Légendes et notes folkloriques sur l'Absie ; Les revenants, les galipotes, la chasse Gallery, le cheval malet, les sorciers....
Notes folkloriques sur l'Absie Située dans le département des Deux-Sèvres, arrondissement de Parthenay, canton de Moncoutant, L'Absie est aujourd'hui le chef-lieu d'une commune d'environ 1.200 habitants.
Ce bourg peut revendiquer une antique origine.
Jusqu'à la Révolution de 1789 son histoire se confond avec celle de l'abbaye du même nom que fonda en 1120 l'ermite Pierre de Bunt disciple de Giraud de Salle. Mais L'Absie était antérieurement le siège d'une paroisse. Pierrre de Bunt découvrit, en effet, en ce lieu les restes écroulés d'une antique église et on sait, par une charte du cartulaire de l'abbaye, que depuis sa destruction, les paroissiens de L'Absie étaient dans l'obligation de se rendre soit à Vernoux, soit à La Chapelle-Séguin pour les cérémonies du culte.
Avant la Révolution il n'y eut jamais à L'Absie qu'un petit groupe d'habitations qui se trouvaient à cheval sur l'ancien chemin des Chaussées. Il dépendait partie de la Chapelle-Seguin, partie de Scillé.
Le village de L'Absie prit de l'extension à partir de 1820 et devint en vertu d'une ordonnance royale du 1er février 1836 le chef-lieu d'une commune laquelle avait auparavant son siège à La Chapelle-Seguin.
C'est de quelques traditions, usages et coutumes de cette commune dont nous avons formé le projet de vous entretenir.
Nous ne rapporterons pas les coutumes de la naissance, du baptême, des fiançailles, des noces, des funérailles qui sont semblables à L'Absie à celles observées dans toute la Gâtine.
Cependant nous soulignerons la manière de convier aux noces faite par les pères et mères des futurs mariés, qui allaient de porte en porte faire les invitations. Si la personne conviée acceptait l'invitation qui lui était faite, elle recevait un « nolet » sorte de petit gâteau sec, prémice des agapes futures.
Au repas de noces on voyait paraître un grand « nolet » qu'offraient les parrains et marraines des mariés. Suivant le nombre des convives et la situation des donateurs cet immense « nolet » mesurait de un mètre à un mètre cinquante de diamètre, était épais de quatre à sept centimètres et pesait de quarante à soixante livres. Il revenait de quarante à soixante francs or. On conte des histoires de « nolets » qui étaient si grands qu'il avait fallu démolir la gueule du four pour les y faire entrer.
Une autre coutume que je ne veux pas passer sous silence est celle de l'offre de la « gueurgne ». De toujours et jusqu'à la guerre de 1914 époque où, à cause de la carte de pain, la coutume est tombée en désuétude et ne fut pas reprise, les familles qui le pouvaient offraient à tour de rôle le pain bénit à la grand'messe du dimanche. Cela représentait quatre à six pains de deux livres un dimanche ordinaire et dix à douze des mêmes pains les jours de Pâques ou de Noël.
Lors de la distribution du pain bénit il était offert le croûton de l'un des pains, la « gueurgne », à la famille qui allait à son tour offrir le pain bénit le dimanche suivant. Cette « gueurgne » était d'autant plus grosse que le pain bénit à offrir devait être plus important ou que la famille qui avait à l'offrir jouissait d'une plus grande notoriété.
Les croyances religieuses n'avaient pas fait disparaître les croyances au merveilleux, aux êtres fantastiques, ni à la sorcellerie. Aujourd'hui les temps sont bien changés, le merveilleux n'existe plus. Sans doute on parle parfois encore d'une maison hantée. On s'intéresse aux relations que l'on en fait, mais comme on s'intéresse au serpent de mer ou à l'abominable homme des neiges, avec beaucoup de scepticisme. Les revenants, les galipotes, la chasse Gallery, le cheval malet, les sorciers, les petits et gros chats, les chiens noirs, les cercueils que l'on trouvait en travers des routes, tous se sont évanouis et il en est mieux ainsi.
Le merveilleux et la sorcellerie ont tenu une si grande place dans notre région qu'il faudrait des volumes pour épuiser le sujet. Nous nous bornerons à conter seulement quelques choses vues ou que nous ont rapportées des personnes dignes de foi de notre entourage ; omettant de parler d'une affaire de sorcellerie qui, il y a une quinzaine d'années, survint dans un village, tourna au drame, mettant le désordre dans un bon ménage de cultivateurs et tout le pays en émoi. J'y fus un peu mêlé pour avoir voulu essayer d'arranger les choses. La police intervint. La presse y consacra des pages entières. Je conserve les renseignements sur cette affaire mais n'en parlerai point, la plupart des auteurs ou victimes étant encore vivants.
Sorciers. —
Il arrivait que des gens étaient qualifiés de sorciers par le seul fait d'une réussite qu'ils ne devaient cependant qu'à leur travail, à leur bon sens, à leur économie et à leur bonne conduite. Et ceux qui ne réussissaient pas, qui perdaient beaucoup de bétail ou étaient malades se croyaient ensorcelés. La réussite sera de tous les temps sans que pour cela intervienne la sorcellerie. Probablement la malveillance et certaines pratiques enseignées par le « Grand Albert » et le « Petit Albert » avaient un résultat évident, mais l'autosuggestion et les mauvaises langues faisaient beaucoup plus.
Dans un village voisin de L'Absie, une femme, et même toute sa famille, étaient, vers la fin du siècle dernier, reconnues comme sorciers.
Un jour de l'été de 1880, mon grand-père maternel, qui était forgeron, ferrait des roues de charrettes avec l'aide d'un de ses ouvriers, un géant comme lui. A trois heures de l'après-midi il leur restait deux roues à ferrer. Vint à passer cette femme, la mère X. :
Quèque ve faisez père Morisset ?
- Ve zo voyez bé, i ferre dos roues.
— Ve zo ferez pas de sère.
— 1 verrons bé !
De fait, nos deux gaillards eurent beau œuvrer ils ne purent pendant plusieurs heures finir leur travail. Georges, l'ouvrier de mon grand-père, furieux, prit son lourd marteau de forge et courut chez la mère X. :
— Si ve me désensorcelez pas, i ve z'écrase la taîte avec tio martiâ.
— Me faisez pas de mau, retournez, ve peurez ferraï à c't'hure.
Et, en effet, le travail fut terminé en un clin d'oeil.
Une autre fois, c'était en 1885, une charretée de paille, apparemment bien faite, passait devant la porte de la mère X. :
- Vour allez-ve mè pauv' gas ?
- Pas loin, mère X.
- Y crains be qu'o ve z'arrive malheur !
— Bah !. A cinquante mètres de là, dans un tournant, la charrette se renversait.
On pourrait citer bien d'autres faits à l'actif de la mère X.
mais je ne les connais qu'imparfaitement.
La chasse Gallery.
— Tout le monde connaît la chasse Gallery, le père B. du Bourgneuf y croyait ferme. Il me raconta qu'un soir de septembre 1900, la nuit étant tombée, il revenait de la forêt quand il fut pris dans une chasse Gallery.
« Des remous terribles dans l'air, des bruits de pas de chevaux, des aboiements de chiens, des cris, un mouvement indescriptible. Ma casquette fut emportée et j'eus grand'peine à conserver mes vêtements. Ce n'est que le lendemain, à une grande distance de l'endroit où elle m'avait été enlevée que j'ai pu la retrouver. »
Les galipotes.
— D'une façon générale on appelait ainsi, à L'Absie, tout ce qui se mouvait la nuit avec une allure étrange, hommes ou animaux.
De 1880 à 1900 le père Ch. fut connu pour sortir la nuit, enveloppé d'une grande peau de sanglier, pour faire peur aux passants attardés.
A la même époque le père B. faisait de même. Mais alors qu'il me disait avoir été le justicier de la galipote, je compris qu'il en avait d'abord été la victime. Un soir, alors qu'il sortait de chez lui pour « tomber de l'eau », euphémisme employé pour dire « aller uriner », il aperçut une galipote toute noire qui se précipita sur lui, le prit sur ses épaules et le jeta dans une mare dont il eut grand'peine à se sortir.
Cette galipote revenait régulièrement toutes les nuits et le père B. n'osait plus sortir de chez lui. Une fois, pourtant, s'armant de courage, il se mit en faction, caché dans sa charrette, avec son fusil chargé de sel. La galipote vint comme à son accoutumée, alors le père B. lui tira son coup de fusil dans les fesses. La galipote poussa un cri :
— Oh ! te m'as fait grond mau. Et elle s'enfuit.
On sut le lendemain qui avait eu le postérieur endommagé, et le père B. plus jamais ne vit de galipote.
Vers 1895-1897, chez ce même père B., chaque soir de l'Avent, deux gros chiens noirs que l'on ne connaissait pas dans le village, grattaient à la porte de la maison. On ouvrait, les chiens entraient, se plaçaient chacun d'un côté de la cheminée où ils restaient, sans gêner personne, jusqu'à ce que le maître de la maison dise :
« Au lit à c't'hure ! »
Alors les chiens s'en allaient. La mère B. aurait bien voulu ne jamais leur ouvrir, mais son mari s'y opposait craignant que ces « galipotes » lui jettent un mauvais sort.
Un vieux meunier m'a raconté qu'autrefois quand faisant sa tournée à dos de mulet, vers 1880, il avait rencontré, à plusieurs reprises, des petits chiens et des petits chats qui venaient se mettre sous sa protection. Pris de pitié il les montait sur son mulet. Ils étaient légers comme la plume, mais, au fur et à mesure que le mulet allait, ils s'alourdissaient au point que celui-ci ne pouvait plus les porter. Alors ils sautaient à terre et disparaissaient sans que l'on s'en aperçoive.
Revenants.
— Une histoire de revenants qui fit grand bruit à L'Absie vers la même époque, ce fut celle de la maison hantée des deux demoiselles Thouin. Elle donna lieu à une enquête de la gendarmerie. Un rapport de quatre pages dont j'avais pris connaissance, mais dont, à mon grand regret, je n'ai pas pris copie a été établi, l'un des rédacteurs étant un mien grand-oncle nommé Girard. Il y était exposé, entre autres, qu'un réveil se promenait de la cheminée où il était placé, jusqu'au-dessus de la tête des nombreux curieux. Que des pierres tombaient de partout et que même le képi d'un des gendarmes enquêteurs était allé se promener sur le toit de la maison. Il n'y eut jamais aucun blessé malgré les nombreuses « garrochées » (pierres) lancées.
La maison de ces demoiselles Thouin était constituée par un petit rez-de-chaussée. C'est aujourd'hui le garage qui se trouve face le coin nord-ouest de la chapelle de La Trimouille. De vieilles personnes témoins de cette affaire m'ont dit qu'elles avaient eu, par la suite, connaissance des mauvais plaisants qui en étaient à l'origine mais comme ils étaient beaucoup craints à l'époque, les bouches étaient restées cousues.
Une autre affaire de revenants faisait l'effet d'une suggestion collective. Certains disaient qu'elle s'était produite à la Croix Jeanne, d'autres au Petit Chemin de Vernoux, d'autres en d'autres lieux. La nuit les attardés trouvaient en ces lieux, en travers du chemin ou d'un gué, un cercueil que recouvrait un drap blanc. Certains prétendaient qu'il ne fallait pas le déplacer mais le contourner. D'autres que l'on pouvait le ranger à côté à condition de le remettre immédiatement, une fois passé, à sa place première.
Dans le premier cas une voix sortant du cercueil disait :
Tu as bien fait de ne pas me déplacer. Dans le second cas la voix disait :
— Tu as bien fait de me remettre à ma place. Et la voix ajoutait toujours :
- autrement il te serait arrivé malheur.
Les chandelles.
— Ce ne sont autre chose que les feux follets. La principale chandelle dont j'ai entendu parler, n'ayant jamais pu la voir malgré ma surveillance, se voyait, m'a dit ma grand-mère maternelle, dans la haie de face du second champ de droite du chemin descendant de L'Absie à La Sauvagère.
Par contre il m'a été donné de voir deux autres chandelles, c'était en 1942. Une nuit, rentrant vers minuit de l'ancien étang où j'avais surveillé les préparatifs de la pêche qui devait se faire le lendemain, j'étais arrivé à l'intersection de l'Allée et du chemin de La Raymondière.
Là, je fus intrigué par une luminosité qui apparaissait sur le bord droit de l'Allée. Je m'approchais. Je touchais la « chandelle » de la main. Mes doigts devinrent phosphorescents. Je marquais l'endroit d'une pierre. Repassant le lendemain je vis seulement à cet endroit une souche pourrie.
Une autre nuit, à l'entrée de l'hiver de cette même année 1942, j'arrivais à cinquante mètres environ de la mare de La Grange lorsque je fus intéressé par un point brillant sur le milieu de la route. Je passais mon soulier sur ce point.
Il se fit alors une traînée lumineuse de soixante à quatre-vingt centimètres.
Les empiriques.
— Jusque vers les années 1910 les vétérinaires étaient rares dans nos campagnes, aussi, quelqu'un tant soit peu dégourdi, possédant quelques notions sur les animaux et leurs maladies pouvait-il s'installer comme empirique. Il s'imposait au paysan par son bagout et l'air important qu'il se donnait. Tirant parti de tous les incidents il affirmait vite aux veux de tous un savoir qu'il était bien loin de posséder.
L'un d'eux fut de 1880 à 1910 célèbre à L'Absie et aux environs jusqu'à ce qu'un véritable vétérinaire d'un peu plus d'expérience et de savoir vint s'installer.
Quand cet homme arrivait chez un propriétaire qui l'avait fait appeler pour quelque bête malade, il commençait par le rassurer tout en regardant la bête et il terminait son examen par ces mots :
« Ton beu, ton goret (la bête malade) peut guéri, queume le peu crevaï. » Puis, quand il ne l'appliquait pas lui-même, il prescrivait son remède.
Lorsqu'il revenait, si la bête était morte entre temps, il lançait sentencieusement :
« Y o-z-arait parié. » Si, au contraire, la bête était guérie, il constatait : « Te voué bé qu'ol y a fé d' l'effet. »
Le matin d'un dimanche de juillet 1906 je lui menais un braque Dupuis atteint par la maladie des jeunes chiens :
« Y voué bé c' que l'a ton chin. Y allons l'soignaï. Tin loue bé, que l' m' morde pas. » Et prenant une bonne poignée de sel de cuisine il la fit avaler à l'animal. « A c't' hure, vin prendre ine petite goutte. I revindrons dans n' in moument. »
Quand nous revînmes le chien avait une telle colique qu'il se tortillait et évacuait par le haut et par le bas.
« Te voué bé qu'ol y a fé d' l'effet !!! Revin après l' collation. »
Quand je revins 4 à 5 heures plus tard le chien n'était plus.
« Ah ! l'était bé malade ton chin. 0l avait pu rin à fère. T'es v'nu trop tard, il m'en était méfié. »
Les guérisseurs.
— Ils étaient nombreux tant à L'Absie que dans les hameaux d'alentour. Ils se chargeaient de guérir presque toutes les maladies. Les femmes étaient nombreuses parmi. Il ne fallait point rire d'eux ni douter de leur pouvoir.
Quelques impositions des mains, quelques prières, des tisanes de simples, un peu d'autosuggestion et la résistance naturelle de la race aidant le mal disparaissait le plus souvent.
Certains étaient spécialistes d'une seule maladie. Une femme de La Bergerie guérissait le muguet. Une autre vieille femme de La Papinière, les loupes, ces tumeurs le plus souvent enkystées qui se développent à la surface profonde de la peau.
J'ai été vraiment étonné par la guérison suivante :
Un soir rentrant de classe, mon frère G. boitait. Notre mère, à laquelle rien n'échappait, lui demanda :
Qu'as-tu G. ?
— J'ai mal derrière le genou.
Mon frère avait une loupe qui était déjà de la grosseur d'un œuf de poule. Plusieurs clientes se trouvaient dans la boutique de mes parents, l'une d'elle dit :
C'est facile à faire passer, allez donc voir la mère X. de La Papinière, a lo guéri.
En entendant ces mots, ma cousine Marie et moi, qui étions présents, ne pûmes nous retenir d'un éclat de rire bientôt éteint par un regard de ma mère. Nous n'en pensâmes pas moins que le lendemain était un dimanche, que nous n'avions rien de prévu pour occuper notre journée et que nous pourrions conduire mon frère à La Papinière. Nous pourrions, peut-être, nous y amuser.
Après le dîner, sentant le moment propice, je demandais timidement à mes parents :
— Voulez-vous que je conduise G. à La Papinière demain ? Après une courte hésitation mon père répondit :
— Si tu veux, cela ne risque rien.
Et lendemain donc, après les vêpres, j'attelais notre jument à notre petit char à bancs et nous partîmes, mon frère ma cousine et moi. — Surtout soyez sérieux, ne vous moquez pas ! recommandèrent nos parents.
Nous arrivâmes bientôt chez la vieille femme. On aurait pu croire qu'elle nous attendait :
— Rentrez lé drôles, qui que ve v'lé. 0l é le drôle qu'é malade. Y va l' guéri. Impositions des mains, prières, un peu de salive sur la loupe et puis - Ve pevez v' z-en allai à c't' hure.
Ma cousine et moi-même, nous nous retenions à grand-peine pour ne pas rire. Cependant nous fûmes à peu près corrects jusqu'au détour du chemin.
De retour à la maison il fallut raconter, à tout le monde et en détail, tout ce que nous avions vu. Nous n'y manquâmes pas. Chose curieuse, tout cela fut complètement oublié dès le lendemain par tous.
Le dimanche suivant je dis à ma cousine :
- Que faisons-nous aujourd'hui ? Il y a huit jours nous étions allé à La Papinière, si on avait encore quelqu'un a y conduire. Mais, à propos G., viens ici. Mon frère s'avance.
— Fais voir ta jambe. Surprise, il n'y avait plus trace de loupe.
— Je n'ai plus mal, nous dit mon frère.
Encore vers 1930 un fermier de La B., X., guérissait les maladies de peau. J'eus recours à lui pour un eczéma qui affectait ma main droite. Le médecin que j'avais consulté m'avait ordonné un régime que je ne pus et ne voulus suivre en raison des travaux que j'effectuais à ma sablière.
Sur les conseils d'un de mes ouvriers j'allais, sans conviction, voir X. Il me demanda l'âge de mon père, celui de ma mère, d'autres choses encore. A part cela, la séance ne fut pas compliquée. Il me prescrivit un régime très simple : boire des infusions de douce-amère, ce que je ne fis pas d’ailleurs très régulièrement. C'était tout. Imperceptiblement l'eczéma disparut. Il ne réapparut jamais. X. récoltait lui-même, de très bonne heure le matin, avant soleil levé, ses plantes, en marmottant des incantations.
On croyait aussi que le septième enfant, garçon ou fille, d'une lignée non interrompue par un enfant d'un sexe différent possédait « le don ». Tels C. J., surnommé Zus, qui traitait, jusque vers 1940, avec succès les verrues et X., qui lui, guérissait les hémorroïdes.
Il ne faut pas confondre ces divers guérisseurs avec "les bonnes femmes qui délivraient des remèdes et qui rendaient bien des services aux malades qui ne pouvaient faire venir le médecin ou payer le pharmacien. Ma grand-mère maternelle fabriquait de « l'eau de mal de gorge », dix sous de chlorate de potasse dans un litre d'eau. La tante d'un de mes amis de l'eau d'Alibour pour guérir les plaies.
Les rebouteux. — Le rebouteux n'est pas un guérisseur.
C'était et c'est encore quelqu'un qui, sans être médecin, réduit les fractures, les luxations, les entorses, et guérit parfois certaines plaies. Il a appris son « métier », souvent transmis de père en fils. Il a une grande connaissance du squelette et des muscles. Il a rendu de très grands services à une époque où les communications étaient difficiles.
Superstitions. — Comme partout, à L'Absie on tirait des présages d'une foule de circonstances. Il serait fastidieux et assez difficile de les citer toutes sans en omettre aucune.
Elles ne sont pas, d'ailleurs, particulières à notre commune.
Comme ailleurs, il ne faut jamais se couper les ongles ni le vendredi ni le dimanche. Le faire attire le malheur sur soi. Casser une glace, un miroir, vous présage sept ans de malheur. Une belette qui traverse devant vous la route que vous suivez vous est l'annonce qu'il va vous arriver malheur si vous poursuivez votre chemin. Il vaut beaucoup mieux en ce cas, que vous retourniez chez vous. De même voir un pinson et s'il chante. Mais en voir deux c'est tant mieux, ce que l'on exprime ainsi :
Un pinson qui pinsoune, chagrin. Deux tant mieux. Plus spécifiquement de L'Asie, du moins par son détail, me paraît être la croyance dans laquelle on était qu'un malheur allait fondre sur vous si vous regardiez pour la première fois la lune nouvelle au travers de la vitre d'une fenêtre.
Il était très important, lorsque l'on entendait pour la première fois de l'année chanter le coucou, de faire sonner des pièces de monnaie, dans sa poche ou dans sa main, avant que l'oiseau se taise.
On devait manger aies crêpes le jour de la Chandeleur, faute de quoi on aurait « le cul merdeux toute l'année», autrement dit on n'aurait pas le sou de toute l'année.
Une jeune fille ou une femme qui se regardait longtemps dans un miroir finissait par y voir apparaître le diable.
Couper le pain par les deux bouts présageait que la richesse de la maison s'en irait pas tous les côtés. Le poser à l'envers sur la table était signe que les maîtres de la maison étaient paresseux : « mangé comme il est gagné » disait-on.
Par contre voyait-on un pot de « baseli » — basilic — sur la fenêtre d'une maison, on pensait que c'était là une maison bien gérée par un bon maître et une excellente ménagère.
Si « l'herbe à la tounnerre » — la joubarbe des toits — garnissait quelques tuiles du toit d'une maison où elle avait poussé spontanément, c'était une garantie que la foudre n'y tomberait pas.
Si l'on croyait au pouvoir des guérisseurs on avait aussi confiance aux Saints, aux Saintes, à la Sainte Vierge auxquels on s'adressait en faisant un « voyage ».
Un « voyage » est un pèlerinage individuel à une église, une chapelle où l'on vénère un saint guérisseur, ou la Vierge, dans le but d'en obtenir une grâce, une guérison ou, suivant le cas, le beau temps ou la pluie. Le « voyage » peut être fait, et il était fait en général, par une personne interposée à laquelle on remettait quelque argent pour sa peine ce qui était souvent une manière discrète de lui faire la charité.
Un enfant avait-il peur la nuit, on faisait un voyage à Saint-Pou — Saint-Paul-en-Gâtine — en patois peur et Paul se prononcent sensiblement pareillement : pou — qui consistait à réciter des prières « sous les cloches ».
On allait à la fontaine de Saint Bodet qui sourd dans un pré entre La Rénolière et La Raymondière, pour obtenir la guérison ou tout au moins le soulagement des rhumatismes.
Autrefois une statue du saint, laquelle disparue vers 1910, était placée dans un oratoire de pierre. On n'a que peu de renseignements sur cette fontaine. Elle fut, dans l'ancien temps, dit-on, le lieu de plusieurs miracles:
Une femme morte à 96 ans en 1964 qui le tenait de sa grand-mère m'a rapporté le suivant : Une jeune femme était paralysée des deux jambes. Elle demanda à son mari de la conduire à la fontaine de Saint Bodet. C'était une grosse entreprise que de monter cette femme et de la descendre de voiture, puis de lui faire parcourir les cinquante mètres de la route à la fontaine. Pourtant elle y fut conduite, cinq fois, dix fois, sans obtenir la moindre amélioration de son état. Son mari était découragé quand elle lui demanda qu'il voulut bien la conduire encore une fois, la dernière. Et ce fut la guérison. Elle repartit seule, à pied, à la voiture et y monta seule sans difficulté. Reconnaissante, elle revint à la fontaine le lendemain, seule et à pied, y déposer ses « abourdes » qui y restèrent jusqu'à ce que le bois tomba en pourriture. J'en ai vu les restes.
Les plus importants voyages étaient les .voyages à Notre Dame de Pitié. Une pauvresse de Vernoux, Adelina, en eut de 1910 à 1950 le monopole. Cela subvenait à ses besoins qui n'étaient pas grands. Recevant, dans les premières années, un sou pour un voyage, une trentaine de kilomètres, elle attendait parfois d'avoir plusieurs missions pour ne faire qu'un seul déplacement. Je l'ai souvent rencontrée en chemin, marchant comme un canard, en grignotant un bout de pain et un morceau de fromage, aumône recueillie en passant dans une ferme. Beaucoup la croyait innocente, ce qui n'était pas tout à fait vrai ainsi qu'en témoigne cette aventure : Un de mes amis l'arrête un jour qu'elle passait devant sa maison :
— Delina, veux-tu me faire un voyage à Pitié ?
— Y vo bé mon ban mossieu.
— Bon, te v'la un sou. Te demandera qu'o mouille. Depuis longtemps il n'était pas tombé une goutte de pluie, les récoltes en étaient compromises.
— Y éré d'main, mon ban mossieu. Le surlendemain dans la nuit précédente, il était tombé quelques gouttes d'eau à peine suffisantes pour abattre la poussière, Adelina qui repassait devant la maison de mon ami fut de nouveau interpellée :
— Dis donc, Delina, ol a pas mouillé bérède !
— Y o sé, mon ban mossieu, mais ve m'avez douné qu'in sou. Ve z-en avez oyu per veutre argent. Si ve m'aviez douné meu, ve z-ariez eu meu d'ève.
Mais c'était le 8 septembre de chaque année qu'avait lieu, en groupe, le véritable pèlerinage à Pitié. Jusque vers 1930 c'était un événement pour les pèlerins de L'Absie. Pour beaucoup c'était un des grands voyages de l'année. Il en était parlé longtemps à l'avance. Dans la dernière semaine qui précédait ce jour les vingt ou trente possesseurs de chars à bancs qui existaient dans la paroisse faisaient connaître le nombre de places dont ils disposaient. L'ordre de la caravane qui se formait pour Pitié était immuable : en tête les forts chevaux et les grands chars à bancs de la maison M. où prenaient place Monsieur le Curé, les chanteuses et quelques autres personnages importants. Puis, dans l'ordre reconnu d'avance, ceux qui possédaient les meilleurs chevaux. Au haut de la dernière côte on attendait les retardataires jusqu'à la dernière voiture qui était toujours la Copante (cheval à cornes, cerf-volant) ainsi baptisée du nom donné au cheval qui la tirait à cause de deux excroissances de 10 cm. qu'il portait au-dessus de la croupe. Et l'on arrivait tous ensemble à Pitié. Là, on déployait la bannière de la paroisse et on se rendait en procession à la basilique ou l'on écoutait la messe avec ferveur, puis l'on prenait part à la procession qui suivait. Sauf mauvais temps on déjeunait en commun dans un pré voisin. Une grande gaîté régnait. La plupart ensuite se rendaient au Chiron du pas de la Vierge où chacun mettait son pied dans le « pas de la Vierge ».
Au retour on allait offrir à la Vierge des « voeux » de cire, qui sont des modelages de cire, de bébés, des diverses parties du corps, des animaux domestiques, que l'on présentait à la Vierge pour lui rappeler l'intention pour laquelle on avait effectué le pèlerinage et en obtenir la réalisation.
En 1911 j'ai été témoin de la réalisation d'un vœu. L. C., un jeune orphelin, avait été recueilli par deux de ses tantes demeurant à L'Absie. Il ne parlait presque pas et mal. Les deux tantes firent le pèlerinage de Pitié et, sans se le dire, achetèrent chacune une langue « pour ce petit L. ». L’effet fut double et ne se ralentit jamais. Encore maintenant il se fait sentir.
Puis c'était, dans le même ordre, le retour à L'Absie. On n'oubliait pas de rapporter un melon à la maison. Les marchands en offraient des montagnes ce jour-là sur le « plan de Pitié » et c'était devenu une tradition que d'en acquérir un pour la « part de foire » de ceux qui n'étaient pas venus, comme les cinq cerises pour un sou de la « fouère do si de mé à Niô », les alouettes de la foire de Benet.
Aujourd'hui les pèlerinages en groupe à Pitié n'ont plus lieu. Chaque canton a bien toujours son jour fixé par le chapelain, mais beaucoup de pèlerins n'y vont que pour la messe. On va maintenant en pèlerinage à Pitié individuellement. Quelques bons marcheurs parmi les plus fidèles de ceux-ci, ou les plus reconnaissants envers la bonne Vierge s'y rendent à pied. Comme le pèlerinage à Pitié, les foires et les assemblées étaient l'occasion de sorties joyeuses. Certaines foires étaient célèbres.
Nous venons de citer celle du 6 mai à Niort, il faut citer celle du mercredi des Cendres à Parthenay et celle du lundi gras dans notre commune. Notre place de L'Absie, pourtant vaste, était ce jour-là trop petite pour contenir les installations des lutteurs, des charlatans, des ménageries, des diseuses de bonne aventure, des cirques, des divers jeux qui s'y rassemblaient avec les bazars à un sou, à deux sous, à cinq sous, qui affluaient. Après un tour de foire, les jeunes terminaient la journée au bal qu'animait un violon ou un piston unique ou « fouaillaient ».
Les « Assemblées » étaient également très suivies. Il y régnait un sentiment de solidarité que l'on ne trouvait pas dans les foires. C'étaient les auberges qui profitaient surtout des assemblées où chacun du village remarquait ceux des communes voisines qui étaient venus, pour aller, à leur tour, à l'assemblée chez ceux-ci. 1 Une assemblée à caractère un peu particulier était celle de La Chapelle-Seguin. Elle se tenait le jour de l'Ascension et n'intéressait que les gens de la paroisse et ceux des villages voisins. On l'appelait « l'assemblée aux cailles »
— aux caillebottes. En fait c'était une vente de charité au profit de la chapelle où l'on ne vendait que de grands plats de « caillés » recouverts d'une épaisse crème de lait et seulement quelques gâteaux secs au contraire des foires et des autres assemblées où dominaient les brioches et les « échaudés », Je m'y trouvais, en 1921 ou 22, en compagnie du père Ferdinand. Il avait pas mal bu, s'il n'avait pas mangé de cailles.
Au moment de la vente de celles-ci il me dit :
— Y va achetai tio grond pia avec un gâtia peur notre « gueurouée », ve pérez bé l'vin ? — D'accord ! Son achat fait, le père Ferdinand le posa par terre le long de l'un des murs de la chapelle, mais quelqu'un l'appela pour prendre un verre, ce qu'il accepta, bien entendu. A son retour les canes, les oies et les poules s'étaient livrées bataille autour du plat dont elles avaient mangé une bonne part, il faut dire qu'à cette époque les volailles étaient maîtresses de la rue.
Il eut beau crier : Ououche, arnââ, arnââ (1) pour les chasser, les volailles le suivaient en procession et lui auraient, peut-être, même fait un mauvais parti s'il n'était entré au café. —
Ah tié mouvaises baîtes, al en mangé pu d' la moitié. Mé ol en reste. Y va enlevai c'qui é sale et pi y'o finirons. Je lui répondis : Y en a pas de trop pour vous, vous le finirez, moi je ne les aime pas. Je n'aime pas le lait aigre. — Y o veu. …
Lorsque le temps des foires et des assemblées était passé, le campagnard prenait ses distractions dans son village. Au début de ce siècle il n'y avait pas encore le cinéma, peu de théâtres, à part ceux de troupes locales- d'amateurs qui se produisaient de temps à autre. Pas de sports organisés. La bicyclette faisait son apparition, ainsi que la « voiture sans chevaux », quant à la T.S.F. et à la télévision on n'en parlait pas encore. De temps en temps passaient des montreurs d'ours, de petits cirques attardés.
Alors les réunions entre parents et amis pour une veillée — étaient fréquentes, sauf pendant les temps de l'Avent et du Carême. On y racontait les potins des villages, les vieux jouaient aux cartes, les jeunes à divers jeux innocents, pas toujours, avec gages. L'un de ceux-ci, des plus prisé, était d'embrasser le plus beau, ou la plus belle de la société sans le faire savoir. Alors le jeune homme embrassait toutes les jeunes filles ou inversement la jeune fille embrassait tous les garçons et chacun s'ingéniait, d'après certains indices qu'il avait cru surprendre à « savoir ». Entre temps on mangeait des « chateugnes grâlées » ou des crêpes arrosées de « vin de poume » autrement dit de cidre. Souvent on terminait par une bouillie de blé noir ou de maïs, après que les bons chanteurs se fussent fait entendre, que les jeunes eussent dansé un peu, et que d'autres eussent raconté force histoires et légendes. On se séparait souvent fort tard et après avoir fixé la date et le lieu de la prochaine veillée chacun prenait sa lanterne dont il allumait la chandelle de suif et s'en retournait chez soi.
Un jour de grande réjouissance à la ferme était le jour de la cuisine au cochon ; le jour où l'on tuait le porc et que l'on en cuisinait la viande. En général cela se passait en famille. S'il y avait dans la maison une grand-mère, ou une mère déjà âgée, c'était elle qui avait l'honneur de faire la cuisine au cochon. Parfois c'était une amie, ou une voisine « habituée ». Le « tueur », d'autre part, avait une certaine expérience. Il savait découper fressure, gros et petits gratons, rôtis, lard, viande à boudins, jambons, etc.
On cuisait la fressure dans un grand chaudron, cela demandait plusieurs heures pendant lesquelles il ne fallait pas cesser de la brasser avec un manche en bois pour ne pas qu'elle « arrime » c'est-à-dire qu'elle s'attache au fond ce qui lui aurait donné un goût de « rimé », de brûlé. Souvent on y jetait une ou deux pièces de cinq francs en argent que l'on remuait elles aussi avec le bâton, sûrs garants d'une bonne cuisson.
Le repas du soir de ce jour était copieux et quelques invités venaient manger « les gratans chauds ».
Pendant que l'on saignait le cochon il y avait toujours une bande de « drôles » et de « drôlières » pour « voir ».
Le tueur ne manquerait sans doute pas de faire sa farce traditionnelle: Il fallait qu'il se rappelle qui avait déjà été attrapé. Alors, avisant un « non initié » et glissant un sourire malicieux aux autres pour en faire ses complices il demandait : — Qui veut la coue do goret, ol é le pu ban mourcia P L'un ou l'autre répondait : :— Y lé oyu la drèfe foué. Chaquin san tour. Té, li, le la jamais oyu. Te la veux bé, pas vrai ! — Oui, disait timidement le novice, mais bien content. — Ban, tu l'aras, baille me ton coutia. L'enfant prêtait son couteau que, prestement, le tueur faisait disparaître dans l'anus du porc. — Ah bé, le m'a échappé.
Te r'vindra l'charchai de s'ré. C'était un éclat de rire général, mais souvent le drôle déçu pleurait.
Il y eut des « tueurs » célèbres à L'Absie et dont on parle encore : le père Gerbier qui tua de 1870 à 1890, le père Bellevue qui lui succéda jusque vers 1910.
Pendant ce temps on entendait les laboureurs « rauder »,on disait aussi « darrioler », c'est-à-dire chanter en conduisant les bœufs attelés à la charrue pour les encourager au travail et les soutenir dans leur effort. A peu près disparu aujourd'hui ce chant prenant, un peu nostalgique, beau cependant dans sa rusticité donnait de la vie a la campagne dont il rompait le silence et meublait la solitude : Cadet pi Meurlet Veuillant pas marchai o fallu darriolai Ohé, ohé, ohé, ohé, mé p'tits valets.
Ces grands boeufs de l, à 5 ans dont certains pesaient de 12 à 1.5oo kilogs étaient d'une force incroyable.
Ils étaient couplés, sauf accident, pour leur vie. Leurs noms de « paires » avaient quelque chose de commun : Lancier-Dragon, Rosier-Fleuri, Lamoureux-Galant, Farinai-Mitron (Meunier-Boulanger), Sergent-Major, Compagnon-Luron, Saladier-Cresson, Attention-Garde à vous, Pinson-Joyeux, Polisson-Fripon, Cabaret-Libertin. On a même connu Mouche-toi-Salaud, ce qui, un jour, failli entraîner une bagarre lorsqu'un piéton croisant l'attelage au moment où le laboureur activait ses deux boeufs, prit pour lui cette parole. On aurait pu croire qu'un lien magique existait entre le laboureur et ses bœufs. Ils s'aimaient vraiment les uns et les autres. Le bon laboureur bien uni à son attelage était fort apprécié.
Aujourd 'hui on ne trouve plus un seul bœuf dans notre région. C'est peut-être dommage.
Certains travaux à la campagne nécessitaient une main-d'œuvre plus nombreuse que celle dont on disposait : déménagement, installation nouvelle, réparations à une maison, à une servitude, récolte du maïs, des haricots, coupage des bois, etc. La solidarité qui jouait alors à plein dans nos campagnes faisait que l'on demandait l'aide bénévole des voisins, à charge de revanche. On se groupait de même pour effectuer des travaux d'intérêts communs, entretien d'un chemin, réparation d'un ponceau, etc. Le travail pour lequel on avait été « peurié » — demandé — terminé, la maîtresse de la maison vous retenait pour une « gueurouée » (i), repas léger au cours duquel suivant les époques on se régalait des pâtisseries traditionnelles, chaque fête ayant sa spécialité. Pour les Rois c'étaient les gâteaux avec la fève, pour la Chandeleur, les crêpes, au mardi-gras, les crêpes et les tourtisseaux, les beignets, pour Pâques, les galettes, à l'Ascension, les cailles, etc.
(1) Le mot gueurouée, n. fém. a plusieurs sens. 1° : troupe, quantité. Y étions toute ine gueurouée : toute une troupe, un grand nombre. A rapprocher du poitevin grouaie, grouée en Vendée, Aunis, Saintonge. 2° : collation servie à une troupe de gens et par extension repas léger pris entre amis.
C'est à une « gueurouée » à La Baraudière que se passa, voici bientôt cent ans cet événement qui jeta la consternation parmi ceux qui s'y trouvaient.
Chaque semaine, à la saison, un grossiste en sardines, qui allait s'approvisionner à La Rochelle, repassait dans notre région vers les 3 heures du matin pour livrer sa marchandise à quelques détaillants qui revendaient, d'abord dans le bourg, puis dans les villages. L'un d'eux, le père J., du Freigner, n'avait jamais pu avancer jusqu'aux maisons de La Baraudière à cause du chien d'un fermier qui était terrible. Un jour, le père J. résolut d'avoir le dessus. Il chargea un vieux pistolet de gros sel et l'emporta avec lui dans sa tournée.
Des que le chien de La Baraudière entendit la corne du père il bondit comme à son habitude à « l'échallai » qui donnait accès au seul sentier convenable pour arriver au village. Le « sardinai » y arrivait. L'homme regarda bien en face son ennemi qui lui montrait les crocs, puis il sortit son pistolet et en envoya la charge dans la gueule grande ouverte du chien qui « s'ébrailla » puis courut se réfugier à la ferme où, au grand étonnement de ses maîtres, il se cacha sous l'un des lits. On tirait de la cheminée un grand chaudron plein de bouillie de blé noir lorsque le père J. arriva proposer ses sardines.
— Bonjour la compagnie. — Attention au chin, père J. Ve savé bé qu'le chti. — Y é pas pou d'veutre chin la mère. - Ve z-en avé pas pou ) Vlé-ve qui l'mette après vous ? - Si ve v'lé. La fermière appela son chien :
Tararin kiss, kiss, Tararin, kiss, mords lou Le chien alors sortit de dessous le lit en grondant et se dirigeait vers le père J. le menaçant de ses crocs lorsque le « sardinai » lui présenta sa main nue et l'on vit cette chose inouïe, le chien, avec un rugissement formidable, faire un bond énorme en arrière, bousculer plusieurs personnes et atterrir dans le chaudron de bouillie brûlante. Ce furent des cris des gens, des cris du chien dans un désordre impossible à décrire. Le chien bondissait dans tous les sens jusqu'au moment où il s'échappa passant à travers la fenêtre en brisant une vitre qui le blessa, pour s'enfuir, comme un fou, à travers les champs ne s'arrêtant que cinq cents mètres plus loin hurlant toujours. La fermière était furieuse:
— Qui que v' z-avé fé à mon chin père J., un chin sî chti ? Ah, y o voué, ve z-êtes sorçai. V'né pu jamais me vrâp avec vos sardines. De ce jour le père J. était devenu sorcier.
A. MICHONNEAU.
Société d'études folkloriques du Centre-Ouest (Loix-en-Ré) et sa publication patoise « le Subiet »
Vienne – Deux-Sèvres –Vendée – Charente-Maritime – Charente et régions voisines.
Fondation de l’Abbaye Royale de l’Absie - Pierre de Bunt ; Giraud de Salle ; Louis VII le Jeune ; Aliénor d’Aquitaine<==... ....==> Légendes du Poitou : Les Hantises du Château féodal de Saint- Pompain (Deux-Sèvres)
(1) Ououche, aouche, cri employé pour chasser les poules, arnââ, arnââ est employé pour chasser les oies.