RORTHAYS UNE FAMILLE VENDÉENNE PENDANT L’INSURRECTION Notice sur les massacres de Noirmoutier en l'an II

La famille de Rorthays est une de celles qui ont fourni à l’insurrection vendéenne ses plus intrépides officiers, en même temps qu’à la Révolution ses victimes les plus nombreuses.

 Le premier des Rorthays dont il est fait mention dans les papiers et documents relatifs à l’insurrection est Josse, sgr de Saint-Révérend, lieutenant dans les canonniers gardes- côtes du Poitou.

Compromis dans les troubles qui éclatèrent, le 3 mai 1791, à Apremont, Saint-Gilles et Saint-Christophe.

Il fut arrêté avec Guerry de Cloudy, par ordre du directoire de Challans, et amené dans cette ville par les cavaliers de Dragons-Conti, après rengagement de Saint-Christophe.

 Guerry et Rorthays furent relâchés après avoir subi plusieurs interrogatoires.

Le dernier partit aussitôt en émigration où il retrouva, tant à l’armée des Princes qu’à celle de Condé, plusieurs des siens, dont voici les noms : Gilbert de Rorthays, comte de Marmande, maréchal des camps et armées du roi, chevalier de Saint-Louis, commandant à l’armée des Princes une division des compagnies nobles du Poitou, dont deux autres étaient sous les ordres des ducs de Montmorency-Luxembourg et de Mortemart. Il mourut à Londres en 1804.

 Guillaume-Gabriel, seigneur de la Rochette (2) .

 Louis, seigneur de la Garnerie, tué sur les bords du Rhin. Ambroise, seigneur de la Savarière.

Pierre-Daniel, marquis de Monbail, précédemment capitaine au régiment du Roi, attaché pendant l’émigration à la personne de Mgr le comte d’Artois, et sur le contrat de mariage duquel, en date du11 avril 1790, figurent les signatures de Louis XVI, de Marie-Antoinette et des autres membres de la famille royale.

 

Beaucoup d’autres membres de la famille de Rorthays, restés en Vendée, prirent part à la guerre.

Dans un ouvrage publié en 1883 par M. Gustave Bord sous ce titre : Documents inédits pour servir à l'histoire des soulèvements de mars 1793 en Vendée, on relève le nom de plusieurs d’entre eux signalés comme étant dans diverses-paroisses à la tête des insurgés.

C’est ainsi que dans les procès-verbaux des municipalités, il est à chaque instant question, comme chef des attroupés, d’un Rorthays de Beaulieu, d’un Rorthays de la Savarière, de trois Rorthays de Saint-Georges, d’un Rorthays de la Revardière « commandant une bande de deux cents hommes. »

M. le comte Emmanuel de Rorthays, ancien préfet du maréchal de Mac-Mahon, possède dans ses archives de famille un autographe précieux dont il a bien voulu nous remettre une copie.

C’est un bon de réquisition dont voici l’exacte reproduction.

On prendra chez Mademoiselle veuve Pyneau un veau de lait.

A Beaulieu, le 24 mars 1793,

de Rorthays, comandant (sic).

Il s’agit peut-être d’Yves Calixte II, seigneur de la Rochette, désigné dans les procès-verbaux des municipalités sous le nom du « vieux Rorthays, » père de Guillaume-Gabriel, officier au régiment du Roi-cavalerie, émigré, et grand-père du comte Guillaume de Rorthays, décédé au château de la Rochette en 1877, ne laissant qu’une fille, Mme la baronne du Landreau.

 Peut-être aussi, de l’un des trois Rorthays de Saint- Georges de Pointindoux, dont l’un avait soixante-dix ans. Peut-être encore — et plus vraisemblablement — de Louis- René, seigneur de la Savarière, qui fut pris au combat de Beaulieu « armé d’un fusil et d’un couteau de chasse, » condamné à mort par la commission militaire des Sables, et fusillé.

Louis-René-Charles, seigneur de Saint-Georges, père ou oncle d’Elisabeth et de Marie de Rorthays, dont il sera question plus loin, fut tué dans une rencontre aux environs des Sables.

Urbain, seigneur de la Cointardière, Thomas-Augustin, seigneur de la Sénaigerie, officier au régiment du Roi, René- Léon, seigneur du Giron-d’Or, Charles-Auguste, seigneur de la Poupelinière, ce dernier, d’une branche établie dans les marches de Bretagne et de Poitou, en Boussay, membre à ce titre des Etats de Bretagne, et dont le père, Louis Augustin fut un des signataires de la célèbre protestation de la noblesse de cette province, en date du 10 mai 1788, servirent aussi dans les armées vendéennes et y périrent.

Louis Augustin, ancien officier de Dauphin-Dragons, âgé de 75 ans, comparut devant le tribunal révolutionnaire de Nantes, le 15 germinal an II, fut condamné à mort, comme s’étant souvent battu contre les troupes républicaines, et exécuté.

M. F. Piet, auteur des Recherches topographiques et historiques sur Noirmoutier signale, d’après un rapport de Beysser, comme ayant été emmenés prisonniers par celui-ci à Nantes, après la prise de cette île, le 2 janvier 1794, un RORTHAIS DES CHATEIGNERS, et une dame de Rorthays.

 On ignore leur sort, et s’ils moururent en prison ou furent exécutés.

Ce Rorthays, appartenant à la branche de Saint- Révérend, était un ancien officier du régiment de Berry. Cette dame de Rorthays ne fut pas la seule victime de son sexe que la Révolution fit dans cette famille.

Marie de Rorthays de la Senaigerie, âgée de vingt ans, fut conduite dans les prisons de Carrier. On ne l’a jamais revue.

Louise-Julie de Rorthays du Giron d’or, fille de René Léon, mariée le 13 juin 1788, à Jacques-Victor Jousbert de la Cour-Goronnière, né en 1762 à la Chapelle-Hermier, suivit l’armée Vendéenne au-dela de la Loire et disparut dans la déroute de Savenay, où elle fut probablement massacrée.

Son mari, qui faisait partie de l’expédition de Quiberon, fut fusillé à Vannes, le 13 thermidor an II.

 Sa mère Louise-Julie Julienne de la Ganry, dame de Rorthays du Giron d’or, fut massacrée au Mans.

La fille, le père, la mère et le gendre subirent ainsi le môme sort en peu de temps.

Marie-Anne de Rorthays, dame Le Meignan de l’Ecorce, fille de Louis Augustin, sgr de la Poupelinière, fut condamnée à mort le 19 germinal an II par le tribunal révolutionnaire de Nantes, et exécutée deux jours après son père, sur la place du Bouffay.

 Il est dit dans le jugement que deux de ses fils avaient été exécutés à Noirmoutier. (La justice révolutionnaire à Nantes par Alfred Lallié).

 Une mention particulière est due à la femme de Gilbert de Rorthays, comte de Marmande, qui périt, elle aussi, pendant la guerre. Marie-Henriette Osmane du Chaffault, petite nièce de l’amiral du Chaffault, seigneur de Melay, près Montaigu, mort en prison à Nantes, le 29 juin 1794, était fille de Sylvestre du Chaffault, seigneur de la Senardière, officier au régiment du roi, qui après avoir fait campagne à l’armée des princes et à celle de Condé, embrassa l’état ecclésiastique en 1803 et fut curé de la Guyonnière (Vendée).

Elle passa la Loire, accompagnée de ses enfants en bas âge, de sa mère et de ses deux sœurs,

l’une femme de Louis de Chevigné, l’autre chanoinesse de Remiremont, à la suite des armées vendéennes dont faisaient partie deux de ses frères, l’un en qualité d’officier, l’autre engagé dans les ordres, qui furent tués tous les deux dans les rues du Mans.

La comtesse de Marmande tomba aux mains des Bleus à Ernée et fut fusillée comme brigande.

On rapporte d’elle ce mot touchant, mentionné par Émilien de Rorthays, comte de Monbail, dans ses Notes et croquis sur la Vendée, publiés en 1843.

Comme on voulait lui enlever ses enfants : « Non, sécria-t-elle, qu'ils meurent avec moi; car en mourant ils feront l'ornement du ciel, et s'ils restaient avec vous, ils deviendraient méchants et impies. »

Son vœu ne fut pas immédiatement satisfait, au moins pour l'un d’entre eux, Charles, le seul dont il reste trace, et qui fut emmené dans les affreuses prisons du Mans où tant de Vendéens trouvèrent leur tombeau.

M. le comte Emmanuel de Rorthays a relevé au Mans sur les registres de décès de nivôse an II la mention suivante : « Charles Rorthays-Marmande, quatre ans, de Luçon, fils de Charles Rorthays-Marmande et de Marie-Osmane du Chaffault, Marie-Henriette-Pélagie du Chaffault, trente et un ans, épouse de Louis-Augustin-Antoine-Marie de Chevigné, district de Montaigu : Rosalie du Chaffault, sa sœur, dix-huit ans : la citoyenne Marin, épouse du citoyen du Chaffault-la Guignardière, mère des précédentes, âgée d'au moins cinquante ans : la citoyenne Marie de Chevigné, quarante-cinq à cinquante ans, belle-sœur de la dame de Chevigné : Marie-Henriette et Marie-Osmane de Chevigné, six et quatre ans, filles de la dame de Chevigné, Augustine-Pélagie Chevigné, trente-six ans, religieuse à l’Union de Luçon ».

Il reste pour clore ce martyrologe à raconter la destinée de deux jeunes filles appartenant à la famille de Rorthays, Marie et Elisabeth âgée, la première de vingt-cinq ans et l’autre de dix-huit, qui furent fusillées à Noirmoutier.

 On doit de la connaître à l’auteur de la Notice sur les massacres de Noirmoutier en l'an II, publiée il y a quinze ans dans la Revue de Bretagne et de Vendée, par M, Viaud-Grand-Marais Originaire de cette île où les souvenirs de cette exécution ont été pieusement conservés, notre distingué compatriote a complété ce qu'il avait entendu raconter à ce sujet par des recherches faites dans les archives révolutionnaires, où il a trouvé toutes les pièces qui s'y rapportent.

Marie et Elisabeth de Rorthays, qui sont dites, dans les procès-verbaux dépouillés par lui, être nées à Saint-Georges de Pointindoux, étaient filles, soit de Louis-René-Charles, seigneur de cette paroisse, tué en 1793, soit de l’un de ses frères.

Prises en juillet 1794, dans 1’île de Bouin où elles s’étaient réfugiées, elles furent conduites à Noirmoutier et comparurent devant la Commission militaire en compagnie de dix-neuf autres prisonniers dont onze femmes, la plupart du peuple.

Les procès-verbaux du jugement portent qu’elles étaient accusées :

1° d’avoir suivi l’armée des brigands ;

2° d’avoir fui devant les armées de la Nation ;

3° d’être « de cette caste qui avait fomenté la contre-Révolution en Vendée, caste qui avec celle des prêtres était cause des maux dont le peuple souffrait. »

Marie et Elisabeth de Rorthavs ne pouvaient contester aucun de ces crimes et après un simulacre d’interrogatoire, elles furent condamnées à mort, ainsi que les autres prisonniers. .

Le 10 thermidor an II, ces vingt-et-une victimes, liées deux à deux, furent conduites du château où elles étaient enfermées jusqu’aux dunes de la Claire, à deux kilomètres de là.

Deux longues fosses creusées le matin dans le sable de la plage, à cent pas de la mer, les attendaient.

 Elles étaient escortées par le peloton d’exécution.

 En face de l’église, dit dans sa notice M. Viaud-Grand- Marais, dont il faudrait ici citer tout entier le récit, l’une des jeunes tilles se mit à éclater en sanglots : sa sœur l’embrassa et lui dit : « Ne pleure pas, petite, ce soir, nous coucherons chez le bon Dieu ! »

Ces paroles, rapportées par un des témoins du drame, ne peuvent être attribuées qu’à Marie de Rorthays s’adressant à sa sœur cadette Elisabeth. Aucun doute n’est possible : il n’y avait pas d’autres sœurs dans ce triste cortège que les demoiselles de Rorthays.

Ce fut certainement aussi cette héroïque jeune fille, digne descendante du vaillant compagnon d’armes de Saint-Louis, qui pour soutenir le courage de sa sœur et des autres victimes, eut, en reprenant sa marche, la sublime inspiration d’entonner des cantiques auxquels celles-ci unissaient leurs voix prêtes à s’éteindre pour jamais.

En arrivant au bord de la mer, devant les fosses, elle remplaça les cantiques par le chant du Magnificat.

On connaît le mot populaire en Bas-Poitou qui disait: « battez une haie, il en sort un lièvre, un Buor ou un Rorthays » : de même qu’on a dit longtemps en Bretagne : battez un buisson, il en sort un Kersauson. »

Au moment où s’ouvrit la Révolution, l’arbre généalogique de la maison de Rorthays portait encore neuf branches vigoureuses sur son tronc. La hache révolutionnaire en abattit cinq : celles des seigneurs de Marmande, de la Sénaigerie, du Giron-d’or, de la Poupelinière et de Saint-Georges.

 

 

==> 1792 LES CANONNIERS ET LES CANONS DE LA GARDE NATIONALE PERMANENTE

==> Chroniques Fontenaisiennes 1794

Guerre de Vendée, la bataille de Noirmoutier, jugement et exécution du général Maurice d'Elbée ( 6 janvier 1794) <==

==> Time Travel 29 mars 1796 : Exécution du général François-Athanase Charette de La Contrie place Viarme à Nantes

 

 

 

 


 

(1)   C’est en Anjou que l’on trouve le nom de (Rorthays, Roheteys, Roerta, Rohartais, etc.) mentionné pour la première fois.

En 1080-1095, G. de Rorthays est seigneur d’un fief dans un lieu appelé encore aujourd’hui la Rorthe, en Meslay, près Chemillé (Célestin Port, Dictionnaire de Maine-et-Loire).

En 1100, Jean de Rorthays, qualifié de Miles, chevalier, est témoin dans une charte d'affranchissement de Raoul de Beaumont, seigneur de Bressuire (Cartulaire de Saint-Loup).

Dans des chartes de 1200, 1207, 1212, Pierre de Rorthays, Petrus de Roerta, de l’ordre du Temple, reçoit différents dons en sa qualité de prœceptor et commendator de la Commanderie de Cosdria (La Coudraye). Cart. de Cosdria.

La Coudraye est un hameau de la paroisse de Challans.

En 1212, Herbert de Rorthays, Miles, est témoin dans une donation de Briand de Montaigu à l’abbaye de Sainte-Marie de Feignos (Cartul. du Bas- Poitou).

 En 1239, Agnès de Rorthays est abbesse de l’abbaye du Ronceray à Angers (Gallia Christiana.)

 La paroisse de Saint-Hilaire de Rorthais, qui forme aujourd’hui la commune de Rorthais, dont les membres de cette famille ont été longtemps seigneurs, et qui est mentionné dès 1090, attenait à celle de Saint-Aubin de Baubigné, près Mauléon.

 La filiation suivie remonte il Guillaume Ier de Rorthays, seigneur de la Durbellière, en cette paroisse de Saint-Aubin de Baubigné.

En 1248, qui accompagna saint Louis, combattit à la Massoure et auquel le roi fit concession des armes qui ont été depuis celles de sa maison :

D'argent à trois fleurs de lis de gueule à la bordure de sable, chargée de dix besants d'or.

L’un des fils de Guillaume, Jean, était chevalier et commandeur de l’ordre militaire et hospitalier de Saint-Ladre (Lazare) de Jérusalem en 1294.

 La seigneurie de la Durbellière resta avec le château de ce nom dans la maison de Rorthays, jusqu’en 1602, époque où elle passa par mariage et par suite de l’extinction de la branche aînée, dans celle des du Vergier de la Rochejaquelein.

C'est dans ce château, brûlé sept fois pendant la Révolution et dont il reste encore des ruines imposantes, que naquit, on le sait, Henri de la Rochejaquelein.

Par suite du mariage de Jacques de Rorthays, fils de Jean ler , seigneur de la Durbellière, qui épousa en 1497 Catherine Meschin fille de Pierre Meschin, seigneur de la Rochette, en Beaulieu, la famille continuée par lui, fut transportée de l’Anjou dans le Bas-Poitou

C’est là que la trouva la Révolution.

(2). M. de Rorthays de la Rochette, capitaine de l’armée de la Basse-Vendée, signe l’adresse au roi de 1814. Au mois de juillet de la même année il faisait partie de la garde royale à pied de Bourbon-Vendée.