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PHystorique- Les Portes du Temps
6 mai 2024

Niort la Peste de 1603

En 1603, le 7 mai, jour de la grande foire, le temps était chaud et magnifique; Niort regorgeait d'étrangers, toutes les hôtelleries étaient pleines; la foire devait durer quinze jours.

Le soir, à la nuit, le maire, Etienne de Savignac, seigneur du Vieux-Fourneau, accompagné de quatre échevins, de ses deux huissiers qui portaient des torches et d'un peloton de miliciens, faisait sa ronde de, police. (Mairie de Niort.)

Comme le maire arrivait à la porte de l'hôtel de l'Heljutée, situé au bout des halles, près du Four Noir, un homme en sortait précipitamment et faillit le renverser.

« Que se passe-t-il donc dans votre hôtellerie, maître Christophe Joyneau ? » dit M. de Savignac, « on entend des cris et vous avez l'air bien pressé ! — Monseigneur, répondit l'aubergiste, un marchand de La Rochelle vient d'être frappé d'apoplexie, il est là-haut gisant sur le plancher dans la chambre du premier étage, et je cours chercher le chirurgien, maître François Landrault. »

« Allez donc, dit le maire, et pendant votre absence nous entrerons dans votre maison et nous constaterons, s'il y a lieu, la mort subite de ce marchand. »

Et le cortège, s'engouffrant dans le large couloir de l'hôtellerie, gagna la chambre où en effet, par terre, se trouvait le marchand, la figure vultueuse et ne respirant plus.

Quelques instants après arrive le chirurgien, maître Landrault.

Il se penche sur le malade, se met à genoux pour le mieux voir, écarte ses vêtements, met à uu sa poitrine livide, tachetée de noir, et se relève horriblement pâle !

« Monseigneur, dit-il, cet homme est mort de la peste. »

« Silence, s'écrie M. de Savignac, que personne ne soupçonne cette terrible vérité ! »

Mais, hélas ! il était trop tard : la chambre était pleine de domestiques de l'hôtellerie, des marchands, de leurs valets.

 

Deux heures plus tard l'auberge était vide, la ville entière connaissait la nouvelle, et le lendemain, au petit jour, les trois portes ne pouvaient suffire à la foule qui se sauvait effarée.

Dès le jour suivant la contagion éclatait dans la ville, si remplie, si brillante, si affairée, et les 6 et 7 mai, tout ce qui pouvait quitter Niort refluait dans les campagnes et semait la maladie aux quatre points de l'horizon.

Aussitôt les échevins et les pairs se réunirent à l'hôtel de ville sous la présidence du maire, Etienne de Savignac, assisté de Jean Maigrin, écuyer, sieur d'Aille, lieutenant général du sénéchal à Niort, Aulbin Girault, écuyer, sieur de Gourfailles, lieutenant particulier, Jacques de Villiers, procureur du roi, puis treize échevins et dix-sept pairs du Corps de Ville.

A l'unanimité l'assemblée décida l'enlèvement des immondices, le nettoyage à fond des égoûts, la mise à mort des porcs, des chiens et des pigeons, véhicules possibles de la terrible maladie ; les pauvres étrangers, en nombre considérable, qu'avait attirés la foire, furent chassés ; il fut formé un corps de pionniers chargés d'enterrer les morts le matin au petit jour : les maisons contaminées où il y avait eu des décès furent fermées à cadenas ; des garçons barbiers furent appelés pour remplacer les médecins qui avaient fui et on leur promit leur diplôme sans frais et sans examen, à la fin de l'épidémie, pour prix de leurs services.

Bref, toutes les précautions les plus sages furent prises sans que rien indique malheureusement qu'elles aient été efficaces.

Logis de l'Hercule

Car la peste, l'affreuse peste noire, dura sept longs mois et ne se termina qu'en décembre. Mais ce qu'il y eut d'admirable, Mesdames et Messieurs, c'est la conduite du Corps de Ville en cette malheureuse conjoncture.

Pas un de ceux qui le composaient ne voulut quitter la ville, et ils le pouvaient, car ils étaient tous riches ou à l'aise et la plupart avaient des maisons, des champs.

Le 11 juin, le maire, Etienne de Savignac, transmit ses fonctions à Nicolas Gattet, sieur de La Roche, mais il resta à son poste à côté de lui, partageant ses dangers et comme lui surveillant, administrant, distribuant les aumônes et les médicaments.

La conduite de Nicolas Gattet excita une si vive admiration que l'année suivante, par une exception unique dans nos annales, il fut, par acclamation, réélu maire et continua ses fonctions pendant deux ans.

L'histoire, Mesdames et Messieurs, a conservé les noms des courageux citoyens qui assistèrent ces deux hommes de bien et de grand courage.

Tous ces noms appartiennent à des familles qui ne sont pas encore éteintes ; elles peuvent à juste titre s'enorgueillir de compter de tels hommes parmi leurs ancêtres.

Car vous remarquerez que l'héroïsme des champs de bataille est beau et digne de gloire, mais la bataille dure un jour, deux jours : ces hommes ont été des héros pendant sept mois.

Voici, Mesdames et Messieurs, les noms de ces modestes soldats de l'humanité.

Jacques Pastureau, Symon Demairé, Philippe Chalmot, Pierre Rousseau, Laurent Thobot, Jacques Jacquelin, Louis Arnauldot, Jacques Manceau, Pierre Sabourin, Pierre de Savignac, Benjamin Ferré, Noël Piet, André Hersant, Pierre Pelletier, Pierre Thibaud, Jean Bernier, Louis Viette, Jean Dabillon, Sébastien Assailly, Jean Texier et Pierre Roy.

Gardez-les dans votre mémoire, Mesdames, dans votre cœur, qui est le plus beau livre d'or de notre Cité.

VAN DER CRUYSSEN.

La tradition en Poitou et en Charentes : art populaire, ethnographie, folklore, hagiographie, histoire

 

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