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PHystorique- Les Portes du Temps
23 octobre 2019

Juillet 1191. Départ pour la Terre Sainte des rois Philippe-Auguste et Richard Coeur de Lion

Juillet 1191

Les rois de France et d'Angleterre firent voile pour la Palestine, le premier juillet 1191.

 La persistance des vents contraires n'ayant pas permis aux flottes alliées de franchir le détroit du Phare avant la mauvaise saison, les princes se résolurent à passer l'hiver en Sicile. Ce long séjour dans les mêmes lieux de deux armées rivales et inoccupées faillit compromettre l'expédition à laquelle elles s'étaient dévouées, en réveillant entre leurs chefs des querelles à peine assoupies.

Les conseils de la prudence et de la religion finirent cependant par l'emporter, et un traité conclu à Messine, au mois de mars 1191, renouvela l'alliance des deux rois, en autorisant Richard à épouser Bérengère, fille du roi de Navarre, à la place d'Alix, sœur du roi de France, déjà sa fiancée.

Philippe-Auguste, prenant les devants, quitta Messine le 30 mars, le jour même où Éléonore de Guyenne, irréconciliable ennemie de la famille de Louis VII, amenait à son fils Bérengere de Navarre, dont elle voulait faire sa bru.

 Il avait donné rendez-vous au roi d'Angleterre devant la ville de Saint-Jean d'Acre, que les chrétiens de Palestine assiégeaient depuis huit mois, et près de laquelle il débarqua lui-même heureusement le 13 avril suivant, veille de la fête de Pâques.

Le roi Richard, après avoir engagé sa foi à Bérengère par la cérémonie des fiançailles, et pris congé de sa mère, qui retourna en Aquitaine, mit à la voile le 10 avril, emmenant avec lui sa sœur Jeanne, veuve du dernier roi de Sicile, et sa future épouse.

Les mauvais temps ralentirent sa navigation; il gagna péniblement l'île de Rhodes et la côte d'Asie Mineure à peine parvenu à la hauteur du golfe de Satalie, toujours dangereux, il fut assailli par une de ces violentes tempêtes si fréquentes pendant l'équinoxe du printemps dans cette partie de la Méditerranée, les navires anglais sont dispersés

Aux premiers moments de calme, se voyant isolé des siens, il se hâta de gagner les côtes méridionales de l'île de Chypre, d'où il se trouvait le plus rapproché, afin de rallier sa flotte et de rejoindre au plus tôt Philippe-Auguste.

Il ignorait les désastres occasionnés par l'ouragan à ses navires, et était bien loin de soupçonner les événements qui allaient le retenir malgré lui dans l'île vers laquelle il se dirigeait, et l'amener à en faire la conquête.

Trois vaisseaux, entraînés par les vents, s'étaient brisés sur les rochers de la côte; les naufragés, dépouillés et maltraités par une population hostile, quoique chrétienne, n'avaient pu qu'avec peine gagner les premières habitations de Limassol, à l'ouest des ruines de l'ancienne ville d'Amathonte, où ils étaient retenus comme prisonniers.

Le navire sur lequel se trouvaient sa sœur et sa fiancée, éloigné plus que les autres du corps de la flotte, était parvenu avec peine dans la rade de Limassol, y cherchant un abri; les mariniers, après avoir vainement demandé l'accès du port, où les princesses, fatiguées d'un mois de traversée, voulaient débarquer, s'étaient vus obligés de jeter l'ancre loin du rivage, dans une mer ouverte et encore agitée.

L'île de Chypre, l'une des provinces les plus fertiles de l'empire byzantin, était depuis quelques années sous la souveraineté d'un prince de la famille impériale. Isaac Comnène avait été d'abord gouverneur de l'Arménie, vaste contrée dont les limites politiques, souvent modifiées, confinaient alors, vers le sud-est, à la principauté des Francs d'Antioche.

 Obligé de s'enfuir du pays où il avait voulu se rendre indépendant lors de l'avénement d'Andronic Ier, son ennemi personnel, Isaac s'était réfugié en Chypre.

Il avait commencé par établir son autorité en publiant de fausses lettres impériales, qui l'instituaient duc ou catapan de l'île, titre affecté ordinairement aux gouverneurs des provinces de l'empire. Ne songeant dès lors qu'à augmenter sa fortune afin d'assurer son indépendance, et sacrifiant tout à ses vues d'ambition, il avait traité odieusement les habitants de l'île, les accablant d'impôts, confisquant arbitrairement le patrimoine des familles les plus opulentes, réservant ses seules faveurs aux soldats venus avec lui ou à ceux qu'il appelait dans l'ile.

Ses forces et ses richesses s'accrurent bientôt assez pour lui faire dédaigner le pardon de Constantinople, qu'on lui avait offert déjà. Rassuré d'ailleurs sur une attaque d'Andronic, qui manquait de marine, il se fit proclamer empereur de Chypre, en attendant l'occasion d'arriver, s'il lui était possible, à une plus haute destinée.

Sa haine contre les Francs, naturelle chez les Grecs d'autrefois, s'était accrue à la suite de démêlés qu'il avait eus avec eux dans son gouvernement d'Asie; ses appréhensions l'avaient augmentée encore depuis les préparatifs de la nouvelle croisade des princes d'Europe.

Il communiquait à Saladin tous ses renseignements sur les armements des Latins; il gênait les approvisionnements que les Francs de Syrie avaient facilement obtenus jusque-là de l'ile de Chypre; il les soumettait à des droits exorbitants, ou les prohibait tout à coup; enfin, par un excès de défiance qui faisait surtout sa sécurité et qui devait occasionner sa perte, il avait défendu de laisser aborder dans l'île aucun navire des croisés.

En recevant les nouvelles des côtes du sud-ouest, il accourut à Limassol, et fit diriger des forces sur ce point, afin de repousser les Latins, s'ils s'y présentaient. La Chronique d'outre-mer lui reproche, à cette occasion, quelques actes de cruauté qui sont peu vraisemblables.

Mais Comnène, s'il ne fit pas massacrer les naufragés, ne témoigna aucune pitié pour eux il refusa de rendre leurs biens, il en exigea durement des otages, et les obligea de chercher des lieux de refuge en dehors de la ville, leur défendant de s'arrêter dans l'intérieur.

Jeanne d'Angleterre -Fontevraud et son frère Richard Cœur de Lion rencontrent Philippe Auguste, enluminure vers 1230, Biographical Historia Anglorum

Espérant ensuite retirer une forte rançon de Jeanne de Sicile et de sa nièce, s'il parvenait à se rendre maître de leurs personnes, il invita les princesses, par un message amical, à venir sans crainte à terre, en leur offrant de riches cadeaux et des vivres du pays des pains de froment, des viandes de chevreaux et du vin renommé que produisent les riches coteaux au nord de Limassol.

Les marins, plus expérimentés, engagèrent les princesses à se défier des propositions d'Isaac, et à profiter seulement de son apparente hospitalité en faisant renouveler la provision d'eau douce par quelques hommes de l'équipage. Isaac refusa cette permission, et, pour empêcher tout débarquement, il fit aussitôt couvrir le rivage de Limassol, dont l'abord est naturellement sans défense, de corps de vaisseaux hors de service, de grosses pierres et de meubles divers, employant jusqu'aux portes des maisons des Grecs et des Arméniens qui habitaient la ville. Irrité de voir repousser ses nouvelles offres, et craignant que le navire, objet de sa convoitise, ne lui échappât, il faisait déjà préparer les galères du port, les chargeant de s'en emparer, quand les marins lèvent l'ancre et gagnent la haute mer, où ils retrouvent le vaisseau du roi Richard, et bientôt le reste de la flotte anglaise.

Juillet 1191

 Les événements qu'il apprit contrarièrent le roi Richard. Il désirait se hâter d'arriver à Saint-Jean d'Acre en ménageant ses hommes; il n'aurait pas voulu être contraint d'exiger par la force le repos et les vivres qui leur étaient nécessaires.

Une tentative en faveur des naufragés, et une nouvelle demande d'eau douce pour les navires, n'ayant reçu qu'une réponse dérisoire, le roi se décida cependant à faire descendre une partie de son armée sur les terrains bas et faciles qui forment la plage de Limassol.

Il ordonna à ses troupes de s'avancer lentement vers la ville, pendant qu'il les suivait lui-même avec la flotte en côtoyant le rivage. Instruit des préparatifs de défense d'Isaac, et sachant que des troupes avaient été échelonnées sur le bord de la mer, Richard s'attendait à une assez vive résistance. Quel ne fut pas son étonnement lorsque des Latins, à qui Comnène permettait de séjourner à Limassol en s'occupant probablement de commerce viennent le trouver à bord de sa galère, et lui annoncent qu'Isaac, effrayé du débarquement de l'armée, s'était enfui vers les montagnes, abandonnant la ville, où restaient seulement un peuple inoffensif et des marchands désireux d'être placés sous sa sauvegarde.

 Le roi, satisfait de ces dispositions de bon augure, et croyant ne pas être obligé de prolonger son séjour dans l'île, envoya deux chevaliers assurer les Grecs de sa protection. Il vint en même temps à terre, fit camper l'armée dans les vergers de Limassol, sans lui permettre d'entrer dans la ville, et publia un ordre sévère, menaçant d'un châtiment immédiat tout soldat qui violerait le domicile d'un homme du pays, ou qui ne respecterait pas ses propriétés et sa personne.

Les auteurs du temps ne sont pas d'accord sur le sort des croisés contraints de chercher un asile dans les lieux mêmes où se trouvait alors l'armée anglaise. Il semble, d'après les mieux informés, que la plupart des naufragés durent en ce moment, ou peu après, rejoindre leurs compatriotes, et qu'ils ne furent pas entraînés par Isaac dans sa retraite précipitée vers les montagnes de l'Olympe.

La mer avait rejeté sur la côte les cadavres de ceux qui étaient morts dans la tempête. Parmi ces corps défigurés se trouva celui du chancelier d'Angleterre. Un paysan grec détacha le sceau royal suspendu encore à son cou; il apporta cet objet curieux dans les tentes chrétiennes, et le vendit au roi.

Richard 1er espérait encore qu'une entrevue avec Isaac, en rassurant le prince sur les intentions des Francs, le rendrait plus favorable à leur entreprise, et permettrait à la flotte de reprendre prochainement sa route.

Après deux jours donnés aux soins du débarquement et au repos, il choisit deux moines du pays et les envoya au bourg de Kilani, où était campée l'armée grecque, à six lieues au nord dans les montagnes. Les caloyers portaient à Isaac des paroles de paix, et l'engageaient à une conférence avec le roi. Comnène, habile à approprier aux circonstances ses sentiments et son langage, acquiesça volontiers à leur proposition.

Aussitôt que le roi Richard lui eut adressé, sur sa demande, un sauf-conduit, que lui porta un chevalier normand nommé Guillaume de Préaux, Isaac descendit dans la plaine avec la plus grande partie de ses hommes, et vint établir ses tentes à Kolossi, village à deux lieues au couchant de Limassol, où fut plus tard le chef-lieu de la commanderie de Rhodes.

Il se rendit peu après lui-même au camp des Anglais, accompagné d'un brillant entourage.

Le roi Richard, qui n'avait pas encore ses chevaux avec lui, s'avança à pied hors de sa tente, à la distance d'une portée de trait; escorté par ses chevaliers. Comnène, dès qu'il l'aperçut, mit pied à terre et s'approcha du roi en s'inclinant plusieurs fois profondément.

Richard répéta les mêmes saluts, prit Isaac par la main et le fit asseoir à côté de lui dans sa tente, sur un siège recouvert d'un drap de soie, au bas duquel se plaça un Interprète. "Je m'étonne, seigneur empereur," lui dit affectueusement le roi, "qu'un prince chrétien comme vous, témoin comme vous des souffrances de la Terre sainte où Notre-Seigneur Jésus-Christ a été crucifié, n'ait fait aucun effort pour la délivrer du joug des infidèles. Vous voyez les besoins des chrétiens qui assiègent Saint-Jean d'Acre, et non-seulement vous refusez de leur envoyer des vivres, mais vous considérez comme ennemis ceux qui viennent leur aide. Au nom de Dieu et de la chrétienté, je vous le demande, faites cesser les plaintes qui s'élèvent contre vous de toutes parts. Venez- vous joindre à nous avec votre armée, et qu'à l'avenir tout le monde puisse librement acheter en Chypre les provisions nécessaires aux croisés.

 Comnène répondit avec assurance et en remerciant le roi "Je sais, sire, quel honneur j'acquerrais en suivant vos conseils mais, si je m'absentais de cette île, je n'y rentrerais plus. L'empereur de Constantinople m'en conteste la souveraineté; les gens du pays eux-mêmes se lèveraient contre moi, si je m'éloignais. Je veux cependant vous seconder autant qu'il dépend de moi jusqu'à ce que la ville de Saint-Jean d'Acre soit prise, j'entretiendrai un corps de deux cents hommes dans l'armée des chrétiens, et j'affranchis désormais de tous droits ceux qui viendront acheter des provisions pour eux.

 Le roi d'Occident fut charmé des manières du prince grec et de la confiance qu'il lui témoignait. Isaac acheva de le gagner en lui disant qu'avant de se séparer de lui il voulait que sa fille, le bien le plus cher qu'il eût au monde, lui fût remise comme otage de son alliance et de sa fidélité.

L'empereur fut conduit à une tente élégante, qu'on avait placée non loin de celle du roi; il y trouva des tables dressées pour son repas et tout préparé pour son sommeil.

Isaac Comnène n'avait accepté l'entrevue à laquelle on l'avait convié qu'afin d'apprécier par lui-même les desseins et les forces du roi Richard. Pensant que le prince était trop désireux de se rendre en Syrie pour se hasarder le poursuivre dans l'Intérieur d'une lie inconnue, comptant d'ailleurs sur la valeur de ses troupes, il crut pouvoir le braver sans danger.

A la faveur de la nuit, pendant que les hommes du camp étaient livrés au repos, Comnène sort furtivement de sa tente, à peine vêtu, s'élance sur un cheval, et rejoint son armée à Kolossi. Hors des atteintes du roi, il lui fait annoncer avec hauteur que, s'il ne quitte bientôt l'Ile de Chypre, il viendra lui montrer le peu de cas qu'il fait de sa personne et de tous les Latins

Juillet 1191

Déconcerté de tant de fausseté, indigné surtout de cette arrogance, qui blessait à la fois sa religion et sa dignité de roi, Richard se résout à interrompre sa croisade; il veut humilier l'orgueil des Grecs, venger les naufragés, et poursuivre jusqu'au bout l'occasion que le sort lui présente, et dont l'incertitude, pleine encore de périls, plaisait à son esprit aventureux.

Il fait débarquer sa cavalerie, et vient sans retard attaquer Isaac, le met en déroute, enlève son camp, et rentre à Limassol avec un immense butin, suivi de prisonniers et de nombreux troupeaux. Parmi les trophées de Kolossi figura l'étendard impérial, riche étoffe tissue de soie et d'or. Richard l'offrit dès lors au roi saint Edmond, dont il avait été demander la protection avant son départ pour la croisade; et, de retour en Angleterre, il le fit déposer sur le tombeau du prince martyr, dans l'abbaye de son nom, au comté de Suffolk.

L'arrivée de divers seigneurs du royaume de Jérusalem suspendit les dispositions que prenait Richard pour se mettre sur les traces d'Isaac.

 

La troisième croisade (1189-1192) - la croisade des rois Philippe-Auguste et Richard Coeur de Lion <==.... ....==> Croisade : Guy de Lusignan à la rencontre du roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion.

 

 

 


 

(1) La chronique de Roger de Hovedene rapporte que, le 4 mars 1191, après plusieurs mois de conflits  à Messine, Richard Cœur de Lion, venu à Catane depuis trois jours, avait reçu du roi Tancrède de nombreux dons, or, argent, chevaux soieries, qu’il avait tous refusés, à l’exception d’un anneau. Tancrède devait lui donner aussi quatre grandes galères ussers, pour le transport de ses chevaux, et quinze galères, pour le Passage en Terre Sainte.

En échange, en contre –don, le roi d’Angleterre donnait au roi de Sicile Caliburne (Excalibur du roi Arthur La croix du tombeau d'Arthur Abbaye Glastonbury (1191)

 

 

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