L’émail de Geoffroy Plantagenêt change d’adresse
L’émail, son origine, sa fabrication
On nomme émail un verre coloré par des oxides métalliques et rendu opaque par l'introduction d'une certaine quantité d'oxide d'étain dans la masse de l'émail.
Dès les temps les plus reculés, les émailleurs égyptiens revêtaient d'une couche d'émail vert ou bleu divers objets en terre de poterie appelés communément porcelaine d'Egypte.
Chez les Grecs et chez les Romains, l'art de l'émailleur se perfectionna ', les métaux qui servaient d'excipient furent l'objet d'un choix tout particulier, et en taillant sur la surface des creux, dont les arêtes formaient un dessin quelconque, puis en les remplissant d'émail de plusieurs couleurs, ils obtinrent des sujets assez importants et d'une diversité remarquable.
Ce procédé, par infusion, subsista jusqu'au quatorzième siècle.
De Rome, l'art de l'émailleur s'introduisit dans les Gaules où il devait arriver à son apogée. Dans ses Images, Philostrate dit que les Gaulois étendaient des couleurs sur de l'airain, qu'elles y adhéraient par l'action du feu et qu'elles devenaient inaltérables. Cette assertion ne peut être démentie puisque des colliers gaulois en bronze, ornés de rosaces en émail, ont été trouvés, en 1838, à Marsal (Meurthe).
Au dixième siècle, un moine lombard, Théophile, donna dans un ouvrage qu'il a composé sous le titre de Diversarum artium schedula les procédés de la peinture sur émail usités de son temps.
Vers le onzième siècle, la peinture sur émail produisit le portrait en pied du comte d'Anjou, Geoffroi Plantagenet, aujourd'hui au musée du Mans.
Ce bel émail, d'environ deux pieds de hauteur sur un de largeur, est exécuté d'après le procédé alors en usage, et qui consistait à couler de l'émail dans les creux du métal.
Dès le douzième siècle, Limoges avait une grande célébrité pour la fabrication des émaux connus sous le nom de opus de Limogià, labeur Limogioe, opus Lemoviticum.
Cette réputation était, dès 1197, répandue jusque dans l'Italie méridionale, car dans une charte de donation faite en cette année, on parle de Duas tabulas oeneas superauratos de Labore Limogioe.
Au quatorzième siècle, il s'opère une révolution dans l'art de l'émailleur. Un ouvrier viennois, Ugolino Vieri, découvre l'art d'émailler sans incrustation.
Au seizième siècle, Lucas délia Robbia et Bernard de Pallissy donnèrent aux terres cuitesé maillées une importance considérable.
Aux dix-septième et dix-huitième siècles, des artistes tels que les Laudin soutinrent la réputation de Limoges et leurs oeuvres demeureront impérissables.
De nos jours, des progrès remarquables ont été faits, des perfectionnements provenant des découvertes chimiques ont été apportés et de véritables chefs-d'oeuvres ont été exécutés sur la porcelaine, matière qui ne se détériore pas comme la tôle et qui résiste à l'eau, à la poussière et au feu.
On peut formuler, sans crainte d'être contredit, l'axiome suivant : pendant toute la durée du XIIe siècle, l'émaillerie champlevée sur cuivre de Limoges, se souvenant de ses origines, n'est que la contrefaçon plus ou moins réussie, plus ou moins grossière de l'émaillerie cloisonnée.
Il s'ensuit que pour toute cette période, à de très rares exceptions près, les personnages se présentent entièrement émaillés, aussi bien pour le visage que pour les vêtements. Ils se détachent sur un fond de cuivre doré ou sur un fond recouvert d'émail.
Vers le dernier quart du XIIe siècle, on tend à substituer à l'émail appliqué à plat l'émail appliqué sur des reliefs qui eux-mêmes participent de l'ancienne tradition en ce qu'ils sont fractionnés par des cloisons épargnées sur ces mêmes personnages en relief.
C'est déjà un pas fait vers la décadence de l'émaillerie, puisque l'orfèvre, le fondeur cherchent à se substituer à l'émailleur, et s'y substituent complètement pour tout ce qui est visage ou carnation. Cette prépondérance de l'orfèvrerie sur l'érnaillerie — les deux métiers n'étaient pas séparés — engendre à Limoges un parti pris artistique bizarre, qui consiste à appliquer après coup, sur des corps entaillés à plat, des têtes fondues et ciselées en relief. C'est un procédé qui n'a été employé qu'à Limoges, antérieurement peut-être à l'apparition des personnages en relief et entaillés.
Enfin jusqu'à la fin du XIIe siècle, sur un petit nombre de monuments incontestablement limousins on rencontre encore parfois réunis les procédés du cloisonnage et de la taille d'épargne.
Le tombeau de Geoffroy Plantagenet comte d'Anjou, dont la date d'exécution doit être placée entre les années 1151 et 1100, et le tombeau d'Eulger, qui fut élevé, selon la plus grande vraisemblance, entre les années 1156 et 110. Ce sont, on le voit, deux monuments absolument contemporains l'un de l'autre et qui en effet présentent à peu de chose près les mêmes caractères.
La plaque qui autrefois, avant 1562, ornait le tombeau de Geoffroy Plantagenet, dans l'église de Saint-Julien du Mans, est un des spécimens les plus grands que nous possédions de l'érnaillerie du XIIe siècle; elle ne mesure pas moins de 65 centimètres de haut.
Sous une arcature en plein cintre surmontée de coupoles et d'édifices de fausse architecture, le prince est debout, en costume de cour et non en costume guerrier. Il porte une robe talaire bleu clair, un bliaud vert sombre, décoré débandes d'or, et un long manteau bleu de ciel doublé de fourrure et agrafé sur l'épaule droite. Les cheveux et la barbe longs, et frisés, de couleur blonde, les yeux bleus, ta tête coiffée d'un bonnet bleu orné d'un lion d'or, Geoffroy tient dans la main droite une longue épée et de l'autre le long bouclier triangulaire en usage de son temps : muni d'une boucle très saillante, ce bouclier est décoré de quatre lions d'or se détachant sur un fond bleu lapis. Les fonds, l'architecture, les bordures, tout cela est entaillé de bleu, de vert, de blanc; quelques tons rouges apparaissent dans l'architecture, mais l'aspect général est un peu triste. A la partie supérieure de la plaque sont gravés deux vers latins en l'honneur du souverain :
Ense tuo, princeps, predonum turba fugatur
Ecclesiisque quies, pace vigente, datur.
« Ton épée, prince, chasse la troupe des brigands, et le repos, par une longue paix, est rendu aux églises. »
C'est une allusion assez claire à l'abolition d'une ancienne coutume, que l'église considérait comme déplorable, qui lui avait été accordée par Geoffroy. Quand l'évoque du Mans mourait, le peuple avait le droit de piller ses biens et c'est cette coutume que lit disparaître le comte.
En reconnaissance de ce service l'évêque du Mans, Guillaume de Passavant, lui fit élever un tombeau dans l'église de Saint-Julien et la plaque que nous possédons aujourd'hui y resta fixée jusqu'en 1562.
De synchronismes que l'on a établis entre différents textes se rapportant à Geoffroy, il résulte clairement que l'émail du Mans représente bien Geoffroy Plantagenet et non Henri II roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine (f 1189), ainsi que.l'ont prétendu certains auteurs, Labarte entre autres, et que ce monument fut exécuté avant 1160.
On dirait du reste que l'artiste a représenté le costume que décrit précisément un chroniqueur dans le récit des noces de Geoffroy ; il parle, entre autres, de ces leonculos aureos, de ces lions d'or que nous voyons s'étaler sur le bonnet et l'écu du personnage, non pas comme pièces d'armoiries héréditaires, mais comme simples symboles.
On a été très loin, jusqu'en Allemagne, rechercher l'origine de cet important monument que pendant longtemps on s'est refusé à considérer comme français, telle est la force des idées a priori. Or, il n'est pas bien difficile d'établir qu'au milieu du XIIe siècle des relations très étroites existaient entre l'Anjou et l'Aquitaine et le Limousin par conséquent.
On sait que Henri, fils de Geoffroy, duc de Normandie et comte d'Anjou, était devenu en 1152 duc d'Aquitaine par son mariage avec Éléonore (Aliénor d’Aquitaine); nous savons aussi, par la chronique de Geoffroy de Vigeois, que ce prince vint souvent à Limoges et en Limousin; toutes les chroniques locales ont conservé le souvenir de ses voyages peu désintéressés, notamment de celui de 1185, pendant lequel il pilla le trésor de l'abbaye de Saint-Martial de Limoges et aussi la célèbre abbaye de Grandmont.
Geoffroy de Vigeois estime à 22 000 sous tournois la seule valeur intrinsèque des joyaux enlevés à Saint-Martial par le roi d'Angleterre et ne manque pas de rappeler qu'il poussa le cynisme jusqu'à voler à Grandmont les colombes d'or que l'église devait à la munificence de son père.
Voilà, ce semble, des textes assez concluants pour établir les relations des princes angevins avec le Limousin. Comment peut-on dès lors supposer que l'on soit allé s'adresser ailleurs pour commander des monuments qui, ni par leur style ni par leur technique, ne s'écartent en rien des monuments de la même époque dont l'origine française n'a jamais été contestée?
En 1562, le tombeau de Geoffroy n'était déjà plus connu « que comme celui d'un seigneur anglais » : dans l'inventaire, fait par ordre du Chapitre, pour constater les dégâts faits par les huguenots, lors du sac de la cathédrale, en avril 1562, on lit en effet :
« Davantaige ont montré la place près et contre l'un des trois piliers, disans que le dict tiers jour d'apvril et du paravent y avoit un monument ou sepulture de pierre de taille et autres matières fort authentiques, où avait été inhumé un Anglois. »
La plaque émaillée, qui avait échappé au vandalisme des religionnaires, fut vraisemblablement replacée à peu de temps de là, mais non plus à la place où était originairement le tombeau ; elle fut mise sur l'avant-dernier pilier de la nef à gauche, où elle resta jusqu'en 1792.
A cette époque, une autre tempête politique la fit encore disparaître. Pendant vingt-quatre ans, on ignora absolument ce qu'elle était devenue, et ce ne fut qu'en 1816, lors de l'inventaire du cabinet .de M. Maulny qui venait d'être acheté par le département, qu'on la retrouva, cachée derrière un vieux meuble.
L’émail Plantagenêt le joyau des Musées a quitté Le Mans pour rejoindre le Louvre Abu Dhabi.
Catalogue du musée de peinture et d'histoire naturelle du Mans
A. PAYART.
L'émaillerie / par É. Molinier,...
L'Exposition universelle de 1878 illustrée
Aliénor d’Aquitaine - Origine et le dernier des Plantagenêts <==
1161 Chartes de Henri II et d’Arthur Relatives au service de l’autel placé devant le tombeau de Geoffroy Plantagenet, dans la cathédrale Saint-Julien du Mans.
De Capellanis comitis Circa an. 1161
H. rex Anglorum et dux Normannorum, Aquitanorum et comes Andegavium, archiepiscopo Turonensi et episcopo Cenomanensi et episcopis, abbatibus et comitibus baronibus, justitiis, dapiferis, ministris et omnibus fidelibus suis totius terre sue, salutem.
Sciatis me dedisse in perpetuam elemosinam Deo et ecctesie Beati Juliani Cenomanensi pro anima patris mei et pro animabus omnium antecessorum meorum et pro salute matris meae et mea et uxoris meae et filiorum meorum et omnium successorum meorum quadraginta libras andegavensis rnonete, bac conditione, quod duo presbyteri inde sustententur in servitio ejusdem ecclesie, et illas habeant ut serviant quotidie ad altare illud quod est ante sepulchrum patris mei, pro anima patris mei, et hi duo presbyteri eligantur in presentia episcopi Cenomanensis, viri honesti, juramento trium honestarum personarum Cenomanensis ecclesie quas ad hoc episcopus Cenomanensis elegerit, et cum unus eorum vel uterque decesserit, juramento trium personarum ad hoc electarum substituantur alie honestiores persone quae inveniri poterunt.
Et bas XL libras assigno eis annuatim de redditu meo Cenomanensi, donec alii eas illis constituant. Cum autem unus eorum vel uterque decesserit infra primes XV dies substituantur ani.
Roberto comite Legere ; Gaufrido decano Andegavensi; magistro Alveredo; Roberto de Novo Burgo; Roberto de Dustanvilla; Joseio de Baillollo; Wilhelmo filio Hamonis. Apud Wintoniam.
Testibus Joscelino Epies. Sarisburiensi; Toma (1) cancellario
Henri roi d’Angleterre et duc de Normandie, d’Aquitaine et comte d’Anjou, à l'archevêque de Touraine et à l'évêque de Gênes et aux évêques, abbés et comtes, barons, juges, sénéchaux, ministres et tous ses fidèles dans tout son pays, salutations.
Sachez que j'ai fait une aumône perpétuelle à Dieu et à l'église du bienheureux Julien de Gênes pour l'âme de mon père et pour les âmes de tous mes ancêtres et pour la sécurité de ma mère et de moi-même et de ma femme et de mes enfants et à tous mes héritiers quarante livres de monnaie angevine, à condition que deux prêtres de là seront entretenus au service de la même église, et qu'ils les feront servir chaque jour à l'autel qui est devant le tombeau de mon père, pour l'âme de mon père, et ces deux prêtres seront élus en présence de l'évêque de du Mans, honorables hommes, par le serment de trois personnes honorables de l'église du Mans qu'à cet effet l'évêque de Mans a élues, et quand l'un ou les deux d'entre eux leur est décédé, ils seront remplacés par le serment de trois personnes choisies à cet effet par d'autres personnes plus honorables que l'on pourra trouver.
Et je leur assigne 40 livres par an sur mon loyer à Gênes, jusqu'à ce que d'autres les règlent pour eux. Mais lorsque l’un ou les deux décèdent dans les 15 premiers jours, l’anniversaire doit être remplacé.
Robert Comte Reade ; Geoffrey, doyen d'Anjou ; le professeur Alveredo; Robert de Nouveau Bourg ; Robert de Dustanville ; Joséio de Baillollo; Guillaume, fils de Hamon. Chez Winton.
- Thomas Becket, arch. de Cantorbéry, mort en 1170.
Ab. 1161 ad 1186.
H. rex Angiorum etdux Normannorum et Aquitanorum et comes Andegavorum…… Sciatis me concessisse et dedisse et hac carta mea confirmasse pro Dei amore et salute anime domini et patris mei G. comitis Andegavorum XX libras Cenomanenses duobus capellanis constitutis ad serviendum in perpetuum pro anima predicti comitis domini et patris mei ad altare Crucifixi in ecclesia Beati Juliani Cenomanensis, quas recipient singulis annis de redditu meo in chensillagio Cenomanensi ad IIII. terminos. Testibus.
De Anniversario Gaufridi comitis.
Arturus, dux Britanie, comes Andigavie et Richemundie,universis Ecclesie filiis salutem.
Noverit universitas vestra Capitulum Cenomanensis ecclesie caritative nobis concessisse quod anniversarium diem Gaufridi, illustris comitis, patris mei, singulis annis sollempniter celebraret.
Ego quidem predicti capituli benevolam attendens devocionem, de consilio et voluntate venerabilis matris meae Constantie, obremedium anime predicti patris mei et pro illustrissimi avi mei Henrici regis Anglorum requie impetranda, dedi et concessi in perpetuum ecclesie Beati Juliani X libras Andegavenses annuatim de proventu Cenomanensis barragii, in ipso die anniversarii…..