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PHystorique- Les Portes du Temps
19 juin 2023

NOTE SUR Des colonnes de bronze portant des anges Trouvées au Breuil-Barret (Vendée), en 1885.

NOTE SUR Des colonnes de bronze portant des anges Trouvées au Breuil-Barret (Vendée), en 1885

Ange sur une colonnette, Trouvés en 1885 en terre, à l'emplacement d'un ancien étang à Breuil-Barret (Vendée). Acquis de M. Lebret en 1889 (comité du 13 décembre 1888).

 

En 1885, le sieur Guillemet aîné, fabricant de tissus au Breuil-Barret (Vendée), rencontra près de sa maison, en creusant par aventure dans un jardin occupant la place d’un ancien étang, deux colonnes et deux anges en bronze.

Notre collègue, Edmond Roy, alors à sa maison de campagne de la Cacaudière, distante à peine de 14 kilomètres du Breuil-Barret, fut informé de cette trouvaille intéressante, il me la signala avec empressement et je pus bientôt l’examiner à loisir. Bien qu’elle soit déjà ancienne, on en chercherait vainement la trace dans les diverses publications scientifiques de la légion.

Des souvenirs que nous croyons fidèles et un croquis rapide pris par notre ami E. Roy, suffiront à peine pour une description exacte et cependant, nous n’hésitons pas à en rendre compte.

Sa grande importance archéologique oblige à entrer dans d’assez longs détails. Les anges exactement pareils, comme les colonnes elles- mêmes, ont avec le piédouche 0 m 50 de hauteur. Ils portent une robe flottante croisée sur la poitrine, un bandeau posé sur le front, retient les longues boucles de la chevelure, en arrière deux arrachements indiquent nettement la place des ailes, la main droite est aussi enlevée, la main gauche à demi ouverte et tournée en haut, semble avoir reçu un livre ou quelque symbole liturgique.

Nous verrons bientôt qu’il est à croire que la main perdue portait soit un candélabre, soit quelque attribut de la Passion. La disposition des avant-bras, écartés et placés sur le même plan, prouve que les mains ne pouvaient se prêter à la préhension d’un unique objet, comme on a pu l’observer en d’autres circonstances. Enfin, sous le piédouche, un arrachement fort visible correspondant à un arrachement symétrique au-dessus de la tablette du chapiteau de chaque colonne, nous montre de façon fort évidente que ces anges étaient, à l’origine, placés au-dessus des colonnes,

Les colonnes ont un fût cylindrique de 0 m 07 de diamètre, renforcé au milieu par une bague, leur longueur serait, d’après le croquis, de 1 m 69 (1), elles reposent sur une base hexagonale à moulures assez compliquées, rappelant celles de certains candélabres du XV e siècle, ce qui permet, entre autres raisons, de les attribuer à cette époque, ainsi que les anges.

 L’inventeur déclarait ne vouloir cédera aucun prix, toute offre nous parut dès lors inutile. A quelque temps de là, un tapissier de la Châtaigneraie les signala à un brocanteur de passage en Vendée, qui les acquit, pour mille francs, dit-on.

Apportés par lui à Paris, ils furent présentés à M. Courajod, grâce auquel ils sont entrés au Louvre, il y a deux ou trois ans.

La vente se serait faite cette fois pour cinq ou six mille francs. Il est peu probable que ces bronzes proviennent de la Vendée.

Comme les trésors confiés à la terre et qu’on espère retrouver en des jours plus calmes, ils ont dû être jetés dans l’étang du Breuil-Barret en temps de guerre, sans doute par une bande huguenote (2) vaincue et poursuivie, qui les avait dérobés. Dieu sait où.

Si l’on veut bien se reporter maintenant au Dictionnaire d’architecture de Viollet-le-Duc, verbo autel (3), on y trouvera la mention des voiles dont la plupart des autels étaient entourés au xm e siècle. Ces courtines étaient un souvenir du voile qui, chez les Hébreux, dérobait aux regards des profanes l’arche d’alliance, de même ils cachaient le prêtre chrétien à certains moments de l’office. L’usage paraît en avoir été général pendant les premiers siècles de l’église.

A la fin du règne de Louis XIV, on en voyait encore un certain nombre. Aujourd’hui, pas une de ces clôtures mobiles n’est debout. Plusieurs tableaux anciens nous en font heureusement connaître la disposition au XIII e siècle (4).

Ils nous montrent ces rideaux glissant sur des tringles de fer soutenues par des colonnes de bronze, ou même de vermeil, surmontées de figures d’anges tenant des candélabres ou portant les attributs de la Passion. Telle paraît bien avoir été la destination du monument dont on a trouvé au Breuil-Barret les derniers débris.

Les colonnes découvertes dans la Vendée semblent prouver que l’on établissait encore au xv e siècle, autour des autels, des voiles mobiles analogues à ceux du XIIIe . Il est à peu près certain qu’il n’existe plus nulle part aucun reste de ces anciennes clôtures. On comprend dès lors tout l'intérêt qu’offre la trouvaille du Breuil- Barret et l’empressement avec lequel elle a été acquise par le musée du Louvre. Malheureusement, il est fort probable que la découverte n’est pas complète et qu’un certain nombre de colonnes ont disparu avec leurs anges, car c’est au nombre de quatre ou de six qu’on les représente d’ordinaire. Les nouvelles recherches du sieur Guillemet n’ont eu jusqu’ici aucun résultat.

Après l’épouvantable peste de 1348, les Florentins votèrent l’érection d’un magnifique autel dédié à la Vierge dans l’église d’Or San Michèle. Le projet fut soumis à un concours, Andrea Orcagna l’emporta sur d’illustres rivaux. Le maître-autel d’Orsammichele est un monument composé de marbre , de mosaïque et de bronze, avec bas-reliefs, supportant et encadrant un tabernacle d’or enrichi de pierreries, et dont la prodigieuse profusion d’ornements n’altère en rien la grandeur et la sévérité. Orcagna y mit la dernière main en 1359.

C’est un autel adossé, entouré d’une balustrade très compliquée dont le plan est rectangulaire. On voit aux deux angles saillants une colonne de bronze surmontée d’un ange portant un candélabre (5). Il ne nous parait pas douteux que ce motif de décoration soit un souvenir des colonnes ainsi placées qui portaient les tringles des rideaux entourant les autels du XIIIe siècle.

Nous ignorons si Orcagna eut en France des imitateurs. En serait-il ainsi, on pourrait admettre que les colonnes du Breuil- Barret ont été, comme celles de Sammichele, placées aux angles d’une balustrade d’autel, ce qui ne modifierait guère la destination que nous leur avons assignée.

Léo Desaivre.

 

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010093253

 

 

 

 

BÉLISAIRE LEDAIN Archéologue et collectionneur - Auteur d'ouvrages sur l'histoire du Poitou (Parthenay 1832-1897 ) <==

 

 


 

(1) Sans doute le chapiteau n’est pas compris dans cette mesure.

(2) Ainsi s’expliquerait l’enlèvement des attributs portés par les anges.

(3) Tome n.

(4) L. C. fig. 7, 8 et 9,

(5) Abbé U. Maynard, chanoine de Poitiers. La sainte Vierge, 2 e édition, Paris, Firmin Didot, 1877, pl. à la p. 510.

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