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PHystorique- Les Portes du Temps
20 mai 2023

ESNANDES - La mytiliculture (la culture des moules) dans la baie de l'aiguillon.

11 janvier 1727 ARREST DU CONSEIL D’ESTAT DU ROY Qui permet l'usage des Bateaux nommer Acons, aux possesseurs des Bouchots establis sur les Côtes d’Esnandes et de Charron, Amirauté de la Rochelle

 La baie de l'Aiguillon qui n'est éloignée de la Rochelle que d'une vingtaine de kilomètres est, malgré son étendue, son importance industrielle et sa proximité d'une grande ville, bien peu connue des touristes.

 Cependant il est peu d'endroits de notre côte française aussi intéressants à visiter en raison de la culture marine qui s'y développe, avec un si grand succès depuis bientôt plus de sept siècles.

 La baie de l'Aiguillon est une vaste baie de vase molle et visqueuse qui découvre presque entièrement à marée basse et se trouve en partie abritée de la haute mer par l'île de Ré située en face d'elle.

 Mais son étendue. est telle (20 à 25 kilomètres en tous sens), que cet abri est bien relatif pendant les mauvais temps et qu'il faut établir les palissades des bouchots, avec grand soin pour ne pas les voir arrachées par la tempête.

La rivière de Marans et quelques petits cours, d'eau viennent s'y jeter, mais cette addition d'eau douce est faible en comparaison de la masse d'eau salée venant de la haute mer.

Les habitants des trois village de Marcilly, Esnandes et Charron s'occupent à peu près exclusivement de la culture des moules puisque l'on compte aujourd’hui plus de 600 hommes adonnés à, cette industrie sans compter les aides de toute espèce qui, de loin ou de près, apportent leur concours aux boucholeurs. L’importance financière de cette exploitation se résume en deux mots :  les clayonnages appelés bouchots ont une étendue de plus de 300,000 mètres qui rapportent net environ 1,200,000 francs par an.

 

 

Esnandes, la pointe St-Clément

C'est à un pauvre pêcheur irlandais, nommé Walton, dont il existe encore des descendants à Esnandes, que l'on doit la création d'une industrie si ingénieuse, et ses descendants ont le droit d'être fiers de son initiative puisque, depuis plus de 650 ans, elle a assuré l'existence et le bien-être d'une très nombreuse population maritime.

 Ce fut, en effet, vers l'année 1035 que Walton fut rejeté, par la tempête, dans cette baie de l'Aiguillon, qui n'était à cette époque qu'une vaste plaine de vases molles et qui n'était fréquentée que par les oiseaux de passage fort nombreux à certaines époques de l'année.

Wallon, obligé de s'établir dans sa nouvelle patrie, sa barque ayant été détruite, et se voyant privé de tout moyen de retour, résolut de chercher ses moyens de subsistance dans la chasse aux oiseaux de mer et, se mit à tendre, à la mode irlandaise, de légers, filets appropriés à la capture de ces volatiles qui, voyageant la nuit, donnaient tête baissée dans les panneaux qui leur étaient tendus.

Ces filets, fixés sur de longues perches, traversaient une partie de la vasière, et ce fut cette circonstance heureuse qui donna naissance à l'industrie des moules que devait imaginer l'intelligent chasseur.

 Il constata que la base des perches se recouvrait de moules dont la croissance, était extrêmement rapide et il comprit vite le parti qu'il en pouvait tirer.

Il imagina donc de former une haie avec des pieux entrelacés de branchages qui prit le nom de bouchot (de bout : qui signifie clôture, et de coat, choat, chot, qui signifie bois; mélange d'irlandandais et de celte) et fut destinée à recueillir sur sa grande surface, les jeunes moules que les courants venaient y déposer tout naturellement.

Puis, afin de faciliter l'accès de ces bouchots sur la vasière trop molle pour en permettre l'accès à pied, il construisit un petit canot plat de forme spéciale qui a conservé son nom primitif d'acon.

 C'est à l'aide de cette légère embarcation, dont le fond est formé d'une seule feuille de noyer légèrement bombée, que le boucholeur, à cheval sur l'un des bords, ayant un pied sur la vase et l'autre reployé sur le fond du canot, peut glisser sur cet élément éminemment mobile.

La culture des moules était dès lors inventée, et les procédés de Walton, avec leurs menus détails pratiques, n'ont pu que se transmettre jusqu'à nos jours sans que l'on ait eu à modifier l'heureuse conception du début.

Cette culture si simple se pratique ainsi :

Le boucholeur place sur l'avant de son acon les pieux et fascines dont il aura besoin pendant la marée, il se munit en outre d'un fort maillet de bois et, la vasière n'étant pas encore entièrement découverte, il s'embarque et se dirige, soit à la rame, soit à la voile, vers la concession que lui a accordée l'État, auquel il paye une redevance annuelle de 0 fr. 10 par mètre courant de bouchot.

Il doit partir assez tôt pour pouvoir travailler sur place de deux heures et demie à trois heures et profiter ainsi de toute la durée de la basse mer.

Ayant enfoncé un premier pieu à l'une des extrémités de la haie à établir, il amarre son embarcation sur cette base et continue à enfoncer de 0m,50 en 0m,50 une rangée de pieux d'une longueur de 2m,50 qui, une fois enfoncés, ne devront dépasser la vasière que de 1m,60 à 1m,80.

Cette première rangée de pieux établie, il en aligne une seconde sous un angle d'environ 45° formant ainsi les deux côtés d'un V dont la pointe n'est pas entièrement fermée, laissant à cette pointe une ouverture d'à peu près 2 mètres.

Puis le boucholeur forme un clayonnage avec les fascines qu'il a apportées, de façon à construire une haie solide, capable de résister aux mauvais temps de l'hiver.

En principe, un clayonnage bien compris ne doit pas descendre jusqu'au ras de la vasière, on doit l'arrêter à environ 0m,50 du sol pour éviter les agglomérations de vase qui auraient lieu si cette vase mouvante rencontrait un obstacle.

La longueur totale d'un bouchot varie de 100 à 400 mètres et l'on estime qu'un boucholeur peut en entretenir et en cultiver 800 mètres au maximum.

Les deux côtés d'un bouchot sont disposés en V pour qu'à marée descendante les poissons qui se sont engagés entre les bras du V puissent être capturés dans les filets tendus à sa pointe.

Quoique cette pêche soit peu lucrative, elle n'est cependant pas à dédaigner et constitue une petite ressource supplémentaire. Elle ne peut se faire que dans les bouchots où la vase a atteint la hauteur du clayonnage, car dans les autres, le, poisson passe librement par-dessous.

 

L'on dispose, de plus, les V aussi perpendiculairement que possible à l'effort de la marée et des courants, afin d'offrir le maximum de résistance à cette cause destructrice, et dans un endroit tel que les moules puissent rester couvertes au moins pendant la moitié de la marée.

Entre ces bouchots et la laisse des très basses mers, l'on enfonce en outre une grande quantité de pieux, espacés de 0m,30 à 0m,40 et alignés, mais sans aucun clayonnage.

Ces pieux sont destinés à recueillir le naissain qui s'y vient déposer pendant les mois de février, mars, avril et qui y croît avec une grande rapidité, atteignant, dès le mois de mai, la dimension d'une lentille et au mois de juillet, celle d'un haricot. C'est lorsque les jeunes moules sont arrivées à cette taille qu'il convient de les repiquer sur les bouchots.

Les naissains, serrés les uns contre les autres, forment comme un manchon tout autour de chaque pieu et on les en détache au moyen d'un crochet spécial.

Les moules sont alors introduites par paquets de la grosseur du poing dans de petits sacs en vieux filets de chalut à maille fine, et ces sacs sont répartis de place en place sur le clayonnage du bouchot.

Au bout de deux à trois jours toutes les petites moules se sont attachées à leur nouvelle demeure au moyen de leur byssus et en moins de six semaines, le filet ayant achevé de se pourrir, les moules se sont étendues le long des tiges et des pieux.

Malgré l'écartement naturel que prennent les moules sur le clayonnage il arrive fréquemment que leur groupement est encore trop compact, il convient donc d'en arracher une partie que l'on intercale entre les branches les moins garnies.

Dix-huit mois à deux ans après cette plantation, les moules sont devenues marchandes, c'est-à-dire qu'elles ont atteint une longueur de 45 à 55 millimètres.

L'espèce cultivée dans la baie de l'Aiguillon est le Mytilus edulis, elle devient moins grande que la moule de provenance hollandaise consommée à Paris, mais elle est infiniment plus délicate et plus savoureuse.

L'obstacle qui empêche malheureusement ces moules d'arriver sur le marché de Paris est le prix trop élevé des transports par chemin de fer, ce qui ne devrait pas être, puisque les moules de Hollande, qui ont un trajet à peu près égal à parcourir et trois lignes différentes à traverser, arrivent aux halles à des conditions plus avantageuses.

Il convient' d'ajouter à cela que le prix des moules de la baie de l'Aiguillon est plus élevé que celui des moules hollandaises, parce qu'elles sont plus recherchées pour leur qualité dans les pays environnants, mais il reste surprenant que, malgré cette élévation de prix, nos moules françaises de l'Ouest n'aient pas trouvé de débouché dans la capitale où tant de fins gourmets et connaisseurs recherchent ce qu'il y a de meilleur quel qu'en soit le prix.

La totalité des moules cultivées dans la baie de l'Aiguillon, c'est à-dire 25,000 à 30,000 tonnes, se consomme dans un rayon relativement restreint qui s'étend de Bordeaux à Nantes et comprend Poitiers, Tours et Angoulême.

Quelque considérable que puisse paraître cette production, elle ne satisfait pas encore à la demande qui va s'accroissant chaque jour et donne la raison du prix élevé des moules de cette provenance.

Mais, hélas depuis quelques années, un parasite bien inattendu est venu ravager les moulières de l'Aiguillon et compromettre jusqu'à un certain point l'avenir de cette culture. Un navire chargé d'huîtres portugaises est venu faire naufrage entre l'île de Ré et la baie de l'Aiguillon, répandant au loin un naissain qui a envahi les bouchots et de telle façon que les moules se trouvent étouffées et ne peuvent plus se développer que dans la partie supérieure des clayonnages, là où l'huître s'attache plus difficilement.

Il est vraiment curieux de voir avec quelle intensité s'opère cet envahissement. Des bourrelets d'huîtres plus gros que le bras se forment autour des branchages et finissent par ne plus constituer qu'une masse compacte.

Pour s'en débarrasser, le boucholeur en est réduit à les arracher en masse et à les enfouir dans la vasière afin de les détruire, mais ce palliatif est faible devant .les forces naturelles d'une semblable multiplication !

Quel spectacle étrange offre cette baie de l'Aiguillon par un beau jour d'été lorsqu'au moment de la marée descendante l'on voit partir par centaines ces légères embarcations aux formes bizarres, emportant leur unique marin, et lestées d'une charge de fascines souvent plus volumineuse que le bateau lui-même. Ce chargement, il s'agit de le porter bien loin sur la vasière et souvent jusqu'à 3 et 4 kilomètres du point de départ.

Mais plus singulier encore est le retour de cette petite flottille dont chaque acon rapporte 200 à 300 kilogrammes de moules, et que le boucholeur pousse d'un pied pour le faire glisser sur la vase.

 

 

 

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ARREST DU CONSEIL D’ESTAT DU ROY

 

Qui permet l'usage des Bateaux nommer Acons, aux possesseurs des Bouchots establis sur les Côtes d’Esnandes et de Charron, Amirauté de la Rochelle.

Du 11 janvier 1727

Extrait des Registres du Conseil d’Estat

Sur ce qui a esté representé au Roy estant en son Conseil, qu’il est absolument necessaire que les possesseurs des Pescheries nommées Bouchots, establies sur les Costes des Paroisses d’Esnandes et de Charron, Amirauté de la Rochelle, se servant de Bateaux nommez Acons, dans lesquel un homme seul s’embarque, et qu’il fait couler sur la ase ayant un pied dedans le Bateau et l’autre dehors, pour aller chercher le Poisson qui se trouve arresté dans les filets et engins qui sont tendus à l’ouverture desdits Bouchaots, et prendre les Moules qui se nourissent et multiplien sur les pieux et clayonnages d’iceux ; quoyque lesdits Bateaux ne soient composez que de trois planches sans quilles, mats voiles ni gouvernail, et du genre de ceux deffendus par la Declaration du 23. Avril dernier : qu’il est impossible de communiquer ausdits Bouchots d’une autre manière, attendu que toute la Côte est couverte d’une vase molle sur laquelle il n’est pas possible de marcher ; et que si Sa Majesté n’a la bonté de permettre l’usage desdits Bateaux aux possesseurs desdits Bouchots, ils seront forcez d’abandonner la pesche qu’ils y ont pratiquée jusqu’à present. A quoy Sa Majesté ayant égard, vû ladite Declaration du 23. Avril dernier, Oûi le Rapport, et tout consideré, SA MAJESTE ESTANT EN SON CONSEIL, a ordonné et ordonne que nonobstant les dispositions portées par ladite Declaration du 23 avril dernier, les possesseurs des Pescheries nommées Bouchots, establies sur les Côtes des Paroroisses d’Esnandes et de Charron, pourront faire usage des Bateaux nommez Acons, pour aller chercher le Poisson qui se trouvera arresté dans les filets et engins qui sont tendus à l’ouverture desdits Bouchots, et pour aller prendre les Moules attachez aux pieux et clayonnages d’iceux, ensorte cependant qu’il ne subsistera qu’un seul Bateau pour le service de chacune desdites Pescheries : leur deffend Sa Majesté de s’en servir pour faire aucune autre Pesche, à peine de saisie et confiscation desdits Bateaux, et de Cinquante livres d’amende pour la premiere fois, et de pareille amende et confiscation en cas de recidive, et en outre de ne pouvoir plus faire usage du Bateau nommé Acon.

Veut au surplus Sa Majesté, que la Déclaration du 23. Avril dernier, soit executée selon sa forme et teneur ; Et en conséquence fait deffenses à toutes personnes, autres que les possesseurs des Bouchots, d’avoir des Bateaux sans quilles, mats, voiles ni gouvernail.

MANDE et Ordonne Sa Majesté à Mons le comte de Toulouse Amiral de France, de tenir la main à l’execution du present Arrest, qui sera registré au Greffe de l’Amirauté de la Rochelle.

 

Fait au Conseil d’Estat du Roy, Sa Majesté y estant, tenu à Marly le onzième janvier mil sept cens vingt-sept.

Signé PHELYPEAUX

 

LE COMTE DE TOULOUSE

Amiral de France.

Vu l’Arrest du Conseil d’Estat du Roy cy-dessus, à Nous adressé avec ordre de tenir la main à son execution. MANDONS et ordonnons aux Officiers de l’Amirauté de la Rochelle, de le faire registrer à leur Greffe, et de le faire executer selon sa forme et teneur, lire publier et afficher par tout ou besoin fera.

FAIT à Marly le vingt-neuf Janvier mil sept cens vingt-sept.

Signé L. A. DE BOURBON. Et plus bas par son Altesse Serenissime, Signé DE VALINCOUR.

 

POUR LE ROY

Collationné à l’original par Nous Ecuyer-Conseiller-Secretaire du Roy. Maison-Couronne de France et de ses Finances.

 

 

 

Revue maritime publiée par le Ministère de la Marine

 

 

 

 

Golfe de la Sèvre des Pictons, Les seigneurs d’Esnandes - son église Saint-Martin fortifiée<==....

Etude historique - Les Ports francs au pont tournant Marans le Brault détruit par la tempête Xynthia. <==.... ....==> Le ministre Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas à ROCHEFORT en 1727.

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