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PHystorique- Les Portes du Temps
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5 mai 2019

5 Mai 1821 ; Napoléon Bonaparte meurt à Sainte-Hélène

5 Mai 1821 Napoléon Bonaparte meurt à Sainte-Hélène Le musée napoléonien de l'île d'Aix (2)

Retenu prisonnier par les Anglais sur l'île de Sainte-Hélène, malade depuis plusieurs années,  la mort de Napoléon Ier survient le 5 mai 1821 à Longwood, durant son exil, à l'âge de 51 ans.

 

L'empereur était alité depuis le 17 mars. L'officier qui était chargé d'attester chaque jour sa présence à Longwood, ne le voyant plus paraître, en donna connaissance au gouverneur, qui se crut trahi, et qui vint rôder lui-même autour de la demeure de son prisonnier, pour s'assurer qu'il ne s'était point évadé. Ses courses et ses recherches n'ayant rien pu lui apprendre sur ce qu'il était si désireux et si impatient de savoir, il déclara que, si son agent n'obtenait pas, dans vingt-quatre heures, la faculté de voir le général Bonaparte, il arriverait en personne avec son état-major, et forcerait l'entrée de la chambre du malade, sans crainte des suites fâcheuses que son irruption pourrait avoir. En vain le général Montholon s'efforça de le détourner de ce dessein, en lui peignant l'affligeante situation de l'empereur. Sir Hudson répondit qu'il s'inquiétait fort peu que le général Bonaparte vécut ou qu'il mourût; que son devoir était de s'assurer de sa personne, et qu'il le remplirait. Il était dans ces sauvages dispositions, lorsqu'il rencontra Antomarchi, qui lui reprocha avec amertume son langage et ses procédés infâmes. Sir Hudson n'en voulut pas entendre davantage ; il se retira, écumant de colère, et Antomarchi continua de flétrir les bourreaux du grand homme, en s'adressant à Reade : « Il faut avoir l'âme pétrie du limon de la Tamise, lui dit-il, pour venir épier le dernier soupir d'un moribond ! Son agonie vous tarde, vous voulez la presser, en jouir ! le Cimbre chargé d'égorger Marius recula devant le forfait... Mais vous!.. Allez, si l'opprobre se mesure à l'attentat, nous sommes bien vengés ! »

Sir Hudson, aigri par les réponses d'Antomarchi, et toujours inébranlable dans sa brutale résolution, se préparait à effectuer sa menace, lorsque l'empereur, sur les instances de Bertrand et de Montholon, consentit à prendre un médecin consultant, le docteur Arnolt, qui fut chargé d'attester régulièrement à l'agent du gouverneur la présence du prisonnier. Mais les soucis du geôlier allaient bientôt cesser.

Le 1 9 avril, Napoléon annonça lui-même sa fin prochaine à ses amis qui le croyaient mieux.

« Vous ne vous trompez pas, leur dit-il, je vais mieux aujourd'hui; mais je n'en sens pas moins que ma fin approche. Quand je serai mort, chacun de vous aura la douce consolation de retourner en Europe. Vous reverrez, les uns vos parents, les autres vos amis, et moi je retrouverai mes braves aux Champs-Élysées, Oui, continua-t-il en haussant la voix, Kléber, Desaix, Bessières, Duroc, Ney, Murat, Masséna, Berthier, tous viendront à ma rencontre ; ils me parleront -de ce que nous avons fait ensemble. Je leur conterai les derniers événements de ma vie. En me voyant, ils redeviendront tous fous d'enthousiasme et de gloire ! Nous causerons de nos guerres avec les Scipion, les Annibal, les César, les Frédéric 1 Il y aura plaisir à cela !... A moins, ajouta- t-il en riant, qu'on n'ait peur là-bas de voir tant de guerriers ensemble. »

Sur ces entrefaites, le docteur Arnolt arriva. L'empereur l'accueillit très-bien, lui parla de ses souffrances, de tous-les accidents douloureux qu'il éprouvait, et lui dit ensuite, en s'interrompant brusquement et sur un ton solennel :

« C'en est fait, docteur, le coup est porté, je touche à ma fin, je vais rendre mon cadavre à la terre. Approchez, Bertrand ; traduisez à monsieur ce que vous allez entendre : c'est une suite d'outrages dignes de la main qui me les prodigua ; rendez tout, n'omettez pas un mot.

« J'étais venu m'asseoir aux foyers du peuple britannique ; je demandais une loyale hospitalité, et, contre tout ce qu'il y a de droits sur la terre, on me répondit par des fers. J'eusse reçu un autre accueil d'Alexandre; l'empereur François m'eût traité avec égard; le roi de russe même eût été plus généreux. Mais il appartenait à l'Angleterre de surprendre, d'entraîner les rois et de donner au monde le spectacle inouï de quatre grandes puissances s'acharnant sur un seul homme. C'est votre ministère qui a choisi cet affreux rocher, où se consomme en moins de trois années la vie des Européens, pour y achever la mienne par un assassinat. Et comment m'avez-vous traité depuis que je suis exilé sur cet écueil? Il n'y a pas une indignité, pas une horreur dont vous ne vous soyez fait une joie de m'abreuver. Les plus simples communications de famille, celles mêmes qu'on n'a jamais interdites à personne, vous me les avez refusées. Vous n'avez laissé arriver jusqu'à moi aucune nouvelle, aucun papier d'Europe; ma femme, mon fils même n'ont plus vécu pour moi ; vous m'avez tenu six ans dans la torture du secret. Dans cette île inhospitalière, vous m'avez donné pour demeure l'endroit le moins fait pour être habité, celui où le climat meurtrier du tropique se fait le plus sentir. Il m'a fallu me renfermer entre quatre cloisons, dans un air malsain, moi qui parcourais à cheval toute l'Europe ; Vous m'avez assassiné longuement, en détail, avec préméditation, et l'infâme Hudson a été l'exécuteur des hautes-œuvres de vos ministres. Vous finirez comme la superbe république de Venise, et moi, mourant sur cet affreux rocher, privé des miens et manquant de tout, je lègue l'opprobre et l'horreur de ma mort à la famille régnante d'Angleterre. »

Cette dictée épuisa les forces du malade, qui tomba peu d'instants après dans une espèce d'évanouissement. Le surlendemain il se trouva néanmoins avoir repris assez de vigueur pour se lever au point du jour et passer encore trois heures à dicter ou à écrire. Mais ce n'était qu'une lueur d'amélioration qui ne laissait aucune trace d'espoir. La fièvre reparut bientôt, et le malade continua de marcher rapidement à la mort.

5 Mai 1821 Napoléon Bonaparte meurt à Sainte-Hélène

 

Dans cette même journée (21 avril), il fit appeler l'abbé  Vignali. « Savez-vous, abbé, lui dit-il, ce que c'est qu'une chambre ardente? — Oui, sire. — En avez-vous desservi? — Aucune. — Eli bien ! vous desservirez la mienne. » Cela dit, il expliqua minutieusement à l'aumônier ce qu'il avait à faire. »

Sa figure, dit Antomarchi, était animée, convulsive ; je suivais avec inquiétude les contractions qu'elle éprouvait, lorsqu'il surprit sur la mienne je ne sais quel mouvement qui lui déplut. « Vous êtes au-dessus de cette faiblesse, dit-il, mais que voulez-Vous ? je ne suis ni philosophe ni médecin ; je crois à Dieu, je suis de la religion de mon père ; n'est pas athée qui veut. » S'adressant ensuite à l'abbé Vignali, Napoléon continua : « Je suis né dans la religion catholique, je veux remplir les devoirs qu'elle impose et recevoir les secours qu'elle administre. »

L'abbé Vignali s'étant retiré, l'empereur revint à Antomarchi, en lui reprochant son incrédulité. « Pouvez-vous, lui dit-il, la pousser à ce point ? pouvez-vous ne pas croire à Dieu ? car enfin tout proclame son existence, et puis les plus grands esprits l'ont cru. » Antomarchi répondit qu'il n'avait jamais révoqué en doute cette existence, et que l'empereur s'était mépris sur l'expression de ses traits. « Vous êtes médecin, docteur, » reprit Napoléon en souriant, et il ajouta à voix basse : « Ces gens-là ne brassent que de la matière, ils ne croiront jamais rien. »

Malgré son affaiblissement continuel, l'empereur se trouva encore assez fort, dans les derniers jours d'avril, pour se lever et aller s'établir dans le salon, sa chambre, mal aérée, lui étant devenue insupportable. En vain les personnes qui l'entouraient lui offrirent de le transporter : « Non, dit-il, quand je serai mort ; pour le moment il suffit que vous me souteniez. »

Le lendemain, après une mauvaise nuit et malgré l'intensité croissante de la fièvre, il fit appeler Antomarchi et lui donna, avec un calme et une sérénité inaltérables, les instructions suivantes :

« Après ma mort, qui ne peut être éloignée, je veux que vous fassiez l'ouverture de mon cadavre ; je veux aussi, j'exige que vous me promettiez qu'aucun médecin anglais ne portera la main sur moi. Si pourtant vous aviez indispensablement besoin de quelqu'un, le docteur Arnolt est le seul qu'il vous soit permis d'employer. Je souhaite que vous preniez mon cœur, que vous le mettiez dans de l'esprit-de-vin, et que vous le portiez à Parme à ma chère Marie-Louise. Vous lui direz que je l'ai tendrement aimée, que je n'ai jamais cessé de l'aimer ; vous lui raconterez tout ce que vous avez vu, tout ce qui se rapporte à ma situation et à ma mort. Je vous recommande surtout de tien examiner mon estomac, d'en faire un rapport précis, détaillé, que vous remettrez à mon fils...- Les vomissements qui se succèdent presque sans interruption , me font penser que l'estomac est celui de mes organes qui est le plus malade, et je ne suis pas éloigné de croire qu'il est atteint de la lésion qui conduisit mon père au tombeau, je veux dire d'un squirre au pylore...

Quand je ne serai plus, vous vous rendrez à Rome; vous irez trouver ma mère, ma famille ; vous leur rapporterez tout ce que vous avez observé relativement à ma situation, à ma maladie et à ma mort, sur ce triste et malheur eux rocher ; vous leur direz que le grand Napoléon est expiré dans l'état le plus déplorable, manquant de tout, abandonné à lui-même et à sa gloire; vous leur direz qu'en expirant il lègue à toutes les familles régnantes l'horreur et l'opprobre de ses derniers moments.»

Cependant le délire vient se joindre à la fièvre. Cette forte intelligence, qui avait apparu au monde comme une émanation de l'intelligence divine, subit la loi commune de l'humanité. « Steingel, Desaix, Masséna ! s'écrie Napoléon. Ah ! la victoire se décide ! Allez ! courez ! pressez la charge! ils sont à nous! » Puis il saute à terre, veut aller dans le jardin et tombe en arrière, au moment où Antomarchi accourait pour le recevoir dans ses bras. On l'emporte dans son lit, toujours en proie au délire, et il persiste à vouloir se promener au jardin. Enfin, le paroxysme cesse, la fièvre diminué, le grand homme se retrouve et reparaît avec son calme ordinaire. « Rappelez-vous, dit-il au docteur, ce que je vous ai chargé de faire lorsque je ne serai plus. Faites avec soin l'examen anatomique de mon corps, de l'estomac surtout. Les médecins de Montpellier avaient annoncé que le squirre au pylore serait héréditaire dans ma famille... Que je sauve du moins mon fils de cette cruelle maladie. Vous le verrez, docteur; vous lui indiquerez ce qu'il convient de faire; vous lui épargnerez les angoisses dont je suis déchiré ; c'est un dernier service que j'attends de vous. »

5 Mai 1821 Napoléon Bonaparte meurt à Sainte-Hélène Le musée napoléonien de l'île d'Aix (1)

(Fragment de papier peint de la chambre où mourut l'Empereur à Sainte-Hélène)

Trois heures après (2 mai à midi) la fièvre avait repris, et l'illustre malade disait à son médecin, en poussant un profond soupir : « Je suis bien mal, docteur ; je le sens, je vais mourir, » Et ces paroles étaient à peine prononcées, qu'il avait perdu connaissance.

« Sa fin approchait, dit Antomarchi; nous allions le perdre; chacun redoublait de zèle, de prévenances, voulait lui donner une dernière marque de dévouement. Ses officiers, Marchand, Saint-Denis et moi, nous nous étions exclusivement réservé les veilles; mais Napoléon ne pouvait supporter la" lumière: nous étions obligés de le lever, de le changer, de lui donner tous les soins qu'exigeait son état au milieu d'une profonde obscurité. L'anxiété avait ajouté à la fatigue ; le grand maréchal était à bout, le général Montholon n'en pouvait plus, je ne valais pas mieux : nous cédâmes aux pressantes sollicitations des Français qui habitaient Longwood, nous les associâmes aux tristes devoirs que nous remplissions. Piéron, Courtot, tous, en un mot, veillèrent conjointement avec quelqu'un de nous. Le zèle  la sollicitude qu'ils montraient touchèrent l'empereur; il les recommandait à ses officiers, voulait qu'ils fussent aidés, soutenus qu'on ne les oubliât pas. « Et mes pauvres Chinois, ajoutait-il, qu'on ne les oublie pas non plus, qu'on leur donne quelques vingtaines de napoléons : il faut bien que je leur fasse aussi mes adieux. »

L'abbé Vignali n'attendait qu'un mol de l'empereur pour achever de remplir son ministère. Ce mot sortit de la bouche du grand homme, le 3 mai à deux heures après midi. La fièvre était moins violente; tout le monde avait été congédié, excepté le digne prêtre ; Napoléon reçut le viatique.

Une heure après, la fièvre avait augmenté, mais le malade conservait encore l'usage de ses sens. Il en profita pour recommander à ses exécuteurs testamentaires, Bertrand, Montholon et Marchand, de ne permettre à aucun médecin anglais, autre que le docteur Arnolt, de l'approcher dès qu'il aurait perdu connaissance. Puis il leur dit : « Je vais mourir, vous allez repasser en Europe, je vous dois quelques conseils sur la conduite que vous avez à tenir. Vous avez partagé mon exil, vous serez fidèles à ma mémoire, vous ne ferez rien qui puisse la blesser. J'ai sanctionné tous les principes; je les ai infusés dans mes lois, dans mes actes ; il n'y en a pas un seul que je n'aie consacré. Malheureusement les circonstances étaient sévères ; j'ai été obligé de sévir, d'ajourner; les revers sont venus ; je n'ai pu débander l'arc, et la France a été privée des institutions libérales que je lui destinais. Elle me juge avec indulgence, elle me tient compte de mes intentions, elle chérit mon nom, mes victoires ; imitez-la, soyez fidèles aux opinions que nous avons défendues, à la gloire que nous avons acquise ; il n'y a hors de là que honte et confusion. »

La nuit suivante un violent orage éclata sur Sainte-Hélène. Toutes les plantations de Longwood furent déracinées. Le saule chéri de l'empereur, et dont l'ombrage lui servait d'abri contre l'ardeur du soleil dans ses promenades habituelles, ne fut pas épargné.

Pendant la journée du lendemain (4 mai) l'agonie continue. Le 5, au lever du jour, son corps annonce que la vie l'abandonne ; il est déjà glacé. Cependant Napoléon respire encore. Mais il est dans le délire et il ne prononce plus que ces deux mots : « Tête... Armée. » Le moment solennel approche ; « l'œuvre anglaise » est près d'être consommée ; la vieille Europe va tressaillir ; le héros de la jeune France touche au terme de sa miraculeuse carrière; il est sur le point d'expirer, et Hudson-Lowe est là qui guette son dernier soupir, impatient d'annoncer aux aristocrates, aux oligarques et aux rois dont il est le mandataire , que sa mission est admirablement accomplie et que la victime est achevée.

Cependant un spectacle déchirant vient encore marquer les derniers moments du héros. Madame Bertrand, qui, malade elle-même, a oublié ses souffrances personnelles pour s'attacher au lit de Napoléon mourant, fait appeler sa fille et ses trois fils, afin qu'ils puissent contempler encore une fois les traits du grand homme. Ces enfants arrivent aussitôt, se précipitent vers le lit de l'empereur et saisissent ses deux mains, qu'ils couvrent de baisers et de larmes.

5 Mai 1821 Napoléon Bonaparte meurt à Sainte-Hélène Le musée napoléonien de l'île d'Aix

(Relique de Sainte-Hélène : Morceau du cerceuil d'acajou de l'Empereur)

Le jeune Napoléon Bertrand, accablé par la douleur, tombe évanoui. Tous les assistants sont en pleurs ; on n'entend que des gémissements et des sanglots... un grand événement se prépare pour le monde... à six heures moins onze minutes, Napoléon a cessé d'être !

Le corps de l'empereur, après avoir subi l'autopsie tant recommandée au docteur Antomarchi, fut exposé sur un lit de campagne, et le manteau bleu que le héros portait à Marengo servit de couverture. Tous les habitants de l'ile accoururent et se pressèrent religieusement pendant deux- jours autour de ce glorieux catafalque; et quand la dépouille mortelle du grand homme eut été enlevée, on se disputa ce qu'il avait touché ou ce qui lui avait appartenu, pour en faire .de précieuses reliques.

Les funérailles de Napoléon eurent lieu le 8 mai. Il fut enterré à une lieue de Longwood. Sa tombe devint, dès le premier jour, l'objet d'une vénération et d’un empressement universels. Hudson-Lowe, digne organe des haines qui devaient poursuivre l'illustre enfant de la révolution française au- delà du trépas-, s'en offensa et plaça autour du tombeau, pour en défendre rapproche, une garde qu'il annonça devoir être perpétuelle. Malgré cette précaution, la dernière demeure du héros a toujours été fréquemment visitée. C'.est un pèlerinage qui n'a rien dont la philosophie puisse s'offusquer, puisqu'il a sa cause dans l'amour de la gloire, et qu'il sert à perpétuer le culte des grands noms, donnant une sorte de consécration religieuse à l'admiration et au respect que, sans distinction de lieux et de temps, le génie inspire.

Histoire de l'empereur Napoléon / par P.-M. Laurent, de l'Ardèche ; illustrée par Horace Vernet

 

 la traversée du temps - Napoléon à l'île d'Aix -Bellérophon / Pierre Loti <==.... ....==>

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