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PHystorique- Les Portes du Temps
9 janvier 2018

la Chevalerie eut ses âges de vertu, de splendeur et de décadence - Mémoires sur l'ancienne Chevalerie

la Chevalerie eut ses âges de vertu, de splendeur et de décadence - Mémoires sur l'ancienne Chevalerie

De toutes les parties de notre histoire, il n'en est pas de plus intéressante que celle qui nous retrace les mœurs et les usages de nos pères.

Ce sont, pour ainsi dire, de ces vieux portraits de famille sur lesquels on se plaît toujours à jeter les yeux. La gothicité du costume, l'habillement bizarre, le maintien roide et empesé des personnages qu'ils représentent, nous paroissent tout-à-fait plaisants, et nous ne pouvons nous empêcher de sourire du mauvais goût de nos ancêtres. Il est vrai que si ces peintures pouvoient s'animer, elles nous rendroient bien le change.

Ceux dont elles sont l'image ne seroient pas moins étonnés  de ces modes que nous trouvons si élégantes, et dans lesquelles nous nous complaisons si fort. Cependant, à travers les altérations et les déguisements qu’une longue suite de siècles doit nécessairement apporter dans les mœurs et dans le  génie d'un peuple, il est-toujours facile d'apercevoir un fonds de ressemblance qui ne change jamais; aussi un esprit attentif retrouve-t-il encore aujourd'hui dans notre nation tout le caractère des anciens Francs, mélangé de quelques nuances de celui des Gaulois. 

Un des traits qui ont caractérisé davantage le François dans les temps de la Chevalerie, et dont il conserve encore des traces qui le distinguent de toute autre nation, étoit ce goût si raffiné pour la galanterie, cet attachement pour le beau sexe, allié à une bravoure qu'aucun obstacle ne pouvoit arrêter, lorsqu'il s'agissoit de servir les dames et de leur plaire.

 …..

Il n'est aucune institution qui ne doive son origine à des besoins sociaux, et qui ne touche par quelques points à l'organisation d'un État; mais les institutions politiques ou religieuses n'ont une application spontanée, et ne sont soumises à des conditions et à des règles légales que parmi les nations qui commencent ou qui finissent une civilisation. Ainsi la Chevalerie explique le moyen âge; elle en est à la fois l'expression et l'image, comme elle est le résultat de la féodalité, sans que pour cela l'origine de cette législation guerrière soit liée à des monuments authentiques, sans que pour cela il nous soit possible aujourd'hui d'établir, d'après des bases historiques, ses formes originelles, et de suivre dans leur état primitif ses développements et ses progrès.

Là où la raison ne trouve point de preuves positives, l'esprit et l'imagination ont le droit d'intervenir. Leurs suppositions, cessant d'être  systématiques et hasardées, peuvent conduire à la découverte de la vérité. L'apologue fut ta législation, la morale et la mystérieuse histoire des premiers peuples.

Vers le milieu du dixième siècle, quelques nobles pauvres, unis par la nécessité d'une légitime défense, épouvantés des excès que devoit entrainer la multiplicité des pouvoirs souverains, prennent en pitié les misères et les larmes du peuple. Ils se touchent  réciproquement dans la main en invoquant Dieu et saint Georges; puis se vouent à la défense des opprimés, et placent le foible sous la protection de leur épée. Simples dans leurs habits, austères dans leurs mœurs, humbles après la victoire, fermes et stoïques dans l'infortune, ils se créent en peu de temps une immense renommée La reconnoissance populaire, dans sa joie naïve et crédule, se nourrit des merveilleux récits de leurs faits d'armes; elle exalte leur valeur et unit, dans sa prière, ses généreux libérateurs avec les puissances du ciel, Il est si naturel au malheur de diviniser ceux qui le consolent !

Dans ces vieux temps, comme la force étoit un droit, il falloit bien que le courage fût une Vertu. Ces hommes à qui l'on donna, dans la suite, le nom de chevaliers, le portèrent au plus haut degré. La lâcheté fut punie parmi eux comme un forfait impardonnable, et c'en est un en effet que de refuser un appui à l'opprimé; ils eurent le mensonge en horreur, ils flétrirent le manque de foi et la perfidie, et les législateurs les plus célèbres de l'antiquité n'ont rien de comparable à leurs statuts.

Cette ligue de guerriers se maintint pendant plus d'un siècle dans toute sa simplicité primitive, parce que les circonstances au milieu desquelles elle  étoit née ne changèrent  que l’entement; mais lorsqu'un grand mouvement politique et religieux annonça les révolutions qui alloient  s'opérer dans l'esprit humain, la Chevalerie prit une forme l’égale et un rang parmi les institutions.  

Les croisades et l'émancipation des communes qui marquèrent l'apogée du gouvernement féodal, sont les deux événements qui ont le plus contribué à le détruire. La Chevalerie en tira aussi son plus grand éclat, mais elle y perdit bientôt sa vertueuse indépendance, sa simplicité et ses mœurs.

Les rois sentirent les premiers tout le parti qu'ils pouvoient tirer d'une association armée qui tiendroit le milieu entre la couronne et les puissants vassaux qui en usurpoient toutes les prérogatives. Dès-lors les rois firent des chevaliers, et les lièrent à eux par toutes les formes usitées pour l'investiture féodale. Mais le caractère particulier de ces temps re­culés, c'étoit l'orgueil des privilèges, et la couronne ne pouvoit en créer aucun sans que la noblesse ne s'arrogeât la même faculté.

Les possesseurs des grands fiefs s'empressèrent d'imiter les rois; non-seulement ils· s'attribuèrent le droit de faire, des chevaliers, mais ce titre, cher à la reconnoissance de la nation, devint pour eux une prérogative héréditaire.

Cet envahissement ne s'arrêta pas là : les sei­gneurs imitèrent Ieurs-suzerains, et la Cheva­lerie, perdant son ancienne unité, ne fût plus qu'une distinction honorable dont les princi­pes, eurent long-temps encore une heureuse influence sur le sort des peuples.

Tel est le système dont Sainte -.Palaye a accumulé les preuves dans son ouvrage: .Ce système n'étoit  pas cependant dans sa pensée, mais il résulte évidemment de l’ensemble de son travail et de ses recherches.

Les écrivains du moyen âge, entrainés par le cours des idées de leur époque, ne nous ont rien laissé de satisfaisant sur l’origine de la Chevalerie. Les fabliaux et les romans en ne contiennent aucune assertion historique dont nous puissions profiter. Cette littérature sans critique et sans philosophie, comme dans toutes les littératures naissantes, n’avoit d’autres domaines que ceux de l’imagination et du sentiment, et les convenances du goût ne venoient pas encore rectifier ses bizarres exagérations. Quelques souvenirs confus de l’ancienne civilisation ne s’offroient à la pensée des écrivains de ce temps que pour augmenter les contradictions et les anachronismes qui se font remarquer dans leurs ouvrages. Il ne conservoient qu’une vague du passé, et manquoient de toute prévision de l’avenir, parce qu’il est de la jeunesse de la vie ; fière de sa force, elle n’en devine pas le déclin, et ne voit dans le temps qui se succèdent, hélas ! sans se ressembler, que l’éternel prolongement du temps qu’elle embrasse.

Quand nous plaignons des peuples soumis au droit féodal, nous ne faisons pas- attention qu'ils ne concevoient pas l'existence d'un autre droit public. Il est probable que les traditions de la Chevalerie étoient très-modernes au douzième siècle; l'ignorance de ceux qui se les approprièrent ne permet pas d'en tirer aucune lumière utile.

 On trouve cependant dans les roman et dans· les chroniques la preuve du profond respect qu'inspiroit le rang de che­valier, et une image fidèle des mœurs naïves et imposantes de l'époque.

Au seizième siècle on écrivit d'après ces matériaux, imparfaits, et le fatras encore mal débrouillé des chroniqueurs et des romanciers précédents devint la partie essentielle de l'histoire.

A cette époque, on poussa jusqu'à l'extravagance la recherche des origines; on fit abus de la science et de l'érudition, mais il n'y avoit alors dans la littérature ni un goût sûr, ni un véritable discernement, tant il est vrai que les commencements de la civilisation ressemblent à sa caducité ; et que les so­ciétés ont deux enfances comme les hom­mes : celle du berceau, où elles appren­nent lentement la vie, et celle qui arrive avec la décrépitude et qui précède la mort.

 Le dix-septième siècle ne marcha pas dans une voie plus heureuse. La civilisation éner­gique du moyen âge n'existoit plus. La civi­lisation élégante et perfectionnée du grand règne n'existoit pas encore. Alors la ruine to­tale du gouvernement féodal fit disparoitre tout ce qui étoit resté de l'ancienne Chevalerie dans les mœurs de la cour et de la noblesse. Ce qui est digne de remarque, c'est que les libertés des communes el les priviléges des provinces disparurent en même temps que la puissance seigneuriale. L'aristocratie est, dans les monarchies, le boulevard des intérêts po­pulaires. Comme on ne pouvoir plus réclamer de droits, on s'attacha aux distinctions, et la noblesse, soumise au trône sans acception de droits spéciaux, sans priviléges, sans excep­tions, ne s'occupa plus de son ancienne gran­deur que pour y trouver des titres à la consi­dération publique et à des honneurs d'éti­quette, qui devinrent ses seuls avantages. Ce fut l'époque des généalogies et des histoires particulières, où l'orgueil se nourrissoit de vains souvenirs, indemnités frivoles de ses illustrations effacées. A compter de ce mo­ment, l'institution de la noblesse chevaleresque ne vécut que dans les livres.

Il ne resta de ce vieux rempart des libertés publiques que des noms éteints .dans l'oisiveté des cours et des blasons sans gloire. Les insignes, les devises et les couleurs avoient perdu leur éclat en tombant du champ des écus et de la bannière des hommes d'armes, sur les pomneaux des carrosses et la livrée des valets.

Depuis ce temps la littérature française cessa tout-à-coup d'être nationale; la langue épurée se prêta merveilleusement à l'imita­tion des chefs - d'œuvre de l'antiquité.  Les souvenirs de la France moururent, et le ridi­cule se joua, comme c'est l'usage chez nous, de ces épées qui ne pouvoient blesser, et de ces boucliers qui ne protégeoient plus rien.

Tel fut à peu près, sous le rapport littéraire, le sort d'une institution qui fut long-temps utile et brillante, et dont la morale étoit tel­lement basée sur le caractère national des François, qu'on en retrouve encore des traces jusque dans les dernières classes populaires.

Considérée politiquement, la Chevalerie offre des résultats plus satisfaisants aux re­cherches de la science. Il est certain qu'aucun monument public ou particulier ne consacre son existence avant le milieu du onzième siècle. Cependant elle ne fut point créée tout-à-coup, et sa naissance doit être antérieure à cette époque; mais il est un moyen de s'assu­rer autant qu'il est possible de la justesse de cette assertion; c'est de comparer les temps où l'on placeroit son berceau avec ses mœurs et ses statuts.

Sans s'arrêter un seul instant aux supposi­tions inadmissibles de quelques écrivains, qui ont cru voir dans la Chevalerie des Romain le type de la Chevalerie du moyen âge, nous 'examinerons rapidement les systèmes les plus sévères et les plus historiques. L'érudition se­roit ici une chose superflue. Le lecteur ne nous demande que les faits simples et des raisonnements concluants.

Trois opinions principales s'offrent à son examen.

La Chevalerie comme la féodalité est inti­mement unie à la conquête des Gaules; son esprit et ses mœurs étoient dans l'esprit et les mœurs des nations du Nord. Voilà la pre­mière.

La Chevalerie est née sous le règne de Charlemagne; toutes les traditions du moyen âge semblent l'attester; et si les croyances des peuples sont souvent exagérées, elles reposent toujours sur quelque chose de vrai. C'est la seconde.

Selon la: troisième, ce furent les Scandinaves qui introduisirent la Chevalerie dans les mœurs des François. L’Edda et le discours sublime d'Odin contiennent une foule de préceptes, qui ont une conformité évidente avec les préceptes suivis par les chevaliers.

Dans la première proposition, l'opinion sur la Chevalerie se trouve liée à un système plus vaste et plus important, celui de la féodalité. Nous ne l'examinerons un instant que sous le premier point de vue. Comme la plupart des  nations scythiques, qui, vers le quatrième siè­cle, se jetèrent principalement sur l'Occident, les Francs ne combattoient qu'à pied. Ces barbares ne conçurent la nécessité de former de la cavalerie qu'après en avoir apprécié l'ef­fet dans leurs guerres avec les Romains. Elle étoit encore peu connue dans les armées des successeurs de Clovis. Les leudes, ou convives du roi, particulièrement attachés à sa personne, obligés de l'accompagner dans ses voyages ou à la guerre, furent les premiers François qui combattirent à cheval. La recommandation et le serment de fidélité n'ont aucun rapport, même éloigné, avec les loix de la Chevalerie: ces loix ne soumettaient point un homme à un homme sous certaines conditions; elles foisoient contracter au récipiendaire, un enga­gement qui étoit dans l'intérêt de toute la so­ciété, qui le constituoit son défenseur, et qui lui faisoit un crime de manquer à ses devoirs de protection et de courage. En un mot, le chevalier cessoit, pour ainsi dire , d'être sujet, tandis que le fidèle le devenoit plus directe­ment. L'état du fidèle étoit la plus noble des domesticités, celui du chevalier la plus indé­pendante des magistratures.

Une partie de ces raisons peut encore s'ap­pliquer à la seconde proposition; on doit seu­lement ajouter que si la Chevalerie eût été constituée sous le règne de Charlemagne, les capitulaires de ce prince qui réglèrent pres­que toutes les actions politiques, et même celles de la vie privée, n1auroient pas gardé le silence sur une institution aussi impor­tante. Ce système n'est donc pas soutenable. Le grand nom de Montesquieu a beaucoup contribué à faire prévaloir les conjectures erronées que nous formons sur nos origines.

Ce publiciste a trouvé le gouvernement féo­dal dans les forêts de la Germanie, comme si ces peuplades sauvages et guerrières, qui n'avoient aucune idée de la propriété territo­riale, et par conséquent de l'esclavage de la glèbe, avoient pu concevoir une législation qui reposoir principalement sur ces distinctions de la propriété.

Avant Charlemagne, on donnoit des armes en public à un jeune noble; cette cérémonie étoit toute naturelle chez un peuple belliqueux, mais ces ressemblances éloignées ne constituent pas d'identité essen­tielle avec la Chevalerie.

On ne doit point ou­blier qu'avant d'être un ordre à la fois reli­gieux et militaire, la Chevalerie fut simplement une association libre dont le but étoit la défense des foibles , et que les règles de celle association furent long-temps ,sanction­nées par l'usage avant de l’être par les loix générales de la féodalité.

Quant à la troisième proposition, elle seroit peut-être susceptible d'un examen plus approfondi. Il faut convenir que si les Scandi­naves ne furent pas les fondateurs de la Chevalerie, ils peuvent être comptés parmi les causes directes de son établissement.

C'est en effet au milieu des ravages qui suivirent leurs invasions, que la nécessité de l'union et de la défense dut se faire sentir davantage; mais, au fond, il n'y avoit rien dans le caractère des Normands et dans les coutumes qui étoient leurs loix , dont on puisse tirer aujourd'hui l'induction qui nous occupe.

Ces pirates se je­tèrent d'abord sur la France, dans le vague espoir de la piller, et quand ils y eurent borné le cours de leurs brigandages nomades, ils adoptèrent , presque sans restriction , les usa­ges établis avant eux, ou qui s'établissoient à l'époque de leurs migrations.

 Il en est de même chez tous les peuples el dans tous les siècles des conquêtes de la force sur la civilisation. La société change de maîtres, mais ses maîtres changent de loix , et, au bout de quelque temps, il n'y a de nouveau que les dynasties.

Il est du moins un fait qu'il seroit difficile de nier, c'est que la Chevalerie est née sur le sol de la France.

Elle dut son existence à des circonstances qui échappent en partie à nos recherches. Elle s'y fortifia des mœurs pu­bliques et des idées de la nation sur le cou­rage et l'honneur. Elle devint une loi de l'État .quand elle eut, comme on dit aujourd'hui, débordé les autres institutions, et elle devint une loi, par ce qu'il y avoit en elle toutes les conditions de convenance et de nécessité qui donnent aux institutions un caractère légal. Nous ne connoissons rien dans les souvenirs de la France de plus essentiellement françois .

La Chevalerie a laissé après elle des traces profondes de son existence. Elle ne pouvoit  vivre que dans l'état social où elle étoit née. La confusion des pouvoirs, l'absence de la justice presque toujours remplacée par une sordide fiscalité, l'inflexibilité des coutumes féodales légitimèrent son apparition. C'est sous ce rapport qu'elle a eu une importance qui ne méritoit pas la dédaigneuse ingratitude de notre âge. Ses fastes seront long-temps l’ob­jet d'une poétique admiration. On y retrouve tout ce que la valeur a  de plus héroïque, la vertu de plus pur, la fidélité de plus admirable, le dévouement de plus désintéressé.

Cependant, comme tout ce qui porte l'empreinte de la volonté des hommes, la Chevalerie eut ses âges de vertu, de splendeur et de décadence.

Pauvre, énergique et redoutable aux oppresseurs dans la première période , qui fut son temps · fabuleux, on la vit s'asseoir bientôt sur les marches du trône  et planer sur les créneaux des tours féodales; elle fut la tutrice des peuples et la conseillère des rois.

Les nations étonnées reconnurent en elle le lien social et le pouvoir lui-même. Elle créa dans cette seconde période, la politesse et la douceur des manières, et triompha de la résistance d'un siècle rude et sauvage où la noblesse se vantoit de son ignorance; mais dans la troisième, elle se grossit de tous les désordres des temps et devint factieuse et débauchée.

 Ce fut pourtant à celle époque que naquirent les Bayard et les Crillon, comme dans l'antiquité Rome, soumise à d'exécrables tyrans, vit encore briller quel­ques grands courages, et se ranimer quelques traditions de ses vieilles vertus.

L'étude de l'histoire de la Chevalerie n'étoit pas appréciée il y a un demi-siècle; il semble qu'aujourd'hui l'esprit humain, fatigué des innombrables innovations qu'on lui a fait su­bir, tende à se rapprocher du moins par les lettres des âges précédents.

Ce n'est pas la circonstance la moins remarquable de notre temps, que les coutumes de nos pères nous paroissent moins barbares, à mesure que la civilisation excède toutes ses limites. La naïveté d'expression qu'on-trouve dans les vieux romanciers, une simplicité admirable répan­due dans les mœurs qu'ils décrivent , je ne sais quel sentiment universel d'opposition qu'explique trop bien le contraste des inno­vations étourdies d'une législation improvisée, et des besoins secrets de tous les cœurs et de toutes les imaginations depuis les grands mouvements qui ont ébranlé la société, donnent un grand charme à l'étude de notre ancienne littérature.

Il en est des sociétés perfectionnées comme de l'homme dans sa force, qui se désabuse de ses illusions en les touchant. Toutes ses pensées se reportent vers son enfance, et il ne se dédommage des erreurs de sa raison qu'en repassant les rêves charmants de son inexpérience et de sa crédulité.

L'histoire des savants n'est presque jamais que celle de leurs ouvrages. La Curne de Sainte-Palaye étoit né à Auxerre en 1697 il mourut en 178 1. Cette longue carrière fut remplie par le travail, et si deux fois les hon­neurs académiques en varièrent la sage uni­formité, on peut croire que Sainte-Palaye les attendit et ne les poursuivit pas. Les biogra­phes disent que ses derniers moments s'écou­lèrent dans une profonde tristesse, et on conçoit aisément que l'écrivain qui avoir passé près d'un siècle à méditer sur les mœurs des âges d'innocence et de loyauté, n'ait pas vu la société moderne sans quelque mélange d'a­mertume. Il avoit les ans de Nestor, et à meil­leur droit que Nestor, il pouvoit se flatter d'avoir vécu parmi de meilleures générations d'hommes, car toutes les générations anté­rieures lui appartenaient.

L'éloge de La Curne de Sainte-Palaye est dans son ouvrage où l'homme consciencieux se révèle aussi souvent que l'homme instruit. Les Mémoires sur l'Ancienne Chevalerie, dont nous donnons une nouvelle édition, sont re­marquables par l'exactitude des faits, la sim­plicité élégante du style et un intérêt que la discussion ne détruit pas. Cet ouvrage parut d'abord en deux volumes in-12 , en 1759; mais en 1781, bien peu de temps avant sa mort, Sainte-Palaye y ajouta un troisième volume qui contenait avec ses Mémoires sur la Chasse, le Poème du vœu du Héron, la Vie de Mauny et plusieurs autres fragments précieux pour l'histoire du moyen âge.

 Notre travail s'est réduit à placer ces divers mor­ceaux dans un ordre qui nous a paru plus convenable. Nous avons d'ailleurs religieuse­ment respecté le travail de Sainte-Palaye; quelques notes seulement expliquent ce que le texte nous a paru offrir d'inexact ou de dé­fectueux. ·

Ch. NODIER. (1826)

La Curne de Sainte-Palaye, Jean-Baptiste de (1697-1781)

 

 


 

 

La vie d'Aliénor d'Aquitaine (la pensée poétique et chevaleresque des troubadours)

Aliénor d'Aquitaine fut l'un des personnages les plus marquants du Moyen Age. Son rôle politique en tant que femme, et sa longévité, sont les principales raisons de cette notoriété. Il y aurait dans son existence des faits assez remarquables pour attirer sur elle notre attention de chaque instant, puisque le nom de cette femme se trouve le premier inscrit sur des chartes qui ont confirmé dans notre pays les libertés municipales.

 

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