RAPPORT de Faurès, vice-président de la commission militaire, à Fontenay-le-Peuple, par Lequinio, représentant du peuple.
RAPPORT de Faurès, gendarme national de la commune de Xantes, créé vice-président de la commission militaire, à Fontenay-le-Peuple, par Lequinio, représentant du peuple.
En peu de mots, voici mon opinion sur la guerre de la Vendée et sur la non destruction des rebelles.
Depuis environ cinq mois, personne n'ignore que ce malheureux pays ayant été le théâtre de la plus atroce des guerres, depuis l'an dernier, les patriotes de l'un et l'autre sexe des communes insurgées furent obligés de se réfugier, soit aux Sables, soit à Luçon, soit à Fontenay-le-Peuple, afin d'éviter la rage des brigands, ou la juste fureur des patriotes des différentes colonnes ;
depuis plusieurs mois les cités que je viens de nommer, étoient surchargées de tous ces malheureux frères réfugiés, qui n'avoient commis d'autre crime que celui d'être d'un pays où s'étoient coalisés une troupe de scélérats.
Depuis un certain tems, les succès des armées patriotes se fortifiant de plus en plus, nous étions sur le point de voir finir cette horrible guerre ; déjà le pays commençoit à se découvrir; les habitans, ou, pour mieux dire, les autorités constituées avoient engagé leurs frères, les municipalités même, à retourner dans leurs communes, afin de faire rentrer dans le devoir les personnes égarées, ou de livrer les coupables à la justice nationale.
Tous ces ordres avoient été suivis ; différentes commissions militaires, établies par Lequinio, représentant du peuple près l'armée de l'Ouest, ne s'occupoient qu'à faire tomber sous le glaive de la loi la tête des coupables, ou à relaxer les innocens.
Dans ce moment-là même, le département, les districts, toutes les différentes communes, les généraux travailloient de concert pour la destruction totale des brigands; Charette qui étoit la terreur de tous, n'avoit plus avec lui qu'environ trois mille hommes, qui n'auroient pas tardé à recevoir les châtimens dus à leurs crimes, lorsque tout-à coup une armée révolutionnaire, que je ne crains point d'appeler contre révolutionnaire, est venue dans la Vendée, pour, disoit - on, achever la ruine de ces hordes d'esclaves, dont elle devoit exterminer jusqu'au dernier ; mais les généraux de cette armée ont - ils exécuté ce projet? Non ; au contraire, loin de se battre, ils ont été battus ; au lieu de respecter les propriétés , ils ont pillé, volé, saccagé de toutes parts indistinctement.
Ils se sont divisés en douze colonnes ; la chose est simple. Une armée entière, passant dans un petit village, ne feroit aucun butin; au lieu que partagée en douze colonnes, elle pouvoit beaucoup mieux piller, voler, s'enrichir des biens, je ne dis pas des brigands, mais de ceux des vrais patriotes qui, pour l'intérêt général, étoient retournés à leur poste.
Lorsque les porte-feuilles étoient bien pleins, on n'avoit plus le desir de se battre, dans la crainte de les perdre, et les soldats demandoient des billets d'hôpitaux.
Les généraux ont fait pis encore; ils mettoient en réquisition les charrettes des communes, enlevoient tout ce qu'il y avoit de meilleur dans les maisons des patriotes, le faisoient traîner à leur suite, et permettoient à ces malheures de d'emporter le reste, pour avoir le plaisir barbare d'incendier leurs maisons.
Après cet embrasement, ils n'étoient pas plutót rendus au milieu de la colonne, que les volontaires, suivant l'exemple des généraux, prenoient le reste, tuoient les hommes, violoient les femmes et les filles, et les porgnardoient ensuite.
Ils ont fait plus ; ils ont immolé une municipalité entiere, revêtue de l'écharpe tricolore.
Dans un petit village habité par environ cinquante bons patriotes qui avoient toujours résisté à l'oppression brigantine, on apprend que des frères d'armes viennent porter des secours aux patriotes et les venger de tous les maux qu'ils avoient soufferts; on leur prépare un banquet civique et fraternel.
La colonne arrive, leur donne l'accolade, mange les vivres de ces malheureux ; et aussitôt après le repas , Ô barbarie inouie! ils les emmenent dans un cimetière, et là on les poignarde les uns après les autres.
Comment s'étonner, après tant d'horreurs, que cette guerre désastreuse dure encore !
N'en soyez plus surpris, et apprenez que Charette, connoissant les mouvemens et les désordres de cette armée, a saisi cet instant favorable pour capter la confiance des malheureux habitans des campagnes réduits au désespoir; on leur fit croire que, s'ils se rangeoient parmi les patriotes, ils éprouveroient le meme sort que s'ils restoient chez eux, c'est-à-dire, qu'ils seroient tous sacrifiés.
Eh bien! croiriez - vous que ce monstre , avec un pareil langage , s'est fait en quinze jours de temps un parti de quinze à vingt mille hommes au moins; que c'est avec ces mêmes hommes qu'il a battu à diverses fois cette armée révolutionnaire, endormie dans le crime, succombant sous le poids du pillage et de la débauche , et cela d'après l'exemple des généraux qui ne tarderont pas vraisemblablement à payer de leurs têtes les forfaits qu'ils ont commis, en abusant des pouvoirs qu'on leur avoit confiés.
Signé Faurès, gendarme national.
La guerre de la Vendée et des Chouans De Joseph Marie Lequinio