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PHystorique- Les Portes du Temps
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10 février 2023

Souvenir de la Esmeralda du dix-septième siècle du Bas-Poitou

Souvenir de la Esmeralda du dix-septième siècle du Bas-Poitou

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, le spectacle qui va vous être présenter s'inspire d'une histoire largement authentique qui s'est déroulée entre 1630 et 1650, dans le Bas-Poitou...... Mousquetaire de Richelieu Spectacle Puy du Fou

Qu'on nous permette seulement de rappeler en quelques lignes le gracieux souvenir de la Esmeralda du dix-septième siècle, de cette Liance ou Léance, dont Tallemant des Réaux nous a tracé le portrait et conté sommairement la vie :

 


Lettre adressée par l'amiral de Coligny au capitaine du château de Fontenay, à l'occasion, du meurtre du capitaine La Mothe-Bonnet.
 (Original sur papier provenant des anciennes archives dit château de Soubise.


29 janvier (1569 ?)
LE trespàs espouvantable du capitaine La Mote tué en trahizon sur le chemin de Fontenay à Niort, proches Oumes, et coupé à cartiers, vous doibt fère veoir la cruaulté de ceulx qui tiennent la campagne assemblez par bande, et n'est i bien fet d'anvoier quatre homes par les chams, quant i a danger pour quarante armez iusques ans denz.
Je n'auré cesse de comander que la vie des chetz et dès moindres soldatz ne court dores en avant si grans risques, car Dieu a doné charge de veiler à la conservacion de ses créatures à (ceulx) qui les commandent et conduisent.


De Niort ce 29e janvier.

 


CHASTILLON.



On lit sur l'adresse : Au capitayne de Fontenay-le-Conte.
La signature seule de cette belle et noble lettre est autographe le texte est de la main du secrétaire-auquel elle a été dictée.




Joseph Bonnet, dit le Capitaine La Mothe-Bonnet, habitait Auzais.

Oulmes, entre Niort et Fontenay. Le pont jeté sur l'Autize, au-dessous de ce bourg, était, à cette époque, entouré de bois, et passait pour l'un des passages les plus redoutés des voyageurs.


Près de là se trouvait la trouvait la Maison-Mauvaise ou Piolle du Roi (aujourd’hui Mauvais, le Mauvais Gué). C'était jadis le lieu de réunion des garnements du pays, et celui des assemblées générales des bohémiens et mendiants. (V. Poitou et Vendée, article Fontenay-le-Comte, p. 62.)




Les voleurs, mentionnés, étaient ces hordes de soldats indisciplinés, que la guerre civile avait longtemps fait vivre et qui, faute de mieux, traitaient le Poitou en pays conquis.
 On reconnaît sans peine, dans les boiteux qu'il leur donne pour associés, les mendiants et Bohémiens, contre lesquels Sully prit les plus rigoureuses mesures, de 1604 à 1610, pour les forcer à déguerpir de la contrée, qu'ils regardaient, depuis des siècles, comme leur mère-patrie.

C'était, en effet, entre l'ancien pont d'Oulmes et Fontenay, que des délégués, venus de tous les points de la France, élisaient leur chef suprême, près d'un lieu appelé la Piolle-du-Roi ou la Maison mauvaise (1), caché au pied des coteaux qui bordent l'Autise.


La proclamation se faisait aux environs du Château-Gaillard, peut-être sur le Chiron-Follet (2).

On voyait autrefois, à Fontenay-le-Comte,
Arriver, à jour dit et par tous les sentiers,
Des mendiants, alors appelés Argotiers,
Si nombreux que jamais on n'en a su le compte.
Ils y venaient tenir leurs états-généraux,
Élire leur monarque et nommer leurs bourreaux.

Et d'abord on voyait accourir par centaines
Les superbes Cagoux aux paroles hautaines.
Un long bâton noueux pendait à leur côté.
Jeunes, forts et hardis et de robuste allure,
Ils laissaient sur leur col flotter leur chevelure ;
Leurs beaux fronts réflétaient une âpre majesté.

Du royaume Argotier c'étaient les dignitaires.
Aux règles de l'état, à ses rites connus,
Ils formaient les enfants et les nouveaux venus.
Les libres vagabonds étaient leurs tributaires,
Et quand ils en trouvaient mendiant sur leurs terres,
S'ils étaient les plus forts, ils les laissaient tout nus.

Puis venaient les docteurs de cette école immonde, ............................
Après ceux-là c'était le commun des Martyrs.

C'étaient les Francs-Mitoux, aux visages malades,
Marchant le front bandé, ployant sur leurs bâtons;
Les jaunes Sabouleux, les Malingreux gloutons,
Et puis des Marcandiers les errantes peuplades,
Les Piètres, les Hubins, les Rufez, les Callots ;
Tout une mer de gueux, son écume et ses flots (3) !



Callot s'est transporté en rêve sur les bords de l'Autise, l'un de ces jours de fête, lorsqu'il a saisi au vif les portraitures de ces gueux déguenillés et narquois, psalmodiant d'hypocrites complaintes.


Si l'on en croit la tradition, l'argot, cette langue à l'usage de la noble association, composée de mots forgés ou empruntés à divers idiomes, prit naissance aux foires de Fontenay et de Niort, où affluaient les marchands des points les plus éloignés du royaume et beaucoup d'étrangers.


« Plusieurs personnes ayant voulu s'y mêler de mercerie, les vieux merciers ordonnèrent que les nouveaux se fissent recevoir par les anciens, et nommèrent les nouveaux mercelots, et les plus riches blèches ou camelotiers jurés.
 Ils établirent un jargon entre eux, avec des cérémonies pour les professeurs de la mercerie. Mais il arriva que plusieurs mangèrent leurs balles et ne laissèrent pas d'aller aux foires, où ils trouvèrent plusieurs gueux, desquels ils s'accostèrent et leur apprirent leur langue. Les gueux réciproquement leur enseignèrent à trucher (4). »

Les argotiers avaient, sur toutes les routes, des maisons désignées, qui leur servaient de gîtes pour passer les nuits.


Aux portes de Fontenay, leur hôtellerie était Jéricho, où les vagabonds d'aujourd'hui vont encore demander un abri.
Ils jouissaient du même privilège à Puy-Vigneux, non loin de Tesson; à France, autrefois Maison-Franche, et à la Maison-des-Calourets, l'une et l'autre près de Mouzeuil.


Dans la ville, le quartier affecté aux Bohémiens, si souvent confondus avec les gueux, a gardé le nom de Cour- de-Genève.



Tallemant des Réaux raconte les aventures d'une fille de ce peuple déchu, née en ce bouge.


 La Esmeralda, cette gracieuse création de Victor Hugo, n'est pas un type plus charmant que la belle Liance. .


Mais laissons parler Tallemant :


« Liance est la preciosa de France. Après la belle Égyptienne de Servantes, je ne pense pas qu'on en ait vu une plus aimable.
Elle est de Fontenay-le-Comte en Bas- Poitou. C'est une grande personne, qui n'est ni trop grasse ni trop maigre, qui a le visage beau et l'esprit vif; elle danse admirablement. Si elle ne se barbouillait point, elle serait claire-brune. Au reste, quoiqu'elle mène une vie libertine, personne ne lui a jamais touché le bout du doigt.


Elle fut à Saint-Maur avec sa troupe, où M. le Prince était avec tous ses lutins de petits maîtres ; ils n'y firent rien. Bensserade la rencontra une fois chez madame la Princesse, la mère ; il pensa la traiter en Bohémienne, et lui toucha un genou. Elle lui donna un grand coup de poing dans l'estomac, et tira en même temps une demi-épée qu'elle avait toujours à la ceinture.


« Si vous n'étiez céans, » lui dit-elle, je vous poignarderais. — Je suis donc bien aise, lui dit-il, que nous y  soyons. »

Madame la Princesse, la jeune, fit ce qu'elle put pour la retenir, et lui faisait d'assez belles offres. Il n'y eut pas moyen.

Elle dit pour ses raisons :


« Sans ma danse, mon père, ma mère et mes frères mourraient de faim. Pour moi, je quitterais volontiers cette vie-là. »


La Reine s'avisa de la faire mettre en une religion. Elle pensa faire enrager tout le monde, car elle se mettait à danser dès qu'on parlait d'oraison.
 La Roque, capitaine des gardes de M. le Prince, devint furieusement amoureux d'elle; il la fit peindre par Beaubrun.


 Gombault fit ce quatrain pendant qu'on travaillait à son portrait :


Une beauté non commune
Veut un peintre non commun,
Il n'appartient qu'à Beaubrun
De peindre la belle brune.


« Ils lui donnèrent à dîner. Ils disent qu'ils n'ont jamais vu personne manger si proprement, ni faire toute chose de meilleure grâce, ni plus à propos. La veille qu'elle partit, La Roque lui donna à souper ; elle était en bergère et lui en berger.


Enfin on la maria à un des mieux faits de la troupe. Ce faquin s'amusa, avec quelques autres, à voler par les grands chemins, et fut amené prisonnier à l'Abbaye, au faubourg Saint-Germain.
Elle sollicita de toute sa force et de telle façon, que le Roi envoya quérir le bailli, qui lui fit voir les charges.


Le Roi dit à Liance et à ses compagnes : « Vos maris ont bien la mine d'être roués. »

Ils le furent, et la pauvre Liance, depuis ce temps-là, a toujours porté le deuil et n'a point dansé (1). »


Il est aussi question, dans le Chevrœana, de Liance et de ses succès à Paris, parmi les gens du monde, les poètes et les artistes, qui se disputaient à l'envi l'honneur de faire son portrait pour l'étaler.


 Quelques-uns de ces portraits ont dû être gravés. Reste à les retrouver parmi les estampes du temps, qui ont un titre analogue à ceux-ci : la belle Danseuse, la belle Bohémienne, la belle Égyptienne, etc., etc.


Les Bohémiens étaient plutôt des maraudeurs que des voleurs de grand chemin, et les habitants du Poitou n'eussent peut-être pas songé à se débarrasser de ces hôtes singuliers, qui les amusaient par leurs jongleries, et médicamentaient bêtes et gens au besoin, sans les brigandages exercés dans les campagnes par les bandes d'anciens soldats. Ces derniers firent mettre indirectement à leur charge nombre de méfaits plus graves que leurs peccadilles ordinaires, et désirer au peuple d'en être délivré.


Sully et ses successeurs dans le gouvernement du Poitou ordonnèrent de les traquer comme des bêtes fauves : quelques-uns furent brûlés, sous prétexte de sortilège, beaucoup furent pendus sans autre forme de procès. Ce qui survécut parvint à gagner la frontière, à se cacher dans les grandes villes, ou à se jeter dans les forêts, pour s'y réunir aux voleurs de profession.


C'est ainsi sans doute que Liance fut conduite à Paris.



Les Bohémiens partis, le Bas-Poitou n'en continua pas moins à être ravagé par des bandes de voleurs.


La plus nombreuse, commandée par le fameux capitaine Guillery des légendes populaires, inquiéta plusieurs fois les environs de Fontenay, où celui-ci trouva occasion de jouer au vice-sénéchal, à maints bourgeois et aux moines, quelques-uns de ces plaisants tours qui ont survécu au souvenir de ses crimes.


 Il fallut mettre, en 1608, une armée de quatre mille hommes sur pied, pour disperser ces brigands; mais on n'y parvint que très imparfaitement, et le bocage ne cessa pas, durant longues années encore, d'être le point de réunion de tous les gens sans aveu de cinquante lieues à la ronde.
La forêt de Mervent était tellement infestée de voleurs en 1639, que la garnison et les archers de la maréchaussée de Fontenay, aidés des paysans du pays, furent contraints de faire une battue générale, le 10 août de cette année, et de leur livrer un combat acharné, pour les en chasser.


L'avant-veille, le chef de la bande avait été fait prisonnier au Pont-Albert par deux archers et trois jeunes gens de la paroisse Notre- Dame, qu'il avait attaqués à la tête de neuf des siens. Il s'appelait Henry de la Roche- Joussaume. Issu d'une honorable famille de la Marche, ce misérable avait servi en qualité d'officier, avant d'être plongé par le jeu et la débauche dans un pareil abîme.


Depuis sa chute, il avait pris le surnom du Chevalier à la plume rouge. En vertu d'une sentence du prévôt général de la province, rendue le 24, il fut rompu vif, avec ses deux lieutenants, au marché aux Porches, et seize autres de ses complices furent pendus sur la route de Parthenay, au- delà du faubourg des Jacobins (5).

Nos annales locales sont remplies, jusqu'à la Révolution, de faits analogues, et ce n'est guère qu'à partir de cette époque que le pont d'Oulmes, le Gué-de-Veluire et le Pont-Albert ont cessé d'être des passages dangereux pour les voyageurs attardés.

 

 

LIVRES A RELIRE

Les historiettes de Tallemant des Réaux

Une bonne nouvelle pour les amateurs de « petite histoire » : nous avons enfin une édition complète, à prix abordables, des Historiettes de Tallemant des Reaux.

Depuis les éditions de Monmerqué et Taschereau, qui remontent à 1836 et 1849, depuis celle de Paulin Paris en 1860, difficiles aujourd'hui à rencontrer, nous n'avions Tallemant des Réaux et ses historiettes que par bribes ou par morceaux.

Certes, les découpeurs — et je confesse avoir commis moi-même un tel péché — s'efforçaient de prendre le meilleur, mais comment choisir dans un mélange aussi savoureux, comment ne pas inspirer aux lecteurs le regret de ne pas tout connaître? Le mieux était donc de livrer cet  étincelant manuscrit en entier et de laisser à chacun le soin d'opérer sa sélection personnelle.

Ah! combien j'envie ceux qui n'ont pas encore lu les Historiettes! C'est un bonheur sûr qui leur est promis.

On a dit souvent, et M. Georges Mongrédien dans la très utile et très brillante préface qu'il a mise en tête de cette nouvelle édition le redit, que Tallemant des Reaux nous avait montré l'envers du grand siècle, et que les hommes illustres nous étaient ici présentés en pantoufles et en robes de chambre. Il serait bien souhaitable que ce fut rigoureusement exact.

 Hélas! ce qu'on nomme le «grand siècle » est un siècle très court puisqu'il s'étend seulement de 1671 à 1700.

Or Tallemant bien qu'il ait vécu jusqu'en 1690, n'a tenu son registre que jusque vers 1660 environ, alors que beaucoup d'étoiles ne s'étaient pas encore levées. Il en résulte que nous avons peu ou point d'historiettes sur les hommes qui nous intéresseraient le plus.

Rien sur Racine, La Vallière, Montespan, Sévigné ou Louis XIV, quelques lignes sur Molière, et sur La Fontaine une page, mais si pittoresque, si précise, si vivante que le bonhomme, y apparaît avec un' extraordinaire relief.

 Par contre, tous les personnages de quelque importance qui figurèrent à Paris sous le règne de Louis XIII et pendant la régence d'Anne d'Autriche sont portraiturés et catalogués. Chacun a sa fiche, comme nous dirions aujourd'hui, bien que ce terme de haute érudition' convienne mal à la manière nonchalante et débridée de Tallemant.

M. Georges Mongrédien rappelle dans quelles circonstances fut découvert le manuscrit de Tallemant des Réaux.

 En 1803, à la vente de la bibliothèque de Montigny, propriété des Trudaine, il fut acheté à vil prix par un amateur de vieilles archives, M. de Châteaugiron. Avec l'aide de deux savants historiens, Monmerqué et Taschereau, Châteaugiron le publia, et l'édition fit scandale. Comme les jeunes romantiques aimaient fort la mystification, inventant des Claro Gazul ou des poètes nordiques, on crut qu'il s'agissait sinon d'un auteur imaginaire, du moins d'un pastiche habile des gazetiers du 18e siècle, brassé par quelques jouvenceaux, irrespectueux du grand siècle et de ses gloires.

Lorsque l'authenticité du manuscrit fut établie, on affecta de dédaigner ce ramas de caquets, et les historiens sévères les abandonnèrent aux amateurs de libelles et de pamphlets.

Dans les éditions classiques, il y a fort peu de temps qu'on ose, je ne dis pas publier, mais seulement citer Tallemant des Réaux. Et pourtant quelle lumière, son oeuvre n'apporte-t-elle pas sur la préparation du classicisme et sur la brusque métamorphose qui transforme la littérature précieuse, emphatique et guindée de la première moitié du 17e siècle en la littérature simple, directe, et satirique, qu'est celle de Molière, de Boileau et de La Bruyère!

En particulier, c'est se priver d'un merveilleux secours pour bien comprendre Molière, ses personnages et son style comique, qu'ignorer Tallemant.

Bien souvent, on rencontre dans les Historiettes, des scènes toutes faites que Molière a seulement dialoguées; pour ne prendre qu'un exemple. « Le pauvre homme » du « Tartufe » est textuellement dans les Historiettes.

Bien entendu, Molière n'a rien emprunté à Tallemant, puisque son manuscrit n'était connu que de quelques contemporains, mais nous concevons que Molière a ramené la comédie qui s'égarait dans le burlesque sur le plan de la vérité, telle qu'elle avait cours dans les ruelles et les tavernes de Paris.

Alors que les écrivains présentaient une image embellie jusqu'à en être irréelle d'une société qui s'efforçait ensuite de ressembler à ces modèles, les gens buvants et mangeants, tels que Tallemant, usaient d'un autre style et racontaient des anecdotes véridiques ou vraisemblables sur un tout autre ton...

Il est hors de doute que Tallemant, en écrivant ses historiettes, ne prétend pas faire oeuvre d'art; il se borne à transcrire les observations qu'il a faites et, plus souvent, encore, les conversations qu'il a entendues.

 Il parle, la plume à la main. Il est l'un des premiers et l'un des plus brillants échotiers dont puisse s'enorgueillir le journalisme. Il marie avec une habileté instinctive, le récit et le dialogue. Il détache le trait qui porte, la réplique amusante. Il est concis, rapide; la phrase brève contraste avec la période éloquente qui est à la mode chez les écrivains, ses contemporains, même les moins guindés. Il ne vise pas à l'effet; il use des mots les plus communs, s'ils sont expressifs. Beaucoup de ces pages gardent une verdeur, une fraîcheur dont on ne trouve l'équivalent que dans quelques lettres de Mme de Sévigné; — encore est-il que la marquise montre souvent l'ongle rose de la précieuse.

Les historiettes sont un régal dont on ne se lasse point, car on y revient quand on a faim, sans avoir à subir l'ordonnance d'un repas chargé de multiples services.

Quant au fond, il se révèle beaucoup plus solide encore que les premiers admirateurs de Tallemant ne l'avaient cru eux-mêmes.

Les renseignements, les anecdotes ont été cueillis citons à la source, du moins aux alentours immédiats de cette source.

Le père de Tallemant était un banquier, et un banquier puissant puisqu'en association avec le financier Rambouillet, il avait le bail des cinq grosses fermes.

 

RICHELIEU (Jean-Armand Du Plessis), le Cardinal qui changea la Destinée de l'Histoire de France. -

(Photo spectacle des Mousquetaires de Richelieu = Puy du Fou France) Il y a pour les grands hommes un à-propos de naissance qui fait une bonne partie de leur fortune. Tel se consume dans la sphère étroite d'une vie obscure, qui, dans un autre temps, eût montré assez de force et de talent pour gouverner un empire, si le hasard des circonstances avait favorisé l'essor de son génie.

 

De plus, il gérait la fortune du Cardinal de Richelieu.

Au 17e siècle, les banquiers ressemblaient davantage à des notaires qu'aux directeurs de banque contemporains; ils étaient les confidents, les familiers tout au moins, de leurs clients; c’est ainsi que le jeune Tallemant a pu saisir à la volée bien des détails pittoresques qu'aucun historien n'aurait été capable d'attraper.

 Par sa famille, il pénétrait donc dans le milieu de la riche bourgeoisie parisienne dont quelques types ont été dessinés par lui d'une façon magistrale.

Mais par ses goûts, il s'était orienté vers le bel esprit et les belles-lettres. Dans le fameux salon de la marquise de Rambouillet, notre Tallemant connut tout ce que Paris comptait alors de poètes, d'écrivains, et de précieuses. Il eut pour Voiture une vive admiration, et il est vrai que Voiture était un homme fort spirituel et que souvent les récits de Tallemant ressemblent à des pages d'un Voiture qui, pour écrire, aurait déposé ses manchettes. M. Georges Mongrédien ajoute qu'il atteignait encore bien d'autres milieux.

« Chez son cousin Gédéon Tallemant, le maître des requêtes, il pouvait observer à loisir l'attitude des gens de loi et des chats-fourrés; et dans sa propre famille, liée avec toutes les familles protestantes de Paris il connut tous les gens d'affaires, partisans, financiers, dont il a consigné fidèlement les scandaleuses exactions.

Par d'autres amis provincieux, comme Maucroix, il complétait sa documentation en recueillant une foule d'anecdotes caractéristiques sur les moeurs provinciales. »

Certes, il ne faut pas oublier que les Parisiens ont été de tout temps malicieux et même — risquons cet anachronisme — « rosses » dans leurs conversations.

 Pour le plaisir de faire un bon mot, ou de se mettre en valeur, on égratignait le voisin, on colportait des on-dit amusants mais fâcheux sur son compte.

Tallemant a tout recueilli et avec d'autant plus d'empressement que le trait était plus piquant.

II est donc difficile et même impossible de mesurer la part exacte de réalité que contiennent les anecdotes qu'il se plaît à rassembler, tantôt beaucoup, tantôt un- peu, quelquefois pas du tout.

Mais, grâce à lui, nous avons une image fidèle de « ce qui se disait à Paris », vers 1650, et vues sous cet angle, les Historiettes de Tallemant des Réaux forment un document incomparable, et peut-être unique.

Car si Tellement est curieux et même malicieux, il n'est ni amer ni méchant. Il prétend s'amuser de tout, plutôt que s'en indigner. II ne manie point le fouet de la satire, comme on disait de son temps; à peine une badine si mince et si légère qu'elle caresse au lieu de cingler.

Mais parler d'un « échotier » vaut moins que citer un seul de ses échos. Voici La Fontaine peint au naturel.

« Un garçon de belles-lettres et qui fait des vers, nommé La Fontaine, est encore un grand rêveur. Son père qui est maître des eaux et forets de Château-Thierry en Champagne, étant à Paris pour un procès, lui dit : « Tiens! va faire telle chose, cela presse. » La Fontaine sort et n'est pas plus tôt hors du logis qu'il oublie ce que son père lui avait dit. Il rencontre de ses camarades qui lui ayant demandé s'il n'avait point d'affaires : « Non » leur dit-il. et il alla à la Comédie avec eux.

...Depuis, son père l'a marié et lui l'a fait par complaisance. Sa femme dit qu'il rêve tellement qu'il est quelquefois trois semaines sans croire être marié! C'est une coquette qui s'est mal gouvernée depuis quelque temps; i! ne s'en tourmente point. On lui dit : « Mais un tel cajole votre femme. » « Ma foi! répond-il, qu'il fasse ce qu'il pourra; je m'en soucie point.

II s'en lassera comme j'ai fait. Cette indifférence a fait enrager cette femme; elle sèche de chagrin; lui est amoureux où il peut. »

Et presque tout est de cette main!

 

 

PIERRE AUDIAT. L'Européen : hebdomadaire économique, artistique et littéraire


Les rues du vieux Paris : galerie populaire et pittoresque / par Victor Fournel...





==> La forêt de Mélusine, Le massif forestier de Mervent-Vouvant

==> Château des Essarts – Complainte Véridique du Compère Guillery, Capitaine des voleurs du Bas-Poitou

==> L’hôtel de Sully (duc Maximilien de Béthune) à Châtellerault et Charles Androuet du Cerceau Maitre-Architecte du Roi (1594-1606)

==> L'histoire du Poitou, Le domaine seigneurial d'Oulmes et son église (Rives-d’Autise); la commanderie de Cenan

 

 

 



(1) Cette maison est remplacée aujourd'hui par un hameau de quatre feux, nommé Mauvais, qui a gardé le stigmate de sa réputation passée. Nous l'avons visité ces jours derniers, et, tandis que nos compagnes de courses archéologiques mangeaient le pain noir arrosé de lait frais, que leur avait cordialement offert la femme d'un pauvre pêcheur infirme, à la figure honnête et triste, celui-ci nous racontait, comme à regret, les méfaits de César et Vredon, les derniers bandits dont la présence ait décrié sa patrie.


(2) Les us et coustumes du pays de l'Argot; Poitiers, sans nom d'imprimeur, 1609; in-8° de 16 pages.

(3) Les Mendiants, par L. A. Berthaud, dans Les Français peints par eux-mêmes.


(4) Le Jargon ou langage de l'argot réformé; à Lyon, chez Michel Lacor.

(5) Voir le commentaire placé à la fin de l'historiette de Liance, dans l'édition de MM. de Monmerqué et Paulin Paris, t. VI, p. 454.











 
 
 
 
 
 
 
 
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