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PHystorique- Les Portes du Temps
9 juin 2023

Examen critique et analytique de diverses chartes des Xe, XIe, XIIe, et XIIIe siècles, relatives à la Touraine et Poitou

Examen critique et analytique de diverses chartes des Xe, XIe, XIIe, et XIIIe siècles, relatives à la Touraine et Poitou

Ceci n'est point une histoire de Touraine : ce n'est pas même celle d'une église ou d'un couvent. Il ne s'agit que de quelques chartes d'origine diverse, tristes débris de chartriers autrefois fameux que le hasard a réunis de nouveau.

La Touraine, ce beau pays que l'on a nommé le Jardin de la France, n'a jamais été le théâtre de ces évènemens qui retentissent au loin ; jamais elle ne fut le foyer d'un mouvement révolutionnaire ; jamais elle ne vit germer et éclore dans son sein une grande idée morale, philosophique ou religieuse : elle n'a point et n'a jamais eu de cachet original.

Soumise à toutes les impressions puissantes venues du dehors, traînée à la remorque de toutes les passions bonnes ou mauvaises qui ont agité le monde, elle ne fut jamais Touraine, mais elle fut toujours France.

Aussi l'histoire de ses mœurs, de ses us et coutumes, est-elle d'un intérêt plus général que celle des faits passés aux bords de la Loire.

Tout ce qui se faisait en Touraine se faisait ailleurs : parler des chartes de cette province, c'est parler des chartes d'une nation, c'est révéler aux siècles modernes les siècles passés, c'est soulever un coin du voile qui couvre le moyen-âge.

- La fin du dixième siècle, les onzième, douzième et treizième siècles de la monarchie française occuperont ceux qui prendront la peine de lire ce Mémoire : les petits - fils de Charlemagne vont descendre du trône ; Hugues-Capet va prendre la place qu'ils ne peuvent plus défendre ; le roi de France n'est plus seigneur que de deux ou trois villes, et ses vassaux possèdent des provinces.

Il n'y a plus de Champ-de-Mai, les capitulaires de Charlemagne dorment dans la poussière ; l'autorité, c'est la force; le droit, c'est la victoire; les seigneurs donnent et reprennent les bénéfices, fixent les impôts, font des lois de police, jugent toutes les causes et font exécuter leurs jugemens.

Le nom du Roi ne sert plus qu'à dater les chartes.

A côté de ce pouvoir brutal s'élève une autre puissance moins tumultueuse; elle ne manie pas la lance, ne va pas aux tournois ; ce n'est pas au trône de France qu'elle prétend; si on l'en croit, son royaume n'est pas de ce monde ; c'est elle qui arrête Attila aux portes de Rome; c'est elle qui fait tomber à genoux devant l'Eternel les rois souillés du sang de leurs peuples; elle a mis Charlemagne sur le trône, puis elle va jeter le nom de Dieu au milieu de tous les hommes d'armes qui s'entre-égorgent.

 

Pourquoi le clergé a-t-il cessé de remplir sa diviné mission ? Pourquoi les ministres de paix ont-ils pris part à toutes nos dissensions civiles? Les moines avaient fait vœu de pauvreté, et leurs couvens devinrent plus riches que les rois qui les avaient comblés de présens.

Au commencement de l'ère chrétienne, ils se contentaient de prier pour eux-mêmes ; gagner le ciel leur semblait tâche assez difficile, pour que la vie d'un homme pût à peine y suffire ; leurs successeurs vendirent des places dans le paradis, ils en assurèrent aux générations futures, ils en promirent aux générations passées, si les générations présentes voulaient les payer : elles eurent la faiblesse de le faire.

Dès lors la puissance du clergé fut sans bornes; la terreur de l'enfer, dont ils pouvaient se servir dans l'intérêt de l'humanité, ne servit qu'à la fortune de l'église. On va les voir tantôt évoquer un vieux souvenir, une donation verbale, par exemple, et arracher aux enfans une charte de concession qui devait sauver leurs ancêtres des flammes éternelles ; tantôt assis au chevet du mourant, ils épouvantent cet homme si brave dans les combats et si faible sur un lit de souffrance; et le mourant leur donne ses biens.

Celui-ci pleure la mère qu'il chérissait, celle-là le fils qu'elle a porté dans son sein; ce noble seigneur n'a pas d'enfans et son nom va s'éteindre: les moines sont là qui promettent tout pour de l'or; ils savent tout exploiter, la joie et la douleur, le remords et l'espérance, la crainte et l'ambition : et puis quand ils ont ruiné une famille, ils appellent la colère de Dieu sur quiconque osera leur reprendre ce qu'ils ont indignement extorqué.

Les moines ont disparu, et la malédiction du ciel qu'ils invoquaient à leur secours est retombée sur eux.

 

C'était l'an 945…..

Louis d'Outre-mer, fils du malheureux Charles-le-Simple, régnait en France, et Théotolon était archevêque de Tours. Issu d'une noble famille, ce prélat avait porté l'habit monastique dans l'abbaye de Cluni.

Le monastère de Saint-Julien, le seul que renfermât la ville de Tours, n'était plus qu'un monceau de ruines ;

En 856 les Normands l'avaient détruit- Théotolon le fit reconstruire, le dota richement, et ne cessa d'encourager les donations faites à monseigneur saint Julien; dans la charte que l'on va lire, c'est un chanoine qui se dépouille pour enrichir des moines de l'ordre de saint Benoît:

« Ecclesiam sanctam Domini votis fidelium crescere tandemque augmentis cotidianis per Christi gratiam pullulari nemo fidelium ambigit, quamobretn ego Teotolo (1) , divinâ miserante clementiâ Turonicae sedis archiepiscopus notum ac manifestum esse volumus cunctis sanctae ecclesiae fidelibus et praecipue ejusdem nostrae sedis archiepiscopalis quin accessit ad nostri culminis celsitudinem quidem fidelis noster et canonicus sancti (2) Mauricii necnon et sancti Martini nomine Rotgerius humiiiter deprecans uti cellulam sancti Cristofori quæ est sita in vilIâ Bridrado quam ei in beneficium datam habehamus necnon et mansum (3) ex proprio ipsius beneficio, quem olim predecessor suus nomine Junbertus pro quodam mundatione ipsius loci contulerit domino et saneto Juliano (4) ad supplementum monachorum ibidem servientium per hanc auctoritatem sub aliquantuli censuum redibitione sibi vel successoribus suis pro majoris rei firmitate annuatim reddendâ condonare et concidere dignaremur : cujus deprecationem unà cum assensu fidelium nostrorum utriusque ordmis latam et perutilem esse cognoscentes benigne recepimus.

Concessimus igitur præfatam cellulam sancti Cristofori cum supra dicto manso, cum omnibus utilitatibus et adjacentiis suis, ad predictos monachos sancti Juliani, in speciales eorum usus, ut faciant exindè sicut et de aliis rebus sancto Juliano pertinentibus et juste et legaliter adquisitis.

Solventes exinde annis singulis ad missam sancti Mauricii quæ celebratur X Kl. octob. Rotgerio fideli nostro sive successoribus suis censum praedictum solidos V, et pro manso solidos II, et eis amplius non requiratur aut exigatur.

Si autem ex instituto censu regligentes repetiti fuerint id ipsum emendare studeant et quod tenuerint non ideo amittant : precamur intereà successorum nostrorum clementiam ut sicuti sua facta quæ par amorem omnipotentis Domini gesserint stabili voluerint vigore consistere, ita haec nostræ parvitatis gesta sinant omni tempore permanere intacta et inviolata; et ut haec auctoritas firmior habeatur manu propeia eam firmavimus manibusque fideliuni utriusque ordinis adifrmari rogavimus.

Data mense marc; in civitate Turollici, anno X, regnante Hludovico, »

Au bas de cette charte se trouvent vingt - deux signatures, c'est d'abord celle de l'archevêque, puis viennent celles des dignitaires de Saint-Julien; les fidèles laïques de Théotolon n'ont pas apposé leur seing manuel sur cette pièce, ils ne savaient sans doute pas signer, et l'usage des sceaux était peu répandu, car il n'en est pas question dans la plupart des pièces de cette époque : une chose digne de remarque, c'est que la signature de l'archevêque et celle du doyen de Saint-Julien sont en caractères grecs.

Théotolon avait été moine à Cluni ; quand la mitre archiépiscopale lui fut offerte, il la refusa par humilité, et ne l'accepta que pour obéir à son abbé.

Quelques années après, ce moine, autrefois si modeste, dit en parlant de lui : ad nostri culminis celsitudinem ; c'est qu'il était le successeur de saint Martin et de Grégoire de Tours ; c'est que les archevêques et les évêques prétendaient ne relever que de Dieu, et se disaient ses vicaires chacun dans leur diocèse; c'est là ce qui faisait toute leur force.

A cette époque on devait tout matérialiser, tout jusqu'aux dogmes religieux pour les faire comprendre ; un archevêque assis sur son siège d'or, sa crosse en main, entouré de ses vassaux, paraissait plus grand que l'humble serviteur de Dieu allant sans bruit faire une aumône, ou porter quelques paroles de paix et de consolation sous le toit de l'affligé.

 Au dixième siècle l'orgueil était grandeur: Théotolon était donc grand.

 

Aussi, est-ce bien humblement que Roger, son fidèle, lui demande la permission d'offrir à, saint Julien une chapelle que l'archevêque lui avait donnée en bénéfice ; l'archevêque y consent ; mais après avoir daigné consumer ses fidèles des deux ordres ; puis il prie ses successeurs de considérer l'autorisation qu'il donne comme si elle était leur ouvrage; il les supplie de maintenir en pleine vigueur les donations faites par Roger.

Malgré la toute puissance des évêques, on voit qu'ils étaient soumis aux formes imposées à tous les suzerains par le gouvernement féodal : au moment où fut rédigée la charte dont il s'agit, l'autorité royale était anéantie : chaque seigneur était roi dans sa terre et jouissait des prérogatives du trône.

Pour se les faire pardonner, pour ne pas effaroucher la susceptibilité de ses vasseaux, chacun cherchait à dissimuler le joug qu'il leur faisait porter : Charlemagne ne publiait de loi qu'après avoir consulté les grands de l'Etat ; Théotolon, pour autoriser une donation , demande l'assentiment de ses fidèles des deux ordres, de ses vassaux, clercs et laïques.

Quant au tiers-état, il ne devait plus en être question que quand Louis-le-Gros l'aurait reconstitué.

Pour s'assurer l'appui de leurs fidèles, les évêques comme les rois avaient été obligés de multiplier les bénéfices et les fiefs; tout se donnait en bénéfice : le droit de passage d'un pont, des serfs, une rente : Théotolon avait octroyé à Roger la chapelle de Saint-Christophe, aussi Roger a-t-il besoin d'être autorisé par son suzerain pour faire donation de son bénéfice à l'abbaye de Saint-Julien ; ce consentement ne lui était pas même nécessaire pour disposer d'une partie de ses biens propres : Proprii beneficii; on nommait ainsi les biens qui venaient des ancêtres et qu'on ne tenait à aucun titre de la générosité suzeraine; les principes de la propriété étaient foulés aux pieds ; on ne pouvait ni vendre, ni donner, ni échanger, sans l'assentiment du seigneur; donner surtout, même son propre bien, c'était, pour employer une expression de Beaumanoir, apetisser son fief, et par conséquent faire tort au suzerain , ce qui nécessitait son expresse autorisation.

Ce qui peut donner une idée du pouvoir arbitraire des suzerains, c'est la prière que Théotolon adresse à ses successeurs; il les supplie de respecter cette donation; il ne parle plus de sa grandeur, c'est sa petitesse qu'il invoque; il est bien humble alors, car il demande une faveur à la postérité. Théotolon savait bien que cette donation ne serait valable qu'autant que le plus fort voudrait bien croire à sa validité : la charte qui suit semble de la même date que celle qui la précède; elle fera connaître sous un autre point de vue l'arbitraire du régime féodal.

«In nomine summi Salvatoris Domini. Theotolo sanctae Turonensis sedis archiepiscopalis immo et percognitum esse volumus fidelibus sanctae Domini Ecclesiæ presentibus ac futuris, praecipueque successoribus nostris, quia deprecatus est nos quidam fidelis noster et (5) archidiaconus nostrae matris Ecclesiae nomine Dodaldus, uti ex rebus sancti Lupi, quas nostrae largitionis in donum tenere videtur, aliquid dare (6)

—cuidam homini nomine Bernerio et uxori suae Hugualdæ sub conditione census annuatim reddendum per hujus nastrae auctoritatis testamentum concederemus : cujus deprecationis benigne recipientes concessimus—Bernerio et uxori suæ Hualæ (7) ex prefata sancti Lupi abbatia terra arabili arpennum (8) situm prope suburbium—Turonicae urbis, non longè ab ipsâ ecclesiâ sancti Lupi, terminatum de tribus partibus terris ejusdem potestatis, quarta autem parte via publica, et etiammodo concedimus eis ipsam terram ut habeant licentiam de super edificandi, plantandi, construendi et quidquid etiam eligerint ameliorandi, solventes exindè annis singulis ad festivitatem sancti Lupi quæ celebratur III Kl. augusti parlibus Dodaldi fidelis nostri sive sucsessoribus suis censum denariorum VI ; et eis amplius ne requiratur aut exigatur , sed sub tali cellSU libereac quiete possideant, nemine inquietante atque contradicente, et si de eodem censu tardi aut negligentes repetiti fuerint id ipsum emendare studeant et quod tenuerint non ideo amittant : post eorum quoque digressione si frater Bernerii nomine Evrard atque nepta ipsius filia scilicet praelibati Evrardi adhuc vixerint ipsam terram cum omni emelioratione teneant et possideant sub praefixo censu : sin autem eis supervixerint habeant licentiam dandi, vendendi nec non quicumque voluerint ex parentibus vel amicis, uni solum modo, relinquendi, salvo tamen ecclesiastico censu; ut autem haec auctoritas firmior sit, firmiorque maneat manu propriâ earn subito firmavimus manibusque fidelium nostrorum firmari rogavimus (9). »

Dodald, archidiacre de Tours, demande la permission de détacher quelques pièces de terre de son bénéfice pour les donner à rente à un individu nommé Bernère, et à Hugualde, sa femme : il est stipulé qu'après eux, la terre passera au frère de Bernère et à sa nièce, et que si ces derniers, au contraire, meurent avant Bernère et sa femme, ceux-ci pourront alors donner ou vendre la terre qu'on leur abandonne à celui de leurs parens ou de leurs amis qu'ils voudront choisir, pourvu toutefois qu'ils n'aient qu'un seul successeur.

N'est-ce pas là l'origine d'une redevance seigneuriale?

Ce sont des terres labourables que l'on donne à rente ; cette rente doit être payée à Dodald et à ses successeurs dans sa dignité, il est vrai; mais on accepte pour débiteur, dans le cas où Bernère et sa femme viendraient à décéder, le frère de Bernère, Evrard, et la fille de ce dernier, c'est-à-dire des hommes ou des femmes, ce qui ne serait pas s'il se fût agi de conférer un bénéfice.

On a dû remarquer que l'on concède le droit de bâtir, de planter et d'améliorer.

Si Bernère n'eût pas obtenu le droit d'améliorer sa nouvelle propriété sans se faire garantir par le vendeur qu'il ne serait pas inquiété, il ne l'aurait pas fait impunément : ou on lui aurait pris ce qu'il aurait ajouté au sol, ou on aurait exigé une augmentation de rente et de nouvelles redevances : les vexations auraient recommencé à chaque changement que le malheureux fermier aurait tenté; aussi le régime féodal étouffait-il l'industrie, le commerce, l'agriculture; avec: lui il n'y avait pas de progrès possible; il n'y avait même pas d'expérience à tenter.

C'est de cette tyrannie absurde que datent les habitudes routinières des paysans de nos jours ; il faut souvent des siècles pour réparer les fautes d'unie époque.

Spectateur tranquille de la misère du peupler le clergé - s'occupait de sa propre fortune : Joseph Il (10) venait de succéder à Théotolon. Le nouvel archevêque s'empressa de se concilier les moines de Saint-Julien, et l'année même de son élection, il leur octroya en pur don le village de Sonnay et les églises de Sainte-Marie et de Saint-Gervais.

 

Voici la charte de cette donation.

« Ecclesiam sanctam Domini votis fidelium crescere tandemque augmentis cotidianis per Christi gratiam pullulari nemo fidelium ambigit; quamobrem ego Joseph, divinâ miseratione Turonicae ecclesiae archiepiscopus, cogitans de Domini timore ac aeternae retributione dignum duximus, cum consilio nostrorum fidelium , ut pius dominus veniam nostrorum peccaminum indulgere dignetur, quatenus ex rebus nostrae matris ecclesiae nobis speciali ditione subjectis aliquid ad monasterium sancti Juliani in suburbio Turonice urbe situm ad supplementum monachorum ibidem domino Martino famulantium concederemus sicuti et fecimus: videlicet Sulnacum villam, cum ecclesiis duabus, unam in honore sanctæ Mariae dicatam, alteram in honore sancti Gervasii constructam, et cum omnibus appenditiis et utilitatibus suis, cum terris cultiset incultis silvis ad abunâè, pratis, pascuis, aquis, aquarum decursibus mobilibus et immobilibus ripis et exitibus, et quidquid est que siturn aut ad inquerendum totum et ad integrum. Fuit namque olim ipse locus vicus canonieus et inaximo honore et veneratioue habitus.

Sed propter incursionem atque infestationem (11) paganorum sicuti à plurimâ locâ in soiitudidem et in saitus Bessiarum et absque habitatore est reductus : praeterea concessimus ex rebus Thesauri nostrae matris ecclesiæ, per consensum et deprecationem fidelis veri Bernardi diaconique ipsum Thesaurum per nostræ largitionis donum tenere videtur, omnem terram et sylvam quæ ibi prope adherere videtur cum omnibus adjacentiis et utilitatibus suis. Sunt autem haec sita in pago turonico supra rivulum Grenussiae (12) : hæc vero omnia supradicta cum terris cultis et incultis silvis et cum omnibus adjacentiis et utilitatibus earum partibus monasterii sancti Juliani, cujus rector et abbas dominus Georgius recognoscitur tradimus, cedimus, cedimus ac delegamus ut sint in victualibus stipendiis monacharum, cæterisque utilitatibus omni tempore et pro ipsis rebus studeant (13) ipsi monachi annuatim ad missam sancti Mauricii que celebratur X Kl. octob. Ad partem nostram sive successorum nostrorum solidos II, et ad partem rectorum nostre matris Ecclesie thesauri et sic predictas res cum omni integritate sine ullius contrarietate teneant et possideant.

Precamur interea successorum nostrorum clementiam ut sicuti sua statuta quæ per amorem ompotentis Domini fecerint, stabili voluerint vigore persistere, ita haec nostrae parvitatis gesta sinant manere intacta et inviolata : ut autem haec nostra denacio-firmior habeatur manu nostri pontificii corroboravimùs, manibusque fidelium nostrorum utriusque ordinis euin adnotari et corroborari erecrevimas (14).

Cette charte rappelle les descentes des Normands sur les bords de la Loire.

L'église de Saint-Julien avait été détruite et pillée par ces hordes barbares en 830 : les riches couvens de la Touraine excitaient sans cesse leurs convoitises ; en 903, l'église de Saint-Martin et vingt autres paroisses, monastères ou couvens, avaient été la, proie de l'incendie qu'ils avaient allumé ; les trésors que la piété etles superstitions y avaient amoncelés depuis cinq siècles étaient tombés aux mains de ces païens, dont les fils devaient bientôt enrichir les églises de la Neustrie et de l'Angleterre;

les Normands spéculaient sur l'effroi que leur nom inspirait : ils touchaient des pensions sur la cassette des rois et levaient les tributs sur les peuples; la crainte faisait tout payer, aussi ne négligeaien-t-ils rien pour entretenir au loin cette terreur sur laquelle s'appuyaient leurs espérances ; quand ils venaient au bord de la Loire, s'il y avait à piller, ils pillaient, puis quand ils ne trouvaient plus rien à prendre, ils brûlaient ce qu'ils ne pouvaient emporter; partout où ils avaient passé, il ne restait plus que des ruines; les lieux naguère habites n'étaient plus que solitude, ils avaient trouvé la civilisation et laissaient après eux le désert.

- Si les hommes du Nord ruinaient le clergé de France, au moins ils ne lui enlevaient que ses trésors ; ses terres lui restaient; Charles Martel n'avait pas brûlé les églises et les couvens; mais il leur avait pris les domaines dont ils jouissaient déjà pour les partager avec ses soldats.

Le clergé ne renonce à rien, il n'y a pas de prescription reconnue par lui; chaque jour son influence et la crédulité des fidèles lui rendaient une partie de ce qu'il avait perdu; cependant à la fin de la seconde race, il y avait encore en Touraine des comtes qui disposaient de biens ecclésiastiques; c'est ainsi que, dans la charte l'on va lire, le comte Geoffroy (15) prend le titre de rerum sanctœ Genofefœ rector: il avait donné ses biens en bénéfice à son fidèle Gislard, qui était aussi un laïc; celui-ci demande et obtient la permission d'en donner une partie aux moines de Saint-Julien pour une rente modique : ou remarquera que les moines qui ont écrit cette charte ont eu grand soin de stipuler que s'ils négligent de payer la rente à laquelle le donateur les impose, ils ne perdront pas pour cela ce qu'on leur donne; seulement ils veulent bien consentir à ce que dans ce cas on invoque la loi contre eux.

Quelle sera cette loi ? Ce ne sera pas celle du royaume, ni même celle de la province; c'est la coutume du bourg de Mailly, mos pagi; c'est le dernier degré de subdivision où la jurisprudence française soit jamais tombée.

Quand chaque village a sa loi, c'est qu'il n'y a plus de loi ; quand la justice et la raison changent de principes à chaque pas, c'est qu'il n'y a plus ni justice ni raison; une circonstance faisait la loi, un caprice la détruisait ; les transactions ne pouvaient plus avoir de base que la bonne foi des parties:

 

Voici cette charte.

In nomine summi Salvatoris Christi ego siquidem Gauffredus rerum sanctae Genofefa rector notum fieri cupio omnibus, successoribus meis cæterisque fidelibus, quum accessit ad me quidam fidelis meus nomine Gislardus cui quidem res praedictae virginis in beneficio datas habebamus, deposcens uti ex eisdem rebus jam dictae cellae pertinentibus monachis beati Juliani XII videlicet arpennos ex alneto (16) ad prata redigendas meâ autoritate et hujus manus firmae testamento concederemus sub institutione stilicet annualis censûs; cujus petitionem utpote fidelis mei libenti animo suscipiens concessi jam dictis famulis Christi praedictum alnetum ortatu et suasionc ipsius fidelis nostri immo ut et ipsis parentibus meis dum exorarent situm in pago Turonico in villa Mallioco (17) juxta alterum alnetum quod Bergia nuncupatur et si quidem rationis ordini ut studeant exinde reddere annis singulis eidem Gislardo vel ejus successcoribus ad festivitatem sancti Martini censum sol IIII et sic omni tempore praefati monachi ipsam terram quiete teneant ac perenniter possideant terminatur namque ex omnibus partibus ej usdem potestatis confiniis.

 Si autem ex praedicto censu negligentes aut tardi extiterint id ipsum eis emendare juxta pagi morern liceat et quod tenuerint ideo nequaquam perdartt ut autemi hæc auctoritas a nobis facta esse credatur et a successoribus nostris in convulsa teneatur manibus propriis eam firmavimus et quam plurimos firmare fecimus.

Sig. Gauzfredi, Comites.

 

Data in mense martio anno VI (18) regnante Hlotherio rege fuculsis in livites.

 

Le Clergé, dans sa marche habile, se servait de ses richesses pour augmenter son influence, et de son influence pour augmenter ses richesses: ses tribunaux d'abord n'avaient jugé que les affaires qui concernaient l'Eglise; bientôt ils empiétèrent sur la justice des barons, et leur juridiction finit par tout envahir.

Voici un procès instruit devant Hardouin (19), archevêque de Tours.

C'est sur la table même de l'archevêque que l'accord se signe, c'est en son nom que la charte est écrite: Gandalbert, son vassal, plaide contre le couvent de Saint-Julien. Pour sauver son ame et celles de ses parens, il reconnaît tous ses torts et renonce à ses prétentions : il est vrai qu'on lui fait dire qu'il est propriâ voluntate ductus, nernine cogente, etc. Cet excès de précaution ne dépose-t-il pas contre les auteurs de la charte ? A ce style on reconnaît les moines, les bons pères ne peuvent jamais avoir tort, tontes leurs prétentions sont justes: c'est par charité, c'est par pitié pour les ames des trépassés qu'ils veulent bien transiger.

Mais comme au fond ils savent que c'est par la crainte de l'enfer qu'ils font agir leur partie adverse, que la terreur est une contrainte, et que la contrainte est un moyen de nullité, ils ont bien soin de faire dire à Gandalbert qu'il agit librement. Ils lui ferment ainsi tout recours légal contre cette transaction, s'il vient jamais à découvrir qu'il est dupe de sa faiblesse.

Ce titre constate la date d'un fait historique d'ailleurs connu. Il fut écrit l'année où le roi Lothaire fit sacrer son fils Louis, le dernier roi de la race Carlovingienne.

Voici cette charte :

Notitiae rei gestæ qualiter ego Guandalbertus domini Arduini archiepiscopi nepos anno incarnationis dominicae M CCCC LXX VIII indictione VII requisivi aut repetivi a monachis sancti Juliani medietatem quarumdam decimarum videlicet de duabus quartis antiquis conjacentibus in villâ (20) Ciconiaco.

 Et de tertiae quartae quae est sita in villa Grasciaco similiter antiquâ : pertinentibus ad abbatiam (21) sancti Hilarii, quam in beneficium de suprædicto avonculo ut seniore meo et archiepiscopo Arduino tenere videbar: undè ipsas decimas me repentente et cisdem monachis nolentibus reddere, maxima inter me et illos contentio fuit ortae: sed ubi cognovi ab ipsis monachis ut ab aliis fidelibus christianis quod dominus Theotolo fundator ejusdem lori beate Juliani jam dictas decimas per seriem(22) carcharum eam omni integritate monachis eumdem locum incolentibus contraderat, et in regale preceptum quod de ipso monasterio est compositum scribi preceperat, propria ductus voluntate, nemine cogente, pro remedio animae meae, et genitoris mei qui id ipsum diebus vitae suae assenserat, et aliorum parentum meorum, ut omnium fidelium christianorum supra scriptas decimas sicut et eorum continet auctoritas absque ullâ repetitione aut contradictione liberè et quiete eos tenere et possidere concessi et ne aliquis heres aut successormeus allam querilam aut ullam calupniam de eis in ferre presllmat.

 Hanc notitiam fieri precepi ac manibus propriis firmavi : manibusque seniorun ut aliorum fidelium meorum affirmari rogavi.

Arduinus gratia di Turonorum archiepiscopus signum se crucis Guandalberti vassali (23) qui hanc notitiam propria ductus voluntate fieri jussit; signum (24) Corbonis vassalli; signum Arduini fratris ejus; signum Rutherii vassali; signum Senardi vassali; Mamerius clericus; Adalelm firmavit; signum Ervei; signum Addonis vassali.

Data simulque corroborata mense julio in civitate turoniis SUP. M. SA Domni Arduini archiepi. Anno ab incarnatione domini M CCCC LVIII in quo anno Hlotharius rex Cludovicum filium sicum regem ordinare fecit.

 

Une charte, d'Eudes (25), comte de Touraine, que l'on va lire, ne présente aucune particularité qui n'ait déjà  été relevée dans celles qui précèdent.

On remarquera seulement la formule finale : ce n'est pas une signature que l'on demande au comte Eudes : il eût peut-être été embarrassé pour la donner, c'est le signe de la sainte croix qu'il pose au bas de la charte.

Les parties contractantes prenaient Dieu à témoin de leurs engagemens; elles juraient de les tenir sur les saints Évangiles ou sur les reliques des saints qu'on avait soin d'apporter; puis elles faisaient au bas de la charte le signe de la sainte croix : de cette manière le clergé ménageait l'amour-propre des puissances du siècle et trouvait moyen de les attacher à leur parole par la crainte des peines éternelles dont il menaçait les parjures.

In nomine summi Salvatoris Domini nostri quidem Odo gratia Dei comes notum hymmo (26) et percogniturn esse volumus cuuctis sanctæ Ecclesiae fidelibus presentibus scilicet at futuris precipuèque successoribus nostris quia deprecatus est nos quidam vassalus ac fidelis noster nomine Gosfredus uti ex rebus beneficii sui quod per nostrae largitionis donum tenere videtur hæc est sup. fluvium……... cum aqua decurrenti sanctæ Mariae Ravinnensi scilicet…… qui eumdem locum tenuerint sub institutione censu annuatim………….nostrae auctoritatis testamentum concederemus ; cujus deprecationem recipientes concessimus jam dictae sanctae Mariae prelibatos arpennos cum aquâ quidem adjacenti sitos in pago Turonico.

Au nom de notre sauveur suprême, en effet, Odon, par la grâce de Dieu, je chante l'hymne bien connu (26) et nous souhaitons être connus de tous les fidèles de la sainte Église, à savoir, présents, mais surtout de nos futurs successeurs, parce qu'un certain vassal et fidèle à nous nommé Gosfredus nous a supplié d'utiliser des choses de sa bienfaisance qu'à travers les nôtres il semble détenir le don de générosité, c'est sup. la rivière... avec l'eau qui coule de Sainte Marie de Ravinens, bien sûr... qui tenait la même place sous l'institution d'un recensement annuel... nous accorderions un testament de notre autorité ; les destinataires de la supplication desquels nous avons accordé les arpennos de ladite sainte Marie, avec de l'eau adjacente, située dans le pays de Touraine.

 

Terminantum autem ex unâ parta via publiea ex duabus terrâ ex eodem beneficio, quartâ (27) Jugenne fluvio.

Mais la limite d'un parta chemin public de deux terres du même bénéfice, la quatrième (27) rivière la Jugenne.

  Eo namque tenore prelibatam terram Velaquam sanctae Mariae concedimus ut habeant fratres eumdem locum tenentes licenciam de super quisquid melius eligerint operandi solventes annis singulis in festivitate sancti Maximi quae celebratur XIII Kl. septembris censum solidos II et dener. IIII et eis non amplius non requiratur, et si de eodem censu negligentes quisquam, aut tardi extiterint id ipsum ei emendare studeant et quod tenuerint non ideo amittant:

Car par cette teneur, nous accordons la précieuse terre de Velaqua de Sainte-Marie, que les frères tenant le même lieu peuvent avoir une licence pour travailler sur ce qu'ils choisissent de mieux, en payant chaque année pendant la fête de Saint-Maxime qui est célébrée dans le 13ème Kl. En septembre, l'évaluation était de 2 solidi et dener. 33 Et ce n'est plus exigé d'eux, et si quelqu'un néglige la même évaluation, ou a été lent à le faire, qu'il s'efforce de réparer cela même, et ne perde pas ce qu'il a détenu :

habebuntque licentiam si eis necessitas extiterit dandi vendendi cuicumque voluerint est autem haec auctoritas pleniorem in Dei nomine obtineat firmitatem manu propria eam per signum sanctae crucis adfirmavimus atque corroboravimus et fidelibus nostris utriusque ordinis corroborari decrevimus.

et ils auront la permission si la nécessité existe pour eux de vendre à qui ils veulent, mais cette autorité est plus complète au nom de Dieu qu'il obtienne la fermeté de sa propre main, nous l'avons confirmée et fortifiée par le signe de la sainte croix, et nous avons décidé de la fortifier avec nos fidèles des deux ordres.

S. Odonis comitis; S. Guaniolis; S. Gilduini (28) Salmurensis, clerici; S. Gilduini Bretuliensis, S. Guarini praepositi; S. Raimundi Blesensis; S. Girberti Brenensis ; S. Gauscelini Blesensis.

 

Emma, sœur du comte Eudes, avait épousé Guillaume, deuxième du nom, duc d'Aquitaine, un des plus puissans seigneurs de son temps ; il est le premier qui ait pris le titre de duc de cette province: la Guyenne avait été confisquée par Lothaire et donnée à Hugues de France:

===> Ducs d' Aquitaine et Comtes de Poitou et plus

Guillaume résista au Roi et au duc, délit leur général Geoffroy, comte d'Anjou, et força Lothaire à lui donner l'investiture de ce fief.

 

En 987, quand Hugues Capet usurpa le trône, quoiqu'il fût beau-frère de Hugues-Capet, il refusa de le reconnaître pour roi de France.

 

Les deux Chartes qui suivent, expédiées en son nom et revêtues de son seing, sont dignes d'intérêt.

Mòre antiquo patrum, cunctorumque civium Lege Romanorum, decretum est in orbe terrarum ut sacrae catholicæ fidei instituta principali sanctione veraciter conscripta ecclesiastico jure legaliter corroborarentur et scripturarum serie decente ornarentur, ne cujus pia fraudis nequiciâ inhoneste violorantur quamobrem permittente divina ac subsquente clementiâ, licet non meis meritis tamen indignatate comitu (29)

Selon l'ancienne manière des pères et de la loi romaine des citoyens ordinaires, il a été décrété dans le monde entier que les institutions sacrées de la foi catholique devaient être fidèlement écrites par la sanction principale et légalement corroborées par la loi ecclésiastique et être orné d'une série décente d'Écritures, de peur que leur piété ne soit malhonnêtement violée par l'impiété de la fraude (29)

 

posituo ego Guilelmus duxtotius (30) monachyae Aquitani quorum notum fieri cupio tolo mentis desiderio cunctis fidelibus sanctae Domini Ecclesiae presentibus scilicet atque futuris quod accedens ad me quidam fidelis meus nomine Bernifredus precatus est ut unam capellam in villa quae vulgo nuncupatur Lalmacus, sita in honore santi Dionisii dicatam cum decimis vineis pratis domibus curtiferis,

Moi, Guillaume Dux totius (30), monarque d'Aquitaine, dont je désire faire connaître, avec le désir de mon cœur à tous les fidèles de la sainte Église du Seigneur, présents et futurs, qu'un certain fidèle à moi nommé Bernifredus, s'approchant de moi, pria pour une chapelle dans une ville communément appelée Lalmacus, située en l'honneur du saint Dédié à Denys avec les dîmes des vignes des prés des maisons

virdegariis seu mancipiis utriusque sexûs ad eam capellam pertinentibus et cum terrâ arabile et insuper quantum ad ipsam capellam quesitum et ad inquirendum cernitur esse, sibi et uxoris suæ vel post illorurn decessum duobus successoribus sub censum quinque solidorum puræ auctoritatis scriptum dignaremus concedere quod omni modo nobis placuit fecisse eâ peroratione ut singulis annis,

aux marchands de légumes ou serviteurs des deux sexes appartenant à cette chapelle, et avec la terre arable, et, de plus, autant qu'on voit qu'on a cherché et qu'on s'est enquis pour la chapelle elle-même, on daignerait lui accorder et sa femme, ou après leur décès, à ses deux successeurs, sous la cotisation de cinq solidi de pure autorité, comme il nous plaisait en tous points d'en finir avec cette péroraison comme chaque année

 

prestitum censum solvant et se negligentes ipsius censûs fuerint, duplicatum reddant et posteà sicut censuali ut praefatum est in scripturarum serie ad festivitatem omnium sanctorum annuatim debitum solvant et postea juste et racionabilitur absque ullâ disruptione teneant et possideant precamur denique omnes nostros successores ut ea quae justa et rationabilia statuimus ita conservant sicuti sua et suis successoribus optaverint permanere gesta ut autem hæc manu firma pleniore maneant vigore manibus propriis firmavi et postea fidelibus meis diversi ordinis diversæque potestatis corroborandum (31).

qu'ils paient l'impôt emprunté, et s'ils ont négligé le même impôt, qu'ils en paient le double, et ensuite, comme les collecteurs d'impôts, comme il a été dit dans la série des Écritures, ils paieront la dette annuelle au fête de tous les saints, et après cela ils tiendront et posséderont ce qui est juste et raisonnable sans aucune perturbation. Nous avons établi des choses raisonnables, afin qu'ils les conservent comme ils l'ont souhaité pour que les leurs et leurs successeurs continuent leurs actions, mais afin que ces choses peuvent rester d'une main ferme, je les ai renforcées plus complètement de mes propres mains, et plus tard je les ai renforcées avec mes fidèles de différents ordres et de différentes puissances.

 

Data mense junii anno XL, regnante rege Lothario.

Donné au mois de juin de l'an 40, sous le règne du roi Lothaire.

 

Cette pièce est datée de la quarantième année du règne du roi Lothaire : cette date est inexacte.

Lothaire est né en 941, il fut associé au trône en 952, fut sacré en 954 après la mort de son père, et mourut en 986. En commençant à compter les années de son règne, même du jour où il fut associé au trône, on ne pourra jamais lui former un règne de 40 ans.

Peut-être est-ce une erreur de l'écrivain ; peut-être est-ce en haine de Hugues Capet que Guillaume ordonnait à ses scribes de prolonger le règne de Lothaire après sa mort.

Ce qui pourrait le faire supposer, c'est la qualité que prend Guillaume, il se nomme dux totius monachiae Aquitaniquorum.

Dans ce peu de mots perce toute l'indépendance féodale. Guillaume se souvient alors que l'Aquitaine fut autrefois un royaume:

il a daigné faire hommage aux descendans de Charlemagne; mais quand Hugues Capet, qui long-temps fut son égal, prend le titre de roi, Guillaume alors s'appelle duc de la monarchie des Aquitains.

Leurs droits étaient de même valeur: leurs prétentions étaient donc aussi justes.

C'est la force seule qui a décidé du succès.

En luttant contre le nouveau roi, Guillaume savait très-bien qu'il serait soutenu par ses peuples : des races différentes habitaient le Nord et le Midi : au Nord étaient les Francs, au Midi les Gaulois : au Nord régnait la loi salique, au Midi le code romain.

Aussi, au début de cette charte est-il mention de cette loi qui depuis des siècles régit les Aquitaines : il y a de plus dans cette pièce et dans celle qui suit, quelque chose de plus pur et de plus élégant dans le style : on peut même remarquer dans les premières lignes des mots qui rappellent les préambules ambitieux de Justinien.

Au surplus, le droit romain n'avait pu défendre le Midi de la France du régime féodal et de ses abus : dans la charte dont il s'agit, Guillaume donne une chapelle en bénéfice à un homme marié et à sa femme, puis après eux à deux de leurs héritiers.

C'est une de ces concessions qui forment la transition entre les bénéfices conférés à vie et les fiefs héréditaires.

 

Voici la seconde charte annoncée ci-dessus :

In nomine summseet individuae Trinitatis Willelmus Aquitanorum omnium princeps anno ab incarnatione Domini noslri Jesu Christi VCCCC L XXXVIIII indictione secunde.

Au nom de l'individu suprême de la Trinité, Guillaume d'Aquitaine, chef de tous, en la deuxième année de l'incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ VCCCC L XXXVIII.

 Volo igitur atque cupio et omnibus modis cupio ut sciant tam omnium pontificium clericorum dignitas, seu principium sublimitas ac cunctorum omnium tam virorum quam mulierum utriusque sexûs generalitas ita bonam volumptatem me habuisse, et ob meam conjugem nomine Emma et ob amorem ejus et aliorum multorum hominum mihi benevolentium hoc facio bono animo et promptâ voluntate….

Par conséquent, je veux et désire et désire de toutes les manières possibles qu'ils sachent que la dignité de tous les clercs pontificaux, ou le principe sublime, et la généralité de tous les hommes et femmes des deux sexes, avaient pour moi une si bonne volupté, et à cause de mon épouse nommée Emma et à cause de l'amour d'elle et de beaucoup d'autres personnes pour moi, je le fais avec un bon cœur et une volonté prête...

 Hoc scripturarum adfirmare titulis ut firmum et roboraturn perpetualiter maneat ne in posterum ab nullo homine possit umquam violatum esse : de igitur tibi in pago Pitavo (32) curtam Decassanias mediam et mediam ecclesiam etemin ipso pago cedo curtam (33) Vosaliam mediam et totam ecclesiam, item in alio loco quæ vocatur Iazias totam ecclesiam et quidquid pertinet ad ipsam,

Pour confirmer cela avec les titres des écritures, qu'il puisse rester ferme et robuste pour toujours, afin qu'il ne puisse jamais être violé par aucun homme à l'avenir: c'est pourquoi je vous donne dans le pays du Poitou (32) au milieu de Decassanias et l'église du milieu d'Etemin dans le même village, de même dans un autre lieu appelé Jazias toute l'église et tout ce qui s'y rapporte,

 item in alio que vocatur Cigon qui sita est super fluvium Ausanciae, item terram nomine Varias que sita est super fluvium Clinni, item alia nomine Valenciacus, quae est super fluvium Urhonna, et sicut fulco tenuit ipsas res ita tibi scripcionem tradi ad tenendum sive ad possidendum item in alio loco in villa quæ dicitur Magniaco tota ecclesia et quidquid pertinet ad ipsam item in alio loco ecclesiam que dicitur Maruaco et quidquid pertinet ad ipsam item in alio loco in villa quæ dicitur Namtolio et Auriaco, et quicquid pertinet ad ipsas, item villâ que dicitur Brenon et quicquid ad ipsam pertinet, item super fluvium Allezia, villae quæ vocantur Tortron et Trajacus et quidquid ad ipsas pertinet, item villam quæ vocatur Ulmas et quidquid ad ipsam pertinet, item villam quæ dicitur Cassanon et Mantos, et terram Sancti Stephani quæ……

aussi dans un autre appelé Cigon, qui est situé sur la rivière Ausance, de même une terre appelée Varias, qui est située sur la rivière Clinni, de même une autre appelée Valenciacus, qui est sur la rivière Urhonna, et comme le pivot tenait les choses elles-mêmes, ainsi que l'écriture vous soit remise pour détenir ou posséder également dans un autre lieu de la ville appelée Magniaco toute l'église et tout ce qui lui appartient de même dans un autre lieu l'église appelée Maruaco et tout ce qui lui appartient également dans un autre lieu de la ville appelée Namtolio et Auriaco et tout ce qui leur appartient, de même les villages qui s'appellent Brenon et tout ce qui lui appartient, aussi sur la rivière Allezia, les villes appelées Tortron et Trajacus et tout ce qui leur appartient, aussi la ville qui s'appelle Ulmas et tout ce qui lui appartient, ainsi que la ville qui s'appelle Cassanon et Mantos, et la terre de Saint Étienne qui... …

 dictæ villae Cassanon item in alio loco ecclesiam que dicitur Morteriolo et quicquid ad ipsam pertinet.

de ladite ville de Cassanon aussi en un autre lieu l'église dite de Morteriolo et tout ce qui s'y rapporte.

 Item cedo tibi ecclesiam et curtam quæ vocatur Tourciacus, et quidquid ad ipsam pertinet.

Has res superius nominatas tibi frado perpetual iter ad habendum conjux mea dilectissima vel ad possidendum, et ut ex eis facias ab hodiernâ die quicquid volueris vel voluntas tua fuerit.

Aussi je vous donne l'église et la cour appelée Tourciacus, et tout ce qui lui appartient.

Je vous lègue ces choses ci-dessus mentionnées un moyen perpétuel d'avoir mon époux bien-aimé ou de les posséder, et qu'à partir de ce jour vous pouvez en faire ce que vous voudrez ou ce que votre volonté pourra être.

 Quibuscumque sanctis dare pro remedio animae vel cuicumque homini tribuere hoc mihi placuit inserere ut si ego aut cellas heredum meorum seu aliquis persona caubae cupiditatis aut falsitatis hanc scriptionem inquietare temptaverit in primis iram Domini omnipotentis maneat, sit illi contraria sancta Dei genitrix Maria, cum omnibus sanctis in die magni judicii partem quoque habeat cum Dathan et Abiron quos terra vivos deglutivit : cum stipulatione adnixâ manibus propriis firmavi et post me viris optimis ad corroborandum tradidi X signum Willelmi comitis que hanc scripcionem fieri rogavit.

Pour donner à n'importe quel saint pour le remède de l'âme, ou pour donner à n'importe quel homme, il m'a plu d'insérer ceci, que si moi, ou les cellules de mes héritiers, ou toute autre personne, par cupidité ou mensonge, essayais pour troubler cette écriture, la colère du Seigneur Tout-Puissant doit rester en premier lieu, que la sainte Mère de Dieu, Marie, avec tous les saints au jour du grand jugement, il puisse aussi avoir une part avec Dathan et Abiron, qui la terre engloutie vive : j'ai confirmé la stipulation de mes propres mains, et après moi j'ai remis aux meilleurs hommes pour la renforcer.

Hanc tibi trado ecclesiam conjux mea, quae vocatur Saziaco in tali tenore quo cum vixero teneam, etpost discessum meum sine ullâ intermissione ad te revertatur.

Je vous donne cette église, mon épouse, qui s'appelle Saziaco, à des conditions telles que je la tiendrai pendant que je vivrai, et après mon départ, elle vous reviendra sans aucune interruption.

 

Cette charte est de 989. Guillaume a fait hommage à Hugues Capet; il n'est plus le duc de la monarchie des Aquitains : cependant il semble protester encore contre sa soumission, il s'intitule princeps Aquitanorum omnium, et console son amour-propre en ne prenant pas un titre féodal.

Guillaume avait vieilli : ce n'était plus l'intrépide guerrier d'autrefois; toutes ses luttes contre ses suzerains étaient finies: il n'allait plus, époux infidèle, porter aux pieds de la dame de Thouars et ses lauriers et son amour.

Emma maintenant est son épouse chérie, il ne parle que de son affection pour elle; et cependant Emma, pour se venger de sa rivale, l'avait livrée à la brutalité de ses palefreniers.

Emma avait soutenu, dans le château de Chinon, un assaut que lui livraient et le vicomte de Thouars et le duc Guillaume, son mari.

Guillaume la combla de dons : ceux qui chercheront à attaquer cette donation sont dévoués à la colère du Tout-Puissant; on appelle sur eux l'inimitié de la Sainte Vierge et de tous les saints, ils iront rejoindre aux enfers et Dathan et Abiron : d'où vient ce changement?

c'est que les moines s'en sont mêlés.

Emma avait concédé au couvent de Bourgueil toutes les terres que son mari lui donne: les moines trouvèrent plus prudent de demander à Guillaume la ratification d'un acte auquel il n'avait pas participé : le duc s'y prêta.

L'acte est nécessairement écrit ou au moins dicté par les moines ; tout y est soigneusement détaillé; un domaine est omis, on répare cette erreur à la fin de la charte.

Le duc accorde à sa femme la permission de donner tous ses biens à qui elle voudra; ils sont déjà donnés.

Le comble de l'adresse monacale est d'avoir mis dans la bouche de Guillaume les imprécations qui doivent atteindre ceux qui oseront attaquer cette donation : l'odieux n'en retombe pas sur les bons pères de Bourgueil, qui ne se font aucun scrupule d'en profiter.

L'exemple de la duchesse Emma ne pouvait manquer d'être suivi, et l'abbaye de Bourgueil vit ses richesses s'accroître rapidement.

La septième année du règne de Hugues, Gerla, abbesse de Sainte-Croix de Poitiers, fait une donation à Saint-Pierre de Bourgueil: il est bien entendu que la donatrice ira tout droit en paradis jouir du bonheur des cieux et que ceux qui voudront s'opposer à ses intentions, iront tout droit en enfer, et en attendant seront excommuniés dans celui-ci.

La mention d'excommunication, qui n'est ici que comminatoire, est assez curieuse en ce qu'elle fait connaître la position de l'excommunié; il est repoussé du seuil de toutes les églises.

Cette charte est terminée par un grand nombre de signatures, ce sont celles des dignitaires du couvent de Bourgueil.

 L'un d'eux, nommé Durant, s'intitule subdecanus sive succantor, ce qui indique que la dignité de sous-chantre était réunie à celle de sous-doyen.

Enfin pour écrire cette donation on a pris un morceau de parchemin déjà couvert d'écriture : il a été lavé; cependant l'on distingue encore quelques débris de lettres.

Au surplus voici cette charte :

Intellectus sensusque generi humano potest mente sagaci ponsare actque solerler indagatione perpendere nihil amplius valere unicuique quam quod de amatissimis suis rebus in locis venerabilibus in stipendia monachorum curetur impendere ut in huranicâ beacione inveniet æternam renumeracionem opitulante atque protegente in perpetuo Domino Iesu Christo, hoc redemptore nostro, ego Gerla abbatissa Almae (34) Crucis monachorum seu aigae (35) Radigundis canonicorum (36), cunctaque congregatio mihi commissa.

Cupimus etiam per amorem Domini nostri Iesu Christi largire de nostris rebus propriis et pro remissione facinorum nostrorum sicut consuetudo futuro tempore proclamata Kosmy (37), et praeteriti auctoritas que christianorum decrevit ad circo hanc scripcionem denacionis donamus donatum que in perpetuum volumus ut Superni gaudia adquiramus, transfundimus atque concedimus in cenobio Burgeolo monasterium consservetum in honore beati Petri apostoli, apostolorum principis, villam Triolo terris domibus vineis pratis et omnia quæ ad eamdem villam pertinent : arbitrium voluntatem hanc scripcionem firmavimus ad eodem monasterii in alimoniis (38) vel,substancia monachorum ididem habitancium ut mereamur adsisci participare bonorum eorum in regno apostolorum absque ulla contradictione abas seu monachi teneant singulisque annis at solemnitatem Scæ Radegundis quæ evenit idus agusti solidos X per solvant.

Denique et si per aliquam necessitatem tardi aut negligentes ad illam festivitatem censum non retdant res non perdant set in duplicem componant.

Precamur itaque omnes successores nostros qui post nos futuri erunt ut auctoritatem istam a nobis inviolabiliter factam conservent similiter adsequentibus eorum optaverint conservari et ujusce modi firma stabilis ipsi scripcio et inconvulsa cum stipulatione omni tempore permaneat tam cum sororibus et fratribus pariter firmamus et roborari decrevimus et si aliquis inviolare istam edicionem presumpserit iram Domini adquirat omnipotentis et ad liminibus omnibus sanctae Domini ecclesiae se cognoscat excommunicatus et cum Dathan et Abyron quos terra vivos absorbuit, et cum Juda proditore qui Dominum lesum magistrum suum tradidit….. etc.

Data (39) mensi maii, annos VII regnante Ugonii rege.

 

Foulque Nerra, duc d'Anjou, avait donné le gouvernement de Montbazon à Guillaume de Mirebeau (Guillelmus Mirebelli), son vassal.

 Celui-ci et ses gens administraient le pays qui lui était confié à la manière du temps, c'est-à-dire en pillant tous les environs de sa résidence, en inventant chaque jour de nouvelles vexations :  le monastère de Bourgueil n'était pas plus épargné que les terres laïques; de là des contestations qui nécessitèrent le traité suivant :

Notum sit omnibus sacræ fidei cultoribus presentibus scilicet et futuris, quod Willmus (40) quidam castri Mirebelli princeps requirebat in vosaliâ villa pravas consuedines et homines quos commendatas vocant pro quibus sepissime lites commovebantur inter praefatum principem et monachos Burguliensus (41) qui in proenominata villa morabantur unde placitum construxerunt abbas Baudricus et monachi Burgulienses contra praedictum militem et ministros ejus; perpendens igitur in animo suo ipse miles injustum esse hæc quod querebat sponte deseruit et cum Baudrico abbate qui tunc ecclesiam Burguliensem regebat placitum fecit et a proedicto abbate monachisque Buguliensibus accepit octo libras denerarorium ut omnes viri ac mulieres in terra Sancti Petri commanentes absque ullâ inquietudine securi manerent et viverent ipsi scilicet qui antiquam pagamus honorem Mirebelli accipiat in praedicta possessione hospicium acceperunt.

 

On remarquera d'abord les mots pravas consuetudines; ils sont importans, car ceci se passe à l'époque où se formaient toutes les costumes; la pièce ne dit pas quelles sont celles que voulait introduire le châtelain de Mirebeau : mais voici comment les choses se passaient en pareil cas, on arrachait un tribut par la violence y l'année d'après on le demandait comme redevance, et si on payait, la troisième année, les officiers du châtelain levaient l'impôt au nom de la coutume.

Cette pièce est assez curieuse comme négociation diplomatique : les moines qui l'ont écrite font dire à Guillaume qu'il avoue ses torts, puis cependant, malgré leur bon droit que tout le monde reconnaît, ils lui paient une somme assez considérable pour le temps ; ils achètent le repos de leurs vassaux ; mais ils connaissent la violence de Guillaume, ils savent que tous les ans ses vexations peuvent recommencer, il faut donc avec lui traiter aussi de l'avenir.

Guillaume a un fils païen (42), qui fut depuis la tige des premiers seigneurs de Montbazon ; il est convenu que tous ceux qui s'établiront sur le domaine de Saint-Pierre, avant que ce jeune homme ait reçu l'hommage de Mirabeau, seront compris dans le traité de paix.

Dans cette charte, les moines jouent le rôle qui leur convient; ils s'interposent entre le fort et le faible, ils arrachent le cultivateur à la tyrannie du châtelain : ils font mieux, car ils se conduisent en gens habiles, ils obtiennent un traité de sauve-garde pour leurs domaines : c'est un moyen de les peupler.

Chacun doit chercher un asile sur une terre où l'on est sûr de trouver un peu de repos et de sécurité, choses rares dans un temps de trouble et d'anarchie.

Cependant les moines, en s'occupant des intérêts de leurs vassaux n'oubliaient pas les leurs.

La charte qui suit constate une donation faite au couvent de Bourgueil : elle est revêtue d'un très grand nombre de signatures, parmi lesquelles on distingue celle d'Archembauld de Sully, archevêque de Tours, excommunié par le pape pour avoir marié le roi Robert et la reine Berthe; et celle d'Hervé, alors chanoine et trésorier du chapitre de Tours, qui rebâtit à ses frais l'église de Saint-Martin, et releva l'abbaye de Beaumont.

In nomine summi Salvatoris Domini Archambaldus (43) misericordiâ dicti Domini Turonicae sedis archiepiscopus notum esse volumus cunctis fidelibus sanctae Domini Ecclesiae presentibus ac futuris, praecipue successoribus nostris quum deprecatus est nos quidam nobilis vassalis ac fidelis noster nomine Corbo (44) ut ex rebus beneficii quod de nobis tenere videtur quartas IIII; in prato arpennos monachis sancti Petri Burguliensis monasterii sub institutione censûs annuatim reddendum per hujus nostrae auctoritatis testamentum concederemus cujus deprecationem benigne unà cum assensu fidelium nostrorum recipientes concessimus jam dictis monachis prsediclas quartas cum supra dicto prato scilicet partim cultas terras ei partim incultas sicut in pago Turonico in vicaria Cainonensi (45) in carte Suliacensi terminanta retro et totis partibus terrâ ejusdem potestatis infra istas terminationes totum et ad integrum eis perpetuum concedimus ad possedendum ut habeant licentiam de super sedificandi plantendi construendi et quidquid meliuseligerentemeliorandi, sol ventes exinde annis singulis ad festivitatem sancti Mauricii quæ celebratur X K1 octob. Corboni fideli nostro sive suis successoribus censum sol. VIII et eis amplius non requiratur aut exigatur sed sub tali censu libere ac quiiete teneant atque possideant nemine inquietante ac contradicente et si de eodem censu tardi aut negligentes repetitifuerint id ipsum emendare sludeant et quod tenuerint non perdant.

Ut autem haec actoritas firmior sit, firmiorque in perpetuum sit observata manu propriâ firmavimus manibusque fidelium nostrorum utriusque ordinis adfirmari rogavimus : etc.

Data Turonis civitate mense febr. XIIII Rl. mortis anno dominicae incarnationis DCCCC XC VIIII regnante Rotberto rege, anno XI.

 

Cependant Guillaume II, duc d'Aquitaine, était mort, il avait eu pour successeur Guillaume dit le Grand, son fils : celui-ci voulut aussi contribuer à la fortune du couvent de Bourgeuil fondé par sa mère ; il lui fit une riche donation dont la charte suit :

Immensa omnipotentis Domini misericordia divitias clementiae suae humano generi multiplici dono intulit, dum de terrenis coelestia deperituris sine fine manentia felici commercio mercari concessit : quid mente devotâ considerans ego Willelmus (46),

L'immense miséricorde du Seigneur tout-puissant a apporté les richesses de sa clémence à la race humaine comme un don multiple, tandis qu'il s'est accordé d'être échangé dans un heureux échange de périls terrestres et célestes sans fin,

Aquitanorum dux, Pictavorum verè comes, ad locum principis apostolorum Petri quod vocatur Burgulium aliquid de rebus proprietatis meæ condonari disposui : hortante et deprecante venerabili genitrice Emma quae hoc ipsum nobiliter fundavit et multipliciter adornavit : igitur, desertum quoddam trium silvarum in pago situm Pictavensi antiquilus nuncupatum Brittanniola,

Le chef des Aquitaines, vraiment le comte de Poitiers, au lieu de Pierre, le prince des apôtres, qui s'appelle Bourgueil, j'ai disposé à pardonner quelques-unes des choses de ma propriété : en exhortant et en implorant ma vénérable mère Emma , ​​qui a noblement fondé ce lieu même et l'a orné de bien des façons: par conséquent, un certain désert situé dans un village de trois bois dans un pays appelé l'ancienne Pictavensis Britain

 nidum vulturis ubi a venerabile abbate Gauzberto capella in honore Domini genitricis ac virginis Mariae constructa habetur , dono ac trado coenobii fratribus Burguliensis, ut habeant licentiam in ibi excolendi aedificandi plantandi construendi et jure perpetuo possedendi cum decimis omnibusque utilitatibus ad id ipsum pertinentibus, scilicet terris cultis et incultis, vineis, silvis, pratis, pascuis, aquis, aquarumque decursibus, farinariis mobilibus et immobilibus, cunctis quoque adjacentiis suis.

le nid de vautour, où le vénérable abbé Gauzbert tient une chapelle bâtie en l'honneur de la mère de Dieu et de la vierge Marie, je donne et remets aux frères du couvent des Bourgueil, qu'ils aient une licence pour y cultiver, pour bâtir, planter, construire, et posséder en droit de possession perpétuelle avec les dîmes et tous les bénéfices y afférents, c'est-à-dire les terres cultivées et incultes, vignes, forêts, prés, pâturages, eaux, et cours d'eau, moulins à farine mobiliers et immobiliers, et toutes leurs contiguïtés.

  Simili et jam modo concedo sancti Petri Burguliensis coenobii monachis super fluvium Vendeiae cum decimis farinariis omnibusque utilitatibus suis quamdam terram non longe viam, dictam fame Morelli, haec vero omnia prælibata eâ ratione trado atque transfundo in speciales usus fratrum in coenobio Burguliensi degentium ut habeant et possideant ea in sempiternum absque ullius personae diminutione aut inquietudine, et misericordis Domini clementiam pro mea et genitricis meae quoque ac uxoris proprias et filiorum meorum, si Dominus eos mihi dederit, salute perpetuâ studeant implorare.

De même, j'accorde aux moines du couvent de Saint-Pierre de Bourgueil au-dessus de la rivière Vendée avec les dîmes de farine et tous leurs bénéfices une certaine terre non loin de la route, dite la famine de Morelli, mais tout cela Je donne et transfère aux usages spéciaux des frères qui vivent dans le couvent de Bourgueil, afin qu'ils puissent les avoir et les posséder pour toujours, sans la diminution ou l'inquiétude de personne, et qu'ils s'efforcent d'implorer la miséricorde du Seigneur miséricordieux pour moi et pour mes parents aussi, et pour ceux de ma femme et de mes enfants, si le Seigneur me les donne, pour le salut éternel.

 Insuper non solum in istis prenomitatis apostoli Petri terris et jam in omnibus prefati coenobii Burguliensis potestatibus aut terris ultra boscum positis nullus ministerialis publicus, nec præpositus, nec venator, nec vicarius, neque equorum custodes, neque pro sanguine, pro homicidio, pro furto, pro rapto, pro incendio, pro teloneo (47), pro pascuario arietum pecorum et vaccarum, aut aliqua repetundarum legum consuetudine introeundi habeat potestatem.

D'ailleurs, non seulement dans ces terres de la prééminence de Pierre l'Apôtre, et déjà dans toutes les susdites des abbés de Bourgueil, ou terres au-delà de la forêt, il n'y a ni ministère public, ni préfet, ni chasseur, ni vicaire, ni gardien de chevaux, ni pour le sang, pour meurtre, pour vol, car il a le pouvoir d'entrer par vol, pour brûler, comme publicain (47), comme brouteur de béliers et de vaches, ou par toute coutume de lois répugnantes.

  Insuper et coloni qui eas terras incolunt ita sint ab omnibus publicis negoliis absoluti ut nec ad castilla facienda aut biduanum aliquid reddere aut ipsi, aut hoves eorum, cogantur: si vero aliquis ex heredibus, aut pro heredibus nostris, sive alienius potestatis persona, hujus nostrae bonae voluntatis donum qualibet occasione aut violentia infringere temptaverit, maledictio Domini super eum veniat et gloriam ejus non videat; et claviger aetherius apostolus Petrus regni coelestis januam illi claudat; et cum diaholo et ministris ejus perpetue gehennæ supplicia sine fine sustineat, nisi quanto ocius ad emendationem venerit, invasa restituerit, atque neglecta dignâ satisfactione correxerit (48).

De plus, les colons qui habitent ces terres doivent être tellement exemptés de toutes affaires publiques, que ni eux ni leurs vassaux ne doivent être forcés de payer quoi que ce soit à la castille ou deux ans. , que la malédiction du Seigneur vienne sur lui et qu'il ne voie pas sa gloire. et que Pierre, le clavier éthéré, lui ferme la porte du royaume céleste ; et avec le diable et ses ministres il doit souffrir perpétuellement les tortures de l'enfer sans fin, à moins qu'il ne vienne au plus tôt réparer, restaurer ce qui a été envahi, et réparer ce qui a été négligé avec une digne satisfaction (48).

 

Cette pièce est d'un haut intérêt : le duc d'Aquitaine n'a plus la prétention de repousser la suzeraineté du roi de France : il se nomme simplement Aquitanorum dux et Pictavorum. comes :

la lutte est terminée; dans les chartes de son père ci-dessus relatées il n'est pas question d'Hugues Capet et de ses successeurs: dans celle-ci, après une longue suite de signatures apposées après celle du duc, on trouve la date de la charte, elle est ainsi conçue :

 Actum Maliacensi (49) monasterio anno divinœ incarnationis millesimo IIII regnante Roberto rege, anno XIII. La révolulion est consommée non-seulement en fait, mais encore en tout ce qui tient à la forme, à la routine: il n'y a plus d'arrière-pensée d'indépendance : peut-être cette résignation tenait-elle au caractère pacifique et religieux de Guillaume le Grand: il aimait ses peuples et avait l'ame ouverte à toutes ces douces affections ; il chérissait sa mère, son épouse, il demandait au ciel la grâce d'avoir des enfans : un pareil caractère était une bonne fortune pour un clergé qui savait manier à son profit toutes les faiblesses de l'humanité.

La charte, dont il s'agit, non-seulement confère aux moines de Bourgueil un vaste domaine, mais elle leur assure les privilèges les plus extraordinaires : toutes leurs propriétés deviennent inviolables.

Aucun officier public ne pourra plus y entrer: elles sont fermées aux chasseurs, aux prévôts, aux vicaires des suzerains: sous aucun prétexte on ne pourra y pénétrer: l'assassin, le voleur, l'incendiaire, celui qui a fraudé le droit de passage, celui qui a fait paître les troupeaux sur un terrain prohibé, y trouvent un asile assuré: la main de la loi doit s’arrêter aux limites du couvent: bien plus, il est stipulé dans cette charte un droit qui indique bien l'esprit d'égoïsme des moines: leurs vassaux sont exemptés de toutes charges publiques ; en indiquant quelles sont les corvées auxquelles échapperont ceux qui demeurent sur le territoire de Saint-Pierre, cette pièce fait connaître une partie des obligations auxquelles étaient assujettis ceux qui n'avaient pas le même bonheur :

 ils devaient travailler à construire ces châteaux qui servaient à les défendre ou a les tyranniser suivant les circonstances: de plus, de deux jours l'un ils étaient, avec leurs bestiaux, tenus de cultiver les terres de leurs maîtres.

Si, avant que cette charte fût octroyée, les moines exigeaient de ces malheureux serfs les mêmes travaux que le duc d’Aquitaine, il est facile de concevoir qu'il ne restait plus à ceux qui n'étaient ni moines ni chevaliers un seul jour à donner à leurs intérêts personnels.

Après toutes ces concessions viennent les malédictions et les anathèmes d'usage : mais comme de tout temps il fut avec le ciel des accommodemens, après avoir menacé le coupable des supplices éternels, on lui permet cependant de s'y soustraire s'il veut expier ses fautes par une satisfaction convenable, c'est-à-dire en se mettant à la merci des moines.

Tous ces moyens ne suffisaient pas encore pour les rassurer contre la toute-puissance des seigneurs.

Les chevaliers, sûrs de se faire ouvrir les portes du ciel, en faisant une donation au jour de leur mort, se riaient souvent pendant leur vie des engagemens qu'ils avaient souscrits.

Ceux de leurs prédécesseurs les liaient encore bien moins; en vain les moines appelaient comme témoins de l'acte les dignitaires du couvent, les nobles du voisinage: les uns mouraient, les autres, influencés par la crainte, gardaient le silence: on inventa alors des témoins muets: au moment de l'acte, les parties se remettaient l'une à l'autre, ou bien donnaient à une tierce personne un objet matériel en témoignage du fait dont il s'agissait: il y avait pour ainsi dire deux actes : l'un ne servait qu'à constater la date de l'autre dans le souvenir des assistans.

Tantôt on fouettait de jeunes enfans, et la douleur qu'ils avaient soufferte leur rappelait le jour où tel acte avait été signé: tantôt on jurait sur les évangiles de respecter un traité que l'on venait de signer, puis en témoignage de ce serment on mettait à la page sur laquelle on avait juré un brin de paille on un autre objet du même genre.

C'est ainsi que, vers l'an 1030 environ, Hardouin de Maillé appelle à son lit de mort les moines de Marmoutiers, il leur fait une donation faciens donumper cultellum plicatum, dit la charte : il paraît que le couteau était à cette époque l'objet qui se donnait en pareilles circonstances.

On en voit un exemple bien plus positif dans la charte dont le texte suit:

Scedulæ hujus descriptio presentibus ac futuris nota sit cunctis fidelibus quia Giraldus filius Unsberti mandavit abbati Burguliensi nomine Bernoni ut daret ei animae beneficium in societatis adminiculum et venit ad eum abbas Turtiniacensis (50) quia Giraldus non poterat ire usque ad monasterium.

Sed ihi hoc Turtiniaco dedit societatem corporis et animae scilicet Giraldo et uxori ejus Ermsende : Geraldus vero pro beneficio suo contulit sancto Petro abbatique ac monachis VIII victos de pratos ad glantus super æquam argentum ad censum duos solidos et VIII denarios, et ipsos octo victos misit donum super altare sancti Petri Turtiniacensis.

Ermsendis vero femina ejus dedit de alodos suos III victos in Turtiniaco ad altare Burguliense et ipsi alodi fuerunt Frealdo patre supradictae Ermsdis; et hoc in ratione supradicti beneficii donum fuit cultellum unum, testis in capsâ sancti Fortunati cum aliis reliquiis; hoc donum Geraldi et uxoris ejus frater Aymericus, filius eorum et uxor ejus Mazerina, infantes eorum sine ulla requisitione et sine ullum relevamentum concedant sancto Petro ac monachis ibi degentibus praesentibus et futuris ita ut perpetuo habentes possideant, nomine heredis nostri inquiete ferenti: hoc placitum et hanc cartulam donacionis inquisierunt Albericus nomine qui fuit des Lengeias et Basilius, nec non Anbertus prepositus, Odilardus quoque qui sunt fratres Burguliensis factum jussae et imperio vicecomitis Turiensis Aimerici, et matris ejus Ainordis, etc.

On voit, en effet, que le couteau, témoin de cette donation, est placé dans la châsse de saint Fortuné : sans doute on avait prêté serment sur ses reliques; chaque fidèle, chaque héritier dn donateur, quand il verra la châsse et le couteau qui y est renfermé, se rappellera la donation de Giraud.

Les moines, qui ouvraient et fermaient les portes du Paradis pour les autres, y entraient tout droit quand ils s'y présentaient : aussi leur vient-il alors la singulière idée de considérer un couvent comme une société de commerce qui émet ses actions.

En effet, on voit ici le prieur de Tourtenay donner, au nom de l'abbé de Saint-Pierre de Bourgueil, société de corps et d'ame avec les moines du couvent à Giraud et à son épouse : ce marché est conclu moyennant quelques pièces de terre : il est difficile que des acquéreurs poussent jamais la confiance plus loin.

Cette charte bizarre est datée du règne de Henri, roi des Français (Ainrico rege Francorum), elle est signée du vicomte de Thouars dans la chambre duquel elle est écrite.

On va voir dans une autre charte jusqu'où pouvait aller la cupidité des moines, et combien peu ils avaient de scrupules sur les moyens de s'enrichir.

Geoffroy-le-Barbu (51), comte d'Anjou et de Touraine, ne vécut jamais en paix avec Foulque Rechin, son frère.

Ce dernier fut le plus fort, et son frère fut renfermé dans une sombre prison. Trahi par ses sujets, excommunié par le clergé, maltraité dans ce château de Chinon où il expiait la faute d'avoir un frère ambitieux et dénaturé, Geoffroy-le-Barbu devint imbécille: quelle belle occasion pour abuser de sa faiblesse ! aussi les moines ne s'en firent-ils faute, comme on va le voir.

Nosse debebitis si qui eritis posteri nostri majoris scilicet hujus habitatores monasterii sancti Martin, Gausfredum Papaboue cognomine et Marca (52) uxorem ejus Anardi quandam propositi filiam donationem hujus modi sancto Martino et nobis pro animabus suis fuisse : est in Andecavo (53) castellum quoddam Ruiliacus nomine, quod cum id ipsum circumcire pertinentibus casamentis ex paterno jure ejusdem Marcae conjugis suæ in Gauffredi devenerat possessionem.

De quibus casamentis, cum quae vellet agendi Gauffredus liberam haberet facultatem, placuit ei et aliquid inde, pro futurae spe salutis, Domino maluit offerre : donavit itaque nobis, sub eâ qua tenuerat libertate perpetuo possidendam, quamdam terre partem, ante memoratum ab aquilone sítum castellum, ad aedificandum in ea ecclesiam et burgum ; cui etiam ex latere unam terræ mansuram, quia in propria dominicaturâ habebat, cum partis ad ipsam pertinentibus subjunxit.

Donavit cum eâ pariter boves et parcum cum ovibus, nec non et bladum terræ ipsius, promittens insuper ut cum altare ecclesiae de Cadenaco, per obitum uxoris Odonis Rufi, ad ipsum redierit, decimo quae ex eâdem mansura illi debetur ecclesiæ, nobis ab ipso condonetur.

 Donavit praeterea oblationem et sepulturam de hominibus qui in eâ amplificatione castelli qui a parte Cadenaci a stagno usque ad predictam mansuram porrigitur inhabitant, ut videlicet omnes in hâc quam vulgo Porprisum vocitant amplificatione comanentes, non alii quam ecclesiae nostræ illic consistenti, ecclesiasticos reditus debeant persolvere.

Donavit et duas terræ mansuras solidas et quietas in Alocho de Puteolis sitas. Eâ scilicet ratione ut si qua unquam in his colunia surrexerit à quâ nobis illas acquietare non possit, excambium eorum reddat nobis in terrâ de Guguelnado.

Quod se spopondit facturum esse si vixerit aut uxorem suam, annuenti ad hoc ipsâ, si eo defuncto et ipsa superstite ejusmodi calumnia surrexerit: hic etiam adhuc addendo septem pariter terræ mansuras solidas et quietas sitas versus peregrina in corte prefati castelli sui.; eâdem similiter devotione licentiam tribus in ebdomadâ diebus monacho nostro attribuens qui illic ad ea quae dedit excolenda fuerit immoratus at quotiene noster abbas ibi aderit, non triduana sed continua fiet piscatio, quotquot in eodem loco demoratus fecerit diebus : verum piscationes hujus modi in proprio stagno permisit fieri.

De terris quoque censivis et casamentis totius suæ ditionis si quis nobis aliquid dare aut vendere voluerit favorali liberalitate concessit hæc autem omnia ut de quorum sunt casamento distincte possit agnosci, mansura et pars terrae ad aedificandum data viris existunt comitis Gaisfredi : mansurse vero septem ad casamentum Gaisfredi de Pruiliaco (54) pertinent.

 Sed Guarinus de Fontanis a beneficio eas tenebat ipsius, hic igitur omnes tam comes quàm et Gauffredis atque Guarinus propria quisque auctorisatione donaciones hæc Gauffredi uxoris que ejus gratis confirmavere, nam comes postulatus, eum placitaret quadam vice eum suo fratre Fulcone (55) apud vicum Condatensem, relectâ coram ipso carta istâ ab Eusibio Andecavensi pontifice, pro suâ erga nos sedulâ benignitate mox eam auctoritatis propriae, ut est infra cernere, sacrae crucis corroboravit caractere.

Caeteri duo idem fecere Gaisfredi ipsius precario.. — Porro autem idem ipse Gauffredus pro his omnibus quæ nobis donavit mille tamen a nobis solidos partim in denariis, partim in aliis rebus accepit: fecit autem donationem omnium supra memoratorum cum supra nominata suâ conjuge presens in capitulo nostro anno videlicet ab incarnatione Domini millesimo LXIII presidente nobis domino abbati Alberto testibus istis.

Au premier coup d'œil on a dû saisir toutes les précautions employées par la fourberie pour valider un acte nul devant toutes les législations du monde.

Cette charte, revêtue de la croix du comte, est datée de 1063.

On a bien soin de dire que cette donation a été faite lorsque Geoffroy était libre, quum quæ vellet agendi Gauffredus liberam haberet facultatem.

Or, la captivité de Geoffroy n'a commencé qu'en 1067; il était donc libre en 1063.

 Comme on craint d'être interrogé sur la manière dont cette charte a été signée, on se hâte, pour satisfaire l'indiscrétion des curieux, de raconter dans de minutieux détails comment la chose s'est passée : si l'acte est signé en 1063 par Geoffroy libre et jouissant de ses facultés, toutes ces phrases sont inutiles, elles ne sont là que pour masquer une fraude.

Cette charte est surprise à la folie d'un malheureux vieillard qui a signé sans savoir ce qu'il faisait : on veut avoir l'air d'avoir acheté ces concessions exorbitantes qu'on lui arrache, et on fait reconnaître à Geoffroy qu'il a reçu mille sols, partie en deniers, partie en autres choses, in aliis rebus; l'avare de Molière ne ferait pas mieux.

Dans l'histoire Geoffroy est connu sous le nom de Géoffroy-le-Barbu : on remarquera que dans cette charte il est surnommé Papaboue.

Parmi les droits et priviléges que les moines de Saint-Martin obtiennent à si bon marché, on remarquera qu'on leur donne le monopole des cérémonies funèbres pour tous ceux qui meurent dans une certaine étendue de terrain ; ils ont aussi le droit de recevoir ce qu'on veut bien leur donner, ce qui les dispense de solliciter, chaque fois qu'ils extorqueront une donation, l'autorisation des comtes d'Anjou : dès lors on ne pourra plus être inhumé en terre sainte que quand le défunt leur aura fait une donation quelconque ou quand ses héritiers auront réparé ce que le clergé veut bien appeler un oubli de la part du trépassé.

La charte dont la teneur suit est plus valable que la précédente; elle n'est pas moins curieuse.

Un chevalier, nommé Armery, donne aux moines de Bourgueil une église que ses ancêtres avaient fondée et enrichie sous prétexte que la conduite des clercs qui la desservaient méritaient d'être réformés.

Antiqua traditio et necessaria assuitudo obtinuit ut si quid ageretur quod dignum memoria posteris temporibus censeretur, ne vetustate ingruente rei gestæ Veritas fuscaretur, res gesta solemniter litteris mandaretur. Quod id ipsumego Armericus Machelli Sconensis filius, fieri maudavi ne elemosina scilicet quam legaliter egeram aliquando, traderetur oblivioni.

 Sciant igitur caetanei et successores nostri quum super fluvium Ligerim (56) prope castellum quod dicitur Legais est viens quidam in quo est in honore sancti Michaelis ecclesia à quo ipsa villa sibi nomen vindicavit, ita ut hodiè Sancti Michaelis locus ille vulgari ter appelletur, pro veneratione beati archangeli taliter nuncupati : ecclesiam itaque prefatam antecessores mei terris pratis vineis decimis aliis redibitus aliquantulum ditaverant. Ditatam quatuor clericis commiserunt quos canonicos appellabant: Ingelgerius autem avus meus videns quam quantum ad Domini servicium ecclesia debcbat emendari, utmonachos ibi immiserit voluntatem quidem habuit, sed volontatem suam minime implevit, hoc tamen constituit ut si aliquando ibi monachi mitterentur de nullo alio nisi de loco assumerentur Burguliensi.

Id ipsum pater meus Machellus qui Burgulii monachis effectus et filiam Ingelgerii matrem meam Richeldim habebat obtestatus est : ego vero Armericus avi et patris mei satisfaciens voluntatibus et raatris meae obsecundans postulationibus, loco sancti Petri Burguliensis in jus et dominationem monachorum in ibi Domino servientium dedi et transfudi eecclesiam illam sicuti canonici eam tenuerant et possiderant, ipsis canonicis concedentibus; ut de cetero eam quietam teneant et possideant et ab omni inquietudine seculari immunem habeant, consuetidines etiam quas ab decessoribus (57) me is canonici babuerant monachi itendidem habeant.

Scilicet in basco meo porcos suos sine pascuario mittant : quicquid homines mei liberi vel non liberi de suo loco illi dare voluerint habeant et si in datis rebus aliquid consuetidinis ego vel successores mei habuerint absque consuetidinis illius redibitione monachi quietè possideant (nam et illud canonici similiter fuerunt) praeter vineas prata terras cultas et incultas quæ ejusdem ecclesiae extiterent.

Homines monachorum vel in domo vel in terra sua commanentes liberi existant ab omni vicariâ precor itaque et obtestor omnes successores meos ut hanc elemosinam meam quam pro predecessoribus et successoribus feci, ipsi quoque conservent augmentent et muniant.

 Ne si aliter agerint, beneficii hujus priventur beneficii et trudentur in infernum pro tam nefando sacrilegio. Feci autem hanc donacionem fidelium meorum sano usus consilio Richeldis matris meae Ingelgerii filia indesinenti succensus precario, omnium fratrum meorum assensu suffultus benevolo: feci autem hanc donacionem legaliler in capitulo Burguliensi videntibus monachis et laicis ubi reciproca vicessitudine in eodem capitulo beneficium orationum recepi et pactum est ut in eodem capitulo ego et Carbounelius frater meus mortui pansaremus, aut si vellemus monachi viventes essemus, dono in capitulo facto accessi ad Radulphum secundum Turonensem archiepiscopum deprecans uti dona huic assentiret quod et ipse fecit.

Et in capitulo sancti Mauricii Turonensis confirmavit : supplicavi etiam super hoc Fulconi comiti Andegavensium, comitis Goffredi Martelli nepoti qui meæ petitioni libenter assensum prebuit ut pote pro anima Goffredi (58) Martelli avunculi sui et ipse confirmavit et optimatibus suis hanc cartam ad confirmandum tradere jussit.

Hoc autem factum est anno incarnationis clivinse millesimo nonagesimo III, indictione I, epacta XX, concurrentibus V, hoc donum supradicti Armerici machelli viderunt isti testes, nomina quorum subsequuntur (59).

 

Sans doute, lors delà création de l'église Saint-Michel , on avait aussi dévoué à Satan et à ses ministres ceux qui porteraient atteinte à cette pieuse fondation; sans doute le prêtre qui se trouvait être l'archevêque de Tours à cette époque, a près avoir donné son consentement , avait prié ses successeurs et les générations présentes et futures de respecter l'indépendance de monseigneur saint Michel ; et, cependaut, voici que cette église, ses dépendances, ses clercs sont livrés aux moines de Saint-Pierre.

Saint Pierre a tant de crédit dans l'autre monde! c'est le portier des cieux! enrichir son couvent ne peut être un péché, fît-on tort à quelqu'un, même à un saint.

On doit remarquer aussi que les donateurs stipulent en leur faveur le droit d'être ensevelis dans le chapitre de Saint-Pierre, ou celui de s'y faire recevoir moines, si ccla leur convient. C'est bien le moins qu'on puisse faire pour eux : on se figurait alors fléchir la colère de Dieu en mourant dans une robe de capucin.

La religion, comme on le voit, se prêtait aux mœurs du temps; ses ministres avaient oublié depuis longtemps que le Christ était venu sur la terre pour délivrer le faible de l'oppression du fort; les moines avaient des serfs comme les laïques : non-seulement ils maintenaient en servitude ceux qui se trouvaient sur leurs terres, mais encore ils recevaient en présent des hommes et des femmes comme si on leur eût donné des meubles ou des bestiaux : la terre de Dieu était une terre d'esclavage.

On sait comment les moines de Saint-Denis traitaient leurs serfs ; on n'a pas oublié que les derniers serfs en France furent la propriété des moines.

 

Dans la charte qui suit on voit une abbesse donner au bienheureux saint Martin de Tours une femme et toute sa postérité présente et future.

In nomine sanctce et individuse Trinitatis. Amen.

Quum dies mali est, et malitia crescit de die in diem, ego Aatidis Dei gratia Jotrensis ecclesiae abbatissa tam presentibus quam futuris notificamus, et assensu nostri capituli nostris pariter literis et sigillo certificamus.

Elisabeth de Turci uxorem Rainadi panificis quæ beatæ Mariae virginis femina fuit cum omni suâ posteritate tam presenti quàm futurâ, ecclesiae beati Martini Turonensis episcopi pro Emelina filia Henrici de Gandeluz in perpetuum concedimus.

Hoc autem factum tempore Petri decani, Giraudi tesaurarii, in presentia Johannis de Linerus ejusdem ecclesiae canonici et iterum concilio et assensu Fulconis de Turci et Odonis de Nogiane ejusdem ecclesise servientum.

Ces moines si habiles à s'enrichir avaient souvent bien de la peine à défendre leurs propriétés, même contre leurs vassaux ; la pièce suivante peut en donner une idée.

Notumsit presentibus et futuris quod Dapiel, major de Parciaco (60), furatus est aliquando annonam monachorum majoris monasterii quorum major ipse erat et occulte vendidit eam Adelardo de Parciaco et Petronillae uxori ejus. Igitur de hoc forisfacto implacitaverunt eum monachi et ad hoc res ducta est quod Johannes paup, et Gualterius facit malum judicaverunt Danielem ilium forisfecisse majoriam suam et quidquid tenebat de monachis et ita perdidit majoriam. Hoc viderunt et audierunt Willelmus prior, Sancelinus cellerarius, Hubertus cellerarius, Paganus camerarius, Odo des Fontanis, Landricus hospitularius, Adelardus de Parciaco et Petronilla uxorci, Gualterius filius ipsius Danielii. Porro non multo post tempore cepit idem Daniel denegare totum placitum supra scriptum : undè iterum monachi ad terminaverunt ei diem placiti. Venit dies : ventum est ad placitum. Habuit Daniel ex parte sua Archengerius de Rupibus et cum jam deberet fieri judicium recognovit Daniel sic placitavisse monachos contra eum sicut superiùs relatum est : undè iterum judicatum est cum jure majoriam perdidisse. Ubi affuit Gualterius fecit malum qui jam in ultero placito abjudicaverat ei majoriam : requisiverat autem Gualterius filius ipsius Danielis a monachis majoriàm illani et dixerat quod pro forisfacto patris sui non deberat eam amittere et venerat terminus in quo tractandam erat indè inter Monachos et eum. Et tunc requisierunt monachi ab eo ut prius redderet eis centum solidos denariorum quos ante multos annos pepigerat autem abbati eorum pro eadem majoria, nec unquam reddiderat eos, et ut priùs emendaret eis et hominibus eorum quoedam aliá forisfacta quæ reclamarent contra eum : respondit ilie de illis centum solidis factam fuisse concordiam cum monachis permanum domini Radulfi tunc prioris; ad hæc monachi responderunt dominum Radulfum non esse tunc presentem, sed venturum ad festivitatem hyemalem beati Martini quæ futurae est post dimidium ferè annum et si ille Gualterius diratiocinaret hoc in presentiâ ejus ipsi concederent: respondit ille quod infra festivitatem estivalim beati Martini acciperet inde consilium utriùm hoc facturum esset annon et habuit convenentiam ipsis monachis quod infra terminum ilium nihil forisfaceret eis neque frater ejus neque pater eorum : sed paulo post violata fuit fiducia illa; nam pater ejus et frater infregerunt furtim quamdam domum monachorum infra terminum constftutum. Propter quod monachi ceperunt ilium Gualterium et tenuerunt id captione per aliquot dies donee ipse recognovit si injuste agere adversum monachos et jura vit eis super sanctorum reliquias in presentia illo, rum monachorum Willelmi prioris, Odonis de Fonziaco, et Johannis de Coburnio qui reliquias attulerat quod ab illo termino (tunc autem erat annus dominicse incarnationis M. G. X.) usque ad decem annos non requireret a monachis majoriam illam. Fuit quoque talis convenientia inter eos quod si ita se haberet ergo monachos ut post illos decem annos placeret eis reddere ei majoriam reciperet eam. Si autem monachi non redderent ei, ipse vellet adhuc indè placiture contra eos monachi requirerent priùs ab eocentum solidos supradictos et alia forisfacta sua. Ibidem quoque juravit eisdem monachis quod in totâ vila suâ servaret eis legiam fidelitatem adversùs omnes homines, juravit etiam quod propter occasionem captionis quam monachi fecerant ei nec ipse nec aliquis alius propter eum faceret quidquam mali vel dampni ipsis monachis aut rebus eorum : hoc factum est presentibus jam dictis monachis id est Willelmo priore, Odone de Fonziaco, Johane de Coburnio, Huberto cellerario qui recepit jusjurandum, Samelino cellerario, Arnulfo cellerario, Pagano camerario, Roberto cortocapello, Radulfo caballario , Ebrardo scutellario et multis aliis.

 

Cette pièce est le récit d'un procès féodal : le maire de Parçay, accusé de vol, convaincu de forfaiture, perd son fiel : appel de sa part et nouvelle condamnation ; puis alors surgit un nouvel incident : son fils prétend lui succéder : on nommait mairie, non pas une seigneurie, mais le droit de jouir de quelques revenus seigneuriaux. : c'est ce qu'on appelait aussi feudum bursae, fief boursier : il paraîtrait qu'à cette époque la mairie était héréditaire, aussi le fils de l'homme que l'on vient de destituer l'obtient-il malgré la défiance qu'il inspire.

Ce document est une espèce de mémoire sur les faits qui ont fait rentrer entre les mains des moines la mairie de Parçay : il peut donner idée de la violence du temps, du peu d'importance qu'on attachait aux sermens les plus sacrés, et de l'impossibilité où chacun se trouvait d'obtenir justice.

 

Après avoir vu les moines lutter contre le maire de Parçay et ses enfans qui les dépouillent et qu'ils n'osent punir; on sera peut-être eurieux de lire une sorte de Code d'instruction criminelle rédigé sous les auspices de Juhell, archevêque de Tours; c'est un traité destiné à mettre fin aux contestations que faisaient naître sans cesse entre le seigneur de Lugny et les moines de Saint-Quentin la prise et la garde des voleurs.

Juhellus (61) Dei gratiâ Turonensis archiepiscopus universis presentes litteras inspecturis salutem in Domino : noverint universi quod cum inter priorem et conventum de Gressio (62) ex una parte, et Garinum Gonele militem ex alterâ super vigeriam terrae dictorum prioris et conventûs de Bochellii quani vigeriam idem miles ad se dicebat pertinere et dicti prior et conventus ex ahuso dicebant quod dicta vigeria ad ipsos pertinebat : contentio verteretur; tandem dictae partes in nostrâ presenciâ institutse super permissis in hunc modum pacis concorditer convenerunt : quod si aliquis latro in dicta terrâ caperetur, ut de extra terram sit sequutus, extraneus et non mansionarius in dictâ terrâ, serviens dictorùm prioris et conventus hoc nolificaret dicto militi aut ejus mandata in domo suâ de Luigneio, et latronem capere poteril sine conditione eorum idem miles cum omnibus rebus quas idem latro habebit. Si vero latro mansionarius in dicta terrâ captus fuit similiter serviens dictorum prioris et conventus eidem militi notincabit: et eumdem latronem poterit capere similiter idem miles cum omnibus rebus quas super se habebit quum caperetur tantum modo, nee in aliis rebus dicti latronis poterit idem miles aliquid reclamare post diem vero denunciacionis factæ dicto militi aut ejus mandato : in dicto loco serviens prioris et conventus latronem non tenebitur custodire. Si autem dictus miles dubitaverit quod ille qui latronis cepit aliquid de rebus praedictis quæ habere debebit, celaverit aut habuerit, juramentum illius hahebit quid aliquot de rebus predictis non habeat, et supradicti capientis tenebitur credere juramento. Nec aliud poterit idem miles in dictâ terra de utero reclamare : immo omnimodo alia vigeria eisdem priori et conventui in perpetuum remanebit tam in dicta terrâ quam in omnibus hominibus extraneis seu mansionariis in eâdem per hoc tamen non praejudicatur diclo militi in uno modio frumenti quod habere dicitur in terra supradicta, actum ad petitionem partium mense junio anno Domini millesimo ducentesimo quod regesimo sexto.

Qu'on n'aille pas croire que les questions de compétence traitées dans ce traité soient discutées dans l'intérêt des justiciables ; ce serait une erreur : il ne s'agit ici que de l'intérêt pécuniaire et seigneurial des juges : les biens des condamnés étaient confisqués au profit de celui au nom de qui se rendait la justice : ici les juges se disputent non-seulement la dépouille du voleur, mais encore les objets volés : il ne vient à l'idée d'aucune des parties contractantes que l'objet volé n'appartient pas au voleur : ils ne se figurent pas que la justice doit s'efforcer de réparer le tort causé par le coupable; le fruit du vol leur semble une sorte de part que le hasard jette entre leurs mains, et dont ils s'emparent parce qu'ils ont le pouvoir de s'en emparer : qu'on n'oublie pas qu'à cette époque les seigneurs couraient les grandes routes pour dévaliser les passans : ils devaient trouver tout simple de garder pour eux les objets volés par d'autres.

Des hommes qui avaient fait vœu de pauvreté recevaient et achetaient perpétuellement des propriétés foncières, des rentes et redevances, des droits seigneuriaux : sans doute ils avaient pour excuse la charité que l'on pratiquait scrupuleusement dans quelques couvens : cependant on a pu remarquer que dans toutes les pièces qui précèdent, il n'est pas question d'aumône : tout ce qu'on donne aux moines, leur est donné pour leur subsislance : tout ce qu'on leur demande, ce sont des messes. Il est vrai que quelquefois on exige d'eux une rente payable en argent ; mais ils stipulaient que, s'ils ne payaient pas ces rentes, ils ne perdraient pas les domaines concédés; tantôt ils finissaient par obtenir des donateurs ou de leurs descendans la remise de ces redevances : tantôt ils cessaient de les payer, puis opposaient la prescri ption: au milieu du treizième siècle, les moines possédaient plus de terres que les hauts barons du royaume; ils avaient plus d'or, de pierreries, que n'en contenait le trésor des rois de France.

Les papes les avaient comblés de privilèges qui leur servaient d'armes offensives et défensives : rappelez-vous tous les rois de France à genoux devant le tombeau de saint Martin de Tours, les peuples marchant à la Terre-Sainte à la voix des moines, ces mêmes hommes bravant partout et la suprématie des prélats , et l'autorité royale, et les ordres de la reine Blanche ; et vous aurez l'idée de ce que l'intrigue et le mensonge peuvent accumuler de puissance.

Cependant l'excès de leur prospérité inquiétait les ordres religieux: aussi les moines, qui sé sentaient trop faibles pour pouvoir se passer entièrement d'un appui, s'étaient-ils efforcés de se maintenir dans les bonnes grâces de la cour de Rome; il n'y avait qu'un'moyen de s'assurer la protection des papes, c'était de se prêter à leurs vues ambitieuses : ce rôle devint celui des moines ; ils combattirent pour les papes, et soutinrent de leur crédit et de leur parole les prétentions les plus exagérées qu'il plut aux successeurs de saint Pierre de faire prêcher à la chrétienté : pour tant de services les religieux leur demandaient sans cesse et de nouveaux priviléges et le maintien des anciens, et surtout la permission d'être riches et de s'enrichir encore, comme s'ils n'eussent pas renoncé au monde et à ses vanités.

 

Les papes n'étaient pas ingrats, les bulles suivantes en sont la preuve.

Alexander episcopus servus servorumDei cunctis in Christo. Filiabus abbatissse et conventui monasterii de virginitate Cisteriensis (63) ordinis Cenomanensis diocesis salutem et apostolicam benedictionem : solet annuetè sedes apostolica piis votis et honestis petentium desideriis favorem benevolum impartire, quapropter dilecte in Domino filie, vestris justis petitionibus grato concurrentes assensu ut privilegiis et indulgentiis Cisteriensis ordinis ab apostolicâ sede concessis vel in posterum concedendis quae nobis competunt, gaudere possitis auctoritate vobis presentium indulgemus. Nulli ergo hominum liceat hanc paginam nostrae concessions infregere vel ei ausu temerario contrarie si quis autem hoc attemptare presumpserit indignationem omnipotenlis Dei et beatorum Petri et Pauli apostolorum ejus se noverit mansurum. Dat. Viterbii XI KI. julii pontificatus nostri anno quarto.

Alexander episcopus servus servorum Dei dilectis filiis abbati et conventui monasterii de Burguelio ordinissancti Benedicti Andegavensis diocesis salutem et apostolicam benedictionem. Vestrae religonis honestae cui favor debitur gratie specialis laudabiliter promittetur ut quae justè deposcitis ad exauditionis gratiam admittamus : volentes igitur paci et tranquillilati vestrae ac monasterii vestri indemnitatibus quantum cum Deo possumus precavere, vobis auctoritate presentium indulgemus tit libertatibus jurisdictionibushonoribus ac dignitatibus libere ac sine diminutione aliquâ gaudere possitis tùm in capite quam in membris quibus a quinquaginta annis monasterium vestrum hactenus prerscriptione legitima est gavisum, nichominus prohi'bentes archiepiscopi et episcopi in quorum diocesibus dictum monasterium et membra ipsius consistunt et - alii ordinarii aliquid a vobis, nisi id tantum quod a monasterio vestro et membris ejusdem hactenus perciepisse noscuntur, contra prescriptionem legitimam - exigere vel extorquere presumant. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostrae concessionis infringere aut ei ausu temerario contrarie; si quis autem "haec attemptare presumpserit indiguationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli apostolorum ejus se noverit mansurum. Dat. Neapoli XV Kl. junii pontificatus nostri anno primo.

Urbanus episcopus servus servorum Dei dilectis filiis abbati et conventui monasterii de .Vendocino (64) ordinis sancti Benedicti Carnotensis diocesis, ad Romanam ecclesiam nullo medio pertinentis, salutem et apostolicam benedictionem : quùm à nobis petitur quod justum et honestum, tam vigor equitatis quam or do exigit rationis ut id per sollicitudinem officii nostri ad debitum perducat effectum; quapropter, dilecti in Domino filiis vestris justis postulationibus grato concurrentes assensu, omnes libertates et immunitates a Romanis pontificibus predecessoribus nostris sive per privilegia sive alias indulgentias vobis et monasterio vestro coneessas, nec non libertates et exemptiones secularium a regibus et principibus aliisque fidelibus rationabiliter vobis et monasterio prsedicto indultas; terras quoque possessionis et alia bona vestra, sicut ea omnia justa ac pacificè obtinetis, vobis et per vos eidem monastero auctoritate apostolicâ confirmamus, et presentis scripti patrocinio communimus. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostrae confirmationis infringere vel ei ausu temerario contrarie; si quis autem hoc attemptare presumpserit indignationem omnipotentis Dei beatorum Petri et Pauli apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum Viterbii V Kl. aprilis pontificates nostri anno primo.

Urbanus episcopus servus servorum Dei dilectis filiis abbati et conventui monasterii Vendocinensis ordinis sancti Benedicti, ad Romanam ecclesiam nullo medio pertinentis Carnotensis diocesis salutem et apostolicam benedictionem devotionis vestrae precibus inclinati presentium vobis auctoritate concedimus ut possessiones et alia bona mobilia et immobilia quae liberas personas fratrum nostrorum ad monasterium vestrum mundi relicta vanitate, convolantium et professionem facientium, in eodem jure successionis vel alio justo titulo si remansissent in seculo, contigissent et quæ ípsí potuissent aliis libere erogare, rebus fuedalibus duntaxat exceptis, valeatis petere recipere ac etiam retinere. Nulli ergo omnino hominum liceat hunc paginàm nostrae concessionis infringere aut ei ausu temerario contraire. Si quis autem hoc attemptare presumpserit indignationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli apostolorum ejus, se noverit mansurum.

Datum apud Urbem veterem V KI. novembris, pontificatus nostri anno secundo.

 

Ces bulles sont émanées d'Alexandre IV et d'Urbain IV; on voit que les pontifes romains y témoiguent grande bienveillance pour leurs enfans chéris. Pendant que les ordres religieux jouaient un si grand rôle dans les-affaires politiques du monde, d'autres moines, plus fidèles à leurs vœux, restaient ensevelis dans le silence du cloîtré: là ils donnaient à la prière et à l'étude des jours qu'ils avaient arrachés aux agitations de la vie; ils cultivaient les arts, les sciences et les belles-lettres.

Tout ce qui nous reste de l'ancien monde, tout ce que le moyen:âge a su garder ou créer, on le doit aux moines : eux seuffbnt entretenu le feu sacré de la civilisation : c'était chez eux que l'on trouvait les précieux manuscrits que les Vandales et les Goths avaient oublié de détruire.

Le calme de la vie monastique favorisait les hautes études : c'est aux pieds des autels qu'ont écrit nos plus anciens chroniqueurs.

Marmoutiers était l'un des plus antiques couvens de France, et Grégoire de Tours est le père de nos historiens.

On a prétendu long-temps et l'on prétend encore que le français le plus pur se parle aux bords de la Loire.

 

 Voici deux échantillons du langage de Touraine qui peuvent servir de pièces de comparaison, si  l’on veut examiner ce problème à toutes époques de notre histoire : l’un est de 1267, l'autre est de 1277.

Gie Johan de Chasteillon….. de Blois et d'Avesnes faz àsavoir à touz ceuls qui verront cestes présentes lettres qui gie pour l'amour de Dieu et pour le remede demame de l'ame Aaliz ma fame, et de mes antécesseurs de l'assentement et de la volonté de ladite Aaliz ai doné et octroié en pure et pardurable aumosne à l'abbé et au couvent de l'Estoile de l'ordre de Prémonté, quarente soulz de rente de la monnoie courant à Chateau Renaut pour pitance à tous jours mes à prandre chacun en sus mon toulin de Cheteau Renaut des devant diz abbé et couvent ou de leur certein coumandement le jour de la feste Saint Remy par la mein à l'argentier de Cheteau Renaut ou de celui ou de ceuls qui pour le tens recevront ledit toulin; et seront rendus iceuls quarente soulz de rente en la manière de susdite au diz abbé et couvent ou a leur certein coumandement tous les jours de ma vie.

Et veul et commans que après mon décès iceulz quarente soulz de rente soient pris sus mon festage de Blois chacun an dedens les dix jours enseyant après la feste Saint Hillayre tant comme ladite Aaliz ma femme vivra tant seulement par la main de celui ou de ceulz qui pour le tens recevront le dit festage et veul et commans que après le décès de ladite Auliz les devant ditz quarente soulz de rente ,soient pris sus le devant dit toulin de Chateau Renaut à tous jours et chacun an le jour de ladite feste Saint Remy.

En teie manière que le dit abbé et couvent sien et seront tenus à chanter une messe dou Seint-Espérit ou de Nostre-Dame chacune semeine tant comme gie vivre pour moi et pour ma femme et pour mes amis, et après mon décès seront tenus li diz abbé et couvent à faire sollempnement mon anniversaire et la à Aliz ma fame et le mes ancesseurs chacun an tous jours mes et à un certein jour, et si il avenait que le diz abbé et couvent ou leur certein coumandement ne fussoient paies du devant dez quarente soulz de rente au termes dessus només gie vuel et octroy que chaque semeine après les diz termes ils aient diz soulz de paine oultre ladite rente tant comme ils seront à paier de ladite rente; pourquoi le diz abbé ou couvent ou leur coumandement en aient requis au diz termes ceuls par qui mien il devront recevoir les dites rentes et pour toutes les choses de sus dites ensamble et chacun par soi tenir faire et acomplir : gie lie et oblige pardurablement mes hoirs et mes successeurs et en confermement dès devant dites choses gie done au devant diz abbé et couvent cestes présentes lettres scelées de mon scel et dou scel Aliz ma fame et le devant diz abbé et couvent me donièrent leur lettres scelées de leurs scaus de faire loiaument ce qui est desus devisé pour l'ame de moi de ma famé et de mes amis à vie et à mort.

Ce fut fet en l'an de l'incarnation notre Seigneur mil deus cent et cet.

A tous ceux qui ces présentes lettres verront et oiront : Joufroy soies de Mont Bason chevalier saluz en nostre Signor : sachent tout présent et avenir que nos avons doné quité et octroyé et encores donons quitons et octroyons à homes religions et honestes, au prior et au couvent de saint Johan dou Gres l'usaige le ségréage, le pasnage l'erbage et le forestage que nos avons en leur boys c'est à savoir de Marrigni et de Forges, et quelque droit que nous avions en diz boys jusques à l'amende de sept sous et demi et retenons à nos et à nos hers en devant diz boys toute venoyson et tote justice exceptée ladite amende de sept sous et demi et retenons a nos la tierce partie du boys de Forges par les devant dites choses, et nos donasmes et octroyasmes et encore donnons et octroyons al diz religions l'usaige le ségréage le forestage l'erbage et le pasnage en plesse dou Gres , et l'amende jusques à sept sous et demi et la chace au lievre et au conin en plesses et en chans de denz lesdites plesses : si comme les dites plesses sient devisées par murs et par fossez et par bones dès autres boys, et à ce garir et deffendre quant à ce que nos savons nos ohliiames nos et nos hers. En tesmoing de laquel chose nous donasmes al diz religions cestes présentes lettres scelées de notre seau de nostre volente : ce fut fait et donné en l'an de grace mil et doux cenz et sexante et diz et sept au moys d'aiust le juesdi après la saint père.

Dès que le clergé était parvenu à se faire donner quelques sommes d'argent, des fruits de la terre ou toute autre chose, il en faisait bientôt une redevance, puis une dîme, et dès lors un impôt.

 

Guillaume VI de Parthenay L’Archevêque

 

C'est ainsi que les moines de Marmoutiers avaient fini par avoir des droits exorbitans sur le marché de Semblançay et sur la pêche des étangs qui se trouvent dans cette commune, de là contestation entre le couvent et Guillaume l'archevêque de Parthenay, seigneur de Semblançay.

Voici le traité qui fut conclu entre eux :

Sit notum cunctis presentibus atque futuris à quibus que hoc scriptum nostrum quandoque legetur : quod cum inter nos Guillelmum l'archevesque dominum de Partenav et Johannam de Montfort uxorem nostram ex unâ parte et religiosos viros fratrem Robertum abbatem majoris monasterii et conventurn ejusdem loci, nec non priorem de Simpliciaco (65) ex alia, contentio verteretur super pluribus articulis pro eo videlicet quod religiosi predicti consueverant decimam super mercatum de Simpliciaco nec non super decimam furni dictae villæ et super piscacionem quam habebant religiosi , predicti in stangno de Simpliciaco.

Qu'il soit connu de tous les présents et futurs à qui cet écrit qui est le nôtre sera jamais lu : que lorsque parmi nous Guillaume l'archevesque seigneur de Partenav et Jeanne de Montfort notre femme d'une part et les hommes religieux frère Robert l'abbé de la plus grand monastère et se réunissant au même endroit, et non l'ancien de Semblançay (65) par contre, la contestation a été retournée plusieurs articles pour le fait que lesdits religieux payaient une dîme sur le marché de Simpliciaco et aussi sur la dîme de la ville appelée Furni et sur la pêche que le susdit religieux avait dans l'étang de Semblançay.

 Nos Guillelmus et Johanna prenominati in recompensacione praedictorum tradimus praefatis religiosis quindecim arpennos terrae vel circa sitos ad locum qui dicitur Bella Villa juxta forestum de Simpliciaco et unum arpennum prati quod tenere solebat Robertus de Droes.

Nous, Guillaume et Jeanne, nommés en compensation pour ce qui précède, livrons auxdits religieux quinze parcelles de terrain situées dans ou à proximité du lieu appelé Belle Ville, près de la forêt de Semblançay, et une parcelle de prairie que Robertus de Droes qu’il détenait pour l’utiliser.

 Insuper volumus quod jus voairiae sive justicia remaneat dictis religiosis et quidquid indè dependet excepta tamen alta justicia quam nobis et heredibus nostris retinemus.

De plus, nous voulons que le droit de voirie, ou justice, reste auxdits religieux, et à tout ce qui en dépend, à l'exception toutefois de la haute justice que nous gardons pour nous et nos héritiers.

Quum si contingat praefalis religiosis sinistrum judicium facere nos sui successores nostri poterimus proprio motu sive ad petitionem partis illud emendari facere : si vero contingat predictis religiosis sive eorum buellivum quemquem ad mortem aut mutilationem condempnare, judicio facto condempnatus nobis aut successoribus nostris reddetur rursùs : conventum est inter nos quod quum faciemus bannum nostrum in villa de Simpliciaco videlicet per quadraginta viri religiosi predicti poterunt vendere vinum suum infra domos suas absque erigenda circulum.

Attendu que s'il arrive au religieux précédent de porter un jugement sinistre, nous, nos successeurs, pourrons y remédier de notre propre initiative ou à la demande d'une partie ; entre nous que lorsque nous ferons notre ban dans la ville de Semblançay, c'est-à-dire que lesdits quarante religieux pourront vendre leur vin au-dessous de leurs maisons sans ériger de cercle.

 Quod etiam vinum non facient preconizare et adequabunt mensuras suas mensuræ castelli nostri de Simpliciaco nec tradent mensuras hominibus sibi subditis suis ? quin imo ipsi subditi accipient eas ab eo qui tenebit bannum nostrum.

Quel vin ne prêcheront-ils pas aussi, et n'ajusteront-ils pas leurs mesures aux mesures de notre château de Simpliciacus, et ne livreront-ils pas les mesures aux hommes qui leur sont soumis ? plutôt, les sujets eux-mêmes les recevront de celui qui tiendra notre ban.

  Decima etiam molendini de Simpliciaco pertinebit religiosis predictis excepta decima tertiae partie molendini : die vero nundinarum de Simpliciaco videlicet in festo sancti Martini estivalis jus et emolumentum nundinarum spectabit dictis religiosis, excepto pedagio super quod nichil accipient.

La dîme du moulin de Simplicia appartiendra également auxdits religieux, à l'exception de la treizième partie du moulin : mais le jour du marché de Simplicia, c'est-à-dire en la fête de la Saint-Martin, le droit d'été et le profit du marché reviendra aux dits religieux, sauf le péage sur lequel ils ne toucheront rien.

 Salvâ etiam et nobis reservata in omnibus alta justiciâ: quidquid autem stangnum nostrum quod facimus vel faciemus fieri ad neam de pola terra sive dominio eorum sive subdictis eorum subripiet, nobis remanebit pro scambio predicto.

Nous sommes également sauvés et réservés pour nous une haute justice en toutes choses: mais quelle que soit notre richesse que nous fassions ou ferons pour être volée aux Polonais, soit par leur domination, soit par leurs sujets, nous restera pour l'échange susmentionné.

  Domûs vero quæ a nobis tenebatur ad censum annuum quum praefati religiosi incluserunt infra nutras suas eis remanebit: ipsi vero facient circumdari et claudi terram suam sic quod pisces stangni mei non poterunt intrare dominium eorum : nos vero Guillelmus et Johanna supradicta promittimus eisdem religiosis garentizare et deffendere omnia et singula praedicf a contra adversùs omnes.

En effet, la maison qui nous était tenue pour le recensement annuel que les susdits religieux inclus dans ce qui suit leur restera : ils feront encercler et fermer leur terrain afin que les poissons de mon étang ne puissent entrer dans leur prédire tout et tout du contraire à tous les adversaires.

  Renunciante quo ad hoc omni decepcioni fraudes et lesiones omni privilegio crucis impetrato vel impetrando, omni juri scripto et non scripto, usibusque sive consuetudinibus patriæ, atque recursionibus quibus presentes vim sive robur amittere possent.

En renonçant à cette fin à toutes tromperies, fraudes et injures, obtenues ou acquises par le privilège de la croix, à toute loi écrite et non écrite, et aux usages ou coutumes du pays, et aux retraites par lesquelles les personnes présentes pourraient perdre leur force ou force.

 Actum hoc est die lunæ post festum sancti Michaelis archangeli : anno Domini millesimo ducentesimo nonagesimo : hæc sunt testes dominus abbas Robertus Paganus camerarius, Guillelmus cellerarius, Petrus elemosinarius : Ingelgerius de caritatc monachorum, Rodulphus miles, Girardus Aucherii.

Cela a été fait le lundi après la fête de saint Michel l'archange : en l'an du Seigneur mil deux cent quatre-vingt-dixième : ce sont les témoins Seigneur abbé Robertus Paganus le chambellan, Guillaume le cellier, Pierre l'aumônier : Ingelgerius de la charité des moines, Rodulphe chevalier, Girard l'Aucherius.

 

Cette pièce fait connaître la jurisprudence du temps sous un point de vue qui n'a pas encore été indiqué dans ce Mémoire; nous avons parlé des empiètemens incessans du clergé sur le pouvoir seigneurial.

Ici on voit Guillaume de Parthenay leur abandonner de droit de voirie, c'est-à-dire celui de rendre la justice sous les réserves qui sont détaillées ; c'est là une des divisions de la justice en haute et basse justice : il n'y avait à cet égard rien de fixe.

Chaque coutume avait varié suivant le caprice de son auteur. Les officiers de basse justice avaient plus ou moins usurpé : les seigneurs qui n'entendaient rien aux lois faisaient facilement des concessions sur ce point.

Guillaume de Parthenay pourra modifier les jugemens mal rendus (sinistrum judicium) soit en appelant de lui-même les affaires à son tribunal, soit quand la partie condamnée l'aura saisi par une requête.

Si les moines condamnent un accusé à la peine de mort, le condamné sera remis au seigneur et le procès sera révisé.

Après cette convention vient une loi de police au profit de Guillaume : il s'agit de la vente des vins que les deux parties ont à débiter : Guillaume ne veut pas de concurrence ; les moines ne pourront faire crier qu'ils ont du vin à vendre, leurs mesures seront égales à celles de Guillaume ; enfin ils ne pourront livrer leurs marchandises que par les mains des officiers du seigneur de Semblançay.

Cette charte est la dernière qui sera citée dans ce Mémoire: le treizième siècle va finir, une autre ère va commencer; encore quelques années et la France va se trouver déchirée par la guerre étrangère : les révolutions vont se succéder: les secousses politiques ébranlent les croyances des peuples et changent les mœurs des nations : les abus disparaissent, d'autres les remplacent.

Le quatorzième siècle fut plus malheureux que le treizième : l'anarchie féodale y est portée à son dernier degré : pendant cent cinquante ans les rois lutteront contre elle jusqu'à ce qu'elle prenne fin entre les mains de Louis XI : alors viendra le tour des papes et des moines, ils expieront leurs fautes durant les guerres du protestantisme.

Au milieu de toutes ces révolutions la Touraine est restée ce qu'elle était et ce qu'elle sera toujours, le plus beau et le plus paisible des pays.

 

PROSPER TARBÉ,

Membre de la Société de l’Histoire de France, substitut du procureur du roi à Étampes.

Revue rétrospective, ou Bibliothèque historique, contenant des mémoires et documens authentiques, inédits et originaux.

 

 

 

 

L’apparition de la Sainte Vierge à Maurille, Charlemagne et le saint Graal - Sanctuaire Notre Dame de Marillais  <==

Les tribulations de Saint Florent du Mont-Glonne (fuyant l'invasion des Normands vers le Berry) <==

LES POSSESSIONS de Thibaut Ier de Blois (THIBAUD LE TRICHEUR) <==

Caino, castrum - Le château de Chinon des comtes de Blois - Emma se réfugie après l'adultère de Guillaume Fièrebrace et Aldéarde <==

Emma comtesse de Blois et duchesse d’Aquitaine fondatrice des Abbayes Saint Pierre de Maillezais et de Bourgueil <==

LA NAISSANCE DE BOURGUEIL ET DE MAILLEZAIS (987-990). Abbayes de l'abbé Gausbert <==

Charte de Guillaume Fier-à-Bras, comte de Poitou et duc d'Aquitaine, à sa femme Emma pour l'Abbaye de Bourgueil  <==

An Mil - Carte des Châteaux de l'Anjou sous Foulques Nerra <==

11 mars 1068 : L'abbé Eudes présente à Foulques Nerra les Chartes poitevines de l'abbaye de Saint-Florent, près Saumur <==

Mirebeau : Lutte de territoire entre les comtes d'Anjou et du Poitou - motte féodale du XIe siècle du castrum de Foulques Nerra <==

RECHERCHES GÉNÉALOGIQUES SUR DES SEIGNEURS DE SEMBLANÇAY, DEPUIS LE MILIEU DU XIe SIÈCLE JUSQU'A LA FIN DU XVIIIe.  <==

Notice Historique sur le château de Tours et Archéologie Médiévale <==

 


 

(1) Teotola: Theotolon fut évêque de Tours de 932 à 945.

(2) Sancti Mauricii: aujouru'hui Saint-Gatien. Le chapitre de cette cathédrale date de 859. Cette église, une des plus anciennes de France, avait été mise par saint Martin sous la protection de saint Maurice; elle y resta jusqu'à la fin du treizième siècle où elle prit le nom de Saint-Gatien, son premier évêque.

(3) Mansum : Mansus de manere : manoir, ferme, métairie, etc.

(4) Sancto Juliano : Sanctus Julianus de Scalariâ, Saint-Julien-des-Echelles: ce monastère était ainsi nommé parce qu'il se trouvait au lieu où arrivaient les bateaux; il fut consacré par Grégoire de Tours, qui y apporta les reliques de saint Julien, en 576; détruit en 856, il fut rebâti par Théotolon, en 942. Saint Odon, abbé de Cluny, y vint la même année pour y faire revivre la règle.

(5) Archidiaconus: archidiacre, second dignitaire de l'église de Tours.

(6) Les traits tirés remplacent les mots que le mauvais état de la charte a fait disparaitre.

(7) Hualae, sans doute pour Hugualdae.

(8) Arpennum: arpent: on trouve, dans quelques chartes qui ne sont pas citées dans ce mémoire, le mot agripennus qui indique parfaitement l'élymologie du mot arpent.

(9) Cette pièce est comme la précédente revêtue d'un très grand nombre de signatures : quelques-unes sont en caractères grecs. Il y a une ligne entière de la main de l'archidiacre Dodald ; vient ensuite la date ainsi conçue : Data mense julii in civitate Turons, anno X regnante Hludovico rege.

(10) Joseph II fut archevêque de Tours de 945 à 957; il mourut le 18 juin de cette année.

(11) Paganorum : Pagani, les Normands.

(12) Grenussiæ, peut-être pour Gurnesiæ: Gurnesia, I'Egronne , riviere de Touraine.

(13) Le mot solvere est passé dans la charte.

(14) Cette charte est revêtue d'un très grand nombre de signatures autographes. On y voit une ligne entièrement écrite de la main de l'archevêque; la partie de la pièce où se trouvait la date est illisible ; mais il résulte d'une note écrite au dos, que cette donation a été faite en 946, et qu'elle servit à fonder un prieuré.

(15) Ce comte Geoffroy, qui n'est pas qualifié dans la charte, doit être Geoffroy Grise Gonnelle, premier duc d'Anjou de ce nom; il succéda à son père en 958 et mourut en 987.

(16) Alneto : alnetum : aulnaye, de alnus, aulne.

(17) Malliaco: Malliacum : Maille : aujourd'hui Luynel.

 Le bourg de Maille existait en 475, il en est question dans le testament de saint Perpète et dans Grégoire de Tours.

(18) Cette charte doit être de 960; Lothaire monta sur le trône en 954.

(19) Hardouin, archevêque de Tours de 960 à 935. Ce fut lui qui consacra l'église de Notre-Dame de Loches.

(20) Villa Ciconiaco : Cigoigne. Telle est la traduction de ces mots écrits au dos de la charte dans une note de deux lignes.

(21) Sancti Hilarii: Saint-Hilaire. Cette église fut construite vers l'an 600 ; c'était une des plus anciennes de Touraine.

(22) Carcharum, sans doute pour Cartarum.

(23) Vassali ; vassalul : vassal. On nommait ainsi alors les officiers d'un suzerain.

(24) Corbonis : ce Corbon était seigneur des Roches : son petit-fils fit bâtir sur les bords de la Loire un chàteau fort dont les ruines subsistent encore.

On remarque une tourelle que l'on nomme la lanterne de Roche-Corbon.

(25) Eudes 1er, comte de Touraine, fils du comte Thibaut dit le Tricheur, épousa en premieres noces Mahaud de Normandie, et en deuxièmes Berthe de Bourgogne qui épousa depuis le roi Robert. Eudes mourut en 995.

(26) Hymmo pour imo.

(27) Jugenne pour Viginnae, Vingennae, la Vienne.

(28) Gilduini Salmurinsis: Gilduini de Saumur joua un grand rôle dans la guerre des comtes de Tourainc et d'Anjou.

(29) Comitu pour comitatu: comte. Avant lui l'Aquitaine n'était qu'un comté.

(30) Monachiæ pour monarchiae; monarchie, royaume.

(31). Ici se trouve : 1° une croix entourée d'un dessin représentant un trèfle de la main du duc ; 2° un autre dessin fait par Gilbert, évêque de Poitiers ; 3° trente-deux signatures.

On y remarque un grand nombre de dignitaires ecclésiastiques et trois vicomtes, dont Aimeri, vicomte de Thouars.

(32) Pictavo: Poitou.

(33) Vosalia: Vouzailles.

(34) Almæ Crucis : ce couvent de la Sainte-Croix était situé à Poitiers.

(35) Aigæ pour agiæ, de ay tot, saint. Sainte Radegonde est vénérée en Touraine; elle a une chapelle à Chinon.

(36) Canonicorum : on remarquera que ce mot est au masculin ; cette congrégation de chanoines avait donc une femme pour chef. L'abbesse Gerla a bien soin de le faire remarquer.

(37) Kosmy : ce mot vient probablement de xoer^of, le monde.

(38) Alimoniis pour alimentis.

(39) Cette charte est revêtue d'un très grand nombre de signatures autographes; elle est ecrite par un prêtre nomme Ranulfe. A côté de la date se trouve cette mention : Ranulfus sacerdos scripsit. Les lettres qui composent ces trois mots sont écrites les unes au-dessus des autres sur deux lignes paralleles perpendiculaires à la date.

(40) Willmus pour Wilelmus, Guillaume.

(41) Burgulienses : moines de Saint-Pierre-de-Bourgueuil.

(42) Païen: Paganus.

(43) Archembanld fut évêque de 981 à 1005. II est tantôt nommé Arcenaldus, tantôt Archimbaldus.

(44) Corbo: ce Corbon est le même dont il a été question dans une des notes précédentes.

(45) Cainonensi: Chinon.

(46) Willelmus ; Guillaume III, mort en 1030, avait succédé à son père en 993.

(47) Teloneum : droit à payer pour le passage d'un pont.

(48) Cette pièce est revêtue d un très grand nombre de signatures de comtes, vicomtes, évêques, etc.

(49) Maliacensi : Maillé.

(50) Tu rtiniacensis : Tourtenay.

(51) Geoffroy-le-Barbu succéda, en 1060, à Geoffroy-Martel, son oncle maternel. Il commit la faute de lutter contre l'autorité spirituelle, sans avoir assez de fermeté pour être le plus fort. Il lutta contre les moines de Marmoutiers, les chanoines de Tours, et fut excommunié; ses états furent donnés à son frère.

 Il fut délivré, en 1096, par le pape Urbain II. La date de sa mort est incertaine.

(52) Marca : quelques auteurs ont cru que Geoffroy était mort sans avoir été marié ; d'autres lui donnent pour femme Julita, dont on ignore la famille.

Peut-être fut-il marié deux fois.

(53) Andecavo : Angers.

(54) Gansfredi de Pruiliaco : Geoffroy de Preuilly. Il fut un de ceux qui livrèrent la ville d'Angers à Foulque Réchin; il n'est pas étonnant qu'il continuât à trahir les intérêts de Geoffroy-le-Barbu.

(55) Fulcone : Foulque le Réchin.

(56) Ligerim: la Loire.

(57) Pour predecessoribus.

(58) Goffrcdi Martelli : Geoffroy Martel, mort eu 1060 , oncle de Foulque.

(59) Cette charte est revêtue d'un très grand nombre de signatures et de treize croix grossièrement faites, parmi lesquelles on distingue celle de Foulque Réchin. Il savait cependant écrire : on a de lui un fragment d'histoire concernant les princes de la maison d'Anjou. Il mourut en 1109.

(60) Parcay.

(61) Juhellus: Juhel de Mayenne fut archevêque de Tours de 1239 à 1244

(62) Gressio: Gray, Grez, Gruz: Prieuré de Saint-Jean-du-Grez,

(63) Cisteriensis ordinis: ordre de Cîteaux.

(64) Vendocino: Vendôme.

(65) Simpliciaco: Semblancay.

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