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PHystorique- Les Portes du Temps
29 décembre 2021

Découverte dans l’ancienne Aquitaine de quelques vestiges du Haut-Moyen Age et d’une bague chrétienne de l’époque Gallo-Romaine

Découverte dans l’ancienne Aquitaine de quelques vestiges du Haut-Moyen Age et d’une bague chrétienne de l’époque Gallo-Romaine

L'ancienne Aquitaine, au temps des Romains, comprenait le pays des Pictons, des Santons et celui des Medulli, des Bituriges Vivisque, dont Pictavum (Poitiers), Mediolanum (Saintes) et Burdigala (Bordeaux) étaient déjà, dès le IIe siècle, des villes florissantes.

 

Époque Franque ou Mérovingienne

A la suite de fouilles faites à Chadenac, au lieu- dit « la Chapelle », canton de Pons, arrondissement de Saintes, il a été mis au jour des sarcophages en pierre qui renfermaient des guerriers francs ou mérovingiens. Ils avaient été enterrés avec leurs armes qui consistaient en traits, pointes de javelots, scramasax.

 

Époque Carolingienne

BOUCLE DE CEINTURON, COUPE, PERLE

Il y avait, également, à l'intérieur d'une tombe carolingienne, une boucle de ceinturon en bronze damasquinée, finement travaillée, incrustée de filets d'argent, dont les ornements en torsades composant de gracieuses arabesques encadrent, au centre, une croix pattée. Un petit gobelet en terre cuite, jaunâtre à pâte sablée. Une perle ou petite bille perforée en terre cuite, avec rainures, couverte d'un enduit vert. Celle-ci était placée, lors de sa découverte, au niveau de la nuque du squelette, ce qui a laissé supposer qu'elle était destinée, à l'aide d'un cordonnet, à retenir la chevelure du guerrier.

On y voyait une pointe de flèche néolithique qui, certainement, n'avait pas dû servir à tuer l'homme d'arme, mais devait être pour lui une amulette.

Ces renseignements m'ont été fournis et ces quelques objets m'ont été donnés par un de mes amis, propriétaire dans la région de Chadenac : M. Bersat (voir les photos incluses).

 

MONNAIE FRANQUE

Cette monnaie ou médaille de bronze trouvée à Burdigala pourrait dater de l'époque franque d'après M. Adrien Blanchet, membre de l'Institut, spécialiste et numismate. Il nous a semblé utile de les joindre à cette étude, ayant été découverte, également, dans l'ancienne Aquitaine (voir le frotti joint).

C'est une médaille très fruste avec anneau de suspension ou pièce de monnaie d'époque barbare. — Face : tête casquée tournée à gauche, 6 traits ou lettres dans le champ, 3 à l'avant de la tête et 3 par derrière. — Au revers : 4 traits croisés avec point central et 4 disques pointés dans l'intervalle, le tout surmonté d'un croissant et, dans le champ : 2 points, 4 points, 6 points dont le sens nous paraît très énigmatique.

 

Époque Gallo-Romaine et Paléochrétienne

BAGUE ANTIQUE, ANNEAU SIGILLAIRE

Ce bijou, d'un style tout particulier, doit attirer notre attention avec ses anciens symboles : chrismes, colombes et inscriptions chrétiennes.

C'est une bague chrétienne utilisée, aussi, comme anneau sigillaire.

Le sceau, en grec, se dit

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 et en latin annulus ou anulus.

Il est appelé, au Moyen Age : signum, sigillum, bulla.

L'intaille ou pierre gravée (agathe, onyx.) a été employée au même usage à l'époque grecque et romaine et aussi antérieurement.

Le sceau est un monument précieux pour l'historien. Son étude nous permet de suivre les progrès, l'ascension d'un peuple jusqu'à son déclin.

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Apposer l'anneau sous l'Empire romain servait avec la signature à authentifier les actes.

Au Ve siècle, il est fait une distinction entre les scellements des actes publics et des correspondances privées. On disait obsignere sceller une tablette.

Dans l'antiquité, en dehors des sceaux-matrices en métal ou en pierre fine, sertie dans une couronne métallique, il en existait, aussi, en argile.

A Londres, on conserve le cachet en or massif de Ptolémée

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Bague sigiilaire gallo-romaine époque chrétienne (IVe siècle).

(buste) mais, à l'origine, l'anneau porté par ces grands personnages était en fer, avant d'être en métal précieux.

L'annulus à cachet était probablement porté au quatrième doigt de la main gauche par les Grecs et les Romains, d'où l'expression : Sedere ad annulum alicui « s'asseoir à gauche de quelqu'un ».

Sous l'Empire romain l'usage de mettre des anneaux de divers genres comme ornements de la main s'établit dans toutes les classes.

Bague de mariage, anneau sigillaire (en argent). — Cette bague octogonale avec chaton, pouvant servir de sceau, est accompagnée d'un nom, d'une légende et d'emblèmes.

 

Ses dimensions : Largeur : 0,008; développement : 0,063; Hauteur des lettres : 4 à 5 millimètres; Chaton rectangulaire : 0,014; Poids : 15 grammes.

Sa forme : Annulus à 8 pans, le huitième plus large servant de sceau.

Cette division à 8 pans ne serait-elle pas symbolique, rappelant au chrétien la piscine octogonale où descendait le catéchumène pour recevoir le baptême? Au baptistère de Fréjus, les fonts baptismaux avec leur cuve en pierre ont une forme identique. Il en est de même à Poitiers au baptistère Saint-Jean du IVe siècle et dans une église à Aix-en-Provence.

 

Un sceau chrétien avec le Chrisme.

Le Chrisme et ses évolutions à l'Époque Paléochrétienne

Chaton avec emblèmes chrétiens. — On y voit gravé le monogramme du Christ composé des deux premières lettres XP liées de XPISTOS (Christ) en grec. Ce signe est en forme d'X traversé par un trait vertical surmonté d'une boucle, appelé crux decussata.

Le chrisme est le signe chrétien, brodé sur le labarum de Constantin le Grand à la suite de sa vision de la croix aperçue dans le ciel, annonciatrice de sa victoire remportée sur son adversaire Maxence et qui motiva sa conversion et sa protection du christianisme.

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Vers 347, il vient s'y ajouter d'autres formes de chrisme, celle où la croix devient plus visible. « C'est alors que l'X amalgamé à la croix devient le monogramme rayonnant, étoilé à 8 branches . »

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Cette forme de chrisme indiquerait pour cette bague, la date du IVe siècle.

L'abbé Martigny, dans son Dictionnaire des antiquités chrétiennes, nous dit « qu'avant Constantin il existait déjà un monogramme, composé des lettres I et X de I(ESOS) X(RISTOS) et, ce serait là, peut-être, la plus ancienne forme, celle du premier âge de la discipline de l'arcane, parce qu'elle rappelait, d'une manière moins sensible que le chrisme proprement dit, le nom du Christ » .

Nous avons, par nous-même, acquis la certitude que le chrisme sous la forme de l'I joint à l'X était fort ancien, car nous l'avons trouvé incisé, à l'aide d'un burin, sur une « patera » à glaçure rouge, provenant de fouilles faites à Burdigala, et portant la marque O.SERT et O.CEL = potiers connus vivants au 1er siècle de notre ère).

Le graffiti, tracé au burin, était surmonté d'un trait horizontal indiquant que c'était bien le sens dans lequel il devait être examiné.

Cette poterie du 1er siècle avec chrisme semblerait indiquer que, dès les premiers siècles, il y aurait eu à Burdigala des évangélisateurs et des chrétiens.

Le tombeau de sainte Véronique en rappellerait le souvenir dans notre ville.

Les deux colombes. — Le chrisme est complété par deux colombes se faisant face et placées entre les jambages latéraux de l'X. Les deux oiseaux symboliques seraient le mariage sous l'égide du Christ et cela est confirmé, d'ailleurs, par la devise chrétienne qui suit.

La colombe est un des emblèmes fréquemment rencontrés dans les catacombes; on la trouve, aussi, sur les céramiques chrétiennes du ive siècle découvertes à Burdigala et associée au cerf, à la croix et au poisson (1).

Bague chrétienne du IVe siècle

LE SYMBOLE DU MARIAGE : LA COLOMBE ET L'ANNEAU

La colombe, souvenir païen, serait devenue, plus tard, emblème chrétien. Elle aurait apparu en Gaule vers l'année 378. (Certains auteurs voient dans ces oiseaux accompagnant le chrisme le paon, image de l'immortalité.)

En Grèce, un signe heureux pour le mariage était la rencontre de deux tourterelles, oiseaux célèbres par la constance de leurs amours.

L'anneau à Rome. — Le futur époux présentait à celle qui devait devenir sa femme, un anneau (annulus pronubus) comme signe de garantie pour l'engagement qu'il contractait avec elle (Juv.).

L'épouse le mettait au dernier doigt de sa main droite, parce qu'elle croyait qu'il y avait un nerf qui communiquait de ce doigt au cœur (Macrob.).

La légende, est composée de 14 lettres en majuscules latines gravée en creux, deux à deux, sur chacun des 7 pans extérieurs de l'anneau et qui déterminent la phrase suivante :

LICI VIVAS IN DEO

VIXI. VIVE VIVAS

Souhaits formulés aux époques païennes et chrétiennes.

Dans l'antiquité, les peuples païens, à l'occasion des funérailles ou des festins, employaient des formules pour exprimer leur douleur ou leur joie :

VIXI DUM VIXI BENE :

« Je n'ai vraiment vécu que quand j'ai joui de la vie ».

Une des formes de salutations employée par Cicéron était :

VIVE VALEQUE :

« Vis et porte-toi bien ».

Inscriptions chrétiennes accompagnant le chrisme.

Les chrétiens suivirent leur exemple, mais pour exprimer leur foi dans l'au-delà.

C'est ainsi que dans les inscriptions provenant des catacombes et conservées au musée de Latran on peut lire les suivantes : Ursina, vibes in Deo, Ursina « Tu vivras en Dieu » (le b pour le v); Faustina dulcis, bibas in Deo « Douce Faustina puisses-tu vivre en Dieu ».

Nous retrouvons sur notre anneau cette devise à peu près identique : LICI VIVAS IN DEO « Licius vis en Dieu », vœu adressé à Licius ou à la femme de Licius de vivre saintement, l'esprit toujours tourné vers Dieu.

Le chrisme gravé sur le chaton de la bague devient la confirmation, le symbole de l'idée chrétienne précédente.

VIVAS IN DEO serait donc un des souhaits de bonheur que les chrétiens s'adressaient entre eux non point seulement pour leur vie d'ici bas, mais pour l'éternité.

VIVAS IN DEO pour (spero) vivas in Deo : «Je souhaite que tu vives en Dieu ».

On retrouve, encore, ce vœu exprimé entre eux par les premiers chrétiens : Aeternum Vivate in XPO « Vivez éternellement dans le Christ ».

Cette formule chrétienne a subsisté à l'époque mérovingienne.

Sur un sarcophage d'Antigny (conservé au musée de Poitiers) dont le couvercle est orné de traits et d'écaillés de poissons, on lit cette inscription :

TAURUS VIVAT IN DEO. TAURO PETRAM

qui peut se traduire : « Que Taurus vive en Dieu (ses parents ont édifié) cette pierre (cette tombe) pour Taurus ».

Au Baptistin Saint-Jean à Civaux (Vienne), on y voit cette autre forme de chrisme avec l'inscription ci-dessous :

 

ATERNALIS ET SERVILLA VIVATIS IN DEO

mêmes souhaits que pour le précédent adressés à deux chrétiens unis dans la mort : Eternalis et Servilla (le musée lapidaire de Poitiers en a conservé le moulage).

Sur les coupes nuptiales on retrouve encore gravées ces mêmes acclamations : Vivate in Deo, et aussi sur des monuments où l'on voit deux époux se donnant la main sur l'autel.

Vivas, Vivat, d'ailleurs, est l'origine de Vive, Vivat, en français, exclamation par laquelle on souhaite à quelqu'un longue vie et prospérité.

Lieu de la découverte. — Elle a été ramassée en labourant un champ, à Roch, aux environs de Montlieu (Charente-Maritime) où se trouvaient d'abondants vestiges gallo-romains et m'a été remise par M. Bersat.

Date de la bague. — Jullian dans son histoire de Bordeaux décrit un anneau de même style trouvé place de la Bourse à Bordeaux.

Sur le chaton, on y voit deux bustes d'homme et de femme affrontés, surmontés du mot Vivas.

Sur l'anneau à 10 pans, dont le dernier sert de chaton, est inscrite la phrase suivante :

NEMFUNDI VIVAS

 et par Jullian traduite ainsi : « .Porte-toi bien ».

C'est, dit-il, une bague de matrone. Nemfidius est le nom de son mari, sans doute, et la bague daterait du ive siècle.

On sait, en effet, qu'après son mariage, la femme ajoutait à son nom celui de son mari. Ainsi s'appelait-elle par exemple : (Julia) Catonis; (Octavia) Pompéi; (Silvia) Luci ou Lici, etc.

Il est regrettable que C. Jullian n'ait pas indiqué les dimensions de celle trouvée à Bordeaux qui nous aurait permis de la comparer à celle présentée ici.

La bague de Nymfifius, différente de la nôtre, ne possède aucun caractère chrétien, aussi c'était sans doute celle d'un païen.

Tandis que celle de Licius ou de sa femme devait être l'anneau de mariage porté par un chrétien durant sa vie, et qui l'aura accompagné jusqu'au tombeau.

A la suite de diverses constatations faites au cours de cette présentation, nous devons penser que celle de Licinius est une bague du IVe siècle.

Dans le champ où a été trouvé la bague, on y voit d'importants monuments mégalithiques; l'un d'eux est appelé la Pierre Folle; on y rencontre aussi les ruines d'un château historique du XVIe siècle.

Montlieu, Montguyon, villes de la Charente-Maritime, se trouvent au Sud de l'ancienne province de la Saintonge.

A l'époque gallo-romaine la Saintonge, l'Aunis, le Périgord, le Poitou figuraient dans l'ancienne Aquitaine, que le Bordelais limitait en son Sud, dont la frontière en était déterminée par le Ciron, à 45 kilomètres de Bordeaux, depuis son embouchure à la Garonne jusqu'à Villandraut et de là, par une ligne à peu près droite, passant par la Croix d'Hins, à l'Ouest, se dirigeant vers le Nord-Ouest au Sud de la baronnie ou sirie de Lesparre.

Ce précieux bijou gallo-romain, pièce unique en son genre, présente pour nous le plus grand intérêt étant à la fois : anneau sigillaire et bague de mariage; de plus, elle a appartenu à un chrétien du IVe siècle, dont elle a conservé le nom de Licius ou Licinius, contemporain de notre poète Ausone, qui habita la Seconde Aquitaine, dont Burdigala était alors, la métropole.

 

 

Communication de M.J.Beraud-Sudreau Actes du 87e Congrès national des sociétés savantes, Poitiers, 1962. Section d'archéologie

 

 

 

 

 ==> Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU )

 


 

(1) Voir notre communication sur la céramique chrétienne gallo-romaine parue dans le Bulletin du Congrès des Sociétés Savantes, Bordeaux 1939.

 

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