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PHystorique- Les Portes du Temps
2 juillet 2023

Que reste-t-il du mobilier de l'abbaye de Fontevrault aux XIXe et XXe siècles ?

Que reste-t-il du mobilier de l'abbaye de Fontevrault aux XIXe et XXe siècles

L'abbaye de Fontevrault retrouve peu à peu, depuis une date récente, son visage d'antan, du moins dans les parties qui en subsistent. Mais son âme est ailleurs.

Au moment de sa suppression en 1790, l'abbaye était en pleine prospérité : elle comptait 70 professes, 39 converses et 2 données.

Quelques fontevristes survivantes reconstituèrent, dans le premier tiers du XIXe siècle, trois prieurés à Chemillé (Maine-et-Loire), Boulaur (Gers) et Brioude (Haute-Loire).

A la suite des expulsions de 1904, les Fontevristes de Boulaur s'établirent à Vera (Espagne). Mais, ne se recrutant plus, elles fusionnèrent en juillet 1945 avec les Bénédictines de Lumbier en Navarre.

Quant aux religieuses de Brioude, elles se dispersèrent en 1904 ; trois d'entre elles rejoignirent la communauté de Vera ; en 1910 l'une des trois, sœur Antoni, regagna Brioude, où les sœurs âgées et malades avaient été autorisées à être hospitalisées dans leur monastère. En 1942 Mgr Martin, évêque du Puy, prononça la dissolution de la communauté de Brioude. Les deux dernières religieuses vinrent mourir à Chemillé.

Seul resta le prieuré de Chemillé, qui s'était reconstitué dans les circonstances suivantes. Chemillé était sous l'ancien régime un prieuré de l'abbaye de Marmoutier (2), mais Fontevrault y possédait un domaine.

 Ce lieu avait un autre titre de noblesse vis à vis de Fontevrault : c'était le lieu d'origine de la fondatrice de l'ordre, Pétronille de Chemillé.

M. Alliot, curé-doyen de cette localité, fit en 1803 appel à deux anciennes fontevristes pour diriger une école de filles dans sa paroisse.

En 1808 Mme Rosé, l'une d'elles, devint propriétaire de la maison.

En 1817 sept autres fontevristes arrivèrent et trois novices firent leur profession solennelle.

En 1820 Mme Rosé offrit un terrain à la ville pour bâtir un hospice et des sœurs pour le desservir.

En 1824 l'ordre de Fontevrault était officiellement rétabli.

En 1847 le prieuré de Chemillé entra en possession d'un insigne trésor : les restes mortels du fondateur de l'ordre, Robert d'Arbrissel.

 On sait qu'au lendemain de la mort de celui-ci l'abbesse Pétronille de Chemillé lui fit faire dans l'abbatiale un tombeau avec sa statue gisante, qui fut détruit lors des guerres de religion.

M. Crozet a étudié récemment l'histoire de ce tombeau et de ses divers avatars, dans le détail desquels je ne reviendrai pas (3).

L'abbesse Louise de Bourbon-Lavedan (1611-1637) le fit refaire avec un gisant de marbre blanc livré en 1624 ; il disparut à son tour pendant la Révolution.

Seul reste aujourd'hui l'édicule de style classique qui l'encadrait récemment, qu'on voit maintenant à l'entrée sud du déambulatoire et qui était autrefois, ainsi que le tombeau lui-même, dans le chœur, côté nord.

Louise de Bourbon fit renfermer les restes du fondateur dans un coffret de plomb qui existe encore. Il mesure 11 centimètres de haut, 39 de long et 28 de large.

 Il porte l'inscription suivante : « En cette capse sont les os et cendres du digne corps du vénérable Robert d'Arbrisselle, instituteur et fondateur de l'ordre de Fontevrault, selon qu'on les trouva en son tombeau quand il fut levé et érigé en ce lieu pour faire le grand autel par le commandement et bon soing de digne abbesse et chef dudict ordre Madame Loyse de Bourbon. Le 5 octobre 1622 ».

On se rend compte, d'après ce texte, que le tombeau profané par les huguenots se trouvait devant le maître autel et que c'est pour refaire à sa place un nouvel autel, sans doute en remplacement d'un autre saccagé dans les mêmes circonstances, que le nouveau tombeau fut placé dans un endroit différent.

On trouva encore, lors de l'exhumation de 1622, le bâton pastoral du défunt en forme de tau et son anneau.

Après la profanation du nouveau tombeau pendant la Révolution, le coffret de plomb qu'il renfermait demeura à l'abandon dans la sacristie jusqu'en 1847, date de son transfert à Chemillé.

Le 23 novembre 1859 l'évêque d'Angers fit ajouter à l'intérieur de ce coffret les ossements de Pierre II, évêque de Poitiers, mort en 1115, bienfaiteur de l'abbaye, et le 12 avril 1860 Mgr Barbier de Montault en fit une ouverture solennelle, au cours de laquelle on préleva des parcelles de reliques pour l'évêché de Poitiers et des morceaux de tissus pour le musée ecclésiologique du diocèse d'Angers.

Le prieuré de Chemillé a été enfin, le 14 septembre 1963, l'objet d'un nouveau transfert par son union au prieuré des Bénédictines missionnaires, à la Barre, commune de Martigné-Briand (Maineet-Loire).

Le nom de Fontevrault n'en disparaît pas pour autant dans cette histoire, puisque ce monastère s'appelle désormais prieuré de Sainte-Marie de Fontevrault (4).

APPENDICE

Que reste-t-il du mobilier de l'abbaye de Fontevrault ?

Des objets mobiliers qui restent de l'abbaye de Fontevrault, bien peu sont encore sur place. M. Crozet signale dans ce cas une statuette de saint Michel, une Pieta de terre cuite du XVIe siècle, un lutrin, un peu plus récent. Beaucoup ont été transportés dans l'église paroissiale Saint-Michel de Fontevrault : l'autel avec son splendide tabernacle du XVIIe siècle et des tableaux.

A Martigné-Briand il y a, outre les restes mortels de Robert d'Arbrissel, son bâton pastoral en cuivre et cristal de roche (5), ainsi qu'un reliquaire d'argent contenant une partie de son cœur ; un tableau représentant Jésus crucifié à qui la Vierge Marie présente la fondatrice de l'Ordre ; et un autre tableau représentant le Cœur de Jésus adoré par Marie-Madeleine-Gabrielle de Rochechouart Mortemart, qui fut abbesse de Fontevrault de 1670 à 1704.

A Angers, le musée conserve la crosse attribuée à Robert d'Arbrissel ; et la Préfecture, la grille du chœur.

Trois communes du département de Maine-et-Loire possèdent des objets ayant appartenu à Fontevrault : Dampierre, une toile du XVIIe siècle représentant la mort d'un religieux de Fontevrault ; Montsoreau, des stalles du XVe siècle ; — Saint-Barthélémy-d'Anjou, une toile du XVIIe siècle représentant la mort d'une religieuse fontevriste.

A Mettray (Indre-et-Loire), dans une chapelle désaffectée qui doit être démolie pour agrandir les locaux de l'institut médicoprofessionnel, se trouve un autel de bois dont le devant représente sept religieuses conduites vers la Vierge ; l'abbesse tient dans sa main droite un cœur qui serait celui de Robert d'Arbrissel, et elle reçoit de la Vierge une crosse abbatiale.

Dans la Vienne, deux églises assez proches de Fontevrault conservent quelques objets dont la qualité inattendue les ferait attribuer au célèbre monastère.

A Roiffé, ce sont deux tableaux : la Vierge du Rosaire, sur bois, du XVIe siècle, et saint Jean-Baptiste, toile datée de 1697.

A Bournand, un riche tabernacle en bois doré qui fut acheté dit-on, il y a une cinquantaine d'années à une communauté religieuse de Fontevrault ; il porte l'inscription : « Restauré en 1870 » ; il passe pour venir de l'abbaye de Fontevrault ; il est plus probable qu'il était celui de l'église paroissiale, devenu superflu quand on lui substitua celui de l'abbaye.

Enfin, bien loin de là, a échoué au musée de Naples un grand canon d'autel (42 cm. de haut sur 1 m. 05 de large) en bois et carton, décoré de trois émaux (Nativité, Crucifixion, Noli me tangere) et trois broderies (ostensoir ; jardin mystique ; le cœur de Jésus percé de trois flèches dont le sang s'égoutte sur un tombeau ouvert, un suaire posé sur celui-ci). Cet objet sur lequel est brodé le nom de Fontevrault, fut fait pour la chapelle privée de Louise de Bourbon, abbesse de Fontevrault depuis 1535.

 Elle l'a donné entre 1538 et 1547 au cardinal de Lorraine, son neveu.

 C'est probablement en 1799, alors que Pie VI, expulsé des Etats romains, avait trouvé refuge à Valence, que le précieux canon tomba entre les mains du cardinal Stephano Borgia, qui avait rejoint le pape dans cette ville.

Le comte Camille Borgia, héritier du cardinal, possédait en 1814 l'objet, qui était en 1819 au musée Borgia de Velletri et se trouve maintenant au musée de Naples (5).

 

L'ORDRE DE FONTEVRAULT AUX XIXe ET XXe SIÈCLES par Joseph SALVINI

 

 

 


 

(1)   Sur Fontevrault, il faut consulter surtout René Crozet, Fontevrault, dans Congrès archéologique d'Anjou, 1964, p. 426-477. — Sur le sujet qui nous occupe spécialement : abbé G. Chalubert, Un prieuré de Fontevrault au XIXe siècle, Sainte-Marie de Fontevrault de Chemillé, 1805-1897, Angers, 1897, 320 p. ; Histoire de l'ordre de Fontevrault (1100-1908), par les religieuses de Sainte-Marie de Fontevrault de Boulaur, Auch, 1915. 8-XH-360 p. ; abbé Raison, Souvenirs, culte et reliques du bienheureux Robert d'Arbrissel, dans Bulletins et mémoires de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. 51 (1924), p. 1-68, et t. 52 (1925), p. 1-61 ; chanoine Tricoire, le dernier prieuré de Fontevaud en Anjou (Semaine religieuse d'Angers, 6 juin 1965). Je dois aussi des remerciements à M. Favreau, directeur des archives de Maineet-Loire, à M. Enguehard, conservateur des antiquités et objets d'art du même département, et à Madame la prieure de Chemillé.

 

(2) Répertoire numérique des archives de Maine-et-Loire, série H, p. 7 et 31.

(3) Notes sur les monuments funéraires de l'abbaye de Fontevrault, (Bull. de la Soc. des Ant. de l'Ouest, 1966, p. 651).

(4) Lettre de Ligugé, 1964, n° 3, p. 29.

(5) Les trésors des églises de France, 1965, p. 145.

(6) F. Walston, La « carta gloria » du musée de Naples, dans Gazette des Beaux arts, 1929, p. 133 ; V. Castan, Le canon d'autel de Fontevrault au musée de Naples, dans Bibl. de l'Ecole des Chartes 1882, p. 202. Je remercie M. Causa, surintendant des œuvres d'art de Campanie, qui m'a fourni des renseignements complémentaires ; ceux-ci rectifient certaines des conclusions de F. Walston et j'en ai tenu compte dans le présent travail.

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