin, les lieutenants Durut et Couderc, ainsi, que le sous-lieutenant Pragois, du 3c colonial, ont été tués à Rossignol (Belgique), .le 22 août 1914.

Cette nuit, un incendie s'est déclaré à l'Hôpital maritime, il a été éteint par les pompiers de la marine ; à une heure du matin le danger était conjuré, les dégâts ne sont pas considérables ; mais l'alerte a été vive parmi les très nombreux blessés militaires qui sont actuellement en traitement dans cet établissement.

 

LUNDI -14 SEPTEMBRE

La dépêche officielle dit qu'à notre aile gauche, entre Compiègne et Soissons, l'ennemi avait préparé une ligne de défense qu'il a dû abandonner ; la ville d'Amiens serait dégagée.

Au centre, en arrière d'Amiens, les Allemands se sont également repliés, ainsi qu'en Argonne.

A notre aile droite, leur retraite est générale de Nancy aux Vosges.

Les Russes sont toujours victorieux en Galicie.

Les communiqués anglais disent qu'à la bataille de la Marne, nous aurions pris 160 canons aux Allemands.

La Société de préparation militaire La Vaillante rouvre ses cours, interrompus depuis le début de la guerre.

Le bruit court ici qu'une trentaine d'officiers allemands, prisonniers sur parole, arriveraient prochainement et pourraient circuler en ville.

Nous avons déjà dit les inconvénients qui résulteraient de cette mesure ; notre population ne les supporterait pas, étant donné la façon barbare dont ces brutes ont agi vis-à-vis des malheureux pays envahis.

 

MARDI 15 SEPTEMBRE

A notre aile gauche, nous avons encore refoulé l'ennemi.

Au centre, les Allemands résistent sur les hauteurs au nord de Reims, ils se replient entre l'Argonne et la Meuse.

A notre aile droite, nous avons dégagé la forêt de Troyon ; en Lorraine, nos avant-postes sont toujours en contact avec l'ennemi.

L'avance rapide et énergique des Russes dans la Prusse orientale a obligé les Allemands à ramener une partie de leurs troupes de la frontière occidentale.

Chaque jour, de très nombreuses personnes, des femmes surtout, visitent les hôpitaux ; elles apportent aux blessés des gâteaux, des fruits, du tabac et des paroles réconfortantes.

 

MARDI 16 SEPTEMBRE

Officiel. — Les arrières-gardes-ennemies, atteintes par nos éléments de poursuite, ont du faire tête et ont été renforcées par le gros des armées allemandes. L'ennemi livre une bataille défensive sur tout le front. Ce front est jalonné par la région de Noyon; les plateaux au nord de Vic-sur-Aisne et de Soissons, le massif de Laon, les hauteurs au nord et à l'ouest de Reims et une ligne qui vient aboutir au nord de Ville-sur-Tourbe, prolongée au-delà de l'Argonne par une autre qui passe au nord de Varennes et atteint la Meuse vers le bois de Forges (au nord de Verdun).

Depuis quelques jours, il arrive souvent des- convois de blessés qui sont répartis dans les hôpitaux.

Hier, 96 blessés allemands, dont 3 officiers, sont arrivés à Rochefort ; 78 ont été envoyés à l'Hôpital maritime et 18 à Saint-Chartes ; l'un des officiers, grièvement atteint, est mort dans la nuit.

 

Ils sont, en général, plus sérieusement blessés que les nôtres ; ils viennent des combats de la Marne, quelques-uns sont restés plusieurs jours sur le champ de bataille avant d'être secourus ; leurs blessures restées trop longtemps sans pansements sont devenues dangereuses ; on parle de gangrène, de tétanos, etc.

Très fatigués par les souffrances et les privations, certains ne sont plus que des loques humaines ; en général, ils paraissent heureux de l'accueil qui leur est fait; ils ne comptaient pas sur autant d'humanité de la part des Français qu'on leur avait représentés comme des barbares achevant les blessés.

 

JEUDI -17 SEPTEMBRE

Officiel. — L'ennemi continue à résister au nord de l'Aisne. Entre Berry-au-Bac et l'Argonne, situation sans changement.

Entre l'Argonne et la Meuse, il se retranche à la hauteur de Mont-faucon.

En Lorraine et Vosges, aucune modification.

Les Allemands organisent défensivement leurs positions avec de l'artillerie lourde,

Nos troupes font preuve de vigueur et d'entrain ; leur moral est excellent,

Les Autrichiens se replient sans cesse devant les Russes en Galicie.

Ce matin, un Rochefortais, et non des moindres, me disait : « L'Allemagne ne respecte les contrats que jusqu'au moment où ils lui sont favorables, elle n'a pas davantage le respect de la parole donnée ; son envahissement commercial est aussi dangereux pour ses voisins que son organisation militaire formidable. En somme, c'est un rapace qui mérite d'avoir les ailes rognées ! »

Au 3e colonial, sont nommés dans le cadre actif, au grade de sous-lieutenant, MM. les lieutenants de réserve Simonnet, Akermann et Boulet.

Au 57e d'infanterie, sont promus au grade de sous-lieutenants de réserve, MM. Blanchard, élève de l'Ecole des mines ; Guillée, Gabrié, Lamy, Mors et Renous, élèves de l'Ecole centrale des arts et manufactures.

 

VENDREDI 18 SEPTEMBRE

On se bat sans cesse, personne ne veut plus reculer; c'est un massacre !

Les réfugiés des pays envahis (Belges et Français) sont évacués sur tous les points de la France.

213 Français blessés sont arrivés aujourd'hui ; dans la nuit, un autre convoi de 64 Français et 31 Allemands est également arrivé. Parmi ces blessés, il y en a un certain nombre qui sont grièvement atteints.

M. le lieutenant-colonel Debeugny, du 57e d'infanterie, vient d'être promu colonel au même régiment.

On dit que le costume militaire est trop visible et que nos officiers, dont la tenue contraste trop avec celle des soldats, sont particulièrement visés par l'ennemi ; de ce fait nous ferions des pertes irréparables.

Pendant un court séjour dans une commune de notre arrondissement, j'ai pu constater que la résistance morale était moins grande qu'en ville. On n'entend que plaintes et lamentations, comme si leur vie et leurs intérêts, à eux, étaient plus précieux et plus importants que ceux des autres ? La vérité est que toutes les professions, toutes les classes de la société sont atteintes au même degré !

Pendant ce voyage, j'ai eu l'occasion de parler avec un rural peu lettré, mais au demeurant très brave homme ; entre autres choses il me dit : « Chez nous, o n'a pus que des vieux, des drôles et des femmes ; pus de chevaux, pus de bœufs pour faire l'ouvrage ; les vivres augmentant et la misère otout ; mon fail et mon gendre sont partis, le se battant dépeux mée d'un mois, neut et jour ! »

 

SAMEDI 19 SEPTEMBRE

Officiel. — Nous avons fait de nombreux prisonniers sur le plateau de Craonne.

Au centre, nous avons progressé au le revers occidental de l'Argonne.

On nous dit que la situation générale reste favorable.

Les Allemands bombardent Reims et surtout la cathédrale, un chef-d'œuvre d'architecture du moyen-âge.

Cette cathédrale est en même temps un trésor historique de la France.

Le Gouvernement proteste auprès des puissances civilisées contre de pareilles méthodes de guerre.

Les événements ne vont pas assez vite au gré du peuple : tout le monde frémit en pensant aux nombreuses victimes qui tombent chaque jour.

Cette formidable guerre est devenue l'école du courage, du dévouement et surtout de la fraternité et de la tolérance ; tous les éléments qui constituent la nation s'y trouvent confondus.

Avant ce conflit, en France, on en était arrivé à classer ses compatriotes en catégories, en castes, d'après leur parti ou leur religion ; de part et d'autre, très malheureusement, on se considérait comme des adversaires et même comme des ennemis !

On dit que c'est sur cette division entre Français que l'Allemagne avait le plus compté pour nous vaincre. Espérons qu'elle se sera trompée !

Nos concitoyens : le capitaine d'infanterie coloniale de Fontaubert a été tué à l'ennemi ; M. Dhoste, mobilisé, est signalé disparu dans les combats de Belgique ; M. David est également disparu dans la première affaire, à Rossignol (Belgique).

 

DIMANCHE 20 SEPTEMBRE

On se bat toujours avec acharnement, il y a de grandes pertes de part et d'autre.

Les Allemands ne cessent pas de canonner et d'incendier la cathédrale de Reims.

 C'est un acte de barbarie sans précédent et sans aucune utilité militaire, on dit qu'on a pu sauver quelques chefs-d'œuvre : tapisseries, tableaux, etc.

Aujourd'hui, dimanche, une foule encore plus nombreuse visite les hôpitaux ; chacun s'efforce de porter quelques adoucissements à ces pauvres jeunes gens qui, en grand nombre, resteront estropiés le reste de leur vie.

Les moins atteints ne demandent qu'à repartir sur le front pour s-e venger de leurs blessures.

Certains libraires de notre ville ont placé dans leur vitrine de grandes cartes géographiques où les positions des armées adverses sont désignées par de petits drapeaux aux couleurs des nations belligérances ; chaque jour, de nombreuses personnes viennent examiner ces cartes ; quelquefois même des controverses surgissent entre des stratèges de fantaisie ; chacun a son plan, plus ou moins saugrenu. Nous ne sommes ni renseignés ni compétents ; il est plus sage de s'en remettre à notre Etat-major.

 

LUNDI 21 SEPTEMBRE

Officiel. — A notre aile gauche, nous avons progressé jusqu'à hauteur de Lassigny.

A l'est de l'Oise et au nord de l'Aisne, des combats violents ont eu lieu, l'ennemi a été repoussé avec de grandes pertes.

Autour de Reims, l'ennemi a canonné notre front avec de grosses pièces.

Au centre, nous avons pris Mesnil-les-Hurlus et Massigés.

Des hommes compétents disent que la situation nous est favorable et que l'ennemi sera prochainement contraint, de se mettre en retraite ; mais Dieu que tout cela est long !

On apprend que deux de nos concitoyens viennent d'être tués-à l'ennemi : Maurice Allègre, lieutenant au 4e tirailleurs algériens, et Louis Thoyon, soldat réserviste au 57e d'infanterie.

Huit officiers allemands prisonniers de guerre sont arrivés à Rochefort ; ils ont été placés à l'ancienne caserne de gendarmerie, rue Chanzy.

A leur arrivée, une foule hostile s'est portée à leur rencontre, l'intervention de la gendarmerie a été nécessaire pour faire cesser des manifestations qui auraient pu mal tourner.

Dans cette guerre qu'ils nous ont déclarée, les Allemands se conduisent comme des barbares, notre population voit d'un très mauvais œil ces officiers pleins de morgue et de suffisance. Elle ne les supportera pas !

 

MARDI 22 SEPTEMBRE

Officiel. — L'offensive continue avec succès.

Les Autrichiens se retranchent derrière la forteresse de Przemysl. Des agents des chemins de fer de la Compagnie de l'Est se sont réfugiés à Rochefort.

Notre concitoyen le lieutenant Friocourt, du 135e d'infanterie, a été porté au tableau de la Légion d'honneur, pour sa belle conduite devant l'ennemi.

 

MERCREDI 23 SEPTEMBRE

Sur notre front, peu de changements dans la situation.

En Galicie, ou annonce la prise par les Russes de la forteresse de Jaroslaw.

Après une souscription faite au profit des blessés de la guerre, la commune d'Echillais a versé 970 francs, sans compter les dons en nature, à la Croix-Rouge, à Rochefort.

Le Souvenir Français, présidé par notre concitoyen le capitaine de vaisseau Jacquet, invite les membres de la Société à assister, autant que possible, aux obsèques de nos héroïques soldats morts de leurs blessures à l'hôpital.

 

JEUDI 24 SEPTEMBRE

Officiel. — Nos troupes progressent entre la Somme et l'Oise. Entre l'Oise et l'Aisne, l'ennemi s'est solidement retranché. Aucun changement important dans la région de Nancy et dans les Vosges.

Les Russes ont investi Przemysl.

Nos concitoyens MM. Voisin et Hachard, sergents au 323e d'infanterie, ont été nommés sous-lieutenants. M. Voisin avait été cité à l'ordre du jour pour sa belle conduite.

Un autre de nos concitoyens, âgé de 22 ans, A.-P. Durgeat, a été tué 'le 24 août, à Réméréville (Meurthe-et-Moselle).

 

VENDREDI 25 SEPTEMBRE

Officiel. — Une action violente est engagée entre la Somme et l'Oise.

Nous avons progressé à l'est de Reims.

Sur la rive droite de la Meuse, l'ennemi est parvenu à prendre pied sur les Hauts de Meuse ; il avance dans la direction de Saint-Mihiel.

A notre aile droite (Lorraine et Vosges), nous avons repoussé des attaques.

Deux convois de prisonniers allemands, comprenant 28 officiers, sont arrivés à Rochefort, 24 ont été conduits à la caserne Tréville.

Ce même jour, à neuf heures du matin, quatre officiers allemands ont été dirigés sur l'île d'Aix, par la canonnière.

Sur six Allemands sortis de l'hôpital maritime, cinq ont été conduits à Saint-Martin-de-Ré et le sixième aux locaux disciplinaires du 3c colonial..

Aujourd'hui, à cinq heures du soir, le Casino d'été qui s'élevait sur le cours d'Ablois a été détruit par un incendie ; les causes sont inconnues.

 

SAMEDI 26 SEPTEMBRE

Officiel. — L'ennemi a attaqué sur tout le front, partout il a été repoussé.

En Wœvre, nous gagnons du terrain.

Il y a pas mal de gens qui commencent à protester contre le favoritisme dont jouissent certains mobilisés qui, en employant des subterfuges ou en se faisant pistonner par des politiciens sans scrupule, ont réussi à se faire éloigner du front de bataille.

Une souscription en faveur des blessés et des réfugiés a été faite dans la commune du Vergeroux. Il a été recueilli 176-francs versés entre les mains de M. le sous-préfet. La commune de Saint-Laurent-de-la-Prée, dans le même but, a également recueilli 946 francs. Ces deux communes ont, en outre, envoyé des ballots de linge et des vêtements de toutes sortes.

Les employés de tous grades des postes et des télégraphes de la Charente-Inférieure ont créé une caisse d'assistance aux blessés ; le bureau de Rochefort y contribue pour une bonne part ; la première liste de souscription a produit 2,388 francs. Ces sommes ont été réparties entre les ambulances du département.

 

DIMANCHE 27, SEPTEMRRE

Officiel. — Entre l'Oise et la Somme, nous faisons des progrès sensibles.

Dans les environs de Reims, la garde prussienne a été rejetée dans la région de Berru et de Nogent-l'Abesse.

En Lorraine-Alsace et Vosges, aucune modification importante.

D'après les blessés et les prisonniers allemands, il paraît que, chez eux, on a fait entendre au peuple et aux soldats que c'est nous qui avons déchaîné la guerre !

En vertu du même principe, ils doivent dire également que ce sont les Belges qui ont fait brûler Louvain et les Français qui ont bombardé et incendié Reims et sa cathédrale !  

S'il en est ainsi, Guillaume le Criminel et ses satellites ont un profond mépris pour la vérité et la morale !

 

LUNDI 28 SEPTEMBRE

Les renseignements sur le front de bataille sont favorables.

Le 18" corps d'armée et son commandant, le général de Maud'huy, ont été cités au tableau d'honneur de l'armée française, pour leurs efforts héroïques dans les combats du 15 au 20 septembre. Cette citation sera accueillie avec fierté dans notre région du Sud-Ouest qui forme le 18c corps.

Les visites aux hôpitaux sont toujours nombreuses ; mais des visiteurs ayant distribué des liqueurs fortes pouvant être nuisibles à certains malades, le service de santé a dû interdire au public l'accès des salles.

 

MARDI 29 SEPTEMBRE

Officiel. — L'ennemi aurait tenté plusieurs attaques qui ont été repoussées.

Entre l'Argonne et la Meuse, nous progressons légèrement. Nous aurions fait de nombreux prisonniers.

Il se produit quelques décès parmi les blessés des hôpitaux ; ces braves meurent, pour la plupart, loin de leur famille, cependant ici leur cercueil est suivi des membres du Souvenir Français et d'une nombreuse assistance ; c'est qu'à Rochefort on aime les militaires, dans ce moment surtout chacun n'a-t-il pas sur le front des proches et des amis ?

Hier, j'ai suivi l'un de ces convois jusqu'au cimetière de la marine ; ce champ de repos, si abandonné en temps ordinaire, est actuellement beaucoup mieux entretenu ; les Français sont enterrés dans la partie sud-ouest du cimetière, chaque jour des mains pieuses couvrent leurs tombes de fleurs ; toutes sont surmontées d'une humble croix de bois peinte en noir où on lit le nom, le grade et les indications du régiment.

Quant aux soldats allemands qui meurent à Rochefort, ils sont enterrés dans la partie nord-ouest, à la même place que leurs compatriotes de 1870, dont on retrouve les ossements en creusant les nouvelles fosses.

 

MERCREDI 30 SEPTEMBRE

Les nouvelles du front sont rares et peu importantes. La bataille continue.

Classe 1915. — Le bureau de l'état-civil de Rochefort a arrêté comme suit la liste des conscrits de la classe 1915 ; 90 pour le canton Nord et 31 pour le canton Sud.

Ce même bureau mentionne de très rares mariages et beaucoup de décès ; la répercussion de la guerre se fait déjà sentir.

Morts au champ d'honneur : le capitaine de Colomb, du 9e de ligne, tué à Vitry-le-François, le 7 septembre. Cet officier était allié à d'honorables familles de notre ville.

Le capitaine Ancelin, du 123e, un enfant de Rochefort, tué le 15 septembre, à la tête de sa compagnie.

L'Union des Femmes de France demande de vieux uniformes pour racommodages.

Un convoi de 138 blessés est arrivé en gare le 28 courant, à neuf heures du soir, ils ont été ainsi répartis : 95 à l'Hôpital maritime, 27 à Saint-Charles, 3 au Lycée, 3 à la salle Jeanne d'Arc, 3 à la Chambre de commerce et 7 au Fourneau économique.

 

MOIS D'OCTOBRE

1er octobre. — Nous apprenons que M. Diet, gérant du buffet à la gare de Rochefort, a été tué à Bouvines.

Ont également été tués au début des hostilités, à Rossignol (Belgique) : Perraud, adjudant ; L. Soirac, sergent-major, et A. Pissard, sergent-fourrier, du 3e colonial.

Aujourd'hui, 16 Allemands prisonniers ont été dirigés sur l'île d'Aix.

 Ces officiers avaient été destinés à séjourner à Rochefort, mais on a craint, semble-t-il, l'hostilité de la population.

3 octobre. — M. Ramspacher, gendre de notre concitoyen M. Sausseau, a été tué à l'ennemi, le 22 août, à Malaudry.

 

Notre concitoyen M. Lionel Lefèvre vient d'être nommé capitaine-pour sa vaillante conduite sur le champ de bataille.

Un convoi de 4 officiers allemands blessés est arrivé à Rochefort.

5 octobre. — Le vaillant 57c d'infanterie, qui a quitté notre ville le 5 août, vient d'être cité à l'ordre du jour pour sa belle conduite devant l'ennemi « au cours des journées des 13, 14, 15, 16, 17 et 18 septembre ; sur la brèche pendant six jours, et malgré de nombreuses pertes et de grandes fatigues a montré un courage et une ténacité admirables.

Le 57e est le digne fils de la 570 demi-brigade. — Signé : de Maud'huy, général de division commandant le 18e corps. »

Le maire de Rochefort félicite le colonel qui répond par une vibrante missive.

Morts au champ d'honneur : de Saint-Martin-Lacaze, capitaine au 57'' ; Georges Ferret, soldat au 570 ; le capitaine Burdy, du 57e tué à Charleroi, le 24 août ; le capitaine Lallemand, du 57e, tué le 23 août ; le canonnier E. Verré, 19 ans, tué le 21 août ; le soldat réserviste G. Leblanc, du 6e de ligne, beau-frère de M. U. Bouyer, adjoint au maire.

6 octobre. — La souscription municipale ouverte en faveur des familles victimes de la guerre s'élève à 4,512 francs.

Sont décédés à l'hôpital de la marine, des suites de leurs blessures, les soldats Moissat, du 160 de ligne ; L. Couderc, du 14c de ligne ; M.-A. Bajard, du 2le chasseurs, et H. Chareyron, du 238e de ligne ; les obsèques de ces braves ont eu lieu en présence d'une nombreuse assistance.

La Société de secours aux blessés remercie les habitants de Muron et ceux de l'Ile-d'Albe des dons de toutes sortes qu'ils ont fait parvenir au Comité.

7 octobre. — Un convoi de 145 blessés, dont 11 Allemands, est arrivé dans notre ville, ils ont été répartis dans les hôpitaux.

Hier soir, deux convois d'indésirables, Austro-Allemands n'ayant pu quitter le territoire avant la déclaration de guerre, ont été dirigés sur la caserne Martrou ; le premier convoi comprenait 62 hommes, le second, arrivé peu après, était de 127 hommes et -une femme. Les émigrés étaient très calmes.

8 octobre. — Le Journal officiel fait connaître la mort du général Rondony, commandant la 3e brigade coloniale à Rochefort ; il est tombé à Rossignol (Belgique).

Ont été cités à l'ordre du jour, nos concitoyens le général Rondony et le lieutenant-colonel Mortreuil, tous les deux morts au champ d'honneur.

 

Le 18 octobre 1914, presqu'un mois après l'incendie de sa cathédrale, Reims reçoit la visite d'un des plus célèbres écrivains de l'époque, Pierre Loti. L'auteur de "Pêcheur d'Islande" effectuera en tout 4 voyages dans la cité des sacres pour mobiliser l'opinion publique.

 

Par M. FRÉDÉRIC ARNAUD, membre de la Société

 

 

Janvier 1910 La Réception de Pierre LOTI par la ville de ROCHEFORT  <==.... ....==> Chemins de Mémoire, Cathédrale Notre Dame de Reims

==> 14-18 : Journal de Guerre et correspondance du 137e Régiment d'Infanterie (la tranchée des baïonnettes)

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