Devant l’impiété et la tyrannie, on était tenté de croire que la religion et l’honneur allaient disparaître pour toujours, dans un commun naufrage. C’était le but des révolutionnaires, d’anéantir jusqu’aux traces de nos anciennes vertus, dont le souvenir accusait leur sacrilège audace.
Cependant la France, qui doit être punie, ne sera point effacée du livre des nations.
Ce n’est qu’un châtiment ; ce n’est pas un jugement à mort.
Le feu sacré qui lui donne la vie ne s’éteindra point. Il sera conservé dans la Vendée ; et lorsque la colère du Seigneur aura passé, des générations nouvelles viendront sur les ruines apprendre à servir Dieu et à défendre le Roi….
Il vaut mieux que nous mourions les armes à la main, que de voir la ruine de notre patrie et la destruction de nos autels
Melius est nos mori in bello quam videre mala gentis nostrœ et sanctorum.
C'est ici, mes enfants, que commença cette longue scène d'agonie que la plus courageuse et la plus tendre des mères eut à souffrir pendant une demi-journée, exposée à tous les dangers, avec deux pauvres petits enfants, dont l'innocence et les larmes auraient attendri les tigres les plus féroces.
Où prendrai-je des forces pour vous rapporter les tristes récits que m'en fit ma mère? Où trouverai-je des expressions pour vous rendre ce mélange de dévouement, de courage, de sensibilité d'une part, et, de l'autre, cet excès de cruauté lâche et perfide?
Je veux pourtant, mes enfants, vous tracer ce tableau perfide et touchant; je le dois pour votre instruction, pour vous faire apprécier le bon cœur de vos parents et vous faire connaître tous les maux qu'ils ont éprouvés, et en même temps pour vous rendre odieux les principes révolutionnaires, si jamais, ce qu'à Dieu ne plaise!
vous étiez tentés d'adopter les funestes opinions, les doctrines perverses, qui nous ont causé tant de malheurs et qui ont coûté la vie à nos ayeux.
Ma mère n'avait pas fait deux cents pas qu'elle tomba au milieu des éclaireurs de l'armée républicaine. Leur premier mouvement fut de la mettre en joue.
A cette vue, elle se précipita à genoux, ainsi que ses enfants, en étendant les bras pour demander grâce et faisant signe de ne pas tirer. Les soldats lui crièrent de demeurer dans la même place.
Ils arrivèrent à elle et la dépouillèrent de son portefeuille et du peu d'argent qu'elle possédait encore; enfin ils ne lui laissèrent que ses habits : mon frère, ma sœur et leur gouvernante furent soumis aux mêmes exactions.
Ma mère demanda à être conduite au général. Les soldats furent étonnés de tant de courage : un officier, qui arriva, ordonna de la mener vers le général, dont je n'ai jamais su le nom ; mais tout me porte à croire que c'était Leschelle, qui commandait en chef l'armée qui marchait ce jour-là sur Cholet.
Ma mère, avec une dignité qui contrastait beaucoup avec la crainte que devait naturellement inspirer la vue de ce brigand stupide et féroce, lui exposa que son mari, quoique n'ayant pris aucune part à la guerre de la Vendée, effrayé par les massacres que chaque lieu et chaque jour voyaient commettre, s'était par prudence réfugié dans un bois voisin, afin d'éviter la première brutalité du soldat.
Le général lui dit d'un ton de voix effrayant : « Si ton mari était bon républicain, il serait venu au-devant de nous, sous la protection de son patriotisme. »
« Ah! monsieur, lui repartit ma mère, combien de malheureux, se confiant dans leur innocence et dans l'humanité de vos soldats, ont péri en se rendant! Mon mari a craint le même sort; il s'est caché à quelques pas d'ici. Donnez-moi deux fusiliers pour m'accompagner, je connais sa retraite, je l'irai chercher et je vais l'amener à l'instant devant vous. »
Cette demande si catégorique, cette démarche si périlleuse et qui annonçait dans une femme encore jeune (ma mère n'avait alors que trente-deux ans) un courage au-dessus de son sexe, toucha le général. Ce qui l'émut surtout, ce fut la vue des enfants qui s'étaient jetés à genoux et qui lui disaient avec une naïveté attendrissante : « Monsieur... Citoyen, sauvez notre papa et notre maman : ce sont de braves gens; ils n'ont jamais fait de mal à personne. »
Le général ordonna à deux soldats d'accompagner ma mère. Pour épargner de marcher avec la colonne qui continuait d'avancer toujours sur Cholet, elle quitta la grande route et prit un chemin détourné qui conduisait directement à la Marboire.
Ce détour déplut beaucoup aux soldats qui la suivaient, déjà très contrariés de la mission qu'on leur avait donnée. Ils marchèrent néanmoins, mais en murmurant beaucoup.
Le jour de rentrée de Bard à Mortagne, le 14 octobre, Kléber avait envoyé une reconnaissance du côté de cette ville et faisait fouiller le bois du Longeron.
Dans la soirée, il fit sa jonction avec l’armée de Luçon, et vint camper dans la lande de la Haie, à l’extrémité de la paroisse de Saint-Christophe-du-Bois, et à la porte de Mortagne.
Léchelle, se voyant à la veille de donner une bataille décisive, chercha à enflammer le courage de ses soldats, comme s’il eût été capable de leur en suggérer, lui qui en était si notoirement dépourvu. Il leur adressa la proclamation suivante :
« Braves soldats, Le moment est enfin venu où les sans-culottes vont triompher de leurs ennemis ; vous marchez sur les Brigands, la République est sauvée.
Votre courage, votre audace me font compter sur la victoire la plus complète pour terminer une guerre qui fait le malheur de la patrie.
Du succès de nos armes dépend le sort de la République et le bonheur de nous tous. Braves compagnons d’armes, marchez avec confiance dans le sentier de l’honneur.
Les généraux sans-culottes, comme vous, ne reculeront pas. Vous les verrez à leur place de bataille, glorieux de combattre avec d’aussi bons militaires que vous.
C’en est fait, mes amis, il faut anéantir toute cette horde royaliste et fanatique, et assurer pour toujours la tranquillité de notre pays.
La Convention nationale, toujours reconnaissante, vient, par un décret, de vous faire connaître ses intentions.
Méritez la récompense qu’elle accorde à l’armée qui sauvera la patrie en terminant cette guerre cruelle.
Le 14, dans la soirée, an moment où l’armée de Luçon incendiait Mortagne, les Vendéens quittaient Cholet.
Leur aile gauche, commandée par Lescure et Marigny, alla se développer autour du château de la Tremblaie, à moitié de la route de Cholet à Mortagne ;
leur centre, sous les ordres de d’Elbée, de La Rochejaquelein et de Stofflet, se plaça entre cette route et le bourg de Saint-Christophe, pendant que Bonchamps, à la tête de l’aile droite, se dirigea par la Séguinière et la Romagne, pour prendre en flanc les Mayençais ; mais ceux-ci n’ayant pas fait autant de diligence qu’on l’avait supposé, Bonchamps ne put effectuer le mouvement qu’on avait projeté, et se trouva en dehors de l’action qui allait s’engager.
Les armées des deux partis bivouaquèrent à une faible distance l’une de l’autre, sans que les Républicains se doutassent que les Royalistes fussent aussi près d’eux.
L’insurrection vendéenne 1793 <==....
Guerres de Vendée, Colonne Commémorative de la bataille de Torfou du 19 septembre 1793 <==.... ....==> 18 Octobre 1793, le général Charles Melchior Artus de Bonchamps meurt près de Varades.