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PHystorique- Les Portes du Temps
1 août 2023

1864 Recherche du tombeau de Marie d'Harcourt, dame de Parthenay (épouse de Jean, bâtard d'Orléans)

Marie d'Harcourt, dame de Parthenay, fille de Jacques d'Harcourt, baron de Montgommery, et de Marguerite de Melun, dame de Tancarville, avait épousé en 1439 Jean, bâtard d'Orléans, comte de Dunois et de Longueville.

Les biographes et historiens n'ont indiqué ni le lieu de la mort de Marie d'Harcourt ni le fait de l'inhumation de son coeur dans la chapelle Saint-Jean de Châteaudun.

« Ipsa die (sabbati festiva beatae Mariae, 8 septembris (1464), in capella sancti Johannis Castriduni, presentatum fuit reverendo in Christo patri et domino, domino Miloni, Dei gratia, episcopo Carnotensi, per nobiles viros, dominos Florentinum de Illesiis, dominum temporalem dicti loti, et Johannem Cholet, dominum de la Cholletière et de Dangelio, magistrumque hospitii potentis principis, domini comitis Dunensis, militis, cor defunctae nobilis dominae, dominae Mariae de Harcourt, comitissae Dunensis, quae sabbati hujus mensis diem suum clausit extremum, apud Chouseyum-super-Ligerim, prope Salmarum (1).

 Et hoc assecuraverunt eidem reverendo patri milites prefati et Guillelmus d'Avaugour, armiger, qui predictum cor vidit repositum in vaso ligneo, eidem reverendo patri presentato, presentibus venerabili fratre abbate monasterii Beatae Mariae Magdalenae de Castriduno ,  Natali le Picart, decano sancti Andréae Castriduni, Petro Roucelier, officiali archidiaconi Dunensis, Jobanne Prévost, Johanne Houdain, Johanne Durant, presbyteris, cum magistris Florentino Bourgoing, baillivo Dunensi, Johanne Roucelier, ejus locum-tenente, Philippo de Villexis, advocato domini Comitis predicti, Simone du Fay, electo, cum pluribus aliis tam vins ecclesiasticis quam nobilibus et aliis.

 Martis II etiam die, idem reverendus pater missam in pontificalibus » in capella predicta sancti Jobannis in Castro Dunense celebravit; qua celebrata, fuit per eumdem reverendum patrem inhumatum cor predictae dominée Comitissae in capella predicta, pluribus nobilibus et viris ecclesiasticis et abis presentibus. »

 

 

DUNOIS, MARIE D'HARCOURT, Et LEUR FILS JEAN.

Après nous être assurés, par plusieurs sondages; qu'il n'y .avait pas de sépultures dans la partie basse de la chapelle Saint-Jean, le long des murailles du sud et de l'ouest, nous revenions devant l'autel, attirés vers le caveau que la commission de 1854 a reconnu pour celui de Dunois.

Ce n'est pas un sentiment de vaine curiosité qui nous portait à troubler, une seconde fois dans un si court espace de temps, le silence de la tombe où repose le héros qui consacra sa vie au service de la France.

 Toutefois, puisque nous étions résolus à nous rendre un compte exact et définitif de toutes les sépultures contenues dans la chapelle Saint-Jean, c'eût été une faute de négliger celle de son illustre fondateur.

Examiner si quelque indice ne permettait pas d'asseoir sur des bases plus solides encore le raisonnement de nos prédécesseurs, n'était-ce pas rendre hommage en même temps à leurs travaux, à leur instinct archéologique et a la mémoire respectée de Dunois?

Les faits qui vont être exposés feront juger si nous avons été déçus dans nos espérances et si noire témérité n'est pas excusable.

Rappelons quelques phrases du rapport de 1854, confié à la plume élégante de noire regretté confrère, M. Dupuis:

«  La position de ce caveau, de tous le plus rapproché de l'autel, placé au milieu du sanctuaire, dans la ligne et sous le regard, pour ainsi dire, de l'écusson de Dunois, sa construction plus soignée que celle des autres caveaux, laissent dans l'esprit de la commission la conviction qu'il avait été bâti pour le chef de la famille, et qu'il avait dû être celui de Dunois »

 Le patriotisme nous disposait à accepter d'emblée ces conclusions, bien qu'elles rentrent plutôt dans le domaine du sentiment que dans celui des déductions rigoureuses. Ce ne sont, à vrai dire, que des présomptions, graves peut-être; nous cherchions des preuves, pour les sou­mettre à des esprits moins prévenus par l'accord et la solidarité qui règnent entre confrères.

Une dalle, gravée de la simple lettre D, et posée par les ordres de la Société archéologique, en 1854, ayant été soulevée, nous avons pu constater que les soins religieux dont on avait entouré les restes du Bâtard  n’ont eu qu'une éphémère durée.

Le nouveau cercueil, on se le rappelle, rassemblait ces ossements épars; mois la dent du temps y marque déjà profondément son empreinte. La partie inférieure a cédé, laissent échapper les restes précieux du grand capitaine (2).

C'est avec l'œil le plus attentif que nous inspections l'intérieur du caveau pour nous rendre compte de la nature et de la disposition des matériaux. M. Desserre, en homme du métier, nous fit observer que la paroi gauche du caveau est en pierre tendre de Bourré, tandis que les trois outres pans et un retour d'équerre de 25 cen­timètres, prolongeant à l'ouest, cette paroi gauche, sont en pierre dure d'Apremont ou de Buley, ce qui est très reconnaissable sous la teinte noire dont ces matériaux non parés sont revêtus.

De ce que les pierres n'étaient pas d'origine identique, l'habile architecte concluait logiquement que ce caveau n'était pas le premier construit dans la chapelle. Nous savions d'ailleurs que, si Dunois et Marie d'Harcourt avaient élu, par testament, leur sépulture dans la chapelle Saint-Jean, la femme avait été inhumée la première, puis­qu'elle était morte en 1464, quatre ans avant son époux.

Cherchons maintenant Marie d'Harcourt, disions-nous d'un commun accord. L'Evangile répond : «  Cherchez et vous trouverez. »

 Mais ou fallait-il chercher? A la tête de Dunois? C'était bien improbable.

 Là restait pourtant le plus grand espace de terrain inexploré, où l'on avait entassé les terres couvrant le sol au-dessus des tombes déjà connues.

 

C'était une bande longue et étroite, entre le caveau de Dunois, ceux de François 1 et d'Agnès de Savoie, d'une part; et celui de François II et Louis, et le pilier, d'autre part.

Pour inhumer dans cette bande, il aurait fallu disposer le cercueil en travers, situation peu noble, admissible pourtant lorsque la place manque; tandis que Marie d'Harcourt avait inauguré, pour ainsi dire, la sépulture de la famille.

 Du reste, les décombres étant rejetés plus loin, des sondages et des fouilles prouvèrent que la terre était compacte, dans l'espace reste libre, et que nous avions fait fausse route; ce qui n'était pas pour nous surprendre.

Un autre avis fut exprimé : Agnès de Savoie est à gauche de François I, cherchons Marie d'Harcourt à gauche de Dunois.

La paroi gauche, en pierre de Bourré, du tom­beau de celui-ci, forme l'axe de la chapelle et peut-être la clôture, à droite, du caveau de Marie. Mais, à l'œil, l'espace semblait bien exigu entre le grand caveau de Louis II et François, et celui de Dunois; le mètre aussi nous décourageait presque, avec sa rigueur inflexible.

Toutefois, l'hésitation dura peu; la tombe de Dunois étant recouverte et le terrain déblayé, nous eûmes bientôt la satisfaction d'entendre le fer résonner sur la pierre. Une très épaisse dalle, que deux hommes eurent quelque peine à déplacer, recouvrait en effet une nouvelle exca­vation.

 M. de Tristan, maire de Cléry, réclama l'honneur, que plusieurs d'entre nous n'étaient pas en état de lui disputer, de se glisser le premier à travers l'étroite ouverture dégagée par les maçons.

Voici les constatations qui furent faites.

Le caveau, sur ses quatre faces, est construit en pierre tendre de Bourré parée et enduite d'une couche noire, tandis que la voûte plate est formée de larges pierres restées blanches. Les mesures sont, en hauteur, 1m 35; en largeur, 80 centimètres ; en longueur, 2m 18.

Ce caveau est de quelques centimètres plus rapproché de l'autel que celui de Dunois; et comme ce dernier est plus long, puisqu'il a 2m 30, on s'explique parfaitement le re­tour en équerre de pierre d'Apremont, prolongeant la paroi de Bourré .

 Il existe, dans le mur de gauche, deux ouvertures canées, bouchées en moellon dur : l'une, près du sol, â l'angle occidental, occupe une largeur de 65 centimètres sur 45 centimètres de hauteur; l'autre, située près de l'angle oriental, â 80 centimètres du sol, mesure 60 cen­timètres d'élévation sur 45 centimètres de large. Toutes les deux, en retrait d'environ 10 centimètres du côté de Marie d'Harcourt, n'ont point été noircies, et ont laissé sur le terrain quelques éclats de pierre tendre.

 On recon­nait, à tous ces signes, que les ouvertures ont été prati­quées, dans un but qu'on ignore, par le caveau de François et Louis, puisque, de ce côté, le crépi est étendu régulièrement. C'est même là ce qui nous avait empêché d'y constater au premier abord, comme dans le tombeau de Dunois, la disparité des matériaux, sans quoi la lumière aurait jailli du rapprochement.

Le nouveau caveau semble n'avoir jamais été visité; du moins, rien n'y révèle une inquisition brutale comme dans celui de Dunois. A l'intérieur est une bière en plomb, en forme de toit à deux pentes. La partie supérieure seule a conservé la forme primitive; le milieu s'est affaissé et le plomb se trouve aplati au point de garnir presque toute la largeur du caveau. Il s'est fait une ouverture assez considérable au niveau des genoux et quelques autres moins grandes vers la tête.

 Des fragments de bois décomposé gisent à l'entour; point d'armature en métal, ni pots funéraires, ni inscription. Pas plus dons cette tombe que dans les autres, il n'a été rencontré d'objets pouvant offrir le moindre intérêt, pas même de fragments d'étoffe.

Sur le cercueil, et dans la partie médiane, se trouvent les débris d'une bière plus petite. Saisie par un violent contraste, l'imagination revoit l'intéressante sculpture du Musée de Bâle, où, sortant d'une tombe brisée, une jeune mère, pressant son enfant chéri dans ses bras, s'élance radieuse au jour de la résurrection.

Ici la triste et froide réalité n'est aucunement dissimulée par une composition touchante, qu'embellit le prestige de l'art L'apparition macabre est d'autant plus peignante que l'enveloppe en pierre tendre du caveau a déposé son humidité sur les ossements, revêtus d'une viscosité brune, désagréable au toucher. La grande bière a fléchi sous le poids de la petite, dont les ossements se sont inclinés en partie sur la droite; tandis que d'autres, comme le crâne, les maxillaires inférieur, un fémur, un tibia (3), se sont engagés entre la tombe et le mur de droite. Ceux-ci ont l'appa­rence solide; les autres sont plutôt à l'état spongieux.

Les constatations anatomiques ont été faites avec le plus grand soin par le docteur Duchâteau. Nous donnons seu­lement, à cette place, le résumé de ses conclusions (4).

A l'égard de l'enfant, le doute n'existe pas, il est mort vers l'âge de neuf ans. On doit garder plus de réserve. Pour le personnage sur lequel l'enfant est posé. Il ne peut être question, bien entendu, de préciser le sexe, après tant d'années écoulées; les cheveux mêmes ont disparu. Les observations établies d'après l'examen du squelette entier, de certains os et des dents, permanent d'affirmer que le sujet était un adulte vigoureux ayant atteint les limites de l'âge sans les avoir dépassées.

 

Sur celle question qui lui fut posée : « Le personnage avait-il soixante ans? » le docteur répondit sans hésiter : « Non, plutôt cinquante-­cinq. »

Rappelons, maintenant, que le caveau est, sur ses quatre faces, en pierre tendre de Bourré, ci construit, par consé­quent, avant le caveau de gauche, celui de François II et Louis I, et avant celui de Dunois, à droite, qui lui em­pruntent chacun un de ses murs en pierre tendre parée, tandis que ceux-ci sont en pierre dure ou en moellons; et aussi que le fils et la belle-fille de Dunois sont au pied de ce caveau, et deux petits-fils à gauche.

Remarquons-le encore, de tous les personnages de la famille de Longueville que nous savons enterres dans cette chapelle, un seul nous manque, Marie d'Harcourt, femme de Dunois.

 Cependant les époux veulent, dans leur testa­ment commun du 3 octobre 1463, être enterrés tous deux en l'église de Notre-Dame de Cléry et en la chapelle de Saint-Jean-Baptiste, et ils se sont suivis de près dans la tombe, à quatre ans de distance. Qui donc aurait osé les séparer?

La question d'âge a bien son importance. On ignore l'année où naquit Marie d'Harcourt , mais son contrat de mariage fut signé au mois d'octobre 1429.

En lui donnant l'âge moyen de vingt ans, à cette époque, elle aurait eu, le 1er septembre 1464, date de sa mort, cinquante-cinq ans, précisément l'âge fixé par le docteur Duchâteau.

On sait, du reste, que Marie d'Harcourt était d'une taille élevée; un peu d'embonpoint, amené par l'âge, n'avait pu altérer la beauté, la grâce même de son visage.

 On en voit la preuve dans le portrait authentique prêté, par M. le comte d'Harcourt, pour l'exécution d'une verrière posée par M. Ouin dans l'église de Cléry. Comme dans le por­trait, le front est déprimé et court; la mâchoire infé­rieure, un peu lourde, est plutôt saillante.

Au contraire, le front de Dunois est large, bien développé et de propor­tions tout il fait harmonieuses.

Est-il permis de croire que c'est Marie d'Harcourt qui est en place d'honneur, devant l'autel, il gauche de son époux, ainsi qu'Agnès de Savoie à la gauche du sien, et entourée de ses enfants et petits-enfants? Nous en sommes absolument convaincus.

 Comme Marrie est morte avant Dunois, il fallut naturellement construire son caveau le premier; c'est pourquoi les matériaux en sont homo­gènes.

Toutes nos observations seraient ainsi confirmées, et nous ne voyons pas quelle objection on pourrait nous faire. Il n'y en a qu'une : la présence de ce corps d'en­fant.

Étudions cette question et citons d'abord, à ce sujet, une phrase de nôtre regretté collègue, M. Pillon (5) : «  La tradition locale, les souvenirs de la collégiale et du registre de l'Obit de la paroisse, ajoutaient encore, au nombre des membres de la famille inhumée dans celte chapelle, un jeune enfant de Dunois. »

Ne nous occupons pas des enfants de Dunois morts après le XVe siècle, et qui sont tous postérieurs à Fran­çois, le continuateur de la lignée.

 

Le P. Anselme ne cite pas Jeanne, mais nous savons, par le testament de ses parents, qu'ils fondent, pour elle, des messes dans l'église de Vouvant (6), ou elle est enterrée.

 Le savant auteur mentionne seulement un fils nommé Jean, et voici ce qu'il en dit: «  Jean d'Orléans, à qui Charles, duc d'Orléans, son parrain, donna l0,000 écus sur le prix de l'acquisition de Château-Regnault, par acte du 27 avril 1450, où il est nommé fils ainé du comte de Dunois. Il mourut sans avoir été marié.

Or, ce fils ainé ne figure pas dans le testament paternel, à côté de Marie déshéritée, de Catherine et de François.

 Jean était donc mort avant 1463. Si le cadeau de fillotage, comme on disait au moyen âge, fut offert par Charles d'Orléans au moment du baptême, comme c'est probable, son âge ne semble pas s'éloigner sensiblement de celui que le l'apport de M. Duchateau assigne pour le squelette d'enfant.

Déposé d'abord dans le caveau, son cercueil aura été placé sur celui de sa mère, après l'inhumation de celle-ci.

Si nous avons fait pénétrer dans l'esprit de nos lecteurs la conviction qui anime le nôtre, ils concluront avec nous que l'on est bien en présence des sépultures de Dunois, de Marie d'Harcourt et de Jean, leur fils.

Il nous semble que cette découverte complète heureusement celles opérées en 1854 par nos prédécesseurs, et que notre argumentation, jointe à la leur, appuyée par des documents inédits, en­tourée de circonstances nouvelles, constitue un faisceau de probabilités qui équivalent presque à la certitude, en l'ab­sence de toute inscription funéraire.

L'absence même do ces inscriptions, loin d'être une arme propre à combattre notre système, parait, au con­traire, lui être favorable.

 

Avec les cercueils du Bâtard et de sa femme, celui de François I de Longueville est le seul qui ne porte pas d'épitaphe gravée sur le plomb. Mais si elle fait défaut sous terre, elle se trouvait au-dessus, à la table du monu­ment qui vient d'être retrouvé. Ce cénotaphe porte même la double inscription de François et d'Agnès de Savoie.

N'en est-il pas ainsi pour Dunois et Marie d'Harcourt?

On ne connaît rien, en ce qui les concerne; mais a-t-on bien cherché? Et n'y a-t-il pas, du moins, quelques in­dices? La réponse sera dictée d'abord par les termes exprès de leur testament.

 Après avoir ordonné l'inhu­mation de leurs corps dans leur chapelle de Saint-­Jean-Bapiste, les nobles testateurs ajoutent; «  Et dessus iceux mis deux tombes de cuivre ou albâtre qui n'ayant plus le pavement (7) que trois doigts et sur icelles soit écrit ce que par leurs exécuteurs sera dit advisé, et or­donné ... »

Il n'était donc pas nécessaire de graver une inscription sur leurs cercueils, puisque les fondateurs de la chapelle devaient, selon toute vraisemblance, y être enterrés les premiers; et qu'ils prenaient le soin d'ordonner qu'on élè­verait sur leurs sépultures un monument, pour lequel ils fixent même certains détails, chargeant de l'inscription les exécuteurs testamentaires.

Cette prescription fut accom­plie.

Le premier historien de Cléry, notre regretté confrère M, A. Jacob, dit, en parlant de la chapelle Saint-Jean: «  On y voyait autrefois leurs tombes recouvertes de lames de cuivre (8) ».

Nous pensons qu'il ne faut pas prendre ces mots abso­lument au pied de la lettre, et voici pourquoi.

Les tombes se trouvant au bas et en face de l'autel, il était diffi­cile de les recouvrir exactement d'un monument funèbre, même peu saillant, sans nuire considérablement au ser­vice du culte.

Cette observation n'aura pas manqué de frapper l'esprit des exécuteurs testamentaires ; il leur était possible, du reste, d'obéir à leur mandat d'une manière moins gênante, en disposant du monument à égale distance de l'autel, mais sur le côté.

C'était même l'usage habituel de ranger les tombeaux le long des murs de l'église pour en dissimuler la nudité.

Or, que voit-on, du côté de l'épître, dans la première arcade de la muraille méridionale? «  Des sculptures gothiques dont on ne s'explique plus la raison d'être, » écrit M. de Torquat (9).

 En y regardant de près, on s'explique parfaitement cette raison d'être. L'artiste a modelé avec très peu de relief une double arcade délicatement exécutée dans le style de la fin du XVe siècle, et présentant des détails d'architecture assez compliqués.

Au sommet, deux frontons triangulaires à crochets s'appuient sur trois forts montants, qui devaient soutenir un dais en encorbellement dont on remarque très distinctement les amorces.

Chaque arcade, réduction minuscule d'une des fenêtres de l'édi­fice, se termine, dans sa partie basse, par trois meneaux plus déliés, sur lesquels s'appuie une pierre qui conserve encore l'apparence d'un écusson, bien que toute cette partie basse ait été bûchée jusqu'au ras du mur assez récemment.

Incontestablement, ce sont là les restes mutilés d'un tombeau.

 Sur ces pierres en forme d'écusson étaient scellées des armoiries de cuivre, et des plaques tumulaires, de cuivre aussi, devaient reposer sous ce dais. Nous disons des plaques de cuivre, parce que les motifs de sculpture sont trop légers pour accompagner des effigies en albâtre.

Le testament de Dunois laissait d'ailleurs à ses exécuteurs le choix de la matière.

Une preuve morale que le monument de Dunois devait occuper la place que nous désignons, c'est que, au XVIe siècle, les spoliateurs ont bouleversé le caveau qui était dessous, et ou nous avons trouvé pêle-mêle des osse­ments et quatre crânes; ils ont aussi violé la tombe de Dunois qui était prochaine; mais le caveau de Marie d'Harcourt et celui de ses petits-fils, plus éloignés du mo­nument, ont été respectés, de même que ceux de Fran­çois I et d'Agnès de Savoie. Car Gaignières a pu faire dessiner sur place le soubassement du monument qui couvrait ces derniers ; il ne manquait que leur effigie.

Ces ruines furent accumulées en 1562, par les Hugue­nots, pendant la première guerre de religion.

Théodore de Bèze, blâmant les excès commis à Cléry, avoue qu'il «  ne fut pas pardonné aux sépultures de la maison de Dunois ». Suivant Mézeray : « Ils renversèrent le tom­beau de Louis XI à Cléry, des princes de Longueville et de plusieurs autres grands seigneurs enterrés au même lieu. »

Les comptes de la ville d'Orléans, pour cette même année 1562, nous apprennent d'ailleurs qu'on avait con­verti l'église des Cordeliers (n 1 actuel de la rue de la Bretonnerie) en arsenal, et qu'on y fondait des canons.

 Comme la « mitaille » manquait, des voitures de réquisi­tion furent envoyées à Orléans d'abord, puis dans tous les environs et assez loin, pour amener à la fonte tout ce qui était susceptible de se transformer en canons.

 On alla jusqu'aux plus vulgaires instruments de cuisine ; mais on avait commencé par les églises, qu'on dépouilla de leurs grilles, de leurs cloches, des  monuments funèbres en métal qui faisaient leur ornement et la gloire de nos ar­tistes fondeurs, célèbres à cette époque, les Bidou, les Doret, les Lescot.

Il serait curieux et triste à la fois de relever l'inven­taire détaillé des richesses d'art disparues à cette époque. Pour sa part, Cléry eut à regretter les monuments de Louis XI et de la maison de Longueville, sans compter ceux dont la connaissance n'est pas parvenue jusqu'à nous.

Nous n'en avons pas trouvé la preuve matérielle dans les comptes de ville d'Orléans; mais l'histoire ne varie pas, à cet égard. Nous sommes certains d'ailleurs qu'on étendit jusqu'à Cléry cette recherche des métaux, puisque nous avons trouvé, à la date du 24 juillet 1562, le certificat de payement d'une somme de 100 sous tournois à plusieurs personnes «  pour abattre le grand treillis de fer du temple de Cléry (10) ».

Le corps de Marie d'Harcourt fut conduit à Cléry, et ses obsèques organisées là et à Châteaudun, avec le con­cours de Piètre André, peintre et huissier de salle du duc Charles d'Orléans, comme c'était l'usage à cette époque.

 

Nous lisons sur une quittance de ses gages, datée du 19 septembre 1464 : «  Pour ung autre voyage par lui fait pour aller conduire le corps de feue madame de Dunois, qui Dieu pardont, et pour ayder à faire l'obsèque d'icelle dame jusques a Cléry, et de Cléry à Chasteaudun, pour le fait dudit obsèque, ainsi que mondit seigneur lui avait commandé, où il vacqua quatre jours entiers (11). »

N'abandonnons pas la tombe de Marie d'Harcourt sans une dernière observation.

 Derrière la pierre dont le déplacement ouvre l'entrée du caveau, il s'en trouve une nuire dont l'apparence singulière attira l'attention de notre confrère M. Dumuys.

Lorsqu'il l'eut dégagée de son enve­loppe de mortier, il découvrit que ce morceau de pierre de Bourré, long de 90 centimètres et large de 47 centi­mètres avec une épaisseur de 333 millimètres, était sculpté et portait des traces de dorure et de couleur bleue, rouge et violette.

Dans une gorge ayant 14 centimètres de développement sont disposés, sur deux lignes parallèles, des bouquets alternés de feuilles de chêne.

La disposition oblique des rameaux, auxquels se rattachent ces feuilles, nous fait croire que ce fragment provient d'un jambage plutôt que d'une frise. Cependant un motif analogue se remarque à la corniche de l'église, sous la toiture. Un autre morceau absolument pareil fut récemment découvert sous le dallage de la sacristie.

 Nous estimons que ces sculptures faisaient partie de l'ancienne église détruite par Salisbury; d'après elles, on peut juger avec quel soin fut construit par Phi­lippe VI l'édifice projeté par Philippe-le-Bel.

Enfin, nous avons retrouvé une couche régulière d'en­duit de plâtre à 70 centimètres au-dessous du dallage du sanctuaire de la chapelle. Cela confirme ce que l'on savait de la surélévation récente du sol de toute l'église; une dalle, retrouvée à 43 centimètres au-dessous du niveau du sol de la chapelle même, donne la mesure exacte de cette surélévation.

Il en résulte que les bases des piliers manquent de proportion et d'harmonie, tandis qu'ils reprennent toute leur grâce, en les dégageant comme nous avons fait pour nous rendre compte de l'état primitif.

Nous avons rapporté quelles profanations la chapelle de Longueville eut à subir en 1562; elle n'en fut point exemple en 1793.

La fabrique de Cléry vendit alors une certaine quantité de plomb provenant des cercueils. La chapelle de Longueville en fournit évidemment sa part, puisque, la même année, les ouvriers passent huit jours «  combler le caveau de la chapelle de Longeville et à la recarreler. »

Arrêtons ici cet exposé, très-détaillé, trop  peut-être, des fouilles nouvellement exécutées dans la chapelle de Longueville, à Cléry.

Des sondages opérés à l'entrée même de la chapelle n'ont rien produit; nous espérions pour­tant y rencontrer la sépulture d'un autre petit-fils de Dunois, Jean d'Orléans, archevêque de Toulouse, évêque d'Orléans, cardinal de Longueville et seigneur de Beau­gency, mort à. Tarascon, le 24 septembre 1533, et dont on ignore le lieu d'inhumation (12). Peut-être était-il dans le grand caveau?

D'ailleurs, le sol de l'église de Cléry doit recéler encore bien des mystères, si les membres de la Société archéolo­gique ont pu vérifier l'endroit où gisent les tombes de quelques-uns de ces morts illustres.

Dans un siècle où l'on réglait à l'avance les plus petits détails des obsèques, combien de personnages ont dû céder à la mode, qui règle toutes choses même les plus solennelles, et ont ordonné leur sépulture dans l'église reconstruite par Charles VII et Louis XI ! ·

Ne citons que deux hommes de condition bien diverse.

On ne pourrait dire où est le corps d'André de Villequier, mari complaisant et enrichi d'Antoinette de Maignelais, qui succédait à sa tante Agnès Sorel dans la faveur royale. Quelle place encore occupe le brave et loyal Tanneguy du Châtel, vicomte de la Bellière et grand écuyer de Charles VII? On sait que ce neveu du fameux prévôt de Paris mourut pauvre. Il déclare, dans son testament, du 29 mai 1477 (13), qu'il veut être enterré « devant une image de Notre-Dame, sans pompe et comme appartient à un simple chevalier ».

Leurs tombes reposent pourtant à Cléry, nous en sommes certains.

 

 

 

Les sépultures de Marie d'Harcourt, femme du bâtard d'Orléans, de Jean, leur fils, et de François II et Louis Ier, ducs de Longueville, leurs petits-fils : testament inédit de Dunois et autres documents par L. Jarry,... ; Église de Notre-Dame de Cléry Jarry, Louis

Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir

 

 

 

Jeanne Dunois, princesse de sang inhumée dans l’église Saint-Médard de Mervent <==

Guerre de Cent ans, Time Travel le 8 juin 1432 : prise du château de Mervent, Mort et obsèques du Bâtard Jean d'Orléans. <==

==> Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU ) <==

 

 

 


 

(1). Chouzé-sur-Loire, canton de Bourgeuil, arrondissement de Chinon (Indre-et-Loire).

(2) Nous renvoyons, pour la description du caveau et du corps de Dunois, au Bulletin de la Société archéologique de l’Orléanais, t, JV, pp. 155 et suiv. On y signale que le caveau est construit en pierre d'Apremont ; mais on néglige la paroi en pierre de Bourré, détail qui a une réelle importance et qui devait nous amener à la découverte du caveau de Marie d'Harcourt.

(3) Il est long de 20 centimètres; celui de l'autre corps mesure exactement 40 centimètres.

(4) Le rapport de M. le docteure Duchâteau ayant une réelle importance, nous l'insérons tout entier. - cf. Pièce justificative VII.

(5). Rapport sur des fouilles faites à Cléry qui ont amené la découverte des restes de Dunois (Mémoire de la Société archéologique, t. IV, p. 415.)

(6) D'après la copie de Polluche; celle de Gyvès donne: Mervant; c'est le nom d'une autre seigneurie du comte de Dunois. On lit la même chose dans l'extrait du testament qui est au manuscrit de Clairambault (Bibliothèque nationale).

(7) La copie seule de Polluche dit : partement

(8) Notice historique sur l'église de Notre-Dame de Clercy. Orléans, Jacob l'ainé, 1823, in-16, p. 18. Le chanoine Hubert, dans son histoire manuscrite du Païs orléanois, donne la même ren­seignement.

(9)   ... Histoire de Cléry, etc, Orléans, Alex, Jacob, in-16, p.56.

(l0) Archives municipales d'Orléans. Pièces justificatives du compte de forteresse de J. Noël. (Artillerie, arsenal)

(11). Bibliothèque nationale (Cabinet des titres, dossier André) pièces publiées par M. U. Robert dans les Nouvelles Archives de l’Art français, année 1877, pp. 126 et 127.

(12). L'abbé Bordas dit qu'il fut enterré à La Cour-Dieu. Le cardi­nal n'avait pourtant pu de relation particulière avec cette abbaye, dont nous avons écrit l'histoire ; nous ne trouvons, du moins, rien qui vérifie l'assertion de cet écrivain et nous l'estimons mal fondée, jusqu'à plus ample informé.

 (13). Bibliothèque nationale, Ms. fr. 6980.

 

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