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PHystorique- Les Portes du Temps
28 juillet 2022

1842 Découvert du sceau de Jean de Torsay lors de la démolition du château de la Mothe Saint-Héray

1840 Château de La Mothe Saint Héray avant sa démonlition

 

La terre de La Mothe-Saint-Héray se composait de deux seigneuries distinctes, La Mothe et Saint-Héray, qui, bien que réunies dans une seule main dès le xv" siècle, devaient rendre hommage à deux suzerains différents.

C'est vers 1260, et lorsque, après la défaite des barons poitevins à Taillebourg, Alphonse, comte de Poitou, eut créé au profit de la couronne a un vaste domaine féodal uniquement composé de biens confisqués sur les Lusignan ou détachés de leur mouvance, qu'avait eu lieu la disjonction définitive des deux châtellenies qui, aux mains des fils de Mélusine, et jusqu'alors vassales de l'abbaye de Saint-Maixent, relevèrent désormais, l'une du roi La Mothe et son château, l'autre, Saint-Héray et l'église de l'abbé de Saint-Maixent (A. Richard).

La terre de La Mothe, érigée en baronnie (1487), puis en marquisat (1633), était tenue « du roy nostre sire, accause de sa tour de Maubergeon size en la ville de Poictiers, à foy à hommage lige et serment de fidellité au debvoir d'ung franc d'or du poix de trois deniers d'or fin apretié à quatre livres dix sols, à muance d'homme ». (Aveu du 2 mars 1621.)

La châtellenie de Saint-Héray rendait à l'abbé de Saint-Maixent « foy et hommage lige au debvoir d'une peau de cerf pour couvrir les livres de lad. abbaye, à muance de seigneur quand le cas y advient, ». (Aveu du 16 août 1578.)

 

MESSIEURS,

Le sceau dont je viens vous parler aujourd'hui, curieuse relique du temps passé, est en bronze, de 45 millimètres de diamètre.

Au centre existent des armoiries, qu'en termes de blason on peut caractériser ainsi, d’argent chargé au milieu d’un écusson de sable.

Ces armoiries sont entourées d'une guirlande de fleurs, que ceint un hexagone à côtés courbes, décrit dans un cercle.

 En dehors de ce cercle se lit la légende suivante:

 

LE:SEEL: DE LA CHASSTELERIE DE LA MOTE SAINT ELOY.

 Enfin, en dehors de cette légende, existe un simple filet qu'entoure un grenetis.

Ce sceau est dans un état parfait de conservation, et a été trouvé en démolissant les soubassements du château de la Mothe-Saint-Héray.

Des fautes considérables existent dans la légende; le graveur a écrit chasstelerie pour chastellenie, puis Saint-Eloy pour Saint-Eroy, faute qui s'est reproduite bien souvent, et qui n'est, nous l'avons prouvé ailleurs (1) qu'une orthographe vicieuse du nom de Saint-Héray.

Ainsi c'est bien de la châtellenie de la Mothe-Saint-Héray que l'on veut parler ici.

Mais de quelle époque est ce sceau? A quel seigneur appartenait-il ?

Voilà deux questions qui se présentent tout d'abord à l'esprit : leur solution peut n'être pas sans intérêt, nous allons essayer d'y répondre.

De prime abord, l’inspection de la forme des lettres de la légende peut donner une limite de temps, une époque approximative, le quinzième siècle. Mais cela ne suffit pas, précisons les faits.

Au quatorzième siècle, la seigneurie de la Mothe-Saint-Héray était divisée en deux châtellenies, celle de la Mothe et celle de Saint-Héray (2), qui furent réunies entre les mains de Jean de Torsay par l'acquisition qu'il en fit en 1401 et 1404.

 Ainsi la gravure de notre sceau ne peut être antérieure à cette dernière date.

D'un autre côté la châtellenie de la Mothe fut érigée en baronnie par lettres-patentes données à Paris, au mois de janvier 1487.

 C'est donc entre ces deux limites, 1404-1487, qu'il faut chercher le seigneur qui fit graver ce sceau et qui y mit ses armes.

Cinq seigneurs ont possédé la châtellenie de la Mothe-Saint-Héray pendant cette période de quatre-vingt-trois années ce sont Jean de Torsay, André de Beaumont, Jean de Rochechouart Philippe de Melun et Jacques de Beaumont.

Les armes gravées sur ce sceau appartiennent au premier, dont le cachet, apposé à un acte du 9 mars 1418 est un écu chargé d'un écusson au milieu (3).

Puisque nous savons que Jean de Torsay a fait graver ce curieux monument d'un temps déjà bien loin de nous, permettez-moi de vous présenter sur ce seigneur quelques détails biographiques qui ne manqueront pas de donner plus de valeur et de curiosité à ce sceau.

 

 

 

Fils de Guillaume II de Torsay (4) et de Talaisie de Châtenet, qui était veuve en premières noces, de Louis de Vivonne, seigneur de Champdeniers.

Le chevalier Guillaume II de Torsay, seigneur de la Roche Ruffin, le sénéchal de Saintonge pour le roi de France : c’était l’une des plus ancienne familles du Poitou, et le nom de Torsay, figure avec honneur dans une charte octroyée, en 1087, à Notre Dame de Lusignan (4)

Sa vie, trop courte, mais toute au devoir, en porte le glorieux témoignage. Inébranlable dans la foi qu’il avait jurée à son prince, il fut un de ces rudes soldats, toujours prêts à combattre, jamais découragés, qui serrés autour du fantôme royal à l’heure la plus sombre de notre histoire, préparèrent par une résistance énergique l’œuvre libératrice qu’un miracle seul pouvait achever.

Au temps où Jean de Torsay acquérait les terres de la Mothe Saint Héray, le comté de Poitou était apanagé à Jean de Berry, le troisième des fils de l’infortuné Jean le Bon, l’oncle du roi Charles VI.

C’est au service de ce prince, bien français (5) que notre châtelain fournit la brillante carrière qui devait le conduire aux plus hautes charges du Poitou.

Dès l’année 1397, notre chevalier était auprès du comte en qualité de chambellan. Investi bientôt du haut commandement de la province.

Le 9 août 1404, Jean de Torsay acheta de Charles d'Albret, connétable de France, « la ville, chastellenie et terre de Saint-Héray, avec toutes leurs appartenances, droits et appendences maisons, terres, hommes, hommages, péages, etc., etc. »

Par ce fait voici les deux seigneuries réunies en une seule; elles n'ont plus qu'un maître qui a tout acheté, hommes et terres, redevances et châteaux.

Jean de Torsay fut nommé sénéchal du Poitou en 1405.

Peu avant d'être promu à cette place, il avait épousé Marie d'Argenton, dame de la Roche Ruffin et de Gacougnolle.

C’est au titre de sénéchal du Poitou qu’au printemps de l’année 1405, il alla, avec les contingents saintongeais, mettre le siège devant Brantôme dont s’étaient emparés le sire de Mussidan et son gendre pour leurs amis les Anglais.

La résistance dura deux mois au bout desquels, le lundi de la Pentecôte, la place ouvrit ses portes au parti français (6).

Pendant ce temps, de grands démêlés s'étaient élevés entre la maison d'Orléans et celle de Bourgogne, la guerre avait commencé, Paris était assiégé au mois de septembre 1405, il y vint avec cent hommes d'armes.

Les événements politiques auxquels il était mêlé, ne l'empêchaient pas de songer à l’agrandissement de ses domaines.

Au commencement de l’année suivante, Jean de Torsay prenait un part active à l’expédition que le connétable d’Albret dirigeait alors dans la Guyenne anglaise.

Trois ans après, le roi l’envoyait à Gênes, au secours du maréchal Boucicaut à qui Charles VI avait confié le gouvernement de cette ville et qu’une révolution devait bientôt en chasser.

A son retour, et pour prix de ses services, Torsay fut pourvu de la capitainerie de Fontenay-le-Comte.

Le 22 juin 1408, il acheta de «  honorable homme et sage maistre Jehan de la Fayolle son lieu et hébergement de Beauvoir assis en la ville de Saint-Eroye. »

C’est en ce temps que s’éleva, entre les maisons d’Orléans et de Bourgogne, cette rivalité funeste qui, aux ruines accumulées par l’occupation étrangères, devait ajouter les horreurs d’une guerre civiles.

La province de Poitou fut une des premières à ressentir les secousses de la tourmente. Visant leur adversaire à la tête, les Bourguignons avaient résolu d’aller frapper, jusqu’au centre de ses états, Jean de Berry, l’un des principaux chefs du parti armagnac.

Dès les premiers jours de l’année 1412, leurs troupes, envahissant le Poitou que le connétable d’Albret défendait avec des forces insuffisantes, en occupèrent successivement toutes le splaces fortes.

 Malgré la résistance de Jean de Torsay, qui tenait encore dans Niort à la date du 19 février, cette ville capitula à son tour, et le pays allait passer sous la domination du duc de Bourgogne, lorsque l’insuccès de ce prince devant Bourges amena la paix entre les deux factions.

Le traité, conclu à Auxerre le 22 aout, restituai le Poitou à Jean de Berry. Torsay, l’un des commissaires qui, le 6 septembre, vinrent en reprendre officiellement possession au nom de leur maitre, fut doté à cette occasion, d’une pension annuelle de 1,000 livres.

Ne croyant pas avoir assez fait pour ce zélé serviteur, le comte de Poitou, à quelques années de là (8 janvier 1415), demanda et obtint pour son vaillant sénéchal, après la mort de sire de Rambures,  la charge de grand maitre des arbalétriers de France (5) à 2,000 livres de gages : ce fut la dernière faveur de ce prince qui mourut peu après, le 15 juin 1416.

 

A peine investi de ce haut commandement, Jean de Torsay alla en Saintonge ou, de concert avec Tanneguy du Châtel, sénéchal de la province, il organisa au nom du roi et du dauphin, le gouvernement de ce pays que les Anglais, devenus plus audacieux depuis leur victoire à Azincourt, pillaient sans miséricordes (8).

De là, il se rendit à Poitiers, au printemps de l’année 1418, pour y sonder l’esprit de la population et s’assurer de ses dispositions pour le cas où la situation précaire du pouvoir royal nécessiterait un appel au dévouement des habitants.

L’enquête fut favorable aux Poitevins chez lesquels, d’ailleurs, les Bourguignons ne comptaient que de rares partisans. Aussi, lorsque la trahison eut livré Paris à Jean sans Peur (29 mai 1418), c’est au milieu d’eux que le dauphin, vint chercher un refuge, c’est à Poitiers que, prenant le titre de régent du royaume, il établit le centre de son gouvernement qui s’étaient dévoués à sa fortune.

A ces fidèles vint se joindre notre châtelain, apportant à la défense nationale l’aide de sa loyale épée. Quand le sire de Parthenay, par son attitude hostile, obligea le dauphin à mettre le siège devant sa ville.

Jean de Torsay fut chargé, par lettre du 22 mars 1419, de diriger l’attaque conjointement avec Philippe d’Orléans, comte de Vertus.

Leurs efforts réunis ne purent triompher de la résistance de Jean l’Archevêque, et le siège dut être abandonné, après une convention conclue, le 31 aout, entre les belligérants.

L’année suivante, l’infatigable capitaine tenait compagne en Saintonge et en Angoumois, ou il commandait, avec le sire de Mareuil (9), une expédition « sur la frontière des ennemis ».

 Le dauphin, étant devenu roi sous le nom de Charles VII, l'envoya prendre Marennes, en 1423, et deux ans après lui donna la capitainerie de Saint-Maixent.

Jean de Torsay fit son testament à Poitiers, en 1428, et y mourut, peut- après, remplissant encore les fonctions de sénéchal du Poitou.

 Il fut inhumé dans l'église de Notre-Dame-la-Grande, dans la chapelle de Saint-Clair qu'il avait fondée.

 Le corps de ville de Poitiers y faisait faire un service solennel pour lui, tous les ans, au mois de novembre, en exécution de son testament.

D'après ces données, le sceau qui vient d'être découvert, et que je vous signale, appartenait à Jean de Torsay seigneur de Lezay, de la Mothe-Saint-Héray, de la Roche-Ruffin, de Gacougnolle, etc., chambellan du roi et du duc de Berry, sénéchal du Poitou, maître des arbalétriers de France.

II a été gravé de 1405 à 1428 à cette époque la gravure des sceaux et des monnaies n'était pas assez soignée pour que nous ayons à louer la beauté de celui-ci, mais son ancienneté et sa provenance, lui assurent, nous l'espérons, une place au musée départemental.

 

 

La Mothe Saint Héray, le 10 février 1845

 

 

 

5 Le chateau de La Mothe et ses dependances

A Glacière ; B Salle de garde ; C Prison ; D Pont-levis ; E Fuie ; F Basse-cour ; G Moulin du château ; H Jardin à la française ; I Galerie, J Pavillons ; K Canal ; L Potager ; M Verger ; N Sèvre Niortaise.

 

Du château réaménagé par Jean de BAUDEAN au début du XVIIe siècle, appelé plus tard « le petit Versailles », il ne reste rien.

En 1801, c’est un autre célèbre propriétaire, le Général MURAT, qui fera l’acquisition de ce magnifique domaine avant de le céder quelques années plus tard à son beau -frère NAPOLEON 1er en devenant roi de Naples.

Après la mort du Général Mouton, comte de Lobau, la propriété revient à l’Etat qui le met en vente en 1840.

Les acquéreurs, marchands de biens, revendent le château pierre par pierre ; il disparaitra en 1842.

L’Orangerie fut construite en 1640 sur commande du Seigneur Henri de BAUDEAN, Comte de Parabère, puissant personnage du Poitou.

L'orangerie se présente comme un corps de bâtiment qui s'ouvre au rez-de-chaussée et du côté sud, par cinq arcades en anse de panier. Au premier étage, une salle est percée, du même côté, de six hautes fenêtres à meneaux et de trois portes dont celles des extrémités s'ouvraient sur les galeries qui conduisaient à deux pavillons carrés.

Ce premier étage est surmonté d'un entablement dont la corniche est à modillons. Les portes sont surmontées d'entablements et de frontons. Ces constructions étaient édifiées au milieu de parterres où se trouvait une pièce d'eau.

Dépouillé des riches tentures, de son mobilier et des œuvres d’art, ses sculptures seront également dispersées dans La Mothe et aux quatre coins du pays.

Des boiseries peintes de la chapelle ont cependant été sauvées et sont à découvrir au Musée d’Agesci de NIORT.

Quelques linteaux et dessus de portes sont également exposés dans la galerie haute de l’Orangerie.

En 1840, L’Orangerie et les pavillons seront sauvés de la démolition car transformés en logements.

château de La Mothe Saint Héray

Mais en 1925, la GALERIE n’est qu’une ruine. Heureusement classée à L’inventaire des Monuments Historiques, elle sera sauvée de la démolition et une longue restauration, échelonnée sur une quarantaine d’années, sera alors entreprise.

Dans les années 1990, la commune, soutenue par l’Etat, la Région et le Département, s’engage dans un projet ambitieux de travaux pour réhabiliter l’ensemble du site.

 

 

 

 

Mémoires de la Société de statistique du département des Deux-Sèvres

Les seigneurs, le château, la terre de La Mothe-Saint-Héray par le Dr Prouhet

 

 

 

 1645 et 1718. Aveu et état descriptif du château et du marquisat de la Mothe Saint-Héray <==.... ....==> L’église de La Mothe-Saint-Héray a été bâtie à partir de 1490 au cours de la période de paix qui a fait suite à la guerre de cent ans par Jacques de Beaumont Bressuire

 

 

 


 

(1) Mémoires de la Société de Statistique, tom. IV, p. 64.

(2) Mémoires de la Société de Statistique, tom. V, p. 101.

(3) Histoire des Grands Officiers de la Couronne, tom. VIII, p. 69.

(4) Les auteurs de l'ouvrage cité dans la note précédente, se trompent en disant que Guillaume de Torsay vivait encore en 1405 et est qualifié, dans des actes, de seigneur de la Roche-Ruffin et déjà Mothe-Saint-Héray. L'erreur est flagrante.

L’abbé Cousseau, Mémoire histo. Sur l’église N-D. de Lusignan, Mém. De la soc. Des Antiq. De l’Ouest, 1er, XI , 309.

(5). Lire, dans La France pendant la guerre de Cent ans, par M. Siméon Luce, le portrait de cette figure originale, dont les traits principaux- aspirations idéales, gouts artistique- se retrouvèrent bientôt, mais dévoyés et combien dénaturés  par un mysticisme malsain, dans Gilles de Rais, le légendaire Barbe-Bleue.

(6). C’est du Recueil des documents concernant le Poitou, p. p. M. P. Guérin dans les Arch. Hist. Du Poitou, XXVI, que j’ai extrait la plupart des notes sur Jean de Torsay.

(7). Le maitre des arbalétriers fut établi par saint Louis pour commander les arbalétriers à pied et à cheval, les gens de pied, les archers, en un mot, tout ce qui ne faisait pas partie des compagnies de cavalerie. Il avait aussi sous ses ordres un certain nombre de cavaliers qui lui formaient une sorte de garde et qu’il ne faut pas confondre avec les arbalétriers à cheval. La charge de grand-maitre des arbalétriers fut supprimé par François 1er et une partie de ses fonctions passa au grand-maitre de l’artillerie » E. Boutarie, Institutions militaires de la France, 272.

Vencenti Lupani de Magistratibus Francorum, lib. Ip.432, dans le Respublica Galliae. Lugdubu-Balavorum, ex officina Elzevirianâ , 1626.

(8). Denys d’Aussy, la Siantonge pendant la guerre de Cent ans, Bill. De SOC. Des Archives de Saintonge et d’Aunis. XIX ? 373.

(9). Geoffroy de Mareuil, chevalier, seigneur de Mareuil et de Villebois, sénéchal de Saintonge, ancêtre du colonel de Villebois-Mareuil, mort (5 avril 1900) dans les rangs de l’armée des Boers.

 

 

 

 

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