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PHystorique- Les Portes du Temps
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28 octobre 2019

L'Abbaye Saint-Jouin de Marnes - L'an 652 Saint-Philibert visite les monastères des Gaules dont celui de Ension.

Time Travel L'Abbaye Saint-Jouin de Marnes - L'an 652 Saint-Philibert visite les monastères des Gaules dont celui de Ension

Il avait vingt ans quand il se retira de la cour et des dangers du monde, pour vivre sous la règle de saint Colomban, à Rebais, au monastère de Jérusalem, fondé par le référendaire de la cour, Ouen. Aile (Agiliis) en était le supérieur. La vertu du jeune moine fut rude- ment mise à l'épreuve par le démon, qui tantôt eut recours aux moyens violents, tantôt aux stratagèmes trompeurs. Filibert triompha de tout.

Aile était mort vers 650. Les suffrages des moines de Rebais se portèrent, pour le remplacer, sur un jeune frère, âgé de trente-cinq ans, qui avait joui de la confiance de l'abbé fondateur ; cet élu était Filibert. Mais le pieux abbé ne tarda pas à rencontrer des oppositions de la part de plusieurs moines relâchés. C'est ce qui lui donna la pensée d'entreprendre des voyages, pour voir quels étaient les monastères les plus sagement dirigés.

A cette époque, la claustration n'était pas aussi rigoureuse qu'elle l'est devenue plus tard, et, les règles anciennes laissaient, surtout aux hommes, sous ce rapport, une assez grande latitude. Avec l'autorisation des supérieurs, les moines passaient- facilement d'un monastère à un autre; ils se plaisaient à visiter, dans un sentiment de pieuse et légitime curiosité, ou dans un but d'utilité, les monastères de leur voisinage et même des monastères éloignés. C'est ainsi que saint Paterne et saint Scubilion s'étaient éloignés d'Ension ; ainsi que leur supérieur Généroux avait entrepris le voyage de Neustrie, pour aller s'édifier au spectacle de leur sainte vie, Les faits de ce genre abondent dans la vie des saints moines et dans l'histoire des abbayes du VIIe siècle et des siècles suivants.

Ces pérégrinations monastiques entraient, du reste, dans les vues de Dieu et répondaient aux besoins de l'époque, tant sous le rapport du perfectionnement de la vie religieuse que de l'extension du christianisme lui- même, en des régions où il avait encore peu ou point pénétré.

Colomban est le type de ces moines voyageurs en quête de perfection personnelle et d'apostolat. La plupart des grands moines de ce temps ont connu ce besoin des natures neuves, ardentes et généreuses. L'histoire de saint Filibert, parmi bien J'autres, nous révèle ce mouvement surnaturel de la vie cénobitique.

Le saint abbé de Rebais tendait à une perfection toujours croissante ; d'ailleurs, la règle de son monastère n'était pas encore l'idéal qu'il rêvait. Jusqu'à cette époque, les institutions monastiques n'avaient rien de bien fixe ; elles étaient le fruit d'un éclectisme plus ou moins éclairé, et variaient suivant les maisons et ceux qui les gouvernaient. Où se trouvaient les plus parfaits recueils des règles et les religieux les mieux formés à la vie cénobitique ? Bon nombre d'âmes d'élite, dans le Poitou, se posaient ces questions et cherchaient à les résoudre.

Saint Filibert était une de ces âmes assoiffées de perfection, il ne se contenta pas d'étudier dans les livres les règles de saint Basile, de saint Macaire, de saint-Cassien, de saint Césaire, de saint Benoit et de saint Colomban et autres encore, il voulut voir ces règles appliquées sur place. Pour cela, il fallait entreprendre des voyages.

 C'est vers l'an 652 qu'il quitta la crosse abbatiale pour prendre le bâton et la besace de pèlerin. Il visita tous les monastères que renfermaient dans leur sein la France, l'Italie et la Bourgogne. « Omnia monasteria que intra suum gremium Francia et Italia et tota concludii Burgundia » . Abeille prudente et diligente, partout sur son chemin il a soin de recueillir d'abondantes provisions spirituelles, de s'assimiler par l'étude et par la pratique ce qu'il trouve de meilleur dans les plus renommés établissements religieux.

Il est impossible, il est vrai, de retracer l'itinéraire exact et complet suivi par l'homme de Dieu ; s'il faut prendre à la lettre l'expression de son historien : « omnia monasteria », tous les monastères de France, d'Italie et de Bourgogne, rude fut son labeur. Il est plutôt à croire que Filibert fit un choix parmi les monastères les plus importants des contrées désignées.

Partout il trouve des abbés et des frères hospitaliers, heureux de le recevoir, de lui poser des questions, de s'édifier à son contact et de l'édifier lui-même.

Parmi les maisons des anciennes Gaules, plusieurs sont restées célèbres et florissaient alors, comme Condat, Saint-Denis de Paris, Celle, Val-Benoît, Ension ou Saint-Jouin-deMarnes, Saint-Gildas, Glanfeuil, etc.

Filibert trouve partout à satisfaire sa piété et son désir d'apprendre. Rien n'échappe à son regard observateur.

C'est sans doute dans sa visite à Ension qu'il noua les premiers rapports d'amitié avec le jeune religieux nommé Achard dont nous avons déjà parlé. Ce fervent religieux avait, comme Filibert, vécu à la cour.

Sous les rois de la première race existait une tradition qui tirait son origine des mœurs germaniques et joua un grand rôle dans la fondation de la monarchie. Les fils les plus distingués des maisons seigneuriales, après leur éducation première, au sein de la famille, étaient envoyés à la cour, pour y faire en quelque sorte l'apprentissage de la vie politique, administrative et militaire, à laquelle les appelait leur situation.

Par cette institution, appelée truste, et dont les membres portaient le nom d'antrustions, c'est-à-dire membres de la truste ou garde royale, le chef s'emparait du plus pur sang des meilleures familles. L'enfant, le jeune homme, s'assouplissait à un dévouement sans limite, s'attachait à son chef, au point de ne plus appartenir ni à ses parents ni à lui-même, et ne pouvoir entrer dans aucune situation sans la permission du maître qu'il s'était donné.

En se rangeant parmi les hôtes du palais, les jeunes leudes devenaient les hommes du roi, d'où vint le nom d'hommage ou dévouement de l'homme à l'homme.

Voici la formule de réception d'un antrustion royal : « Il est juste que ceux qui nous promettent une foi « entière soient protégés par notre secours. Or, notre « fidèle N. étant venu, avec l'aide de Dieu, ici, dans « notre palais, accompagné de son abrimannie (hommes  libres de son domaine), a juré truste et fidélité en notre main ; nous ordonnons donc qu'il soit compté au nombre de nos antrustions ; et si quelqu'un était assez audacieux pour le tuer, qu'il sache qu'il sera jugé coupable et paiera pour son verhgeld 600 sous. (1) »

Filibert et Achard avaient été reçus à la cour par ce cérémonial. Tous les deux avaient mené cette vie des leudes du palais.

Cette communauté de goût et d'éducation dut rapprocher ces grandes âmes. L'un avait dix ans de plus que l'autre ; Filibert se présentait au jeune moine d'Ension avec toute l'autorité que donnent la dignité, la science et l'expérience. Il n'est donc pas étonnant que le passage de Filibert à Ension ait exercé une influence prépondérante sur l'âme d'Achard. Il y avait environ douze ans que celui-ci menait la vie cénobitique à Ension. Peut-être eut-il recours aux lumières et aux conseils -de Filibert pour mener à bien l'entreprise qu'il méditait, savoir la fondation d'un monastère. Il se rendit chez ses parents, leur fit part de son projet et leur proposa de céder, pour le nouvel établissement, leur villa de Quinciacus ou Quinciaciim, Quinçay, située près du Miozon et de l'Auzance, non loin du lieu où ces deux rivières se jettent dans le Clain, à une lieue de Poitiers (2).

La fondation semble avoir eu lieu vers l'an 654 ; elle est donc bien antérieure à l'épiscopat d'Ansoald, commencé vers l'an 673, et c'est à tort que, certains auteurs retardent l'œuvre de saint Achard et la placent peu de temps après l'arrivée de saint Filibert, abbé de Jumièges, auprès de l'évêque de Poitiers.

Cependant, dit Dom Chamard, le cœur d'Achard n'était pas satisfait. Il aspirait à une pratique plus parfaite de la règle bénédictine qu'il avait embrassée. -La Providence le servit à point. Saint Filibert, obligé de quitter Jumièges, dont il était le fondateur et l'abbé, par suite des violences d'Ebroïn, vint demander l'hospitalité à l'évêque de Poitiers, Ansoald. Filibert était en telle réputation de sainteté, que l'abbé de Quinçay n'hésita pas à le prier de réformer son institution, qui existait depuis une vingtaine d'années.

L'auteur de la vie du saint abbé d'Herio l'indique assez clairement quand il parle des anciens errements détruits et d'un accroissement du nombre des religieux par les soins de Filibert (3).

Des rapports très étroits s'établissent entre Achard et Filibert. Celui-ci fonde un monastère à Herio, en Poitou. Achard le supplie de venir le visiter pour confirmer l'œuvre de la réforme qu'il a commencée à Quinçay. Filibert lui députe deux moines, Sidonius et Prado, qui passent un mois à Quinçay, et rapportent à leur abbé la volonté formelle de l'abbé de Quinçay, se mettant sous l'autorité et la conduite de Filibert. Après huit années passées en Aquitaine, le fondateur de Jumièges a pu retourner vers ses enfants ; mais il a soif de solitude et de prières ; il estime trouver plus aisément ces deux choses à Herio. Il quitte donc Jumièges et met à sa place, pour gouverner ses frères, le pieux abbé de Quinçay. Achard fait le sacrifice d'abandonner sa province et sa maison. Il prend la charge abbatiale à Jumièges, en 683.

Saint Filibert mourut en 684 ou 685. Jumièges s'unit à Hério pour pleurer ce père bien aimé.

Achard, dit l'historien de Jumièges, reçut bientôt avis de la mort de saint Filibert, son prédécesseur, qui venait de finir ses jours dans la solitude d'Herio. Il ressentit cette perte avec la douleur la plus vive ; en effet, elle lui ravissait un père et le privait en même temps du plus solide appui et du meilleur conseiller qu'il eût au monde (4).

Achard ne survécut que trois ans au saint ami qui lui avait confié son troupeau. A cette époque, il eut la joie de recevoir, à Jumièges, Astase, un des plus nobles citoyens de la ville de Poitiers, qui avait renoncé au monde et s'était mis sous sa conduite. Il possédait la terre de Tourtenay, en Poitou ; il en fit don à Jumièges.

 Nous avons vu à l'œuvre deux grands moines du VIIe siècle. D'autres sont moins connus, mais féconde fut leur action. Il faut se rappeler combien était entreprenant le monachisme à cette époque, en face des besoins d'un pays où la civilisation commençait de pénétrer. A Ension, une grande partie des terres étaient encore couvertes de genêts, d'ajoncs et de bruyères sauvages ; moines et colons les défrichent au prix de pénibles labeurs, puis les ensemencent, et bientôt on les voit se couvrir de riches moissons ; un tel exemple anime au travail les habitants du pays, et ainsi sont mis en rapport de vastes terrains jusque-là improductifs.

Les moines cultivent la vigne. Nul doute que les premiers dessèchements, dans certaines parties voisines de la Dive et particulièrement dans le voisinage de Moncontour, ne soient dus à l'initiative des moines agriculteurs, vignerons ; les moines d'Ension se font aussi ingénieurs, ils tracent des routes et construisent des ponts pour la commodité de la circulation et des transports.

Les religieux trouvent dans le travail manuel, en même temps qu'un moyen de subsister et d'exercer la charité envers les populations pauvres, un exercice de pénitence et de sanctification et la préparation d'un apostolat fructueux. Ils se font bénir, en effet, des habitants par leurs bienfaits et ouvrent les cœurs à une prochaine et sincère conversion. Atteindre les âmes par les corps, améliorer la vie présente en vue du salut des âmes, telle est leur tactique aussi surnaturelle qu'habile. Ils ne sont pas de simples civilisateurs, mais avant tout des apôtres ; tout en dressant leurs colons au travail industriel, destiné à leur rendre l'existence plus heureuse, ils élèvent leurs pensées plus haut et les forment au travail supérieur de la vie chrétienne.

A Ension comme ailleurs, les moines ne négligent pas l'esprit de leurs protégés ; après .la séance du travail matériel, c'est par l'instruction qu'ils préparent les intelligences et les cœurs à la connaissance et à l'amour des vérités de la foi.

Le parti-pris seul a pu traiter d'ignorants et d'obscurantistes des hommes qui ont été les porte-flambeaux de la science à leur époque, et dont les maisons furent alors l'unique refuge de l'activité intellectuelle.

On trouve à Ension une école monastique. Cette école se partage en école majeure et en école mineure. La première est réservée aux religieux ; on y enseigne l'Ecriture sainte, la théologie, les Pères de l'Eglise, le droit ecclésiastique et même les sept arts libéraux, savoir : la grammaire, la rhétorique, la philosophie, l'arithmétique, la musique, la géométrie, l'astronomie. L'activité des frères n'est pas épuisée par les travaux extérieurs ; il y a des heures réglementaires pour l'étude et la lecture ; il est permis, aux esprits plus élevés et plus ouverts, de se livrer surtout au labeur intellectuel Le jour ne suffisant pas toujours à leur désir d'apprendre, il leur est permis de prendre sur leur sommeil et d'employer à la lecture leurs heures d'insomnie.

L'école mineure est publique ; on y reçoit les enfants de toute condition, et on leur apprend les principes de la foi, l'oraison dominicale, les psaumes, le chant, la grammaire, l'arithmétique, etc:

En se faisant maîtres d'école, les moines ne sortent pas de leur rôle ; l'école est, dans leur pensée, le vestibule de l'église, un instrument de civilisation et de conversion, un moyen de former des hommes éclairés, pour en faire de solides chrétiens.

Pendant que Ligugé continuait de fort bonnes études, Ension voyait sortir de ses cloîtres plusieurs évêques et abbés qui répandaient au loin les saintes traditions, avec l'intelligence des belles-lettres. C'était l'influence des habiles maîtres inspirés par Fortunat. Ension, en effet, avait son école mineure, où il recevait, avec les oblats ou aspirants à l'état monastique, des enfants qu'il formait à la connaissance de la religion. Cette école était pour le monde ce qu'était pour les clercs la maison épiscopale.

Dans celle-ci, les aspirants à la cléricature prenaient les éléments de la lecture, de l'écriture et du comput ecclésiastique par lequel ils devaient calculer le retour annuel des fêtes mobiles, toutes basées sur la date de la Pâque. L'Eglise avait aussi recommandé aux curés d'élever chez eux, en plus grand nombre qu'ils pourraient, des enfants capables de continuer un jour les travaux de leur ministère sacerdotal par la science des choses saintes, l'habitude des cérémonies, l'estime et la pratique des bonnes mœurs.

En dehors de cette instruction, il n'y avait pour le peuple que la prédication et l'enseignement de la chaire. La source du savoir était dans les maisons religieuses (5).

 

Les œuvres de miséricorde corporelle allaient de pair, à Ension, avec les œuvres de miséricorde spirituelle. On enseignait les ignorants et l'on secourait efficacement les malheureux. On sait avec quelle sollicitude l'Eglise, dès les premiers temps, s'occupa du soin des pauvres, des malades, des infirmes, des incurables même. Quand on parcourt les canons des conciles tenus du IVe au VIe siècle, on est frappé de la prévoyance des Pères, de la sagesse des mesures qu'ils prescrivaient. On trouve aux époques les plus éloignées des traces de certaines œuvres, charitables que nous croirions n'avoir jamais existé avant- ces derniers temps, comme l'hospitalité de nuit, la bouchée de pain, les secours à domicile (6).

On gardait, au vue siècle, dans l'abbaye d'Ension, la touchante habitude, qu'y avait introduite le fondateur, de confectionner des instruments de labour et de les distribuer aux paysans qui venaient les réclamer.

On nourrissait aussi des troupeaux de bœufs, de moutons et de porcs, pour servir à la nourriture des campagnards, surtout dans les temps de disette. Outre ces secours, à Ension, comme à Saint-Maixent et à Nouaillé, on donnait chaque semaine des vivres à un certain nombre de pauvres. La viande, les légumes, le vin, les vêtements, rien ne manquait à ceux qui, sans cette source inépuisable, auraient manqué de tout.

Chaque monastère était pourvu, soit dans ses bâtiments intérieurs, soit au dehors, d'une hôtellerie et d'un hôpital où étaient recueillis les étrangers et les malades. Un religieux veillait, dès leur arrivée, au bien-être des hôtes, c'était le procureur des pauvres ; un autre prenait soin de leurs chevaux. Dans la campagne, les malades étaient visités par un moine qui les consolait et leur apportait des remèdes. Telle était pour les pauvres la tendresse de ces hommes qu'on se plaît aujourd'hui à dénigrer.

 A lire le texte des règles monastiques, et surtout à les voir mettre en pratique,, on dirait qu'on cherchait jusqu'à des prétextes de faire l'aumône (7). Après cela, faut-il s'étonner de l'empressement des peuples à venir habiter auprès des monastères ? Faut-il s'étonner des agglomérations de maisons qui finissaient par constituer des bourgades ou même des villes autour des maisons religieuses qui avaient exercé une attraction si puissante? Le bourg de Saint-Jouin-de-Marnes n'eut pas d'autre origine.

D'après un vieux légendaire, le monastère de Saint-Jouin fut entièrement ruiné par les Sarrazins en 730 (8).

Chose remarquable! Fondée sur le tombeau de son saint patron, l'abbaye d'Ension eut, au point de vue monastique, la même destinée que les deux abbayes de Saint-Martin de Tours et de Saint-Hilaire de Poitiers.

L'abbaye de Saint-Martin est d'abord habitée par des moines (9). En 796, l'observance est déjà relâchée. En 791, un petit nombre se disaient moines, et dés les années 813 et 818, c'est la sécularisation. Le même phénomène s'observe à Saint-Hilaire de Poitiers.

Au mois de juillet 768, le roi Pépin dit encore : « Bcrtinus, abba de monaslerio sancti Hilarii... abba suique monachi... » (10). En juillet 780, ces moines ne prennent déjà plus ce titre dans leurs signatures.

Enfin, en mai 808, c'est-à-dire à la même époque qu'à Saint-Martin de Tours, la règle de saint Benoit y est abolie. Les uns vont à Nouaillé continuer l'observance monastique, les autres restent à Saint-Hilaire, avec l'habit de chanoines.

Nous constatons la même décadence monastique à Ension.

Au VIIe siècle, c'était encore la ferveur qui avait produit saint Généroux, saint Pair, saint Scubilion, saint Mérulphe et saint Achard. Plus tard, à la faveur des invasions des Goths et des Sarrazins, nous disent les auteurs de la Gallia Christiana, le relâchement s'introduit à Ension, Les moines finissent par abandonner leur règle pour suivre celle des chanoines.

On remarque que les monastères enclavés dans des remparts, et protégés contre les attaques de l'envahisseur, montrèrent plus de ténacité au maintien de la stricte observance. Ils avaient été plus généralement épargnés et par là maintenus dans leurs habitudes de ferveur. Tels furent Saint-Savin, Saint-Maixent et Charroux.

Au contraire, Ligugé, Saint-Hilaire de Poitiers, placé sous les murs de la cité, et Ension, n'eurent pas le même bonheur. Ces maisons, isolées de tout secours par leur position même, furent plus d'une fois maltraitées par les irruptions des guerres civiles et étrangères.

Ension, qu'on appelait déjà aussi Saint-Jouin-lesMarnes, avait subi de cruelles atteintes des guerres de Pépin-le-Bref en Aquitaine, et de celles qui s'en étaient suivies sous Charlemagne. Ces derniers conflits surtout lui furent funestes, et la maison, pillée et brûlée par des partis opposés, resta plusieurs années dans un lamentable état de délabrement. Ce ne fut qu'après la paix, et moyennant de coûteux efforts, que l'on put arriver à une reconstruction des lieux réguliers et à y rendre la vie plus conforme à l'esprit des saints fondateurs. Mais, par le malheur des temps, la discipline, forcément abandonnée, s'était affaiblie dans ces âmes d'abord si ferventes, et quand il fallut reprendre les austères habitudes de la règle, on trouva que son joug était un peu trop lourd, et l'on chercha à l'alléger.

On trouvait, d'ailleurs, dans les tendances de l'époque, un prétexte et des moyens qui ne favorisaient que trop cette lâcheté regrettable. En un mot, les moines d'Ension étaient devenus des chanoines réguliers. Les troubles qui avaient désolé le Poitou avaient introduit ce régime plus facile.

Tout en usant du cloître et du réfectoire commun, chacun avait obtenu le droit de propriété, son patrimoine et la jouissance des bénéfices ecclésiastiques. La règle des chanoines réguliers ne les obligeait pas à la résidence perpétuelle, ni à l'abstinence des viandes, ni à des jeûnes aussi fréquents, ni enfin' à la pauvreté volontaire ; elle alliait, en un mot, la piété et la vie intérieure avec des accommodements qui diminuaient les salutaires rigueurs de la pénitence. C'était l'abandon de la vie primitive pour une vie plus large et plus commode.

Comme un tel état avait cependant quelque chose de plus parfait que la vie du clergé séculier, à qui un ministère actif rendait impossibles de tels liens, l'Eglise avait accepté cette existence mixte qui, d'ailleurs, n'était pas incompatible avec le soin des âmes.

Un concile, tenu à Aix-la-Chapelle, en 816, avait autorisé en sa faveur une règle proposée par Amalaire, l'une des gloires de l'Eglise de Metz. Cette règle, tout en permettant aux chanoines réguliers le droit de propriété sur leur patrimoine et la jouissance des bénéfices ecclésiastiques, les forçait à loger dans des cloîtres exactement fermés et à n'user que de dortoirs et de réfectoires communs (11).

Après que de telles règles eurent été mises en vigueur, quelques communautés obtinrent d'échanger pour elles celles qu'elles avaient suivies jusque-là. C'est ce que l'on fit à Saint-Jouin-de-Marnes, à la fin du VIIIe siècle. Toutefois, on avait accompli ce changement si radical sans l'assentiment du souverain.

Fulrade. Un abbé Fulrade, qu'on voit à la tête de la communauté, fut sans doute du nombre des religieux qui avaient opté pour le nouveau régime, « les nouveaux chanoines l'avaient mis à leur tête, comme ayant fait ses preuves dans cette réforme à rebours. Son abbatiat fut d'ailleurs fort obscur ; il n'a laissé d'autre souvenir que celui-là. Il est vrai que les assauts subis par les maisons monastiques en ce siècle effacèrent la plus grande partie de leurs archives. C'est ce qui explique comment les annales d'Ension ne nous signalent que cinq ou six abbés en quatre cents ans.

Cette transformation de la vie monastique d'Ension dut subsister près d'un siècle. De ce siècle, nous ignorons toute l'histoire. Nous savons seulement que, vers le milieu du IXe siècle, une révolution considérable introduisit la règle monastique dans notre abbaye. Au surplus, la première période de l'existence de l'abbaye. d'Ension est remplie d'obscurités, par suite de la perte des documents de cette époque reculée.

Tout ce que nous savons, c'est qu'elle fut pendant longtemps une pépinière de saints. Au reste, nous ne connaissons ni ses abbés, à part trois ou quatre, ni ses relations avec Vertou. Les uns font dépendre Ension de Vertou à l'origine, les autres lui donnent une vie auto nome et indépendante. Il en est qui font gouverner les deux maisons simultanément par saint Martin de Vertou et saint Launégisile. Le silence des archives empêche toute conclusion. Heureusement qu'à ce silence supplée le Livre des miracles de Saint-Martin de Vertou pour l'époque qui va suivre.

L'Abbaye d'Ension ou de Saint-Join-De-Marne / Abbé A. Lerosay

 

 

 

 

 Ension, une des plus anciennes fondations monastique qui s'éleva dans les Gaules. (l’abbaye de Saint-Jouin de Marnes en Poitou)<==.... ....==>L’abbaye Saint-Jouin de Marnes, Mérimée - découverte archéologique des reliques portées par crainte des Normands

 

 


 

Saint Philibert de Jumièges, de Tournus, de Noirmoutier (de-Grand-Lieu ) Vikings et Puy du Fou -

L'abbaye de Jumièges naît vers 654 dans une boucle de la Seine par une donation de Clovis II et de sa femme sainte Bathilde à saint......

 

(1) Formule de Marulfe; De Chergé, Chroniques populaires du Poitou, p. 177. Le sou d'or (solidi) valait environ 100 fr. de notre monnaie.

(2) Il ne faut pas confondre Quinçay ou Quinciacum avec Quintiacum, villa de Quintus, à deux lieues de Poitiers, au nord.

(3) o Veteribus deturbalis erroribus ipsum. Monasterium impleveral monachis. » (Vita S. F., n° 25). _

(4) Rist. de l'Abb. royale de Jumièges, t. I, p. 53.

(5) Auber, Hist. gén. du Poitou, t. II, p. 377.

(6) Coyecq, Hôtel-Dieu de Paris au moyen âge, t. I, p. 22.

(7) Auber, Hist. gén. du Poitou, t. II, p. 394.

(8) Ex veteri Legendario Jouiniano. Arch. de la Mairie de Sain tCassien. Registre de 1665 à 1700.

(9) Mabillon, Ann. Benedict., lib. I, 20 ; VIII, 31.

(10) Mém de la Société des Ant. de l'Ouest, t. XIV (1847), p. 1-2.

(11) Labbe, Collect. des Conciles, IX, p. 1099.

 

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