PIERRE DUGUA DE MONS (v. 1560-1628)
Pierre Dugua naquit vers 1560, sans doute au Château de Mons à Royan où sa famille tenait un fief, sur la colline dominant la ville, au bourg de Saint-Pierre.
Noble de naissance et calviniste, durant les guerres de Religion, Pierre Dugua se bat contre la Ligue Catholique, aux côtés d'Henri III puis d'Henri de Navarre, futur Henri IV, qui, la paix revenue, le récompense d'une pension et d'un titre de gentilhomme de la Chambre du Roi.
Vers 1596, il épouse Judith Chesnel, elle aussi de noblesse saintongeaise, originaire de Meux près de Jonzac
Avec déjà sans doute en tête de grands projets, le sieur de Mons vend ses terres de Royan et s'embarque en 1599 pour un premier voyage au comptoir de Tadoussac, centre de troc des fourrures sur la rivière Canada (Le Saint-Laurent actuel).
A cette époque, après l'épreuve des guerres de religion, la France semble avoir renoncé à toute ambition sur les régions d'Amérique du Nord, découvertes par Verazzano et Jacques Cartier au début du XVIe siècle et baptisées par eux Nouvelle- France.
Sully, le puissant surintendant des finances d'Henri IV condamnait à l'avance toute entreprise lointaine « disproportionnée, disait-il, au naturel et à la cervelle des Français ».
Pierre Dugua de Mons réussit cependant à convaincre le roi qui, en 1603, le nomme Lieutenant-Général et Vice-Amiral pour toutes les contrées maritimes d'Amérique du Nord entre le 40e et le 46e degré de latitude Nord.
Il adresse à Henri IV une série de propositions, les fameux « sept Articles » auxquels le roi répond en lui confiant la mission de « découvrir, conquérir, peupler et habiter » ces terres et, bien que protestant, de convertir les gens « barbares, athées, sans foi ni religion » au catholicisme.
Pour subvenir aux frais de cette très coûteuse entreprise, une décision royale confère à Pierre Dugua et à ses associés, le monopole pour dix ans, du commerce des fourrures avec les « sauvages », dans les régions placées sous son autorité.
Au début de 1604, après avoir constitué une Compagnie avec des marchands de Rouen, Saint-Malo et La Rochelle, il équipe deux navires :
le Don de Dieu et la Bonne Renommée.
Parmi ses compagnons de voyage figure Samuel Champlain, géographe du Roi et un gentilhomme normand, Jean de Biencourt, sieur de Poutrincourt.
Parvenus en Acadie en mai 1604, les membres de l'expédition s'installent dans l'île Sainte-Croix, sur la côte du Maine actuel et y fondent une première « habitation ».
L'hiver 1604-1605 décime les occupants de l'Île Sainte- Croix, victimes du froid, de la faim et de la soif et surtout du scorbut.
Au début de l'été, un navire de France amène la relève et Dugua, Champlain et quelques compagnons partent en exploration vers le Sud où ils atteignent le cap Mallebare, actuel Cap Cod, à peu près à la latitude de Boston.
A leur retour à l'île Sainte-Croix, ils prennent la décision de transférer la colonie de l'île Sainte-Croix à Port-Royal en Acadie (actuellement Nouvelle- Ecosse), dont le site paraît plus favorable et où une nouvelle habitation est construite.
Rentré en France en 1605, Dugua met sur pied une autre expédition pour poursuivre l'exploration et renforcer l'occupation de Port-Royal.
Il fait appel, pour la conduire au sieur de Poutrincourt qui lui-même se fait accompagner d'un jeune avocat, originaire de Vervins en Thiérache nommé Marc Lescarbot. Celui-ci, écrivain et poète, sera le boute-en-train et le chantre de l'Acadie naissante. Après un appareillage difficile, Poutrincourt et ses gens retrouvèrent Port-royal et la saison venue, l'hiver 1606- 1607 fut, surtout grâce à la bonne humeur de Lescarbot et de Champlain, moins cruel que les deux précédents.
Mais en France, les difficultés surgissent de toutes parts : hostilité des armateurs mécontents du monopole, mauvaise foi des associés de Dugua, réticences de l'entourage royal vis à vis d'une politique coloniale d'envergure.
En 1607, le monopole de Dugua est aboli, six ans avant le terme fixé. La rentabilité de l'entreprise est irrémédiablement compromise : il faut rapatrier toute la colonie.
Début 1608, Pierre Dugua obtient du roi le rétablissement du monopole pour un an. Il délègue immédiatement Champlain en mission sur le Saint-Laurent pour y créer un nouvel établissement : ce sera Québec, fondé le 3 juillet 1608 et dont la création est l'œuvre commune de Champlain qui conduisit l'expédition et de Pierre Dugua de Mons qui l'inspira et la finança.
Mais en 1609, le roi révoque définitivement le monopole et Dugua, abandonné par ses associés, sauve cependant l'habitation de Québec en leur rachetant leurs parts.
La mort d'Henri IV en 1610 achève de ruiner les espérances du sieur de Mons et en 1611, il s'efface, renonçant à son titre de Lieutenant-Général, au profit d'un grand seigneur, le prince de Condé, dont la stature politique pouvait permettre de sauver l'œuvre entreprise par le sieur de Mons et Samuel Champlain.
En 1610, il avait été nommé gouverneur de Pons, place forte protestante, charge qu'il vendra en 1617 à Jean-Jacques de Pons.
Peu après, il achète le fief d'Ardenne près de Fléac sur Seugne.
Né en Saintonge, c'est donc en Saintonge qu'il finira ses jours, mais jusqu'à sa mort, en 1628, il demeure attaché à ce que fut l'oeuvre de sa vie, apportant à Champlain, son continuateur, un soutien sans faille et encourageant des familles françaises à s'installer au Canada.
Un homme d'une telle qualité ne méritait pas que son nom tombât dans l'oubli. Grâce beaucoup à M. Jean-Yves Grenon et un peu au musée de Royan, Pierre Dugua de Mons retrouve peu à peu la place qui lui est due dans la mémoire de ses compatriotes et au Canada.
ARTICLE PARU DANS ROYAN INFORMATION - JUILLET-AOUT 1997.
Le souvenir de Pierre Dugua en France et au Canada. Même si Dugua de Mons est encore peu connu en France, il faut se réjouir que Royan, fidèle à sa devise « Ne m'oubliez », honore la mémoire de son illustre fils, trop longtemps méconnu.
En 1957, une plaque commémorative de l'œuvre de Dugua de Mons était dévoilée par l'ambassadeur du Canada en France, Monsieur Jean Désy, et le député maire, Monsieur Max Brusset. Celle-ci est scellée sur le mur d'enceinte du château de Mons.
Plus récemment, un monument était implanté dans les jardins de l'hôtel de ville. En 1993, sur l'initiative de Jacqueline Ricardon, la Poste de Royan émettait une flamme philatélique à la mémoire de « Pierre Dugua, père du Canada ».
En 1995, un protocole d'entente était conclu entre la Ville de Royan et celle d'Annapolis-Royal, l'ancienne Port-Royal de Pierre Dugua.
À Fléac, près de Pons, une plaque marque l'endroit où a été inhumé Pierre Dugua, face au château d'Ardenne, où il s'était retiré en 1618.
À Brouage, ville natale de Champlain, les bustes présumés de Dugua de Mons et de Samuel Champlain sont placés côte à côte, symbolisant ainsi l'œuvre commune des deux illustres Saintongeais.
==> Monument commémoratif à Samuel Champlain à Hiers Brouage (1878)
En 1904, pour marquer le troisième centenaire de la fondation du Canada, le gouvernement canadien faisait ériger, à Annapolis-Royal, un imposant monument « à la glorieuse mémoire du lieutenant général Pierre du Guast Sieur de Monts ».
Récemment, « l'habitation fortifiée de Port-Royal » (1605) a été entièrement reconstruite.
Une plaque commémorant Dugua de Mons a été placée au Nouveau-Brunswick, en face de l'île Sainte- Croix (l'actuelle Dochet Island, située en territoire américain et dont le caractère historique est protégé depuis peu par un trait entre le Canada et les États-Unis).
En 1996, le nom de « Quai Dugua de Mons » était donné au principal quai de Québec.
L'ouvrage le plus minutieux et le plus complet sur Pierre Dugua est le manuscrit de M. Jean Liebel, déposé aux Archives Départementales.
Plusieurs auteurs ont, également, consacré plusieurs pages à Dugua de Mons :
« Histoire de Royan et de la Presqu'île d'Arvert », Le Croix Vif, 1994, P 1994, Guy Binot.
« L'Amérique Française », Imprimerie Nationale, Paris, 1995, p. 358, Jean Glénisson.
« Royan », 1991, p. 18, Yves Delmas.
« Le père du Canada, Pierre Dugua », monographie, 1994, Georges Rodrigues.
« Histoire de la Nouvelle-France », tome I, Montréal, Fides, 1966, Marcel Trudel.
Le « Dictionnaire biographique du Canada », tome I, Geirges MacBeath.
« Pierre du Gua Sieur de Monts, records colonial and Saintongeais ». Londres, 1939, Morse, W.I.
Pierre Dugua fondateur de l'Acadie (1604–1607) et cofondateur de Québec (1608–1613)
UN ROYANNAIS LIEUTENANT GENERAL DE LA NOUVELLE FRANCE (1603-1611) (Marie-Claude BOUCHET) Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie en Saintonge maritime
==> Les sièges de Ré et La Rochelle, digue de Richelieu (Time Travel 1627)