10 février 1794 combat Saint Colombin (ou bataille de Pont-James), de Charette, Joly et Savin contre Duquesnoy
Le 10 février, Turreau ordonne au général Duquesnoy de se mettre à la poursuite des Vendéens avec sa colonne infernale.
Après s'être emparés de Legé, les Vendéens commandés par Charette et Sapinaud gagnent Saint-Philbert-de-Grand-Lieu avec l'intention d'attaquer Machecoul, le lendemain.
Cependant au matin, le 10 février, ils sont informés que les Républicains ravagent le bourg de La Limouzinière et ses environs.
A une demi-lieue du pont des Noyer. Entre St Philbert de Grand-Lieu et la Rocheserviere; Duquesnoy rencontre l’armée de Charette à Saint-Colombain.
Les deux armées n'étaient séparées que par une petite rivière. N'attendant pas leurs corps de bataille pour attaquer, les avant-gardes engagèrent une vive fusillade. A mesure que les troupes républicaines arrivaient, Duquesnoy les mettait en bataille.
Un feu extrêmement meurtrier s'établit des deux côtés : Charette, non-seulement résistait vigoureusement, mais gagnait du terrain sur ses flancs. Il avait caché dans les vignes quatre mille hommes de réserve ; il les fit avancer, sans être très-alignés, sur trois de hauteur.
Il est deux heures de l’après-midi (1). Le gros de la colonne est brusquement coupé de son avant-garde qui, sous les ordres de Joly, perd du terrain, bien qu'au début elle ait eu l'avantage (2) ; son mouvement rétrograde entraîne la retraite du reste de l'armée, qui a franchi trop tardivement la rivière.
Pendant qu’une partie de la division maintenait Charette, Duquesnoy, à la tête de quelques bataillons et parmi eux celui du 8 e, l’attaquait de flanc.
Trois fois les royalistes furent repoussés, et Duquesnoy décida la victoire en sa faveur en les tournant et en les chargeant.
Après avoir perdu 400 hommes (3), les Vendéens se dispersèrent.
Le général Duquesnoy écrivait dans son rapport:
« Nos troupes, indignées de voir les brigands leur résister, ont chargé avec intrépidité; rien n’a pu résister aux soldats républicains; ils ont enfoncé de toutes parts les brigands. On en a fait un carnage considérable, environ huit cents ont mordu la poussière. Je ne puis dire de quel côté ont fui les royalistes; ils se sont dispersée de toutes parts, et la nuit est venue arrêter notre poursuite. »
En traversant avec sa cavalerie le bourg de Saint-Colombin, Charette sauva la vie à plusieurs Vendéens, qui, à l'instant même, allaient être fusillés par les républicains.
Le bataillon de Duquesnoy passa la nuit au bivouac sur la grande route de Nantes. Après la retraite des Vendéens, il fait massacrer la population et incendier le bourg de St Colomban.
Dans leur retraite, les Vendéens traversent La Limouzinière où selon Lucas de La Championnière, ils découvrent les corps des habitants massacrés par les Républicains, dont une centaine de femmes et d'enfants tués dans le bourg, d'autres habitants se joignent à leur fuite
La retraite fut intrépidement soutenue par Hyacinthe de la Robrie qui, à un moment, fut entouré par six dragons dont il parvint à se dégager à coups de sabre.
Charette avait eu la précaution de faire enterrer ses canons.
La poudre chargée sur les chevaux, on gagna Saint-Etienne-de-Corcoué. Malgré leurs pertes et en décomptant les fuyards, les bandes de Charette, de Couëtus, de Sapinaud et de Joly formaient un effectif d'environ 3,000 hommes, ce qui constituait une troupe nombreuse à nourrir.
L'abbé Remaud et M. Baudry de la Garnache se multipliaient; mais il était bien difficile de trouver des subsistances dans un pays dévasté, aussi l'étape continua-t-elle jusqu'au bourg de la Grolle.
Les Vendéens, excédés de fatigue, avaient dû abandonner de nombreux blessés, faute de moyens de transports. Il n'y eut guère de sauvés que ceux qui restaient assez valides pour monter en croupe des cavaliers.
Depuis quelque temps, beaucoup de paysans, qui fuyaient les colonnes républicaines, s'étaient joints à l'armée vendéenne; il y avait parmi eux des femmes : exaspérées par les atrocités des colonnes infernales, elles avaient ramassé des fusils, des piques ou des faux et marchaient à l'arrière-garde, prêtes à combattre.
Dans le bourg de Saint-Colombin, les soldats de Charette sauvèrent plusieurs jeunes filles que les Républicains allaient fusiller dans le cimetière (4), parce qu'elles s'étaient refusées à donner des renseignements sur les bandes royalistes (5).
Le général désirait garder sous ses ordres Sapinaud, dont le caractère courtois et l'esprit discipliné acceptaient volontiers son autorité parfois un peu despotique. Avec ce lieutenant et M. de Couëtus, Charette espérait comprimer les actes d'indépendance du vieux Joly. Mais il y avait peu de sympathie entre les soldats du « Centre » et le reste de l'armée. Des bruits de scission circulèrent au cantonnement de la Grolle; ils augmentèrent pendant l'étape du 11 février, qui se termina à Saligny.
Sapinaud avait épousé les griefs de ses soldats, aussi manifesta-t-il l'intention de ramener ses paroisses dans le Haut-Poitou.
C'est alors, le 12 février, qu'arrive à Saligny, venant de Chemillé, un envoyé de Stofflet, Poirier de Beauvais. L'ancien magistrat, devenu général d'artillerie, vient proposer à Charette de combiner ses efforts avec ceux de l'armée d'Anjou. Sapinaud et ses officiers ont déjà réuni leurs troupes pour le départ (6) ; « ils se plaignent à Beauvais de ce que, malgré les services rendus par leur armée à Charette, notamment dans la bataille de Legé, le 6 février (7), celui-ci leur a refusé de la poudre ».
L'envoyé de Stofflet n'essaye pas une réconciliation que le temps seul et la communauté des dangers peuvent amener, mais il s'efforce de gagner le général des Bas-Poitevins à la cause qu'il vient plaider, c'est-à-dire à l'action combinée de toutes les forces vendéennes ; il lui fait espérer la succession de D'Elbée; Charette paraît séduit. Pour préparer ce résultat, l'ex-conseiller au grand Conseil lui fait promettre de se trouver, dans six semaines, aux environs de Montaigu, dont les Angevins se rapprocheront à cette époque.
Les soldats de Charette avaient semblé à Beauvais « peu nombreux, harassés, mourant de faim, mal armés (8) ». Leur général lui-même se rendait compte qu'il fallait les ramener dans leur pays, qu'ils s'y battraient mieux. Aussi, après le départ de l'armée de Sapinaud, les emmena-t-il à Saint-Philbert-de-Bouaine. Pendant cette longue route, il y eut encore de dures fatigues à supporter.
L'armée de Joly resta aux Lucs sur Boulogne, celle de Charette continua jusqu'à Rocheservière, puis elle se rabattit sur la forêt de Touvois, d'oû elle pouvait surveiller la route de Legé à Nantes et le chemin de Legé à Machecoul.
Sur la première de ces voies de communication, elle enleva un convoi mal escorté (9), qui comprenait beaucoup de chariots dans lesquels on plaça les nombreux malades et les blessés de Saint-Colombin, qui n'étaient pas encore guéris. Le moral était très atteint par les fatigues si pénibles qu'il avait fallu supporter, aussi les officiers se multipliaient-ils pour le remonter chez leurs hommes. Chaque chef agissait à sa manière et selon son tempérament ; les uns menaçaient, les autres consolaient, Charette rassurait et égayait.
Marchant à pied presque constamment, il se mêlait aux groupes, parlant familièrement aux paysans, leur rappelant les victoires passées et au besoin les pillages des maisons de « patauds », partageant leur morceau de pain et leur gourde, couchant, malgré la rigueur de la saison, roulé dans son manteau, avec une « bottelée » de fougère pour oreiller.
Enfin, l'armée cantonna plusieurs jours à Saint-Philbert-de-Bouaine, sur les bords de l’Issoire.
Le bourg avait peu de ressources, mais comme Saint-Philbert-de-Grandlieu et Saint-Colombin n'étaient pas alors occupés par les troupes républicaines, on put se procurer de la farine et des bestiaux qui avaient été cachés pendant le passage des colonnes infernales.
Réuni aux troupes de Cordelier, Duquesnoy défit encore l’ennemi à Cholet, à Montrevault. Les Vendéens perdirent quinze cents tués et deux cents noyés.
« Ces succès, dit Turreau dans son rapport au ministre, sont dus à une partie de la division détachée de l’armée du Nord qui mérite le plus grand éloge. »
Après de nombreuses marches et contre-marches, Duquesnoy recevait le 28 février l’ordre de se rendre à Rennes, où le 1er bataillon du 8e était réuni.
Charette et la guerre de Vendée : d'après les archives de l'Etat et de la ville de Nantes, des mémoires inédits de chefs vendéens, etc. / par René Bittard Des Portes,...
Voies de communication sur la Boulogne, à Saint Philbert de Grand Lieu
La ligne de Nantes à Legé est une ligne de chemin de fer d'intérêt local à voie métrique disparue, située dans le département de la Loire-Inférieure. Elle fut exploitée par la Compagnie française de chemins de fer à voie étroite qui exploitait également la ligne des Sorinières à Rocheservière. La gare de Legé était commune aux tramways de la Vendée
Lors de la séance du conseil général de la Loire-Inférieure, le 17 novembre 1871, plusieurs conseillers demandent que soit étudié un « chemin de fer sur Legé et la Vendée ». Le préfet charge l'ingénieur en chef du département de faire l'avant-projet d'un « chemin de fer de Nantes à Legé, avec prolongement sur la Vendée ».
Les conseillers sont informés lors de leur réunion suivante du 15 avril 1872, le préfet en présente les résultats et les plans : « Ce chemin se détacherait de celui de Nantes à Pornic en un point situé à dix kilomètres environ de Nantes. Il passerait entre Saint-Aignan et Pont-Saint-Martin, à égale distance de ces deux localités, franchirait l'Ognon, toucherait à la Chevrolière, traverserait la Boulogne, atteindrait ensuite Saint-Philbert-de-Grand-Lieu et s'infléchirait vers l'Est pour prendre la vallée de la Boulogne. Il suivrait de là, jusqu'à Legé, la rive gauche de cette petite rivière, en desservant Saint-Colombin, la Limouzinière, Saint-Étienne, Saint-Jean-de-Corcoué. Pénétrant ensuite dans le département de la Vendée, il irait se souder, à quelques kilomètres à l'Ouest d'Aizenay, au chemin de fer projeté de Machecoul à la Roche-sur-Yon par Challans »
2 et 3 février 1794, Les trois batailles de Chauché ; Charles Sapinaud de La Rairie, Charette et Grignon. <==.... ....==> 22 février 1794 – Les colonnes infernales à la poursuite de Charette, parti des Herbiers, Duquesnoy arrive à Saint-Fulgent.
(1) Duquesnoy à Turreau. — Pont des Noyers, 10 février, 7 heures du soir. (Savary, t. HI, p. 180.) « Enfin, général, j'ai rencontré la fameuse armée de Charette aujourd'hui, à un quart de lieue du Pont des Noyers, sur la grande route de Nantes et sur ma gauche; mes tirailleurs ont engagé un feu très vif avec leur avant-garde, il deux heures après midi. »
(2) « D'abord les Brigands ont résisté et même avancé, lorsque sept de Tues bataillons ont été sur le champ de bataille, on a battu la charge, l'ennemi de son côté a fait sortir d'un bois qui l'appuyait trois nouveaux bataillons. Alors nous avons vu distinctement cinq drapeaux blancs et au moins 4,000 hommes qui se sont mis en bataille sans être cependant très .alignés.. La fusillade est devenue plus vive et il s'est engagé un combat qui -a duré une bonne heure. Nos troupes, indignées de voir des brigands leur résister, ont chargé avec intrépidité. Rien n'a plus résisté aux Républicains; ils ont enfoncé de toute part les Brigands; alors chacun a jeté ses sabots et a fui avec précipitation dans les bois. Environ 800 ont mordu la poussière et nous n'avons plus vu de quel côté ils existaient. La nuit nous a arrêtés. J'ai rallié ma division, etc., etc... » (Duquesnoy à Turreau. Document déjà cité.)
(3) Beauchamp, t. II, p. 220.
(4) Beauchamp, t. II, p. 226.
(5) « Nous apprenons par tout ce que nous disent nos collègues que ces rebelles, inabordables dans les bois où on les a acculés, ont profité des instants pour sortir et tomber sur les postes et les avant-gardes qui ne sont pas en très grande force relativement à eux; ce sont des forcenés dont la rage est terrible, et tant qu'ils n'auront pas tous péri ainsi que les habitants des pays qui les environnent à plus de six lieues à la ronde, ils donneront du moins des inquiétudes. » (Hentz et Garreau, représentants du peuple, au Comité de Salut public. Saumur, 27 pluviôse an Il (15 février 1794). Arch. hist. de la Guerre, armée de l'Ouest, février 1794.)
(6) Poirier de Beauvais. (Mémoires publiés par la comtesse de la Bouëre, p. 361.)
(7) Même auteur, p. 262. Ce qui prouve que la petite armée de Sapinaud assistait bien à l'attaque de Legé, le 6 février, malgré le silence de plusieurs historiens.
(8) Même auteur, p. 262.
(9) Quel merveilleux dresseur d'embuscades! «Pour qu'une embuscade