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PHystorique- Les Portes du Temps
4 mai 2024

Collégiale Saint-Mexme de Chinon

Le tombeau de saint Mexme continua d'être en grande vénération et d'attirer un nombreux concours de pèlerins, jusqu'à l'année 1562, époque à laquelle la ville de Chinon ayant été prise par les protestants, les reliques du saint furent brûlées et jetées au vent par ces intolérants sectaires.

Il peut se faire toutefois que quelques parcelles du corps de saint Mexme aient échappé à la fureur des calvinistes.

Dom Housseau rapporte que les chanoines de Saint-Masce, de Bar-le-Duc, honoraient saint Mexme comme leur patron, et prétendaient posséder ses reliques.

Cette prétention était appuyée sur une charte de l'année 1022, rapportée par les Bénédictins dans les Preuves de l'histoire de Lorraine.

« Un chevalier, dit cette charte, ayant fait construire un oratoire, dans le château de Bar, sous l'invocation de la très-sainte Vierge, du martyr saint Étienne, et de tous les saints, l'enrichit plus tard des reliques du pieux confesseur saint Mexme, apportées du pays de Touraine.

Postea ipse decoravit consecratum oralorium de reliquiis pretiosissimi confessons Maximi ex Turonicis partibus divina dispositions delatis. »

Les chanoines de Saint-Masce prétendaient posséder le corps entier de saint Mexme.

Cette prétention était évidemment erronée; tous les documents s'accordent pour constater que le corps de saint Mexme demeura à Chinon jusqu'à l'année 1562.

Dom Housseau démontre la cause de cette erreur; elle provenait d'une fausse interprétation du mut reliquiis, qui ne signifie pas ici le corps entier, mais seulement une portion du corps.

Avec la grâce de Dieu et la protection de son saint - .confesseur, le monastère de Saint-Mexme prit un rapide accroissement. La piété des fidèles l'enrichit d'abondantes donations. De nombreux et fervents chrétiens venaient demander à prendre l'habit monastique et à s'enrôler dans la sainte milice des serviteurs de Dieu. Le nombre des moines s'éleva quelquefois jusqu'à cent. Dom Mabillon rapporte qu'ils suivaient la règle de saint Benoît.

L'auteur de la vie de saint Germain, évêque de Paris, nous apprend que ce saint prélat s'arrêta dans le monastère de Saint-Mexme, lorsqu'en 560 le roi Clotaire l'envoya vers sainte Radegonde, alors à Poitiers.

L'abbé qui gouvernait le monastère se nommait Flammenius.

On rapporte aussi que Robert, abbé de Saint-Florent de Saumur, étant tombé malade dans le monastère de Saint-Mexme, y mourut, et fut enterré dans l'église.

Dom Huines, dans son histoire manuscrite de l'abbaye de Saint-Florent, nous apprend, en effet, que les monastères de Saint-Louans et de Saint-Mexme de Chinon furent ruinés par les hordes normandes, qui, à cette époque, ravagèrent plusieurs de nos plus riches provinces.

 Les moines de Saint-Mexme étaient tombés dans une grande pénurie ; les revenus de l'abbaye ne pouvaient suffire à leur entretien et à leur nourriture. Théotolon, archevêque de Tours, eut pitié de leur dénûment. A la prière d'Élie, abbé du monastère, il exempta leur église des droits appelés sinodum et circadum, et de tous autres droits qui pourraient être perçus par les archidiacres à raison de leurs fonctions; et cela, dit la charte qui consacre cette libéralité, à cause de leur pauvreté.

Cette charte est du mois de mai de l'année 939. Il donna en même temps à l'abbaye plusieurs héritages, pour subvenir à la nourriture et à l'entretien des religieux.

Malgré la bienveillante protection et les généreuses libéralités de l'archevêque Théotolon, le monastère de Saint-Mexme ne put sans doute se relever de l'état de ruine ou l'avaient plongé les invasions des barbares.

Il est à croire que ses pieux hôtes l'avaient abandonné, chassés peut-être par les hordes normandes ou par un ennemi presque aussi implacable, la misère, lorsqu'à la fin du Xe siècle, Archambauld de Seuilly résolut d'y établir un collège de chanoines. Le généreux prélat pourvut à leur subsistance en les dotant libéralement de ses propres biens. L'acte de donation fut approuvé par le roi Robert en l'année 990.

Plusieurs historiens ont disserté sur l'époque probable de la sécularisation de l'abbaye de Saint-Mexme, et aucun que nous sachions n'a assigné à cet événement sa véritable date. Toute indécision est impossible, suivant nous, en présence de la charte de 990.

Nous y voyons Archambauld de Seuilly supplier le roi Robert de confirmer la donation qu'il venait de faire aux chanoines établis par lui dans le monastère de Saint-Mexme : Canonicis (sancti Maximi) quos in ejusdem sancto monasterio constituerat.

 Archambauld de Seuilly monta sur le siège archiépiscopal de Tours en 986, c'est donc entre cette date et celle de l'acte que nous venons de citer que l'on doit placer la sécularisation du monastère de Saint-Mexme.

Dans ces temps, les colléges de chanoines étaient assujettis à une règle commune, conformément aux prescriptions du concile d'Aix - la - Chapelle, tenu en 816. Ils vivaient retirés du monde, sans être toutefois liés par des vœux. Ils habitaient un même cloître, mangeaient à la même table, et vaquaient ensemble à la prière et aux exercices spirituels.

Ces statuts durent être ceux de la collégiale fondée par Archambauld de Seuilly. Le nombre des chanoines fut fixé à quatorze, puis réduit plus tard à douze. Une des prébendes supprimées servit à l'entretien de quatre enfants de chœur, quatre enfants d'aube, comme on disait autrefois. Le treizième chanoine était le principal du collège; plus tard, il ne fut plus que chanoine honoraire.

Le chef du chapitre s'appelait le chefcier ; il était à la nomination de l'archevêque de Tours. Ce titre lui donnait le droit d'officier aux grandes fêtes et de présider les quatre chapitres généraux. Il y avait en outre un théologal, un promoteur, et un écolâtre, chargé de faire l'école aux clercs.

En prenant possession du monastère de Saint-Mexme, les chanoines durent songer tout d'abord à reconstruire leur église, qui se trouvait dans le plus triste état de délabrement.

 

La nef actuelle, malgré la transformation qu'elle a subie, offre en effet à l'extérieur tous les caractères des constructions du Xe siècle : pierres de petit appareil, séparées par une couche épaisse de mortier, fenêtres étroites, sans colonnes, et surmontées par une archivolte garnie de billettes.

Nous ne croyons donc pas nous écarter de la vérité, en attribuant aux premiers chanoines de Saint-Mexme la construction de la nef principale de l'église collégiale. Nous pouvons même ajouter que ce travail dût avoir lieu peu de temps après leur installation dans le monastère.

Nous allons bientôt voir Bernard, surnommé le Bon, agrandir cette église en construisant le porche avec les deux tours qui l'accompagnent.

Dans le récit si intéressant des miracles de notre saint confesseur, nous avons vu le bon prêtre Bernard dépenser la plus grande partie de sa fortune pour augmenter l'église de Saint-Mexme.

Désirant achever l'œuvre qu'il avait commencée, Bernard envoie son vin à Nantes, dans l'espoir d'en tirer un prix plus avantageux.

Les officiers de la comtesse de Nantes veulent s'emparer d'une partie de ce vin, mais ils en sont empêchés par le miracle que nous avons rapporté plus haut. Ce simple récit nous permet de fixer d'une manière presque certaine l'époque de l'achèvement de la basilique de Saint-Mexme.

Nous voyons en effet qu'à l'époque où se passa cet événement, le comté de Nantes était possédé par une femme. Or ceci ne peut s'appliquer qu'à Judith, qui tint ce comté depuis l'année 1051 jusqu'à 1064.

C'est donc entre ces deux dates que l'on doit placer l'achèvement de l'œuvre entreprise par Bernard.

Le porche, le narthex, les deux tours, à part quelques reconstructions et réparations du XVe siècle, portent, en effet, le cachet des constructions de la première moitié du XIe siècle.

L'archéologie rend ici témoignage à la véracité de la chronique, comme, de son côté, la chronique vient prêter son appui à l'archéologie.

Nous sommes tenté de croire que les deux bas-côtés, aujourd'hui démolis, faisaient partie de la construction première, celle du Xe siècle. Ce qui semble le prouver, c'est l'existence d'un oculus, ou fenêtre en œil-de-bœuf, dans le mur oriental de la tour romane qui fait face au nord. Cet oculus, condamné lors de la construction du porche, servait à éclairer le bas-côté avant que ce porche ne vint en quelque sorte l'aveugler, en s'appuyant sur la façade primitive.

Puisque nous parlons du porche de Saint-Mexme, disons que les douze médaillons, aujourd'hui mutilés, qui ornent la façade, représentaient un zodiaque, ou les douze mois de l'année. Quant aux larges dalles, également mutilées, qui se trouvent appliquées sur la même muraille, le sculpteur du XIe siècle y avait figuré plusieurs scènes de la vie de Notre-Seigneur et surtout sa Passion. On y voyait Judas pendu à un arbre, et le diable, sous la forme d'un animal hideux, soutenait les pieds de l'apôtre déicide.

On nous pardonnera cette légère excursion sur le domaine archéologique; nous avons pensé que ces quelques détails ne seraient point sans intérêt pour le lecteur, et, du reste, ne tiennent-ils pas, par plus d'un côté, à l'histoire du monastère?

Les souverains pontifes et les archevêques de Tours se plurent à doter la collégiale de Saint-Mexme de faveurs toutes particulières. Le pape Alexandre III la prit sous sa protection spéciale, et lui accorda, le privilège de relever immédiatement du saint-siége. Barthélémy, archevêque de Tours, créa les chanoines curés primitifs de toutes les paroisses de la ville, et leur donna le droit de nommer des vicaires amovibles, chargés de desservir les églises de Saint-Étienne, Saint-Maurice et Saint-Jacques.

 Ces droits furent maintenus et sanctionnés par une bulle du pape Lucius III, en date du 17 octobre 1181.

La nomination du chefcier appartenait à l'archevêque de Tours ; mais le chefcier devait être choisi parmi les chanoines.

Sous l'épiscopat de Joscius, archevêque de Tours, les vicaires amovibles prétendirent se soustraire à l'autorité du chapitre, et se maintenir dans les paroisses malgré leur révocation; Joscius prit parti pour les vicaires. Une députation de la collégiale se rendit auprès du pape Alexandre ni pour réclamer sa protection.

Le saint-père donna des lettres de commission à l'évêque de Poitiers pour le charger de juger le différend ; celui-ci donna gain de cause au chapitre, et Joscius fut obligé de se soumettre à sa décision.

En 1185, de nouvelles contestations s'élevèrent encore; le pape Urbain III adressa un rescrit au prieur de Sainte-Radegonde de Poitiers, en lui enjoignant de procéder par voie de censure contre ceux qui oseraient troubler le chapitre de Saint-Mexme dans l'usage de nommer des vicaires amovibles.

En 1397, l'archevêque de Tours, Ameil du Breuil, essaya, comme quelques-uns de ses prédécesseurs, d'empiéter sur les immunités du chapitre, et tenta de le soumettre à sa juridiction. Ce différend fut porté en cour de Rome i il se termina par une transaction entre l'archevêque et Gautry, procureur du chapitre.

 Il fut convenu que le seigneur-archevêque, allant dans les églises Saint-Étienne, Saint-Maurice, Saint-Jacques et Saint-Martin, dépendant de la collégiale de Saint-Mexme, y donnerait la bénédiction au peuple la croix levée. Les vicaires amovibles étaient de droit chanoines honoraires de Saint-Mexme.

Ces luttes entre les archevêques de Tours et la collégiale se renouvelèrent fréquemment, et toujours elles se terminèrent par la reconnaissance des droits du chapitre.

En 1701 pourtant, Mgr d'Hervault obtint une transaction, à la suite de laquelle la collégiale se soumit à sa juridiction, en conservant tous ses autres privilèges.

Ces privilèges, le chapitre de Saint-Mexme se montra toujours jaloux de les conserver et de les défendre contre toute usurpation.

C'est ainsi qu'en 1071, une prébende étant venue à vaquer, l'archevêque Raoul fit des démarches auprès du chapitre, pour obtenir qu'elle lui fùt accordée. Le chapitre acquiesça à sa demande; mais, craignant que les successeurs de l'archevêque ne voulussent plus tard faire tourner cette concession en coutume, il eut soin de se faire donner préalablement un écrit par lequel Raoul reconnaissait que la prébende lui était accordée uniquement par la bonne volonté du chapitre.

La collation de ces prébendes donna lieu à un différend entre l'archevêque de Tours et les chanoines de Saint-Mexme; ceci se passa en 1197. Toutefois, un accord survint entre les parties, par l'entremise de Luc, abbé de Turpenay; M. Prieur, de Saint-Florent de Saumur, et Albert de Relay, prévôt de Huismes.

On lira avec intérêt la charte qui confirme cet accord ; elle renferme de curieux détails.

« Lorsqu'une prébende deviendra vacante dans la collégiale de Chinon, le chefcier et le chapitre la confèreront à une personne idoine ; et, aussitôt qu'il se pourra, présenteront cette personne à l'approbation de l'archevêque, comme à celui à qui appartient l'approbation ou la désapprobation. A moins de raisons valables, l'archevêque ratifiera le choix du chapitre. Si celui qui a été pourvu de la prébende est un clerc de la collégiale et a une stalle au chœur, il conservera cette stalle jusqu'à la présentation et l'approbation. Il n'aura, toutefois, voix au chapitre, et part aux oblations et aux émoluments de sa prébende, que lorsque sa nomination aura été approuvée. Si celui qui est nommé ne fait point partie du chœur de la collégiale, il pourra siéger à la première, à la seconde, à la troisième ou à la quatrième place; mais il ne prendra possession de sa stalle qu'après l'approbation du seigneur-archevêque.

« Quant au sceau du chapitre, qui, assure-t-on, n'en avait point eu jusqu'à l'époque actuelle, il a été décidé que le chapitre, ainsi qu'il en a fait la demande, aura l'usage d'un sceau particulier, qui lui sera accordé par le seigneur-archevêque. Deux chanoines de la collégiale, savoir : Payen de Parilly, et Archambault de Langeais, gardiens de ce sceau, se sont rendus par-devant l'archevêque et ont juré, en sa présence et en présence de son chapitre, de le garder avec fidélité. Lorsqu'il y aura lieu de remplacer les gardiens du dit sceau, ils feront le même serment au seigneur-archevêque, s'il est présent, et, en son absence, au chefcier du chapitre de Chinon.

« Tous ont juré de se conformer de bonne foi au présent accord, savoir : Payen de Parilly ; Geoffroy de Parilly; Me Raymond de Saint-Épain; Girard Tortus; Maurice de Potard, senieur de Langeais; Archambault de Langeais; Pierre de Mexme; Villerotus; Guillaume de Rasey, et Me Régnault de SaintÉpain. Et, afin d'éviter à l'avenir toute contestation, nous avons fait écrire les présentes lettres, que nous avons fait revêtir de notre sceau ; l'an de grâce 1197. Les témoins sont : Me Philippe, doyen de Saint-Martin d'Angers, Me Guérin, chapelain du seigneur-archevêque, et plusieurs autres. »

Plusieurs des chapelles fondées en l'église de Saint-Mexme étaient à la nomination de l'archevêque de Tours. C'est ainsi qu'il nommait le chapelain de la chapelle de Saint-Sauveur ; ce chapelain était son homme-lige, et devait un droit de vingt sols à mutation d'archevêque. Il nommait aussi le titulaire des chapelles "suivantes : celle fondée par J. du Temple; celle fondée par la veuve Michel l’Huillier; celle fondée par Jean Petit-Vilain, demeurant rue de l’Épau.

Nous avons vu Archambauld de Seuilly venir, par ses pieuses libéralités, au secours des chanoines qu'il avait établis dans le monastère de Saint-Mexme ; le généreux archevêque eut de nombreux imitateurs. Grâce à leurs dons, le chapitre de Saint-Mexme put subsister pendant huit siècles, jusqu’à l'époque où la révolution vint chasser les chanoines pour s'emparer des biens qu'ils devaient à la munificence de leurs bienfaiteurs. Nous citerons les principaux donateurs dont les noms nous ont été transmis par des documents authentiques.

Foulques, comte d'Anjou, payait aux chanoines de Saint-Mexme un cens annuel de quinze sols, comme l'avaient fait ses prédécesseurs; pour le salut de son âme, de celles de son oncle et de ses autres parents il porte le cens à vingt sols : cette rente était assise sur les tours du château de Chinon, et devait se payer le jour de la Nativité de Notre-Seigneur.

La donation fut faite dans le chœur et devant l'autel de l'église de Saint-Mexme, en présence de Robert le Bourguignon ; Geoffroy, maître d'hôtel du comte Foulques ; Raignauld Maingodus ; Robert de Blois et Siébrand.

Vers 1140, Ravenus donne à Saint-Mexme pour le rachat de ses péchés un alleu situé à Lescare, en Anjou.

Au commencement du XIIIe siècle, Geoffroy de Belvère et Florie, sa femme, fondent une chapelle dans l'église collégiale de Saint-Mexme : il y aura une chapelle supérieure, et une chapelle inférieure pour servir aux sépultures.

Pour les desservir, ils instituent deux chapelains auxquels ils donnent la terre appelée l'arpent de Sainte-Marie, situé au carrefour de Rivières; trois œuvres de terre, joignant l'héritage de la dame de la Haye ; huit sols de cens sur la terre de Jean de Malet de Bourgueil; puis la moitié des quarts de Baustelle, situés à Buquesteau. Les témoins de cette donation furent : Luc, abbé de Turpenay; Philippe Aymeri, Me du Pommier-Aigre; Guillaume de la Rajace, et Geoffroy le Noble, prévôt de Chinon.

Le chapitre de Saint-Mexme avait un fief dont la juridiction s'étendait sur une partie de la ville; il y avait moyenne et basse justice ressortissant au bailliage royal. De son côté, l'archevêque de Tours possédait la baronnie de Chinon, et de ce fief dépendaient les deux tiers de la ville.

En 1218, il survint une contestation entre l'archevêque et les chanoines, au sujet des droits de justice et de viguerie.

Nous transcrirons encore ici une charte pleine d'intérêt contenant l'accord survenu entre l'archevêque de Tours et le chapitre ; on y trouvera de curieux renseignements sur les mœurs et les usages de cette époque.

« A tous les fidèles, Guillot, chefcier, et tout le chapitre de Chinon, salut éternel en Notre-Seigneur.

« Sachent tous, présents et à venir, qu'un différend s'étant élevé entre notre vénérable Père Jean, archevêque de Tours, et nous, au sujet de la viguerie de nos hommes, ce différend a été aussi terminé par la médiation d'hommes honorables. La justice, le vol, les blessures et les meurtres appartiendront au seigneur-archevêque. Si deux hommes se disputent, et si l'un d'eux vient à tuer l'autre, lorsque le meurtrier pourra prouver qu'il était dans le droit de légitime défense la connaissance de la cause nous appartiendra, et viendra en notre cour. S'il reconnaît, au contraire, avoir tué son adversaire sans juste motif, et s'il est démontré en droit qu'il est coupable, le jugement de cet homme appartiendra au seigneur-archevêque, et lui appartiendront aussi ses effets mobiliers. Toute autre viguerie sur nos hommes nous demeurera sans contestation.

 Si un duel a été adjugé dans notre cour, nous pourrons retenir ce duel par-devant nous, en traitant d'un accommodement par assignation de trois délais; si nous parvenons à un accommodement, la redevance nous appartiendra. Si nous ne pouvons accommoder les parties, nous ou notre mandataire, nous rendrons vers le mandataire ou le prévôt du seigneur-archevêque, et nous lui ferons connaitre les termes de l'accommodement proposé par nous ; s'il le trouve juste, le prévôt de l'archevêque retiendra le duel par-devant lui, et si les parties viennent à composition, la moitié des quinze sols appartiendra à l'archevêque, et l'autre moitié à nous. Si, au contraire, le duel vient à avoir lieu, le seigneur-archevêque aura soixante sols sur celui qui viendra à succomber, et nous, sept sols et demi. Tous les droits qui sont dus avant que les parties en viennent au combat nous appartiendront.

« Si un voleur vient à être pris sur notre terre, nous le ferons juger, et toutes les choses mobilières de ce voleur nous appartiendront. Après l'avoir jugé, nous le livrerons avec les vêtements qu'il portait au moment de son arrestation. — si les vêtements lui appartiennent, — pour que le prévôt de l'archevêque ou son mandataire fasse exécuter le jugement.

Si quelque objet a été volé, il sera rendu par les mains de notre mandataire.

« La mesure du seigneur-archevêque aura cours sur notre terre ; son crieur criera la vente du vin, et il percevra le droit accoutumé sur notre fief. Si nous ou notre mandataire venons à découvrir une fausse mesure, l'amende nous appartiendra; si, il au contraire, c'est le prévôt de l'archevêque qui la découvre, il percevra l'amende due à raison de cette fausse mesure. Et afin qu'il ne survienne à l'avenir aucune contestation sur les droits ci-dessus mentionnés, nous avons fait écrire les présentes lettres, que nous avons fait revêtir de notre sceau; l'an 1218 et le dixième de la consécration du seigneur-archevêque. »

 

Le roi Charles VII, en 1428, annexa à la collégiale de Saint-Mexme la maladrerie royale fondée par les rois ses prédécesseurs. Aux termes de cette concession la collégiale était chargée de pourvoir perpétuellement à l'entretien de cette maladrerie, où devaient être reçus les gens du roi et de la reine atteints de la lèpre. Cette annexion devait en outre servir à l'entretien d'une psallette déjà établie antérieurement, mais non rentée, et composée d'un maître de chant et de quatre enfants de chœur.

 

La collégiale était en même temps la paroisse mère, la paroisse principale de la ville, et les autres églises n'en étaient en quelque sorte que les succursales. C'était à Saint-Mexme que se faisaient les prières publiques, l'ouverture des jubilés, les processions, et que se chantaient les Te Deum d'actions de grâces. Les communautés religieuses et les curés des autres paroisses devaient s'y rendre pour assister à ces cérémonies; dans ces occasions les curés ne portaient point l'étole.

Aux jours des fêtes de Saint-Martin, de Sainte-Radegonde, de Saint-Jacques, de Saint-Maurice et de Saint-Étienne, le chapitre se rendait processionnellement à ces églises, et y célébrait un office solennel. Les chanoines avaient également le droit d'y officier aux quatre fêtes annuelles, à titre de curés primitifs.

L'église collégiale était desservie par trois curés hebdomadiers, chargés de dire la grand'messe tour à tour; ces curés étaient chanoines honoraires. Il y avait en outre un évangéliste en titre, pour remplir la fonction de diacre.

Avant l'établissement du séminaire de Tours, le chapitre était obligé de faire enseigner la théologie aux élèves qui se destinaient à la prêtrise. Les chanoines devaient également prêcher ou faire prêcher, dans leur église, aux fêtes du saint nom de Jésus, de la sainte Vierge, et de saint Mexme.

Dans les cérémonies publiques, le maire de la ville occupait la première stalle à gauche du chœur, et la première stalle de droite appartenait au chefcier.

Il existait à Saint-Mexme un usage assez singulier, et dont on ne connaît ni l'origine, ni le motif : le chœur du chapitre ne répondait point aux chants des officiants, excepté aux grandes messes.

Un autre usage bien touchant s'était maintenu jusqu'à l'époque de la révolution. Le vendredi saint, après le service divin, on descendait processionnellement le très-saint Sacrement dans la chapelle souterraine.

Là on le plaçait sur l'autel recouvert d'un suaire, en mémoire de la mort de notre Sauveur. Le dimanche de Pâques dès l'aurore, le chœur se rendait dans la crypte, et rapportait triomphalement les saintes espèces dans l'église supérieure, au milieu des cantiques d'allégresse et en chantant, Surrexit Dominus, etc.

En rappelant ici les anciens usages de la collégiale de Saint-Mexme, nous ne devons pas en oublier un qui s'était perpétué jusqu'au commencement du XVIIIe siècle, et qui témoignait de la vénération des chanoines pour la mémoire de leur saint patron.

 Un historien de la ville de Chinon rapporte que tous les ans, sur l'invitation du chapitre, les descendants de l'antique famille de Saint-Mexme venaient assister aux cérémonies de la fête de ce saint. Ils étaient reçus avec honneur, et des places distinguées leur étaient réservées dans l'église collégiale. Les derniers membres connus de cette famille se nommaient de Goret; ils habitaient le Poitou (1).

Les canonicats et les cures de la ville étaient à la nomination et à la collation du chapitre en vertu de son droit de patronage. A la mort d'un chanoine, toutes les églises étaient obligées de sonner le glas funèbre, comme à la mort de leur propre curé.

Les revenus du chapitre s'élevaient à quinze mille francs, qui se partageaient entre trente-cinq bénéficiers. Les canonicats valaient six cents francs.

Le chapitre possédait des domaines, des dîmes et des rentes dans la plupart des paroisses voisines. Il avait en outre des droits seigneuriaux et toutes les censives du canton de Saint-Jean dans la banlieue de Chinon, par concession du roi Charles VII. Son fief s'étendait sur une partie de la ville, et notamment sur l'auditoire royal.

Nous avons précédemment parlé de la construction primitive de l'église de Sainte-Mexme, et nous avons cherché à en déterminer l'époque. Cette étude ne serait pas complète si nous ne disions quelques mots de la construction du chœur, qui eut lieu vers la fin du XVe siècle.

 Ce que nous en dirons, n'offre plus maintenant qu'un intérêt historique. Le chœur et le clocher ont été démolis, et il n'en reste aujourd'hui aucun vestige.

La crypte où reposèrent pendant plus de dix siècles les reliques du saint fondateur de l'abbaye a complétement disparu ; des constructions du XVe siècle il ne reste plus que la porte du narthex et son archivolte, la fenêtre qui la surmonte , l'étage supérieur de la tour de gauche et la tour de droite presqu'en entier.

Nous empruntons à La Sauvagère (journal de Verdun), le passage suivant, qui nous donnera quelques renseignements sur les parties actuellement disparues de l'ancienne église de Saint-Mexme.

« Il n'y a que le chœur qui soit remarquable par l'élévation de sa voûte et la manière dont l'ensemble en est traité. C'est un morceau adapté à l'ancienne église. On y voit les armes de France sculptées et ornées du collier de saint Michel, ce qui prouve que cet édifice s'est fait du -temps du roi Louis XI.

 Et ce qui constate encore plus qu'on le doit rapporter à la libéralité du prince, c'est qu'il y a au jambage droit de la porte de la sortie du chœur, du côté de l'évangile, les armes de France accolées mi-partie à celles de Savoie.

 L'on sait que le roi Louis XI avait épousé en secondes noces Charlotte de Savoie. Ce n'est donc point Charles VII qui a fait bâtir le chœur, comme les chanoines le racontent. »

Parmi les reconstructions du XVe siècle, nous avons signalé la tour de droite dans laquelle on pénétrait du dehors par une porte bâtarde aujourd'hui murée.

Le rez-de-chaussée de cette tour était occupé par une chapelle servant de baptistère, et communiquant avec le narthex.

Cette chapelle était ornée de peintures murales dont une partie a échappé jusqu'à ce moment à la destruction complète qui les menace d'un jour à l'autre.

Dans la partie orientale, on aperçoit encore trois anges soutenant les instruments de la passion. Du côté opposé, l'artiste a représenté le crucifiement.

 Le Christ est suspendu à la croix, au pied de laquelle se trouvent d'un côté Marie Madeleine portant un vase de parfums, et de l'autre Marie l'Égyptienne enveloppée dans sa longue chevelure, et portant à la main une banderole où se trouve inscrite une légende. Le pied de la croix repose sur un bassin dans lequel coule par quatre jets continus le sang du divin Crucifié.

A droite et à gauche de la croix se trouvent la lune et le soleil.

Le mur septentrional est couvert d'une magnifique composition représentant le jugement dernier.

Le souverain Juge est assis au sommet d'un arc-en-ciel, ses pieds reposent sur un globe. Il est nimbé et vêtu d'un manteau de pourpre qui laisse à découvert la plaie de son côté. Le Christ a une attitude calme et pleine de majesté ; ses bras élevés et étendus montrent les plaies de ses mains.

Deux anges soutiennent d'une main la croix et de l'autre les instruments de la passion. A droite et à gauche du Sauveur se trouvent deux groupes d'apôtres, de vierges et de saints ayant à leur tête d'un côté la vierge Marie et de l'autre saint Jean-Baptiste.

Au-dessous de cette première composition on aperçoit les damnés à gauche, précipités dans l'enfer par des démons, et à droite des élus conduits par des anges vers la céleste demeure. Deux anges placés sous les pieds du souverain Juge sonnent de la trompette, tandis que l'archange saint Michel armé d'une croix, pousse les damnés dans les feux éternels.

Nous devons compléter cette étude en disant quelques mots sur la chape connue sous le nom de chape de Saint-Mexme.

Voici ce qu'en dit dom Housseau dans ses notes manuscrites sur la collégiale.

« On conserve au trésor de cette église une chape fort antique que l'on prétend avoir servi à saint Mexme. C'est une espèce de manteau sans couture d'un satin épais de couleur bleue, ornée de léopards jaunes et rouges enchaînés deux à deux par la gueule. »

Cette chape précieuse a échappé au vandalisme révolutionnaire ; elle est conservée dans l'église de Saint-Étienne. Suivant un ancien usage, le prêtre officiant avait coutume de s'en revêtir le jour de la fête de saint Mexme, et de la porter à la procession qui précédait la messe. Il nous souvient d'avoir vu des fidèles la baiser avec respect, en s'inclinant sur le passage du prêtre. Cet usage ne subsiste plus depuis une trentaine d'années.

La chape de saint Mexme a attiré l'attention des savants, et elle a été le sujet de nombreuses dissertations, il y a quelques années. On a reconnu une étoffe orientale, qui, d'après un rapport lu à l'académie des inscriptions et belles-lettres, parait remonter seulement au XIe ou XIIe siècle.

Nous terminerons ce travail en transcrivant un curieux et intéressant document que nous trouvons dans dam Housseau, relativement à l'église de Saint-Mexme.

« Il y a environ trente ans qu'en réparant l'autel de Saint-Mansuet, situé derrière le chœur, l'on trouva en creusant, un tombeau de pierre où était renfermé un coffre de bois d'environ un pied et demi de longueur, lequel en contenait encore un autre petit de bois lié avec des joncs aussi verts, que si l'on venait de les cueillir.

Après l'avoir ouvert, on y trouva des ossements avec une inscription latine, hic sunt reliquim apostolorum, et des morceaux d'une étoffe semblable à celle de la chape de saint Mexme, qui paraissaient aussi beaux que s'ils étaient nouvellement faits.

On remit ces ossements dans le même tombeau, après en avoir dressé un procès-verbal dont il y a un double dans le trésor, et l'on a rebâti l'autel que l'on a jugé être aussi ancien que l'église. »

A quels apôtres appartenaient les reliques découvertes sous l'autel de Saint-Mansuet, c'est ce que nous ne saurions dire, faute de renseignements.  L'étoffe trouvée avec les précieux ossements semblerait annoncer qu'ils ont été apportés d'orient, au XIe ou XIIe siècle, par quelque pèlerin ou peut-être par quelque croisé. La chape de saint Mexme aurait vraisemblablement la même origine : l'identité de l'étoffe du moins paraîtrait le prouver.  

 

 

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