Plan de la cathédrale avant les restaurations de Paul Abadie fils

Elle avait été élevée en 1532 par les Saint-Gelais, Jacques, évêque d'Uzès et doyen d'Angoulême, et son frère Charles, chanoine du chapitre et archidiacre de Luçon, pour recevoir la sépulture de leur frère Octavien, évêque d'Angoulême, littérateur réputé, qui décéda dans l'année 1502.

Par la suite, on la désigna sous le nom de ses constructeurs,

Le monument s'adossait à la chapelle Bertrand (Notre-Dame-la-Blanche) ; il épousait une forme rectangulaire nettement dessinée sur le plan de 1830.

 Son ordonnance s'avérait des plus soignée. De la voûte se détachaient des nervures prismatiques et ses murs étaient tapissés d'arabesques finement ciselées.

 D'après une estampe représentant l'abside de la cathédrale, on pouvait encore apprécier vers 1844 cette charmante décoration au chevet de l'ancienne chapelle Notre-Dame-la-Blanche, au bas duquel se trouvait le tombeau de Charles de Saint-Gelais ; son emplacement apparaît aussi sur le plan.

Lors de l'écroulement du grand clocher quand Coligny le bombarda, la chapelle fut littéralement écrasée.

Les voûtes n'ayant pas été remontées, l'édifice resta dans un abandon total.

Depuis cette époque, elle était restée découverte.

Les préfets de l’Empire et de la Restauration en avaient fait un hangar qui précédait l’écurie de leurs chevaux. Le toit à porc occupait un des angles de la chapelle. Ce n’est qu’en 1833 que, par les soins de M. Larreguy, préfet, et de M. Jules Geynet, inspecteur des monuments historiques de la Charente, elle fut enfin arrachée à cet état d’abandon.

Le mur du nord fut relevé ; on y conserva les fragments des précieux bas-reliefs, et une couverture, quoique peu monumentale, mit la chapelle à l’abri des injures du temps.

Faute d'entretien, ce joyau de la Renaissance disparut dans l'indifférence générale.

 

 

 

Notice descriptive sur la chapelle de Notre-Dame-du-Salut d’Angoulême connue sous le nom de chapelle de Saint-Gelais par M. Alphonse Terreau de Rochebrune

Située à l'orient de la cathédrale d'Angoulême, derrière la nef, où l'on voit encore aujourd'hui l'autel dédié à saint Pierre, la chapelle de Notre-Dame-du-Salut, plus généralement connue sous le nom de chapelle de Saint-Gelais, montrait, il y a dix années à peine, les restes mutilés mais toujours splendides du monument le plus remarquable de la renaissance, dans le département de la Charente.

Ces restes, qui avaient survécu à la rage dévastatrice des Vandales du XVIe siècle (1) ; ce beau fragment, comme l'appelle l'auteur de la Statistique monumentale de la Charente (2), qui avait vu, sans tomber, son autel profané par l'érection d'un toit destiné à abriter des animaux immondes (3) ; ces ruines enfin dont les gracieuses sculptures, noircies par la fumée d'un atelier de facteurs d'orgues (4), offraient, en dépit des injures, aux regards admirateurs de l'archéologue, leurs capricieux méandres, disparaissaient pour toujours au commencement de l'année 1854 (5) comme si une loi fatale imposait à un siècle de progrès l'obligation d'anéantir les témoins d'un autre âge, ou plutôt pour rappeler sans cesse à l'homme que les monuments qu'il élève doivent, comme lui, disparaître tôt ou tard dans la poussière de l'oubli.

Nous avions prévu cette destruction aussi nous étions-nous fait un devoir de reproduire fidèlement ce qui subsistait alors de la chapelle sépulcrale des Saint-Gelais.

Les planches qui accompagnent cette notice étaient destinées à être reproduites sans être complétées par aucun texte cependant l'inexactitude de quelques travaux publiés sur le même sujet nous engage à y adjoindre une description plus détaillée et plus véridique que celles des auteurs qui en ont parlé avant nous.

Au risque d'encourir le blâme de quelques-uns et d'être taxé de minutie et de puérilité (6), nous allons essayer de rectifier plusieurs données, de décrire certaines parties que nos devanciers n'avaient pas vues, et notre but sera atteint, si ces modestes pages et les traits de notre crayon peu exercé parviennent à déchirer le voile d'oubli et d'indifférence, qui semble recouvrir désormais, dans nos contrées, le nom même de la chapelle de Notre-Dame-du-Salut, qu'on aurait dû être heureux de conserver.

Ce fut Jacques de Saint-Gelais, évêque d'Usez et doyen du chapitre de la cathédrale d'Angoulême, qui jeta les premiers fondements de la chapelle de Notre-Dame-du-Salut, au commencement du XVIe siècle, pour y déposer les restes de son frère Octavien, mort évêque d'Angoulême au commencement de l'année 1502.

Cette chapelle, destinée, par la suite, à servir de sépulture à l'illustre famille des Saint-Gelais, n'était pas encore terminée en 1533.

Elle affectait la forme d'un rectangle mesurant 9 mètres 30 centimètres dans son plus grand côté et 7 mètres dans son plus petit.

La voûte, détruite par la chute du grand clocher de la cathédrale, avait une hauteur d'environ 10 mètres quatre pilastres, situés aux angles de l'édifice, avec moulures en creux et en saillie, donnaient naissance à des nervures prismatiques qui se croisaient à la voûte la plus saillante de ces nervures supportait, de distance en distance, de petites arcatures terminées chacune par un fleuron.

Le revêtement des faces de la chapelle, couvertes d'arabesques, de sculptures symboliques, de légendes tirées de l'Écriture, était formé de pierres toutes de moyen appareil; celles des cinq premières assises mesuraient 55 centimètres de long sur 32 centimètres de large les assises supérieures, sans affecter une largeur régulière, mesuraient, en moyenne, 30 centimètres.

La face de l'est (Pl. VII), la plus richement décorée, était occupée par l'autel de Notre-Dame-du-Salut.

Cet autel reposait sur deux piliers torses, composés chacun de huit colonnettes en saillie.

Au-dessus de l'autel, on remarquait un enfoncement quadrangulaire; quatre piliers carrés et richement fouillés formaient les côtés de cet enfoncement, dont le tympan était orné d'arabesques d'une extrême légèreté, enlaçant dans leurs replis un écusson aux armes des Saint-Gelais (7), et à droite un cartouche avec cette inscription :

TVNC SALTABOR DVM APPARVERiT GLoRIA TVA.

 

Le plafond du tympan était à caissons hexagones ayant à leur centre une rosace délicatement sculptée.

L'entablement se composait d'une frise ornée de sept petites niches en plein cintre et à coquilles reposant sur un cordon de perles, ayant chacune dans leur milieu un socle, probablement destiné à recevoir des bustes de saints; la niche du milieu, insensiblement plus large, renfermait un socle de dimensions plus grandes.

La corniche, composée de deux bandes, l'une avec sculptures en raies de coeur, l'autre un cordon en spirale, servait de couronnement à l'autel.

Le morceau le plus remarquable de toute cette ornementation consistait dans le fronton demi-circulaire qui surmontait l'autel.

L'encadrement était chargé de huit chérubins aux ailes repliées à  la base, on voyait une portion du corps de quatre anges nus dans différentes positions, et trois têtes ailées.

Dans le tympan était un groupe de trois personnages assis se tenant étroitement embrassés, groupe symbolique représentant les trois personnes de la Trinité. Au milieu, le Père, portant sur la poitrine l'étole croisée, sur la tête le nymbe, et sur les épaules la chape; les deux autres, le Fils et le Saint-Esprit, se tenant par la main. Des anges, enveloppés de leurs ailes, au milieu de nuages et dans l'attitude de la prière et du respect, les environnent.

Chaque côté du fronton était orné de deux médaillons celui de droite renfermait le buste de Jacques de Saint-Gelais; on lisait à l'entour l'inscription suivante :

IA. DE. S. G. VTICE. D.

Jacobus de S. Gelasio Uticensis episcopus decanus.

Celui de gauche, le buste d'Octavien, avec ces mots

0. DE. S. G.

Octavianus de S. Gelasio (8)

 

Le tout couronné par une élégante console supportant un groupe dont le sujet mutilé était méconnaissable. Les nombreuses arabesques et les sujets allégoriques qui couvraient les murailles, à droite et à gauche de l'autel, ne laissaient rien à envier à sa richesse nous citerons comme plus remarquable le bas-relief qui occupait le centre, du côté gauche.

Au-dessus d'un cartouche portant cette inscription :

MISERICORDIA ET VERITAS °BVIAVERVNT S1BI

 JVSTITIA ET PAX OSCVLATAE SUNT,

on voyait un groupe de quatre enfants nus jouant à la main chaude. (Pl. VIII.) L'un d'eux est assis et tient un objet (peut-être un bonnet, Michon, loe. cit.) cachant la figure du second les deux autres ont la main levée pour le frapper. Dans un petit cartouche, on lit ce mot, souvent répété : SPERO.

Plus haut, un enfant nu alimente un four un autre présente un pain à un troisième assis devant une table chargée de mets çà et là, d'autres enfants nus sont assis et offrent des aliments à des animaux fantastiques; d'autres enfin sont couchés ou se livrent à différentes occupations.

La face de l'ouest (Pl. IX), attenante à la cathédrale et faisant face à l'autel précédemment décrit, supportait un mausolée en forme d'autel, pratiqué sous une arcade dont le plafond était à nervures prismatiques.

Les arabesques du tympan avaient une similitude parfaite avec celles du tympan de Notre-Dame-du-Salut, et s'enroulaient autour de l'inscription suivante, renfermée dans un cartouche de forme rectangulaire encadré d'une simple moulure :

KAROLVS IPSE FVI CVIVS NATALE CLARO

Sanguine tracta patent Gelasianus ego (9)

PECAVI IN DOMINVM (SPERO) CLeMENDA VOTiS

ANNVE° T ALTA MEIS OBSEGRO PARCE DE

A droite, une porte donnait accès dans la cathédrale (10), de style ogival, couverte d'arabesques elle offrait aux regards une véritable dentelle qu'aucune description ne peut rendre fidèlement.

On voit encore aujourd'hui, à gauche de l'autel dédié à saint Pierre (11), la reproduction de ces ornements du côté de l'église, avec une inscription indiquant le nom de la chapelle mise sous le vocable de la Vierge, et ainsi conçue :

Haec sacra nomen habet Wlgare capella salutis,

Angelicum almà parens, quando recepit ave.

La face du midi (Pl. X) comme les précédentes, montrait un enfoncement à voûte formée par quatre nervures se croisant en forme d'X et supportées par quatre consoles sculptées. Cet enfoncement se trouvait sous la grande fenêtre à meneaux qui éclairait la chapelle. Toutes les sculptures qui le décoraient avaient depuis longtemps disparu pour faire place à une lourde porte chargée de ferrures massives ouvrant sur la rue Corneille.

A droite et à gauche, les sculptures ne faisaient pas défaut.

 Les armes des Saint-Gelais, entourées de guirlandes et supportées par des anges aux ailes déployées, étaient deux fois répétées tandis qu'à droite, deux cartouches, vides d'inscriptions, surmontaient un médaillon entouré de deux cornes d'abondance et ayant au centre une tête en relief à longue barbe, couronnée de branches d'olivier.

Enfin la face du nord, celle qui avait été presque entièrement détruite, ne conservait plus qu'un fragment où l'on voyait, au milieu d'arabesques, un écusson des Saint-Gelais entouré de rinceaux accolé d'une crosse avec deux anges ailés pour tenants; au-dessous et à droite, deux enfants, les mains entrelacées, l'un agenouillé, l'autre debout; à gauche, un enfant couché sur le cou d'un cheval fantastique, le bras droit levé, comme pour le frapper avec un instrument en forme de croissant; en dessous, un autre enfant poursuivant deux chiens, dont l'un saisit par derrière un animal effrayé.

Telles étaient les riches décorations qu'on pouvait admirer il y a quelques années.

Contrairement à l'opinion émise par M. Bolle (loc. cit.) que les murailles étaient couvertes de sculptures jusqu'à la voûte, il nous a été facile de constater que ces sculptures ne régnaient que jusqu'aux deux tiers environ de la hauteur de l'édifice. Les pierres de revêtement, à partir de cette hauteur, parfaitement taillées et souvent en relief, démontraient d'une façon péremptoire que les destructeurs n'y avaient pas touché, et qu'elles étaient là telles qu'on les y avait placées, vides d'ornements (12).

Rien ne démontre également que les sculptures fussent « rehaussées d'or et d'azur» (Bolle, loc. cit.), ni que le sépulcre des Saint-Gelais fût brillant comme la page enluminée d'un manuscrit sur vélin ». (Bolle, loc. cit.)

Quelques traces d'or et de gueules couvraient seules les écussons aux armes des Saint-Gelais.

Si, dans le principe, « tout cela eût été rehaussé de peintures d'or et d'azur » (Castaigne, Indicateur angoumoisin, p. 34, 1838), nous en aurions, sans aucun doute, découvert, nous aussi, quelques vestiges, car les phases destructives de toute nature que la chapelle avait eu à subir auraient épargné sur les arabesques et les murailles quelques restes de ces couleurs tout aussi bien que sur les écussons armoriés.

Les vieux chroniqueurs en auraient également parlé, et cependant nous ne trouvons que ces lignes extraites de Corlieu, p. 50 – (Édit. in-i°, réimprimée par l’abbé Michon, 1844)

« Mesmement d'une chapelle qu'ils firent bastir (Jacques et Charles de Saint-Gelais) en l'église cathedralle, autant belle et riche qu'il y fust au royaume de France. »

 Nous ne pouvons voir, dans l'exposé de ces peintures d'or et d'azur, qu'une expression poétique échappée à une plume facile, mais entièrement contraire à la vérité. Seules et par elles-même, les sculptures suffisaient à rendre splendide la chapelle d'Usez.

L'imagination n'a que faire de venir affirmer comme positif un fait qu'elle a rêvé, et de conclure, sans l'aide d'un examen fidèle, d'un fait particulier à un ensemble général, que rien, nous le répétons, ne vient confirmer.

Il nous reste à examiner les caveaux qui renfermaient les restes du célèbre fondateur et de ses illustres frères. D'après la notice déjà citée de M. Bolle trois représentants de la famille auraient seuls reposé sous les voûtes de Notre-Dame-du-Salut

Octavien, mort évêque d'Angoulême; Jacques d'Usez fondateur de la chapelle; -puis, plus tard;, un troisième frère, Charles, archidiacre de Luçon.

« Octavien, dit-il, reposait au milieu de la chapelle, en face de l'autel, sous les dalles de pierre qui formaient le pavé de l'édifice. »

Pour M. Michon (loc. cit.), la sépulture d'Octavien était sous l'arcade de la face du midi.

Nous verrons plus loin ce que l'observation nous a démontré relativement à cette divergence d'opinions.

« En 1538 ou 1539, continue M. Bolle, Jacques d'Usez, » son frère, vint se réunir à lui, suivant le vœu qu'il avait » exprimé dans son testament, en date du 22 février 1534 (13)

 

» et son tombeau fut placé près de celui d'Octavien, vis-à-vis la porte qui donne dans la cathédrale enfin un troisième frère partagea plus tard l'asile funéraire de la chapelle d'Usez ce fut Charles de Saint-Gelais. Il fut inhumé en face du tombeau de ses frères et vis-à-vis l'autel. »

Ainsi, d'un côté, M. Michon indique trois caveaux; de l'autre, M. Bolle n'en laisse supposer que deux, parce qu'il réunit les sépultures d'Octavien et de Jacques, Octavien occupant le milieu de la chapelle, et Jacques étant placé à côté de lui, suivant les termes mêmes de son testament.

 

 

Lors de la démolition de la chapelle de Notre-Dame-du-Salut, quatre caveaux furent mis à découvert.

Ces quatre caveaux étaient situés aux quatre faces de la chapelle et en dessous de l'autel et des mausolées décrits.

Ils étaient construits en maçonnerie, fermés par une voûte en demi-cintre et recouverts par les dalles en pierre qui formaient le pavé de la chapelle.

La pierre fermant l'entrée des caveaux portait dans son milieu un tenon en fer, dont nous possédons un spécimen destiné probablement à la maintenir en la reliant aux dalles placées au-dessus.

Ces caveaux avaient tous des dimensions à peu près identiques (14).

Essayons maintenant d'établir la place que les restes des Saint-Gelais devaient occuper dans le principe.

L'inscription placée dans le tympan de la face de l'ouest démontre que là était le corps de Charles de Saint-Gelais, archidiacre de Luçon. Nous ne pouvons donc que constater un fait appuyé par l'évidence.

Les preuves sont loin d'être aussi probantes pour fixer la place des autres frères, et, nous ne craignons pas de le dire, nous n'avons que de simples conjectures.'

Jacques d'Usez, le fondateur de la chapelle, d'après les termes mêmes de son testament, aurait assigné le milieu de la chapelle comme lieu de sa sépulture ; l'expression: au milieu de sa chapelle, doit-elle signifier le centre même de cette chapelle? Nous ne le pensons pas du reste, aucun caveau n'existait dans son milieu ; de plus, le titre de fondateur n'entraine-t-il pas avec lui l'obligation d'occuper la place d'honneur, et cette place n'était-elle pas tout naturellement sous l'autel?

C'est donc là que nous placerons les restes de Jacques d'Usez.

Quant à Octavien, trois hypothèses se présentent reposait-il au milieu de la chapelle ou à côté de Jacques d'Usez, deux opinions émises simultanément et à quelques lignes d'intervalle par M. Bolle (loc. cit.) ou plutôt sous l'arcade du midi, comme le veut l'auteur de la Statistique monumentale (loc. cit.) ? 

L'absence d'un caveau au milieu de la chapelle, absence que nous venons de constater, détruit la première supposition.

Relativement à la seconde, on conclura peut-être de la présence des bustes des deux frères, l'un du côté de l'épitre, l'autre du côté de l'évangile, qu'ils indiquent le lieu précis de leur sépulture sous un même mausolée.

Pour nous, ces deux bustes n'ont été placés là que pour perpétuer un double souvenir, celui du fondateur de la chapelle et celui pour lequel elle avait été fondée aucune trace d'inscriptions, du reste, ne vient confirmer l'hypothèse, car on ne peut considérer comme telles les noms en abrégé qui entourent les deux médaillons.

Cependant une épitaphe a existé sur le tombeau d'Octavien nous la trouvons mentionnée dans le Gallia christiana (loc. cit.).  

« Hoc que epitaphio sub isto titulo a germano suo donatus est Octavianus : »

Octavianus ego, qui summi culmen honoris

Attigeram, modico subtegor ecce solo.

Engolisma sacrae dederat mihi jura cathedrae,

Tempore sed periit gloria tanta brevi.

Non medios vitae natura reliquerat annos

Debita quando ferae solvo tributa neci.

Discite, mortales, celeri quam vita volatu

Praeteriit, atque laevi transit, ut aura, pede.

Spiritus astra petens, miserum me ! corpus humatum

Liquit, ad extremum spero redire diem.

Rappelons-nous que la face du nord avait été presque complétement détruite, et que, de ce côté, existait un caveau.

Ne trouvant nulle part la trace de l'inscription précédente, on peut conjecturer que c'est là qu'elle devait exister sur le mausolée d'Octavien.

Si M. l'abbé Michon la place, contrairement à nos hypothèses, du côté du midi, c'est qu'il ignorait la présence d'un caveau du côté du nord, car, jusqu'à aujourd'hui, trois caveaux seulement étaient connus.

Jacques et Charles de Saint-Gelais occupant les deux premiers, le troisième incombait nécessairement à Octavien.

Quel membre de la famille placerons-nous maintenant dans le caveau du midi?

L'ombre se fait plus intense encore dans cette partie de la chapelle; rien n'indique le nom de celui qui fut couché sous la voûte de ce mausolée. Les inscriptions, depuis longtemps effacées, ne pouvaient être d'aucun secours; seul, le médaillon portant en relief une tête à longue barbe et à la couronne d'olivier subsistait sur le mur de droite.

Ce faible indice nous porte à croire que là reposait un quatrième membre de la noble famille, le poëte Meslin de Saint-Gelais, le doux Mellin (quasi Melleus) comme le désignent les vieilles chroniques, fils de Jean de Saint-Gelais, marquis de Montlieu et neveu d'Octavien, dont quelques-uns l'ont cru fils.

Cette tête couronnée d'olivier, ces armoiries entourées de guirlandes de fleurs, ces cornes d'abondance qui surmontent le buste (Pl. X), tout cela n'est-il pas suffisant pour démontrer que celui qui fut surnommé l'Ovide français vint partager le calme de la chapelle funéraire?

La lumière viendra-t-elle éclairer un jour ces questions si obscures ? Nous voudrions l'espérer !

Sur l'emplacement nivelé où s'élevait naguère la chapelle de Notre-Dame-du--Salut, quelqu'un viendra peut-être évoquer l'ombre des Saint-Gelais et leur demander l'explication de ces énigmes. Dieu le veuille !

Pour nous, heureux d'avoir essayé de soustraire à l'indifférence le nom et la dernière demeure d'hommes dont la Charente devrait s'enorgueillir, notre plus douce récompense sera de penser que nous avons accompli un devoir

 

Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest

La cathédrale d'Angoulême au milieu du XIXe siècle d'après deux plans inédits  Charles Daras

 

 

 

 

 

 


(1) En 1568, époque à laquelle les Huguenots, maîtres d'Angoulême, dévastèrent une partie de la cathédrale, la voûte de la chapelle Saint-Gelais fut détruite par la chute du grand clocher méridional qui s'élevait alors sur l'emplacement occupé actuellement par la sacristie.

(2) Statistique monumentale de la Charente, par l'abbé Michon, 1844, p. 327.

(3) « Il y a un peu plus d'un quart de siècle pendant que l'évêché servait de préfecture, on imagina de construire dans la chapelle d'Usez (le dirai-je, Messieurs, sans rougir!) une écurie précisément à l'endroit où avait été placé l'autel de Notre-Dame-du-Salut; de l'autre côté de la chapelle et adossé à la cathédrale même, s'élevait un toit destiné à loger des animaux dont le nom est trop immonde pour être prononcé dans cette assemblée. »

J. Bolle, Notice historique sur la chapelle Saint-Gelais.- Bulletins de la Société archéologique et historique de la Charente, t. v, p. 68.

 (4) On eut l'idée de changer la chapelle d'Usez en atelier pour les facteurs chargés de réparer l'orgue de la cathédrale. Ils la remplirent de pièces de bois, l'encombrèrent de madriers et brisèrent les fines découpures des murailles. Il est vrai de dire que l'incessante fumée produite  par les bois résineux que les ouvriers y brûlaient chaque jour noircit tellement les murailles. etc. »

J. Bolle, lac. cit.

(5) M. Castaigne, bibliothécaire de la ville et auteur d'une Notice sur la cathédrale de Saint-Pierre, dans une note faisant suite à ce travail publié en 1834 (Bulletin de la Société d'agriculture de la Charente, t. XVI p. 48 et suiv.), se félicite d'avoir le premier signalé à l'attention de M. Ludovic Vitet, inspecteur général des monuments historiques, la chapelle de Saint-Gelais, lors de son passage dans notre ville, le 5 juin 1833.

Depuis cette époque, ajoute M. Castaigne, sur la demande du préfet, le conseil général et le gouvernement ont accordé par moitié la somme de 2,000 francs pour la restauration de cette chapelle. M. Bolle, dans sa notice précitée, nous apprend que ces réparations avaient été faites dans le but de convertir la chapelle en un musée archéologique charentais. Ce projet n'eut malheureusement aucune suite il devait, comme toujours, mourir sans presque avoir vécu.

En 1853, pendant que j'exécutais les dessins de Saint-Gelais, mon père, conservateur du musée archéologique, manifesta, lui aussi, à M. Reynaud, inspecteur des monuments historiques, qui en ce moment se trouvait dans la chapelle, le désir de voir convertir en un local pour le musée les restes do la chapelle d'Usez.

Quelques réparations étaient urgentes; M. Reynaud adopta cette idée; mais, sur les observations de Mgr d'Angoulême, présent à l'entretien, que l'autorité municipale n'accorderait aucune subvention, rien ne fut fait. Quelques mois après, par suite de réparations faites à la cathédrale, les ruines de Saint-Gelais tombaient pour ne plus se relever. Ce fut à ce moment que mon père, animé d'un zèle infatigable, fit tout au monde pour réunir dans le musée quelques restes de ces sculptures.

Ses efforts réitérés n'aboutirent dans cette circonstance, comme dans bien d'autres, qu'à un résultat purement négatif; les sculptures furent enfouies dans le mur d'une terrasse de l'évêché quelques-unes servirent à orner les parois d'une minuscule chapelle moderne construite dans le jardin du palais épiscopal, et aujourd'hui des arbres fruitiers, à la végétation luxuriante, croissent sur l'emplacement de Notre-Dame-du-Salut!

 (6) « C'est le défaut de quelques antiquaires comme de plusieurs roman» ciers de nos jours. Ils décrivent jusqu'àla minutie et la puérilité Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales,

» Empiétant ainsi sur le domaine de l'architecte et du dessinateur.  E. Castaigne, Notice sur la cathédrale d'Angoulême; Bulletins de la Société d'agriculture de la Charente, t. XVI, p. 49.

Nous ne pensons pas qu'une description détaillée, même minutieuse, puisse, par cela même, être puérile et nuire à l'objet que l'on décrit. Si quelques-uns cependant partagent l'opinion du savant bibliothécaire d'Angoulême, nous les prions d'observer que, si le courant de nos études nous a conduit à cette habitude peut-être mauvaise, nous croyons ne pas être nuisible à l'archéologie, en lui appliquant les principes que nous devons suivre pour les sciences naturelles.

(7). Six écussons, aux armes des Saint-Gelais, étaient sculptés sur les faces de la chapelle. Ces écussons portaient écartelé au 1er et 4e d'azur, à la croix pleine d'argent, au 2° et 3e d'argent au lion de gueules.

Aucun des ouvrages que nous avons pu consulter dans la riche bibliothèque de M. Castaigne, et qu'il a mis à notre disposition avec une rare complaisance, ne porte l'indication de ces armes telle que nous venons de la donner. Parmi ces différents ouvrages, nous citerons le Dictionnaire généalogique et historique de Lachenaie-Desbois, t. III, p. 235, avec cette traduction.

Écartelé au 1er et 4e d'azur à la croix alaisée d'argent; au 2e, burelé d'argent et d'azur de dix pièces au 3e, burelé de même au lion de gueules couronné et lampassé d'or.

Dans les Mémoires de Michel Castelneau, par J. Le Laboureur, t.III, p. 183, nous voyons :

D'azur à la croix alesée d'argent, écartelé de Lesignem, qui est burelé d'argent et d'azur, au lion couronné de gueules brochant sur le tout.

 Nous considérons comme véritables et devant être adoptées celles que nous avons relevées dans la chapelle, de Saint-Gelais.

 Le fondateur a dû nécessairement les faire exécuter telles qu'il les portait. Nous répondrons à ceux qui nous objecteraient l'inadvertance du sculpteur et du peintre que la répétition des mêmes couleurs sur six écussons démontre une volonté manifeste, une intention bien formelle de reproduire exactement et fidèlement les mêmes emblèmes.

Dans la description de Tovte l'isle de Cypre et des roys, princes et seigneurs, etc., par R. Père F. Estienne de Lusignan, Paris 1580, p. 209, nous trouvons l'indication suivante :

« Les armes de la race de Saint-Gelais ont le chap d'argent divise en quatre quartiers. Aux quatre coings du premier desdits quartiers, y a quatre carreaux d'azur, lesquels sont quasi comme une croix blanche, iaçoit qu'ils n'ayet esté faicts pour cela. Au milieu du second est un lion de gueules rampant, ayant une coronne d'or sus sa teste. Le troisième quartier en bas est semblable en tout au secôd quartier, et le quatrième au premier. »

De toutes ces interprétations, cette dernière est celle qui se rapproche le plus de notre traduction; elle en diffère seulement par la mention qui cst faite du lion de gueules rampant el couronné.

(8) La traduction de ces légendes est extraite de la Statistique de M. l'abbé Michon. (Loc. cit.)

(9) Cette inscription dont la seconde ligne était en partie effacée, a été reconstituée par M. Castaigne. (Notes manuscrites.)

(10) La porte de communication dont nous parlons ici a, sans doute, fait faussement placer la chapelle de Saint-Gelais dans la cathédrale même, comme on le voit à la p. 1018 du Gallia christiana, t. III « Corpus ejus (Octaviani) humatum est in eo sacello quod Jacobus Sangelasius ejus frater Uciliensis episcopus et decanus Engolism. IN BASILICA Engolismensi summo apparatu et magnis sumtibus extruxerat……… etc. »

(11) Ce sont aujourd'hui les seuls restes de la chapelle Saint-Gelais échappés à la proscription. Bientôt, par suite des réparations de la cathédrale, ils auront disparu, à leur tour, sous le marteau destructeur des maçons !

(12) Peut-être les sculptures devaient-elles régner jusqu'à la voûte. Les pierres de revêtement en saillie semblent l'indiquer. Le fait énoncé par M. Bolle n'est qu'une pure hypothèse, rien surtout ne démontrant que la chapelle Saint-Gelais ait jamais été complètement achevée.

 

(13) Ce testament est relaté dans ces termes par le doyen Mesneau : « Plus le testament de messire Jacques de Saint-Gelais, évêque d'Usez, de lui signé et scellé du 22 février 1534, portant qu'il élit sa sépulture au milieu de sa chapelle de Notre-Dame-du-Salut, et que sur son tombeau soit escript ce distiche :

» Gelosius Jacobus Vtensis episcopus, olim

» Ipsius ecclesiae decanus. ecce jacet. »

(Bolle, loc. cit.)

 

(14) Voici les dimensions de chacun de ces caveaux, bien qu'elles présentent peu de différence entre- elles. Toutes ces mesures, de même que celles des différentes parties de la chapelle plus haut mentionnées, ont été minutieusement recueillies par mon père :

 

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