Croisade projetée pour 1313, l'année même du supplice du grand maître des Templiers
On sait que, depuis les deux funestes croisades où saint Louis fut fait prisonnier, puis trouva la mort, les souverains pontifes ont vainement stimulé la ferveur des princes chrétiens pour les entraîner à la délivrance de la terre sainte. Plusieurs rois, entre autres celui de France, Philippe VI, firent espérer aux chefs de l'Église romaine que Jérusalem reverrait les beaux jours des Bouillon et des Lusignan; mais les dîmes ecclésiastiques et autres subsides extraordinaires, accordés pour faire face aux frais de l'expédition, une fois perçus et versés dans leurs caisses, ils sont restés chez eux et n'ont pas rendu l'argent.
Le document qui suit concerne une croisade projetée pour 1313, l'année même du supplice du grand maître des Templiers et de trois des principaux dignitaires de l'ordre, par Clément V, Bertrand de Goth.
Afin d'en assurer l'exécution, le pape n'épargna pas plus sa bourse que ses écrits, paroles et démarches.
Édouard II, roi d'Angleterre, dans les provinces françaises duquel Clément V était né, affectait les dispositions les plus chevaleresquement pieuses. Il ne lui manquait, pour prendre la mer et conduire en Palestine l'élite de ses chevaliers et hommes d'armes, qu'une somme indispensable au règlement de diverses affaires importantes, et qui surtout permettrait d'attendre que ses receveurs et collecteurs pussent faire rentrer les tailles et autres impôts levés pour le voyage d'outre-mer..
Clément V croit à la sincérité de ces protestations, et s'engage -à prêter au monarque anglais l'argent qui devait assurer son départ. Jadis il avait donné en dépôt à sa sœur, noble dame Gailharde de Pressac, et à son neveu, noble homme Arnaud Bernard, seigneur Soudan de la Trau et d'Uzeste, 80,000 florins d'or. Il en fait retirer de leurs mains 74,000, ajoutant que les 6,000 derniers florins seront affectés aux travaux de l'église que l'on construisait alors à Villaudran, lieu de sa naissance.
La lettre dé Clément V, contenant, avec ses ordres très-précis sur la manière dont la première somme doit être comptée, l'indication du motif pour lequel il se la faisait restituer, est datée d'Avignon, le 1 er mai 1313.
Elle est copiée et vidimée dans la quittance, en langue gasconne, délivrée à Bernard de Pressac et à sa mère par un notaire apostolique, le 27 du même mois. Un déficit de 44 florins est signalé dans le compte des 74,000.
Sortis des mains des dépositaires, furent-ils livrés à celui auquel ils étaient destinés? Il ne peut y avoir de doute lorsqu'on recourt à la grande collection des actes des rois d'Angleterre connue sous le nom de Rymer.
Dans la nouvelle édition, volume deuxième, première partie, page 205, on trouve, sous la date du 4 mars 1313, avant Pâques, une lettre par laquelle Edouard II remercie Sa Sainteté du prêt d'argent qu'elle a bien voulu lui faire « Pro arduis « nostris expediendis negotiis nabis, ad nostram instantiam, benigne « concedere quoddam mutui subsidium est dignata. » Les 74,000 florins d'or ne furent pas employés à la délivrance du saint sépulcre, ni même dépensés d'une manière exempte de blâme, ainsi qu'on peut le voir dans toutes les histoires d'Angleterre. Clément V mourut le 20 avril de l'année suivante.
A MOSSENHOR LE SOLDAN. KARTA DE QUITEMSE DE QUATRE VINTZ MILI FLOREINS.
« Conoguda causa sia qu'en presentie de min, notario, e dels testes de jus escrits, lo V die en l'eychent de mahs, lo savi e discret senhor lo senhor en Raimon de la Baste, dean de la gleyse de Vinhendrald, de la diocese de Bordel, presented une letre, budlade de la budl.e del sant payr Apostoli en fil de » cambe, no cancellade ni arase ni en atcune partide de sin viciose, al noble baron e savi senhor al senhor n'Arfi (2) Bernard de Preychac, caveyr, aparad Soldan senhor de la Trau et de Uzeste, e a la noble doue a la done na Gualharde, sa mayr, la ténor de laquel s'en seg en ceste maneyre
Clemens episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio nobili viro Arnaudo Bernardi de Preychaco et dilecte filie nobili mulieri Gualbarde de Preychaco, germane nostre, salutem et apostolicam benedictionem.
Scire volumus vos quod nos carissimo in Christo filio nostro Eddoardo, regi Anglie illustri, promisimus mutuare, pro preparatoriis ad negocium Terre Sancte et aliis negociis suis arduis, magnam pecunie quantitatem ad quod gentes suas misit qui nobiscum sunt et expetunt expeditionem mutùi supradicti.
Quare cum de illis quater viginti milibus florenorum quos apud vos dudum, per dilectum filium nobilem virum Raimundum Guilhermi de Buzos, deponi fecimus, septuaginta quatuor milia florenorum pro predictis habere velimus, cum ïlla, et multo major, summa nessessaria sit nobis ad conplendum mutuum antedictum, volumus vobisque, per apostolica scripta, mandamus quatinus, in presentia dilecti filii Bertrandi, vicecomitis Leomanie et Altovillaris, si ad hoc ejus haberi presentia poterit oportune, septuaginta quatuor milia florenorum de summa predicta, apud vos ut predictum est deposita, deliberetur et tradatur dilectis filiis Raimundo de la Basta, decano ecclesie de Vinhendraldo Burdegalensis diocesis, et Johanni de Batssaco, canonico ecclesie Sancti Severini Burdegalensis, vel alteri eorum, portanda per eos vel eorum alterum apud Duratium, diocesis Agennensis, ubi deliberari facere debemus dictis gentibus mutuum memoratum.
Si vero presentia dicti vicecomitis ad predicta comode non posset haberi, tu Arnaude Bernardi de Preychaco, una cum dictis decano et canonico, aut altero eorum, predicta septuaginta quatuor milia florenorum sine mora transferas ad locum de Duratio supradictum ita tamen quod ab eis, donec ipsa ibi tute deposueris, seu predictis decano et canonico aut eorum alteri in eodem loco de Duratio tradideris, non recedas.
Nos autem de predicla summa septuaginta quatuor milium florenorum, cum eam restitueritis, seu de ea prout scribimus disposueritis, te Arnaudum Bernardi et Gualhardam de Preychaco predictos, tenore presentium absolvimus et quitamus.
Residua vero sex milia florenorum que de dictis quater viginti milibus florenorum supradictis, septuaginta quatuor milibus traditis vel depositis, ut predicitur, apud vos remanere noscuntur, te Gualhardam predictam per te dilecto filio Guilhelmo Raimundi Dulcis, decano ecclesie Beate Marie de Uzesta, prout fabrica operis de Vinhendraldo indiguerit tradenda, volumus retinere.
Datum Avinioni, kalendis maii. pontificatus nostri anno VIIIe.
« Per l'auctoritad de la quai budle, e mandament contengut en la deyte budle, lo deyt senhor en Raimon de la Baste reconego sin aver pres e recebud, en bone pecunie contade, setante e quatre milie florins d'aur, par les mains dels deyts lo senhor n'Arn Bernard de Preyhac e de la done na Gualharde, sa mayr, e s'en tengo per ben pagad en renuncien a la exception de no agud e de no aver recebud, e de no contad los deyjs setante e quatre milie florins d'aur exceptad que dishs que xliiii florins d'aur n'aven trobad al conte de la deyte summe.
Les quels letres ab budle los deyts senhor n'Arn Bernard e la done na Gualharde aretengoren de vert lor, a major fermetad de lor garentie del livrament e del pagament dels setante e quatre milie florins avant dits.
Testes los senhors en W. Araimonos dean de la gleyse d'Uzeste en. Bertran de Pompeiac, caveyr en Doad de Falgras, preste; P. d'Endiran; Johan de Lugmont; en P. d'Auros
Actum a la Trau, dicta die, anno Domini MCCCXIII, indictione XIa, pontificatus sanctissimi patris et domini Clementis, digna providentia pape V, anno VIIIIe.
Et ego Arnaudus de Preychaco, auctoritate sancte Romane ecclesie notarius, qui hoc scripsi publicum instrumentum, de partium consensu vocatus et rogatus.
Visite pastorale dans le Poitou de Bertrand de Got (CLÉMENT V) du 17 MAI 1304 au 22 juin 1305 <==
1. Original eu parchemin, portant le paraphe du notaire, et dont l'écriture est un peu effacée.
2. Sic, pour en Arnald.