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PHystorique- Les Portes du Temps
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20 septembre 2021

Sur l’Itinéraire suivi en Poitou par la translation des centres de Saint Léger d'Autun (Léodegard)

Sur l’Itinéraire suivi en Poitou par la translation des centres de Saint Léger d'Autun (Léodegard)

Nous voudrions signaler en quelques mots l'intérêt que présente, pour l'histoire mérovingienne (et gallo-romaine) du Poitou, l'étude publiée par M. Levéel dans le bulletin de la Société archéologique de Touraine. 1972, pp. 77-81, sur la translation, du Nord de la Gaule jusqu'à l'abbaye de Saint-Maixent, en 681, des reliques de Saint-Léger, évêque d'Autun, mis à mort par ordre du maire du palais de Neustrie Ebroïn, au nom du roi Thierry III, comme complice de l'assassinat de Childéric II.

 Nombre de clercs de Neustrie, dit M. Levéel, considérèrent le martyr comme « un modèle des serviteurs de Dieu » et un grand thaumaturge, et le récit de cette translation, jalonnée de miracles, nous a été donné : 1°) dès la fin du VIle siècle par un moine anonyme d'Autun écrivant sur l'ordre de l'évêque Hermenaise (successeur de Léger) et par un moine de Saint-Maixent, Ursinus, écrivant sur les instances de son abbé Anduffe et de l'évêque de Poitiers Ansoald (luimême abbé de Saint-Maixent avant son élévation) ; ces deux sont dans le Recueil des historiens de la Gaule de dom Bouquet (avec une notice de présentation), t. II, 1738, pp. XV-XVI et 611-632 ; 2°) vers 1.041 seulement, par Fruland, moine de Murbach en Alsace, qui a trouvé comme éditeur le chanoine Pitra, à la fin de son Histoire de Saint-Léger, 1846, pp. 525-568.

Pour décider entre les divers sanctuaires qui réclamaient ces reliques et faire choisir Saint-Maixent ; un premier miracle s'était produit.

L'itinéraire suivi n'est précisé qu'à partir de la Touraine inclusivement : à Tours, l'évêque (appelé tantôt Bert, tantôt Chrotbert, Robert) avait accueilli les reliques, et il suivit avec elles la grande voie romaine, par Joué-les-Tours, Pont de Ruan, Saint-Epin, Nouâtre, Port-de-Piles et (par la rive Est de la Vienne) Ingrandes-sur-Vienne, où il s'arrêta.

M. Levéel précise utilement que cet Ingrandes (nom synonyme, comme on sait, de station-frontière entre les cités gauloises, puis gallo-romaines) était de Poitou, et que d'une manière générale, les stations jouant le même rôle (et souvent appelées du même nom) n'étaient pas, en quelque sorte, apatrides, n'avaient pas le caractère de no man's land, mais relevaient d'une des deux cités contiguës : ainsi, Ingrandes sur la limite entre Bretagne et Anjou relevait de l'Anjou ; Ingrandes-sur-Loire entre Bourgueil et Langeais, de la Touraine ; Ingrandes-sur-l'Anglin à la limite du Poitou et du Berry, du Berry ; et notre Ingrandes-sur-Vienne, à la limite du Poitou et de la Touraine, du Poitou.

Le moine d'Autun dit de l'évêque Bert : « Cum introvisset Pictavense solum requievit panlulum in quodam vio Igorande vocabulo ».

Un historien tourangeau autre que M. Levéel, M. Raymond Mauny, a donc eu tort — remarque M. Levéel — d'écrire dans le Bulletin des Amis du Vieux Chinon, en 1952, qu'Ingrandes, puisque Bert, évêque de Tours, y entra, avait été rattachée à la Touraine.

 On notera même que, dès l'époque carolingienne, la date exacte et les modalités nous échappent, la vignerie commandée par cette localité s'agrandit vers le Nord jusqu'à porter sa frontière au « Bec des deux eaux », à Port-de-Piles, qui sépare depuis lors Touraine et Poitou.

A Ingrandes, Saint Léger accomplit deux guérisons miraculeuses.

M. Mauny, n'utilisant que le récit bien tardif du moine de Murbach, pensait que l'évêque Bert avait même poussé, au-delà d'Ingrandes soi-disant tourangelle, jusqu'à « une villa appelée Extrammis, lieu non identifié entre Ingrandes et Cenon » ; que, là, le cortège avait passé la Vienne, agitée, d'après le chroniqueur, par « une tempête signe de l'Océan », et qu'à cet Extrammis, « où il était chez lui », Ansoald, évêque de Poitiers, prit le relais de l'évêque de Tours.

M. Levéel rétablit la vérité, à partir du récit de l'anonyme du VIle siècle, qui se déclare à plusieurs reprises témoin oculaire (Le récit de son contemporain Ursinus, lui, n'est pas explicite).

Notons que cette vérité (nous le signalons à M. Levéel) a été reconnue dès 1834 par Babinet, ancien président du tribunal aux Sables d'Olonne, dans une Vie de Saint-Léger publiée à Poitiers.

 

Ansoald n'était pas venu jusqu'à Ingrandes, première localité pourtant bel et bien poitevine, mais c'est qu'il avait délégué la responsabilité de la translation à l'abbé de Saint-Maixent Audurfe (qui devait finalement accueillir les cendres dans son abbaye) ; et, d'autre part, il n'attendait nullement le cortège dans un endroit appelé Extrammis.

Dans la réalité, il devait envoyé au personnel domestique d'une villa lui appartenant, à Interammis (1), aujourd'hui Antran (l'étymologie est bien établie, donnée par le Dictionnaire de Rédet), sur la rive Ouest de la Vienne, l'ordre de faire parvenir au cortège un chargement de vin pour que les pauvres et tout le reste du peuple qui accompagnait la pieuse dépouille puissent se réconforter.

 

Il faut qu'une barque, pour apporter ce vin, ait traversé la Vienne d'ouest en est pour atteindre le cortège. Et celui-ci accomplit ensuite la traversée inverse : soit de la Vienne seule, en aval du confluent avec le Clain, soit de la Vienne d'abord et du Clain ensuite, ce qui ne peut guère s'être fait qu'à la banlieue du Vieux-Poitiers, du Briva de la célèbre inscription celtique.

Après quoi, le cortège (et Audulfe) rencontrèrent Ansoald, venir au-devant d'eux avec les clercs et le peuple de Poitiers, à Jaulnay, « quamdam villam Gelnacum ».

 Et il est intéressant, note encore M. Levéel que cet itinéraire ait été qualifié par le récit du VIle siècle de rectum, direct, normal.

Il paraît probable par conséquent que la vieille route suivant la rive Est jusqu'à Poitiers s'était dégradée au point d'être normalement abandonnée au profit de la rive Ouest : remplacement qui remonterait vraisemblablement à la fin de l'époque gallo-romaine.

Notons qu'A. Lièvre (Les chemins gaulois et romains entre la Loire et la Garonne, MSAO, 1891, p. 438) place la naissance (ou l'emploi ordinaire) de la Voie Ouest après la fondation de Châtellerault : cela nous repousse au début du Xe siècle, et, d'ailleurs, le gros de Châtellerault s'est situé sur la rive Est ! Qu'il y ait eu de très bonne heure, sur la rive Ouest, une voie prête à prendre un jour le relais de l'autre, cela résulte, semble-t-il, certainement, de l'importance prise, après le temps de la paix romaine, par le vicus de Jaulnay, où l'archéologie a découvert les vestiges d'un temple, d'un balnéaire et d'habitations luxueuses, le tout décrit dans Gallia, t. XII, 1954, pp. 176-180, et signalé par F. Eygun dans son Art des pays d'Ouest, pp. 18, 19, 32, 36 : avec des monnaies allant de Valérien à la famille constantinienne.

C'est de plus, à 7 km seulement de Jaulnay que se situait le vicus dit, par nous, « des Tours-Milandes », important encore plus tôt.

 Signalons, pour terminer, un autre petit problème concernant l'itinéraire suivi par les cendres de Saint-Léger, mais après le passage à Poitiers, et dont M. Levéel n'avait pas à s'occuper. Il est dit, dans le récit du VIIe siècle auquel nous faisons confiance, que le cortège, entre Poitiers et Saint-Maixent, passa par Zerzinoille, nom singulier dans lequel (avec Rédet) il semble qu'on doive reconnaître Jazeneuil.

Or, de même, en 1599, le voyageur bâlois Thomas Platter, allant, lui de Saint-Maixent à Poitiers (2) traversait « Jasine » — qui doit encore être Jazeneuil : voilà un nom qui n'a pas de chance !

Dans les deux cas — si éloignés par la date —, nous qui empruntons la Nationale 11 nous aurions attendu Lusignan. On devait avoir le choix entre les deux tracés, et M. de la Coste-Messelière, sur une carte accompagnant son étude : « Les Chemins médiévaux en Poitou » (Bulletin philologique et historique du Comité des travaux historiques, 1960, pp. 205233), fait figurer un peu au Nord de la route Poitiers-Lusignan (qui s'écartait elle-même par places du tracé de la Nationale 11) une route

Poitiers-Jazeneuil, qualifiée de Chemin saunier, dont on pourrait peut-être reconstituer par la pensée quelques sections.

Elle peut être d'origine antique, et le P. de la Croix a jadis découvert à Jazeneuil, des vestiges romains (BSAO, 1852, p. 217 ; cf. 1900, p. 525).

La carte arrête le tracé à Jazeneuil : il faut admettre que le prolongement se dirigeait vers Saint-Maixent ; les voyageurs, les pélerins qui empruntaient Poitiers-Lusignan, continuaient plutôt vers Saint-Léger-les-Melle et Saintes.

Cela n'empêchait pas l'existence d'une liaison Lusignan-Saint-Maixent.

M. de la Coste-Messelière attire l'attention sur la fréquence, entre tels et tels points, d'itinéraires doubles ou triples : on suivait peut-être de préférence, selon les temps, les moins dégradés.

G. DEZ.

 

Société des antiquaires de l'Ouest.

 

 

 Saint-Maixent : Histoire et fouilles archéologiques dans la crypte de l’ancienne église de Saint Léger  <==

 

 


 

(1) Notre confrère, M. Fritsch, qui mène activement des fouilles fructueuses aux environs de Châtellerault, a bien voulu rappeler, dans la séance de la Société où a été présentée cette note de lecture (17 janv. 1974) qu'il a découvert, au Nord-Ouest de la ville, les vestiges d'une importante villa et ceux d'un chemin probablement romain.

(2) B.S.A.O. 1972, p. 567.

 

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