Juillet 1849 Nouvelles archéologiques et diverses concernant nos comtes et ducs d'Anjou, dons faits au Musée des antiquités du Mans.
Messieurs,
Dernièrement, j'avais l'honneur de vous annoncer la décision de M. le ministre de l'intérieur, ayant pour but de faire restituer a Fontevrault les statues des Plantagenets ; aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous apprendre que cette restitution s'est effectuée :
Henri II et sa femme, Eléonore de Guyenne, Richard Coeur-de-Lion et Isabeau de la Marche, épouse de Jean-Sans-Terre, sont allés reprendre place au lieu primitif de leur inhumation.
A propos de ces comtes et comtesses d'Anjou, rois et reines d'Angleterre, vous ne trouverez pas mauvais que je vous entretienne, au point de vue iconographique, de certaines effigies de nos princes angevins, lesquelles effigies se rencontrent notamment dans le Maine.
Cette énumération pourra faciliter les recherches des artistes peintres et dessinateurs qui voudraient les reproduire.
Si je ne me trompe, le plus ancien portrait authentique qui nous soit resté des Plantagenets, est un 1res bel émail, aujourd'hui déposé au musée des antiquités du Mans. Il représente Geoffroy-Le-Bel, comte d'Anjou de 1129 à -1151.
Voici ce que nous lisons dans le Mans ancien et moderne, par Richelet, pages 168 et 169 :
« Le musée du Mans, dit-il, possède un portrait extrêmement précieux, sur cuivre émaillé, de Geoffroy-le- Bel, surnommé Plantagenet, tenant son épée nue de la main droite, de l'autre un écu, ou plutôt une large, qui lui couvre les épaules et descend en pointe jusqu'aux pieds. Elle est chargée d'azur, à quatre (1) léopards rampants d'or, lampassés de gueules; cette large se trouvant sur le côté, et par conséquent n'étant visible qu'à moitié, doit être blasonnée de même sur l'autre face. Le casque, ou plutôt l'espèce de bonnet phrygien dont Geoffroy est coiffé, se termine en pointe recourbée sur le devant et porte aussi un léopard d'or. Le reste de l'habillement n'a rien de militaire. Le prince est vêtu d'une dalmatique recouverte d'un grand manteau bordé d'une sorte d'hermine; pardessus le manteau est une bande en écharpe de la même forme que sa ceinture. Ce curieux portrait était attaché sur le premier pilier à droite de la nef dans la cathédrale du Mans, d'où il fut arraché lors de la Révolution. »
M. Lenoir, dans son Musée des monuments français, a fait graver, tome VII, p. 85, un dessin, regardé par lui comme l'original qui servit à l'exécution du portrait émaillé. »
Après cette description de M. Richelet, il ne me reste plus que deux observations à faire : l'une sur le blason de Geoffroy, et l'autre sur l'édicule qui sert de dais a ce personnage.
Le comte d'Anjou avait adopté les léopards de Normandie, province dont il était en même temps duc. Quant au petit édicule, le goût oriental s'y fait remarquer par deux minarets surmontés chacun d'un croissant.
Ce dessin a cela encore de remarquable, que les portes et fenêtres sont plein-cintre, d'où l'on pourrait induire qu'il est au moins douteux que l'ogive nous soit venue de l'Orient.
Cet émail nous montre aussi que, vers le milieu du XIIe siècle, l'ogive n'avait pas encore fait une complète invasion en Anjou. Ce tableau a de hauteur 65 centimètres sur 54 de longueur. On y lit ces deux vers latins :
« Ense tuo princeps, proedonum turba fugatur,
» Ecclesiis quies pace vigente datur.
Les couleurs bleues, blanches, or, vertes et brunes dominent dans cet émail, classé sous le n° 72 du livret du musée du Mans.
Geoffroy-le-Bel eut pour successeur Henri II qui régna de 1151 à 1189.
Nous avons dit précédemment que la statue sépulcrale de ce prince venait d'être restituée à Fontevrault, avec celle d'Éléonore de Guyenne, sa femme. Ces statues paraissent appartenir au style du XIIe siècle; il en est autrement d'une peinture sur marbre que l'on voit dans la salle de l'hôpital Saint-Jean à Angers. Ce portrait, représentant Henri II roi d'Angleterre, est incontestablement un travail du XVIe siècle.
Nous ne dirons rien ici d'un vitrail aujourd'hui dans l'église de Vernantes, représentant Foulques V, roi de Jérusalem, et qui fut comte d'Anjou de 1109 à 1129; ce vitrail, en effet, ne remonte pas au-delà du XVe siècle. Nous ne donnerons pas non plus comme authentiques deux gravures publiées autrefois par Claude Ménard, et dont M. T. Grille possède aujourd'hui, si j'ai bonne mémoire, les cuivres dans son curieux cabinet.
Ces gravures reproduisent Foulques le jeune et l'un de nos Geoffroy, d'après des fresques qui jadis existaient dans l'église de Saint-Nicolas d'Angers, et qui, quoiqu'anciennes, n'étaient pas contemporaines des personnages qu'elles représentaient, comme le prouve la forme des cottes d'armes, des brassards, des cuissarts et des gantelets qui n'est point celle en usage aux XIe et XIIe siècles. Toutefois les cottes d'armes de ces deux personnages sont curieuses, en ce qu'elles présentent-le dessin des armoiries de nos comtes Ingelgeriens, qui, suivant Claude Ménard, cité par Bodin, étaient « d'azur au chef de gueule, à l'escarboucle d'or de huit, ou bâtons à deux noeuds, les pointes fleurdelysées d'or, le point du milieu de l'escarboucle aussi d'azur. »
Jusqu'ici, Messieurs, nous n'avons énuméré, comme vous le voyez, parmi nos monuments iconographiques contemporains des personnages, que : 4° L'émail de Geoffroy Plantagenet; 2° les statues sépulcrales de Henri II et de sa femme Éléonore de Guyenne; 3° celle d'Isabeau de la Marche, épouse de Jean-Sans-Terre; 4° la statue de Richard Coeur-de-Lion.
Il nous reste h compléter cette série de nos Plantagenets, en vous signalant le magnifique tombeau de Bérengère, femme dudit Richard, dans la cathédrale du Mans.
Ce tombeau, formé d'un socle enrichi de moulures quadrilobées, supporte la statue couchée de la reine qui tient entre ses mains sur sa poitrine une petite statue la représentant entre deux chandeliers d'église. L'ensemble de ce tombeau qui, en 1821, fut transporté de l'église de Lepau dans la cathédrale du Mans, est bien du XIIIe siècle.
La tête de la statue est parée d'une couronne feuillée ; aux pieds repose un petit chien (la Fidélité), au flanc droit se voit l'escarcelle pendante, symbole de la Charité, et sur le socle on lit :
« Mausoleum islud serenissimae Berengariae Anglorum reginae hujus Coenobii fundatricis inditae restauratum et in Angustiorem locum hunc translalum fuit in eo que recondita sunt ossa hac quae reperta fuerunt in anliquo tumulo die 27 maii anno domini 1672. Ex ecclesia abbatiali de pietate Dei, translalum fuit et depositum in ecclesia cathedrali, dice decembris 1821. »
La cathédrale du Mans possède encore dans ses vitraux (aile du Nord), l'effigie de Louis II, duc d'Anjou, comte du Maine de 1384 à 1417, et celle d'Yolande d'Aragon, sa femme, mère du Roi René.
On voit également dans l'une des chapelles de la même église, le tombeau de Charles Ier d'Anjou, frère dudit René ; Charles avait eu vers 1417, le comté du Maine en partage. Il mourut en 1472 ; le socle de son tombeau, en forme de berceau , porte une statue de marbre blanc, en costume de chevalier, la tête ornée d'un bandeau perlé. On commence à voir poindre dans ce monument le goût de la renaissance.
L'épitaphe porte :
« Hic Carolus cornes Cenomaniae obiit die X ap. MCCCC LXXII.
Si maintenant du Mans nous gagnons Paris et que nous allions dans les caveaux de Saint-Denis, nous y trouverons le tombeau et la statue de Charles Ier, comte d'Anjou , frère de saint Louis ; il est en costume de chevalier, c'est-à-dire, orné de brassards, de cuissarts maillés et de la cotte-d'armes. Sa cotte est traversée obliquement par deux baudriers, l'un maintient sur la cuisse gauche son écu bâtonné et fleurdelisé, l'autre sert à suspendre le fourreau de son épée dont il tient en main la lame.
Enfin, Messieurs, le cabinet de M. Grille, possède un portrait de René qui paraît authentique.
Eu résumé donc et pour mettre de l'ordre chronologique, nous dirons que nos artistes pourraient reproduire fidèlement les portraits de Geoffroy Plantagenet, de Henri II, d'Éléonore de Guyenne, de Richard-Cœur-de-Lion, de Berangère, d'Isabeau-de-la-Marche, tous Plantagenets, comtes et comtesses d'Anjou durant le XIIe siècle.
Ils pourront y ajouter les effigies de Charles Ier, frère de saint Louis, de Louis II, d'Yolande d'Aragon et de ses fils René d'Anjou de Charles 1er du Maine. Ces derniers ayant vécu du XIIIe siècle au XVe.
Quant à nos ducs apanagistes, c'est-à-dire, aux princes qui vécurent depuis le XVIe siècle jusqu'à l'a fin du XVIIIe, il ne serait pas difficile, je crois, de trouver leurs portraits , soit sur les monnaies, par exemple, pour Henri III et Gaston d'Orléans, soit dans les bibliothèques et les galeries de tableaux.
Le musée de peinture d'Angers possède notamment le portrait en pied de Louis Stanislas Xavier, comte de Provence, duc d'Anjou, et plus tard roi de France sous le nom de Louis XVIII.
NOTA. Nous venons de trouver dans les Hommes illustres, de Thevet, un portrait de Foulque-Nerra que cet auteur assure avoir pris sur un original qui, de son temps, se trouvait dans l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Ce serait assurément le plus ancien portrait authentique de nos comtes d'Anjou.
Terminons ces nouvelles par la liste des dons faits au cabinet d'antiquités :
1° Par M. Briot, divers objets Gallo-Romains, en terre cuite, trouvés dans la gare du chemin de fer ;
2° Par M.me Élie Bigot, un très beau vase du XVIIIe siècle, en forme de casque grec.
V- GODARD-FAULTRIER.
/image%2F1371496%2F20240615%2Fob_173ae5_l-art-pour-tous-encyclopedie.jpg)
COSTUMES DE GUERRE IXe, Xe, XIe ET XIIe SIÈCLES AU MUSÉE D'ARTILLERIE DE PARIS.
Ces quatre motifs, dessinés d'après la belle collection de costumes militaires du Musée d'artillerie de Paris, représentent: fig. 5261, costume du IXe siècle, époque de Charlemagne: fig. 5262, costume du Xe siècle, époque de Hugues Capet; fig. 5263, costume du XIe siècle, époque de Philippe Ier, d'après les renseignements fournis par la tapisserie de Bayeux ; fig. 5264, costume du XIIe siècle, époque de Louis le Gros, d'après l'émail du Mans représentant Geoffroy Plantagenet, duc du Maine.
The four drawings above were designed from the splendid collection of war costumes belongind to the artillery Museum, Paris. '
Fig. 5261, IXth century, Charlemagne's epoch; fig. 5262, Xth century, Hugues Capet's epoch; fig. 5263, XIth century, epoch of Philip Ist from documents borrowed to the Bayeux tapestry; fig. 5264, XIIth century Louis le Gros' epoch from the Mans enamel representing Geffrey Plantagenet Duke of Maine.
Diese vier Motive stammen aus der wunderschönen Sammlung militärischer Kostüme im Pariser Artilleriemuseum und stellen Folgendes dar: Abb. 5261, Kostüm aus dem 9. Jahrhundert, Zeit Karls des Großen: Abb. 5262, Kostüm aus dem 10. Jahrhundert, Zeit von Hugues Capet; Feige. 5263, Kostüm aus dem 11. Jahrhundert, Zeit Philipps I., nach Angaben des Teppichs von Bayeux; Feige. 5264, Kostüm aus dem 12. Jahrhundert, Zeit von Louis le Gros, nach der Le-Mans-Emaille, die Geoffroy Plantagenet, Herzog von Maine, darstellt.
Académie des sciences, belles-lettres et arts (Angers).
==> le Cimetière des Rois d'Angleterre à l’abbaye de Fontevraud
==> L’émail de Geoffroy Plantagenêt change d’adresse
(1) y a erreur pour le chiffre quatre, nous n'avons aperçu que trois léopards.