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PHystorique- Les Portes du Temps
7 octobre 2023

PROCES DES CONSPIRATEURS DE THOUARS ET DE SAUMUR - Le général Jean-Baptiste Breton dit Berton (1767-1822)

PROCES DES CONSPIRATEURS DE THOUARS ET DE SAUMUR - Le général Jean-Baptiste Breton dit Berton (1767-1822)

En 1821, sous la Restauration, est fondée une société secrète, la Charbonnerie, sur le modèle de la Carboneria italienne. La ville de Saumur est un bastion du mouvement.

Une société locale, Les Chevaliers de la Liberté, y a pris naissance et s’est aussitôt affiliée à la Charbonnerie ; la moitié des officiers de l’École de cavalerie, dit-on, en font partie.

En 1822, Jean-Baptiste Berton, général d’Empire mis à la retraite d’office est envoyé sur place pour mener une conspiration qui consiste à se rendre d’abord à Thouars puis à revenir à Saumur pour soulever l’École de cavalerie.

Le 24 février, Berton se rend maître de la ville de Thouars où il s’attribue le commandement d’une armée de l’Ouest et annonce la création d’un gouvernement provisoire.

Le général veut ensuite mener l’assaut contre Saumur, mais il échoue aux abords de la ville, car les autorités ont eu le temps d’organiser la résistance.

PROCES DE L'EX-GÉNÉRAL BERTON ET DE SES CO-ACCUSÉS.

ARRET de la Cour royale de Poitiers, qui évoque l'instruction de l'affaire,

LOUIS , par la grâce de Dieu, Roi DE FRANCE ET DE NAVARRE, à tous présens et à venir, SALUT :

LA COUR ROYALE de Poitiers, chambres assemblées, a rendu l'arrêt suivant :

Cejourd'hui vingt-sept février mil huit cent vingt-deux, les chambres étant assemblées ensuite de la convocation de M. le Baron DE BERNARD , premier Président, et sous sa présidence ; M. le premier Président a dit à la Cour qu'une insurrection contre l'autorité royale avoit éclaté à Thouars le vingt-quatre de ce mois ; que M. le Procureur général s'étoit rendu sur les lieux ; qu'il en étoit arrivé hier soir, et qu'il paroissoit convenable de l'inviter à se rendre dans l'assemblée , pour , d'après les renseignemens qu'il croiroit devoir donner à la Cour, qu'elle prît, dans le cercle de ses attributions, les mesures qu'il écherroit.

La Cour ayant, à l'unanimité , adhéré à cette proposition , M. le Procureur général a été appelé, et ayant pris séance , il a fait connoître à la Cour les faits dont il avoit été instruit, et il a déposé sur le bureau le réquisitoire suivant :

« Le Procureur général du Roi près la Cour royale " de Poitiers, vu l'article 235 du code d'instruction cri« minelle ;

" Attend» que le 24 de ce mois il a été commis à Thouars, un attentat, dont le but étoit de détruire » le Gouvernement et de changer l'ordre de successibilité au trône; d'exciter les citoyens à s'armer contre " l'autorité royale ;

" Qu'en effet, les signes de la rébellion y ont été arborés; qu'une proclamation, au nom d'un Napoléon deux , y a été publiée; qu'une troupe armée , sans ordre ou autorisation du pouvoir légitime, y a été levée ;

» Attendu qu'un attentat, dont le but étoit d'exciter les citoyens à s'armer contre l'autorité royale , a été commis à Thenezay, arrondissement de Parthenay ;

» Crimes prévus par les articles 87, 88 et 92 du code  pénal :

» Déclare le Procureur général porter plainte à raison de ces crimes;

» Requiert que par la Cour il soit ordonné, en exécution de l'article 235 du code d'instruction criminelle, qu'il sera informé contre les auteurs, fauteurs et complices de ces crimes; désigner, en conséquence, deux ou un plus grand nombre de ses membres, chambre d'accusation, pour remplir les fonctions de juges d'instruction.

» Fait au Parquet, le 27 février 1822.

» Signé MANGIN. »

Vu ledit réquisitoire;

Vu l'article 235 du code d'instruction criminelle, ainsi conçu :

« Dans toutes les affaires , les Cours royales , tant« qu'elles n'auront pas décidé s'il y a lieu de prononcer la mise en accusation, pourront d'office, soit qu'il y ait ou non une instruction commencée par les premiers juges, ordonner des poursuites, se faire apporter les pièces , informer ou faire informer, et statuer ensuite ce qu'il appartiendra » ;

Attendu que des attentats de cette espèce , commis à la fois dans plusieurs endroits, annoncent un complot vaste et concerté ;

Que la célérité et l'ensemble dans les poursuites sont nécessaires pour parvenir à la découverte de leurs auteurs, fauteurs et complices, et que des informations successivement faites dans différens arrondissemens, d'auprès la marche ordinaire de l'instruction criminelle, pourroient occasionner des retards dangereux ;

Attendu que ledit article 235 autorise les Cours royales, soit qu'il y ait pu non une instruction commencée par les premiers juges, à évoquer les affaires criminelles, à ordonner des poursuites, et à informer ou faire informer;.

Que si la jurisprudence a reconnu aux chambres des mises en accusation des Cours la faculté d'exécuter les dispositions de cet article , ce n'a été qu'en les considérant comme partie intégrante des Cours et comme chargées plus particulièrement des poursuites criminelles; que cette jurisprudence n'a point restreint cette faculté aux seules chambrés des mises en accusation, et que ce qu'une chambre pourroit faire seule, en pareille matière, appartient à toutes les chambres réunies;

Attendu que le pouvoir accordé à une Cour entière d'évoquer les affaires criminelles de son ressort seroit, au surplus, reconnu par l'article 11 de la loi du 20 avril 1810;

LA COUR , faisant droit au réquisitoire du Procureur général du Roi, ordonne qu'il sera informé devant la chambre des mises en accusation contre les auteurs , fauteurs et complices des attentats commis , le 24 février 1822, dans les arrondissemens de Bressuire et de Parthenay, de son ressort ; et se conformant aux dispositions de l'article 236 du code d'instruction criminelle , ordonne que les fonctions de juge d'instruction sur lesdits crimes seront remplies par M. le Baron de Bernard, son premier Président, qui, en cette qualité, appartient à toutes ses chambres , et par M. Barbault de la Motte, Président de la chambre des mises en accusation; ordonne également que les procédures qui auroient été faites dans le ressort de la Cour, relativement auxdits crimes , seront apportées à son greffe.

Ainsi jugé , &c.

Donné et fait en la susdite Cour, à Poitiers, le vingt-sept février mil huit cent vingt-deux.

 

 

ARRET de la Cour de Cassation , portant Règlement de Juges.

LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi DE FRANCE ET DE NAVARRE, à tous ceux qui ces présentes verront, SALUT : NOTRE COUR DE CASSATION a rendu l'arrêt suivant sur les réquisitoire et requête dont suit la teneur :

A LA COUR DE CASSATION,

SECTION CRIMINELLE.

LE Procureur général expose que Monseigneur le Garde des Sceaux, Ministre de la justice, vient de lui transmettre, avec les pièces y relatives, une requête du Procureur général à la Cour royale de Poitiers, relative à l'attentat imputé au général Berton et autres individus, et tendant à ce que les procédures instruites dans les deux ressorts des Cours royales d'Angers et de Poitiers, soient réunies devant cette dernière Cour.

Si la Cour de cassation pensoit que le Procureur général de Poitiers n'avoit pas qualité pour former cette demande, l'exposant s'approprie l'exposition des faits et, les moyens contenus en sa requête, et conclut aux mêmes fins.

Fait au parquet, le 4 avril 1822.

Signé MOURRE.

A LA COUR DE CASSATION.

LE Procureur général du Roi près la Cour royale de Poitiers,

A l'honneur d'exposer,

Qu'il est obligé de se pourvoir en règlement de juges , conformément à l'article 526 du code d'instruction criminelle, dans les circonstances dont il va rendre compte.

Le 24 février dernier, une conjuration, dont le but paroît être de détruire le Gouvernement , a éclaté à Thouars, ville du département des Deux-Sèvres.

Les principaux conjurés, à la tête desquels étoit le maréchal de camp Berton, s'y étoient réunis quelques jours auparavant.

C'est de là qu'ils envoyoient des émissaires à Parthenay, Thenezay, Saumur, Angers, Nantes, pour opérer des levées d'hommes: C'est là qu'ils recevoient les émissaires qui leur étoient adressés.

C'est là enfin que dévoient se rassembler les insurgés de différens lieux.

 Le dimanche 24 février fut le jour choisi pour faire éclater le complot.

Dès six heures du matin, le tocsin et la générale se firent entendre à Thouars. Une bande armée portant la cocarde tricolore, et composée d'habitans du département des Deux-Sèvres, se rendit au quartier de la gendarmerie et se saisit de la brigade qui s'y trouvoit.

De là elle alla à la mairie, s'empara du drapeau blanc pour le transformer en drapeau tricolore.

Elle se répandit ensuite dans la ville , s'assura, comme otage, de la personne de quelques habitans notables, mit en réquisition des armes, des chevaux, des voitures, et arma , par contrainte ou par persuasion , plusieurs citoyens.

Le général Berton, se qualifiant de général en chef de l'armée de l'Ouest, annonça publiquement le renversement du gouvernement du Roi et l'existence d'un gouvernement provisoire, dont il désigna les membres.

 Il créa un commandant de la garde nationale à Thouars, maintint le maire de la ville dans l'exercice de ses fonctions , destitua et remplaça toutes les autorités de la ville de Thenezay (département des Deux-Sèvres), voir le premier dossier, pièces 8 et 11 ; deuxième dossier, pièce 9 , et réunit toute sa troupe sur la place dite Saint-Médard. Là il lut des proclamations qui excitoient l'armée et les citoyens à la révolte, voir le premier dossier, pièce première , et le drapeau tricolore déployé, il marcha à la tête du rassemblement.

 Le but du général Berton étoit, après s'être rendu maître de Thouars , d'insurger les départemens de l'Ouest, et il se dirigea sur Saumur.

Mais des forces qu'il annonçoit attendre d'Angers ne vinrent point; celles qu'il espéroit recevoir de Parthenay et Thenezay se réduisirent à onze individus qui arrivèrent à Thouars; en sorte que s'étant présenté devant Saumur; il fut contraint, après quelques heures, de se retirer

sans avoir commis aucun acte de violence pour s'y introduire : sa troupe se débanda vers minuit.

L'exposant étant instruit de ces faits dès la nuit du 24 au 25, se transporta à l'instant près de Thouars.

 L'ordre étoit rétabli dans cette ville, il ne dut, plus s'occuper que de la poursuite ; il transmit, à ce sujet, des ordres à ses substituts, et, le 27 février, la Cour royale de Poitiers rendit, sur ses réquisitions, un arrêt, qui ordonne que l'instruction sera faite par deux de ses membres.

Pair le premier dossier, pièce 35. Elle avoit été commencée par le procureur du Roi et le juge d'instruction de Bressuire , dans l'arrondissement duquel se trouve la ville de Thouars ; elle l'avoit été par les mêmes magistrats près le tribunal de Parthenay, dans le ressort duquel se trouve Thenezay.

Mais tandis que ces différens magistrats et la Cour royale informoient, le juge d'instruction et le procureur du Roi, de Saumur ( Maine-et-Loire ) , s'étoient saisis de la connoissance des mêmes faits. Voir le premier dossier , pièce 38. Il y a plus, les mêmes magistrats près le tribunal de Baugé (Maine-et-Loire) informent de leur côté , à raison d'une prise d'armes qui a eu lieu le 24 février dans leur ressort. Le but des insurgés paroît avoir été de se réunir à ceux qui seroient à Saumur. Voir le premier dossier , pièce 87.

Il est évident que les faits qui se sont passés à Thouars, Thenezay, Baugé et Saumur, constituent un seul et même crime, celui d'attentat contre le Gouvernement, que tout au moins ils forment des délits tout-à-fait connexes. Plusieurs juges d'instruction ne ressortissant pas les uns des autres, se sont saisis de leur connoissance : un règlement de juges devient donc indispensable.

 

 Il s'agit maintenant d'examiner à qui la compétence appartient, à qui les poursuites doivent rester. L'exposant pense qu'elles doivent rester à la Cour royale de Poitiers.

Le code d'instruction criminelle n'a pas , comme la loi de brumaire an 4, déterminé à qui, en cas de concurrence entre plusieurs juges d'instruction, tribunaux ou cours également compétens, la préférence devroit être accordée; il résulte de là que toute latitude est laissée à la Cour de cassation, qui peut alors se décider , soit en maintenant le principe adopté par l'article 77 de la loi de brumaire, ainsi qu'elle l'a fait déjà par plusieurs arrêts, soit en ne consultant que l'intérêt de la justice. C'est sous ce double point de vue que l'exposant va examiner à qui la préférence doit être accordée.

Quelle est l'autorité qui a donné le premier mandat? L'exposant a eu l'honneur de dire que le 24 , jour de l'insurrection, le général Berton avoit destitué et remplacé les autorités de Thenezay.

En effet, il chargea de l'exécution de son ordre écrit le nommé Sénéchault, qu'il nomma juge de paix. Sénéchault, qui est fort avant dans le complot, qui, la veille du jour où il éclata , faisoit partie du conciliabule , où quelques - uns des conjurés de Parthenay avoient arrêté leur marche sur Thouars, s'étoit, conformément à la résolution qu'on avoit prise , rendu le 24 à Thouars , et avoit reçu du général Berton l'ordre dont on vient de parler.

Dès le même jour il alla à Thenezay, y annonça que le gouvernement du Roi étoit renversé, qu'un gouvernement provisoire étoit établi, et voulut enfin, en vertu de l'ordre de Berton, y remplacer les autorités.

Ces discours, ces démarches appelèrent l'attention du maire, qui donna au brigadier de la gendarmerie l'ordre d'amener devant lui François Sénéchault.

Aux termes de l'article 50 du code d'instruction criminelle, cet ordre étoit tout-à-fait dans les attributions du maire. Le brigadier de la gendarmerie ne put l'exécuter, une force majeure s'y opposa ; mais cet ordre et le procès-verbal dressé le 24 paroissent établir suffisamment la prévention. Voir le deuxième dossier, pièce première.

Si la Cour le pense ainsi, la Cour royale de Poitiers doit rester saisie, puisque le 24 février, à cinq heures du soir, rien ne s'étoit encore passé devant Saumur, et assurément les magistrats de cette ville n'avoient fait aucun acte de poursuite. L'exposant ignore ce qui s'est passé à Baugé ; mais il paroît certain qu'aucune poursuite n'y a été faite avant le 24.

Dès le lendemain 25, non-seulement plusieurs insurgés ont été arrêtés, armés ; sur le territoire du département des Deux-Sèvres , voir la deuxième dossier, pièce 3, mais encore le procureur du Roi et le juge d'instruction de Bressuire ont fait des actes de poursuite; leur premier mandat a été décerné et notifié le 26. Voir le premier dossier ; pièces 24 et suiv.

Toutefois l'exposant ne pense pas que ce soit par les considérations qu'il vient de présenter que l'on doit déterminer à qui appartiendra la compétence dans une affaire aussi grave. Que ces considérations puissent être décisives quand il n'y a d'ailleurs aucun motif de préférence entre plusieurs juges d'instruction ou plusieurs tribunaux, cela se conçoit; mais si l'intérêt de la justice réclame pour l'un à l'exclusion des autres, il convient de se déterminer pour celui-là.

Des raisons très fortes militent en faveur de la Cour de Poitiers. Le complot s'est formé ( à en juger par ce que la procédure a rendu apparent ) à Thouars, des conciliabules se tenoient à Parthenay ou à la Forge de la Peyratle , située dans son arrondissement, Les proclamations de Berton y avoient été lues dès le vendredi 22.

 Une partie des principaux conjurés demeure à Thouars, tels sont Pombas , Rivereau, Sauge ; ou à Parthenay , tels sont Moreau et les médecins Fradin, Ricque et Ledein. C'est à Thouars qu'étoit le rendez-vous général, le foyer de la conjuration.

 La Cour de Poitiers se trouve par là dans une position plus favorable pour saisir les fils de la trame et remonter jusqu'à ceux qui, les premiers, l'ont ourdie.

 La presque totalité des prévenus appartient au département des Deux-Sèvres. C'est sur le territoire de ce département qu'ils ont été arrêtés, plusieurs étant encore armés ; c'est dans ce département que se trouvent surtout les preuves du crime.

Et, en effet, il s'est pleinement exécuté à Thouars ; c'est là que l'attentat a été commis , que l'autorité du Roi a été suspendue.

Les faits qui se sont passés depuis ne sont qu'une continuation d'un délit déjà consommé, ils n'ajoutent aucune agravation à la peine encourue par ceux qui s'en sont rendus coupables.

 C'est par toutes ces considérations que l'exposant conclut à ce qu'il plaise à la Cour, procédant par règlement de juges, ordonner que les poursuites commencées par les juges d'instruction de Saumur, Baugé et la Cour royale de Poitiers, contre le général Berton , Delon et autres prévenus de complot et d'attentat contre le Gouvernement, seront continuées par la Cour royale de Poitiers; qu'en conséquence les juges d'instruction de Saumur et Baugé seront tenus d'envoyer à» son greffe les informations et autres actes de procédure qu'ils ont faits à raison du crime ci-dessus rappelé.

L'exposant joint à la présente requête deux dossiers contenant les actes de procédure relatés dans les inventaires qui y sont annexés.

Fait au parquet, le 19 mars 1.822.

Signé MANGIN.

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