La découverte, qui va faire le sujet de ce chapitre, intéresse au plus haut point les archéologues et les artistes, et jette une vive lumière sur les procédés employés par les anciens dans leurs peintures.
Le travail publié par nous en 1849 (1) a servi de base à celui-ci; mais nous y avons ajouté bon nombre de détails, qui se sont révelés depuis, et fait plusieurs rectifications indiquées par une étude plus approfondie des lieux, où le tombeau et la villa ont été mis au jour. Ainsi que nous l'avons dit déjà, deux hommes haut placés dans la science, à des titres divers, MM. Letronne, archiviste de France, et Chevreul, directeur des Gobelins, ont bien voulu nous aider à tirer parti de l'inappréciable trésor qu'un heureux concours de circonstances avait mis en nos mains. Le premier est descendu, peu de temps après, dans la tombe, et n'a pu recevoir, de son vivant, l'expression de notre vive reconnaissance. Le lecteur sera bientôt en mesure d'apprécier l'étendue des services que le second a bien voulu nous rendre.
II.
Au mois de septembre 1845, des ouvriers, occupés à extraire des cailloux dans un champ situé près de la métairie de la Cure, au sud-ouest de Saint-Médard, découvrirent, à une profondeur d'environ un mètre, une grande quantité de tuiles romaines, et des murs entourant une aire de dix mètres de long sur huit de large, pavée de grandes dalles.
(==> Voyage archéologique d’une Villa Gallo-Romaine à Saint Saturnin du Bois Golfe des Pictons)
Ils trouvèrent, en outre, au milieu de ces décombres, une cuve en pierre et des colonnes brisées, ornées de chapiteaux et de bases d'ordre dorique dégénéré (v. la vignette ci-Jointe). — L'un des fûts de ces colonnes était cannelé et avait, à mi-hauteur, une console, décorée d'une branche de chêne, destinée, sans doute, à supporter une poutre (v. pl. lre). —Pendant près de six mois que le terrain fut à la merci de ces manœuvres, ils n'appelèrent personne à constater la nature des débris exhumés, et firent disparaître, sur un espace de cinquante mètres, tous les vestiges qui gênaient l'extraction des matériaux siliceux déposés au-dessous. —
Averti enfin par le bruit public, nous nous transportâmes sur le théâtre de la découverte, et l'entrepreneur nous montra des conduits en plomb, des fragments de poteries et un moulin à bras en granit. Nous achetâmes des ouvriers quelques monnaies d'argent et de cuivre d'Adrien, de Faustine la Mère, de Caracalla, de Gordien le Jeune, de Postume, de Tetricus et de Victorin (2), et nous apprîmes avec regret que, l'année précédente, un candélabre en bronze, ayant la forme d'un cep de vigne et pesant environ huit kilogrammes, avait été déterré et vendu à un chaudronnier.
A partir de ce moment, les fouilles furent surveillées avec le plus grand soin, et ce qui méritait d'être conservé fut recueilli, grâce à l'intervention de notre ami F. Ritter, ingénieur des ponts et chaussées, qui nous fut par la suite d'un bien plus grand secours encore, ainsi qu'on le verra plus loin.
Les renseignements fournis par les travailleurs nous démontrèrent que ces décombres appartenaient à l'atrium d'une villa.
Les anciens donnaient ce nom à un édifice couvert d'un toit, placé en avant de la portion habitée de la maison, et composé d'une galerie, embellie de colonnes, entourant le cavœdium ou petite cour intérieure, au centre de laquelle était un bassin appelé compluvium, qui recevait les eaux tombant de l'impluvium, espace vide destiné à laisser pénétrer le jour. Du compluvium des tuyaux en plomb communiquaient avec une citerne.
— Les premiers vestiges d'habitation, mis à découvert à Saint-Médard, offraient absolument les caractères de l'atrium antique décrit par Vitruve, Pline et autres auteurs. Les colonnes, le pavé, le bassin percé, le chapiteau et la base de la colonnette en marbre blanc du jet d'eau, les conduits en plomb, la citerne, se montrèrent successivement à nos yeux.
De cet édifice partaient des murailles, qui environnaient des aires en béton, et permettaient de reconnaître l'emplacement des portes de communication. Mais, à cet endroit, une difficulté sérieuse se présentait.
A la suite d'incendies ou d'accidents inconnus, les constructions primitives avaient été rasées et remplacées par d'autres; si bien que, dans certaines parties, on reconnaissait trois couches superposées de pavés.
La plus ancienne, faite de mortier et de petites pierres, était à 1m, 50 de profondeur; la seconde, de ciment très uni étendu sur un lit de chaux mêlé de cailloux, à 1m, et la troisième, de mortier de sable et de pierres, à 0 m, 40. La superposition de toutes ces substructions qui se croisaient, se contrariaient, et avaient la plus grande analogie entre elles, rendait difficile, pour ne pas dire impossible, la confection du plan, à moins de fouiller l'ensemble du terrain; car, autrement, on eût couru risque de commettre les plus graves erreurs.
— Les fondations étaient en pierres brutes, jetées sans ordre dans du mortier, avec lequel elles se liaient et formaient corps. Sortis de terre, les murs étaient en petit appareil. Quelquefois aussi on s'était contenté d'appliquer sur leur surface une couche de ciment ornée de raies imitant des rectangles.
Le mur d'enceinte, qui servait de limite à la villa du côté de l'ouest, présentait surtout des traces de ce genre de construction.
Jusque-là on n'avait mis au jour que l'atrium, quatre petites chambres voisines, une cuisine, contenant deux fournaux en maçonnerie grossière percés par le haut (3), et une salle, dont l'aire reposait sur une épaisse couche de débris de revêtements de murailles décorés de peintures.
Ces pièces appartenaient évidemment aux constructions les; plus récentes, et ne présentaient rien de remarquable; tandis que les fragments peints trouvés sous le pavé de la dernière, méritaient l'attention la plus sérieuse.
III.
Les motifs de ces, peintures étaient en tout semblables- à ceux que les artistes romains ont employés à la décoration des appartements d'Herculanum et de Pompeï. Des sujets, tirés de l'histoire, de la mythologie ou de la vie privée, entremêlés de paysages, occupaient le milieu des panneaux.
Les tableaux à figures étaient de deux grandeurs : les personnages, des uns-avaient 0m, 35, et ceux des autres 0m, 14.
Des premiers il ne restait qu'un buste de femme relevant ses cheveux de la main droite (le geste et les traits du visage indiquaient qu'elle devait faire partie d'une composition retraçant un événement sérieux, sinon tragique); le col, la poitrine et les bras d'une jeune femme assise ; une jolie tête d'enfant blond regardant à gauche; le ventre d'un Priape ; une jambe et un pied féminin chaussé de la sandale donnée ordinairement aux nymphes chasseresses de Diane ou à la déesse elle-même ; une main d'homme tenant une bourse, ayant appartenu à un Mercure; une tête de sanglier; un gros poisson et un panier rempli de champignons. Ce dernier morceau appartenait sans doute à un sujet rustique. Les figures se détachaient sur un fond naturel.
Les personnages de moindre dimension étaient, au contraire, sur fond rouge et noir. Nous avons recueilli en ce genre un Amour décoré d'ailes vertes, portant un vase jaune ; le corps d'un homme qui tenait les rênes d'un coursier; un filet rempli de poisson, et des chevaux marins dont les naseaux, le poitrail et les jambes étaient roses. Ces animaux semblaient attelés au char de quelque divinité de la mer.
Quant aux paysages, il n'en existait que cinq à six fragments : la partie antérieure d'une petite panthère; un palmier, une tour carrée, un vase contenant une plante aquatique, deux cygnes et un ciel bleu.
Le voisinage du golfe poitevin et la vue des marécages de la Vendée avaient inspiré le peintre; car on doit remarquer combien il avait fait d'emprunts au royaume de Neptune. Il n'y a pas jusqu'aux encadrements qui ne se fussent ressentis de cette prédilection toute particulière.
Plusieurs étaient ornés de tritons verdâtres, reliés entre eux par des algues tressées en légers rubans. Des raies et des filets noirs, jaunes, verts et rouges, une belle guirlande de laurier, que soutenaient des agrafes et des glands d'or, et des colliers de perles, auxquels pendaient des vases, entouraient également les compositions et étaient animés par des oiseaux aux riches couleurs se jouant dans le feuillage (4).
Le style de nos peintures ne manquait pas de caractère, et certains détails dénotaient de l'habileté et beaucoup d'habitude du pinceau; le faire était élégant, les touches fines, et les larges hachures, qui faisaient ressortir les clairs, rappelaient le procédé employé par divers maîtres dans leurs dessins faits à grands coups de brosse sur papier teinté (5).
Néanmoins le mérite des figures était, à notre avis, au-dessous de celui des ornements, et nous ne serions pas étonné que l'auteur eût imité des compositions connues, tandis que son imagination seule guidait les caprices de ses grotesques jetés du premier coup. On a d'ailleurs de nombreux exemples de copies de ce genre chez les anciens. Les peintures célèbres devaient, comme les chefs-d'œuvre de la statuaire, être souvent reproduites.
Les procédés, employés pour l'application des couleurs, étaient assez simples. Une couche de mortier, de chaux et de gros sable, épaisse de 0m, 021, avait été d'abord posée sur la muraille, et recouverte ensuite d'une seconde en mortier plus fin, n'ayant que 0m, 004 (6).
Celle-ci avait été revêtue à son tour d'une préparation sur laquelle s'était exercée l'artiste, lorsque le tout avait été sec.
Deux raisons nous firent adopter cet avis : 1° les couleurs s'enlevaient par écailles très minces et ne faisaient point corps avec l'enduit ; 2° elles avaient été superposées les unes aux autres, ainsi qu'il était facile de le constater en les frottant.
— Donc ce n'étaient point des fresques; car, dans ce cas, les principes colorants eussent pénétré; mais bien des peintures à l'encaustique ou à la détrempe.
Nous touchons là une des questions les plus controversées, et nous sommes loin d'avoir l'intention de renouveler la querelle. Nous nous contentons de décrire ce qui nous est passé sous les yeux; heureux si nos remarques peuvent aider à résoudre le problème.
Deux savants, qui font autorité, nient formellement l'existence de fresques antiques.
« Il est à remarquer, dit Winckelmann (7), que la plupart de ces tableaux ne sont pas peints sur de la chaux humide, mais sur un champ sec, ce qui est très visible à quelques figures qui se sont enlevées par écailles, de manière qu'on voit distinctement le fond sur lequel elles sont exécutées. » M. Letronne, dans ses Lettres d'un antiquaire à un artiste, t. I, p. 368, confirme l'avis de Winckelmann. « La preuve, dit-il, que les sujets ont été peints à sec, c'est que leur couleur ne tient pas au fond; c'est qu'il se montre sous les étoffes transparentes, et reparaît partout où la couleur est tombée ; car souvent elle s'en détache. C'est là une observation faite depuis longtemps par Winckelmann, Fougeroux, Lalande, etc.; la justesse en a été confirmée par les observateurs attentifs. » Ce passage semble avoir été écrit en présence des peintures de Saint-Médard, tant il en énumère exactement les caractères distinctifs.
Reste à savoir maintenant si l'artiste avait fait usage de la détrempe ou de l'encaustique.
Nous penchons vers la première opinion, qui nous semble ici la seule admissible, puisque, indépendamment des raisons émises plus haut, nos peintures étaient rugueuses et peu transparentes (8).
IV.
M. Chevreul; dans un mémoire (9) sur lequel nous reviendrons plus longuement tout à l'heure, a confirmé en grande partie ce que nous venons d'avancer. Voici ce qu'il dit à propos de deux échantillons de peintures que nous lui avions fait parvenir.
« Examen d'un fragment représentant une cuisse et une jambe de femme, avec un pied chaussé d'une sandale, sur un fond verdâtre (10).
» Cette peinture couvrait un morceau de mortier de 0 m, 04 d'épaisseur, composé, dans l'origine, de chaux grasse, de sable et de gravier. La chaux grasse était entièrement convertie en sous-carbonate. Je dis que ce mortier avait été composé avec de la chaux grasse, parce que, après avoir été dissous avec effervescence par l'acide azotique, la solution séparée du sable et du gravier siliceux par la filtration, évaporée à sec, et le résidu repris par l'eau, ne laissa pas de silice; il céda au liquide beaucoup d'azote de chaux mêlé de très peu d'azotate d'alumine, de peroxyde de fer et de traces de magnésie.
» Si l'œil ne distingue pas des couches différentes dans ce mortier, il est impossible que la surface peinte ne soit pas d'une pâte plus fine que celle du mortier. Mais comment la peinture a-t-elle été appliquée sur l'enduit?
C'est une question à laquelle je vais répondre par l'examen minutieux que j'ai fait des choses, en distinguant soigneusement le résultat des conjectures que j'ai pu former sans pouvoir les vérifier.
» Le fond, d'un gris verdâtre, a été probablement appliqué avec un pinceau, car on voit des traits parallèles les uns aux autres; je dis probablement, parce qu'il ne serait pas impossible que l'enduit eût été frotté avec des matières dures qui auraient creusé des sillons à sa surface.
» La couleur est évidemment de la terre de Vérone (11), mélangée de particules bleues distinctes à la loupe et même, à la vue simple. Ces particules sont vraisemblablement du bleu égytien.
» N'ayant pu apprécier l'épaisseur de l'enduit ni celle de la couche colorée, je ne purs affirmer si l'enduit a reçu la couleur après sa dessiccation, comme le pense M. Fillon, ou bien si l'enduit et la couleur ne font qu'un. Dans ce dernier cas, le mortier aurait reçu un enduit de couleur.
» Lorsque les figures ont été peintes, le fond; était parfaitement sec; car, en détachant avec précaution les couleurs rouge, rose et blanche des carnations, on retrouve dessous le fond d'un gris verdâtre, et on aperçoit dans celui-ci, mis à découvert, la terre de Vérone et le bleu égyptien.
» La couleur de chair était du peroxyde de fer anhydre, et la rose un mélange du même oxyde et de sous-carbonate de chaux mêlé d'alumine et d'une trace de magnésie. Il est probable que, dans l'origine, la chaux avait été mêlée à l'état caustique avec l'oxyde de fer.
» La sandale présentait une belle couleur jaune qui avait été ajoutée sur la carnation après la dessiccation de celle-ci. Il y avait donc eu trois applications successives de couleurs superposées : le fond, la carnation et la teinte de la sandale.
» J'avais pensé un moment qu'il y avait eu du cinabre mélangé au peroxyde de fer; mais, ayant traité à chaud, dans un tube, de verre fermé, la matière rouge qui n'avait pas été dissoute par l'acide chlorhydrique, je n'en ai pas retiré de sublimé mercuriel. »
On verra par la suite que plusieurs des couleurs employées par l'artiste figuraient en nature au nombre des objets trouvés dans son tombeau. Le savant chimiste va nous dire maintenant comment elles ont pu être appliquées sur les parois du mur.
« J'ai d'abord cherché, ajoute M. Chevreul, dans la peinture séparée par le grattage du mortier, la présence d'une matière soluble dans l'eau, telle que matière gommeuse, matière azotée caséeuse, alumineuse ou gélatineuse; mais je n'ai rien trouvé qui ait pu me donner à penser qu'on eût ajouté un corps de cette nature aux matières colorées.
» L'alcool bouillant a enlevé aux matières des carnations une très faible quantité de matière grasse qui pouvait être de la cire, ou; un mélange de cire et de résine; mais il n'y en avait qu'une quantité beaucoup trop faible pour en constater la nature spécifique.
Cette faible quantité était d'ailleurs une conséquence des deux faits suivants : 1° c'est que l'a peinture ne donnait qu'une trace de produit empyreumatique odorant à la distillation; 2° que l'eau était bue par l'enduit coloré. Or, s'il y avait eu une quantité notable de corps gras, les résultats eussent été différents.
» Mais je ne m'en suis pas tenu à ce résultat. Après avoir traité la peinture par l'eau et l'alcool, je l'ai soumise à l'action de l'acide chlorhydrique, afin de décomposer les savons terreux ou métalliques qui auraient pu se former par l'emploi d'un corps huileux; soit que ce corps huileux eût été dans l'origine neutre, comme le sont les huiles d'olive, de pavot, la graisse proprement dite; soit qu'il eût été acide, comme le sont les acides oléique, margarique, etc. Eh bien! l'alcool, applique au résidu insoluble dans l'acide et au papier dans lequel on avait filtré la solution chlorhydrique, n'a donné aucune matière grasse.
» Examen d'un fragment représentant une figure nue d'enfant à ailes vertes sur un fond rouge (12).
» Évidemment la figure avait été faite sur le fond déjà sec, comme dans le premier fragment, car, en la grattant, on mettait le fond à découvert; en outre, les ailes vertes avaient été peintes à deux reprises et à teintes plates.
La première couche était de la terre de Vérone, mêlée de bleu égyptien et de sous-carbonate de chaux, et la seconde, qui faisait le clair de la première, était un mélange de terre de Vérone et de sous-carbonate de chaux, et l'on pouvait enlever ces matières par écailles, conformément à l'apparence qu'elles présentaient d'avoir été appliquées par superposition. Le fond était composé essentiellement de peroxyde de fer et de sous-carbonate de chaux.
» Les carnations, traitées par l'eau froide, n'ont donné que des traces de matière organique et de sel calcaire, probablement sous-carbonate. Traitées par l'alcool bouillant, elles ont cédé à ce liquide une trace de matière grasse semblable à celle qu'on avait séparée du premier fragment. Le résidu, indissous par l'eau et l'alcool, était formé de sous-carbonate de chaux, de peroxyde de fer. Il y avait en outre de l'alumine et de la magnésie, mais pas d'oxyde de manganèse. Un moment je crus à la présence du cinabre, mais je reconnus bientôt qu'il n'y en avait pas. »
Enfin M. Chevreul termine ainsi son mémoire :
« N'ayant pu découvrir, dans ces deux fragments de peinture, rien qui annonçât l'emploi d'une matière gommeuse, résineuse, huileuse, gélatineuse ou caséeuse pour appliquer la peinture sur l'enduit, j'ai cherché à voir s'il ne serait pas possible de faire cette application, en ne recourant qu'à un simple mélange de la matière colorante avec de la chaux humectée.
L'expérience a justifié ma prévision. Le peroxyde de fer, employé de cette manière, est extrêmement solide aux injures de l'air; lorsque la chaux, qui peut être en excès, est carbonatée, le frottement et la pluie n'enlèvent pas la matière. Le vert-de-gris donne un bon résultat; mais il n'est pas aussi solide que le peroxyde de fer. J'ai appliqué, de la même manière encore, le bleu égyptien au mélange de terre de Vérone et de bleu égyptien et le vermillon, avec le même succès. Je crois donc à la possibilité de faire des peintures murales avec des matières colorantes et de la chaux hydratée réduites en une matière suffisamment coulante au moyen de l'eau. »
V.
La villa de Saint-Médard était probablement isolée; du moins on n'a pas trouvé d'autres vestiges de construction aux alentours.
Ses dépendances s'étendaient sur l'emplacement des maisons actuelles, du cimetière, des champs voisins et des jardins, où l'on a découvert un fourneau et plusieurs puits, du fond desquels ont été retirés des ossements d'animaux (13), des poteries noires striées, le col d'un vase portant les lettres MAP gravées à la pointe, et le corps d'un aigle en pierre de Charente, grossièrement sculpté.
Nous signalerons encore deux petites salles, situées à l'extrémité sud-ouest du mur d'enceinte, qui étaient pavées en briques à rebords posées sur de la chaux; mais nous ne pouvons dire quelle était leur destination.
A travers leurs décombres, on a trouvé quatre ou cinq monnaies romaines du moyen et bas Empire, une fibule, une balance en bronze de petite dimension, des morceaux de poteries rouges et noires à figures, et des anses et extrémités d'amphores dont quelques-unes portent des marques de fabrique, entre autres :
L. EPP. II. — F. CO. PAB. — IOC. — IVL. AP. — P. VLP. — FVLV. — PAVLOS F.
— CAIVS FEC. — E. 0. TRICCOS (14).
Les autres appartements, découverts plus tard, avaient des aires en béton et n'offraient rien de particulier; mais on est loin d'avoir déblayé tout l'ensemble des constructions.
Le lecteur voit combien il serait à désirer que les fouilles fussent continuées avec méthode. La position des pièces de la villa, qui ont été retrouvées, annonce que l'on n'est pas encore arrivé aux appartements habités par les maîtres, et qu'il y a tout lieu de croire que des découvertes importantes, sous le rapport de l'art, surgiraient du sol.
VI.
Là s'arrêtaient donc nos découvertes, et nous n'espérions plus rencontrer que des restes de murs et des objets déjà connus, lorsque, le 27 octobre 1847, M. le docteur Dagron nous montra des vases en verre d'une conservation parfaite, qui venaient d'être retirés de terre, à quatre-vingt et quelques mètres au sud-ouest de la villa, par les aliénés du dépôt de la Vendée placés sous sa direction.
— Dès lors un nouveau champ d'investigations nous fut ouvert. Secondé par Ritter, nous nous mîmes à fouiller avec ardeur le terrain indiqué.
Le résultat dépassait toutes nos espérances; car, après plusieurs jours de travail, nous avions sous les yeux le tombeau d'une femme artiste gallo-romaine, dont le squelette était entouré de tous les instruments de son art.
La fosse était carrée, avait quatre mètres de côté dans sa partie inférieure, six dans sa partie supérieure, à cause du talus, et deux de profondeur. On ne voyait nul vestige de maçonnerie; mais seulement les débris de poutres en bois de chêne, qui formaient la voûte de la sépulture.
De grosses pierres, placées au-dessus pour protéger ce plafond improvisé, avaient roulé au fond avec les débris du bois pourri.
Le cercueil et les autres objets déposés dans la fosse avaient été entourés de sable fin et de terre rendue noire par la décomposition des matières organiques. Le tassement et la chute du plafond avaient brisé plusieurs des vases et des autres ustensiles, dont quelques-uns portaient aussi la trace d'une violation postérieure, ayant eu pour but de dépouiller cet asile de la mort des objets en métal précieux qu'il avait dû renfermer.
La pl. Ire indique la place occupée par les divers objets :
1° Cercueil contenant le squelette;
2° Vases en verre blanc;
3° Vase en verre de couleur et assiettes en terre cuite à figures en relief ;
4° Amphores;
5° Vases en verre blanc et jaune, débris de boîte à couleurs en bois;
6° Mortier en albâtre;
7° Coffret en fer contenant une boîte à couleurs, un godet, un étui et deux petites cuillers de bronze, deux instruments en cristal de roche, des manches de pinceaux en os et une palette en basalte ;
8° Grands vases en verre blanc ;
9° Grande bouteille en verre blanc remplie d'une matière bleue ;
10° Petites fioles en verre blanc, vase de terre noire contenant de la terre de Vérone et du bleu égyptien; autre vase en verre blanc rempli de résine;
11°, 12°, 13° Coffres en bois.
La présence des matières, renfermées dans la boîte à couleurs et dans plusieurs des vases, donnait surtout une valeur inappréciable à cette découverte, que nous nous empressâmes de communiquer à M. Letronne.
« Vous avez entre les mains, nous écrivait-il le 28 novembre 1847, un trésor unique en son genre. Je serai heureux de contribuer à le faire connaître au monde savant, et vous pouvez compter sur le zèle du vieil antiquaire. Vous savez, du reste, quel prix j'attache à tout ce qui peut jeter quelque lumière sur une question que j'ai étudiée avec un soin tout particulier, et qui a excité de longs et pénibles débats (15).
Les documents écrits me donnent raison; j'espère que la chimie me viendra également en aide.
» L'Académie des inscriptions et belles-lettres, qui avait entendu avec plaisir votre première communication (16), a été fort égayée par la lecture du récit macaronique de t vos tribulations archéologiques. Dédaignez, Monsieur, ces misères, et ne songez qu'à nous donner une bonne description de vos curieuses découvertes. »
Les dernières lignes de M. Letronne faisaient allusion à un déplorable conflit qui faillit amener la dispersion de l'enfouissement.
Quelques jours après, il chargeait son ami, M. Chevreul, membre de l'Académie des sciences, qui coordonnait alors les documents à l'appui de ses Considérations générales sur l'histoire de la chimie chez les anciens peuples, d'analyser les matières colorantes.
Le 29 décembre 1848 et le 29 janvier 1849, ce dernier faisait connaître à ses collègues le résultat de ses expériences.
Son rapport, intitulé Recherches chimiques sur plusieurs objets d'archéologie trouvés dans le département de la Vendée, a été inséré dans le tome XXII, année 1849, des Mémoires de l'Académie des sciences (17).
Nous avons déjà donné un extrait de ce beau travail, à propos des peintures murales de la villa; nous aurons bientôt occasion d'y faire encore de nombreux emprunts.
VII.
A l'angle nord-est de la fosse était le cercueil où avait été renfermé le cadavre, la tête tournée vers l'orient. Il était fait de planches de noyer (18), réduites, par l'action de l'humidité, en une épaisse couche d'une pâte noire et ligneuse, mêlée de fragments plus solides, qui permettaient de reconnaître la nature du bois.
Quatre cercles de fer, ayant 0m, 07 de largeur et 0 m, 02 d'épaisseur, et soigneusement attachés au moyen de vis, assuraient la solidité de ce cercueil, qui, à chaque extrémité, avait une poignée semblable à celles de nos malles. Des plaques de même métal fortifiaient les angles (19).
Le squelette, long de lm 53, était celui d'une jeune femme. La tête, retirée intacte de terre, avait des dents blanches d'une conservation parfaite; malheureusement elle fut presque aussitôt brisée par un enfant. A côté étaient des fragments de perles d'ambre jaune, provenant d'un collier. Une seule était entière et figurait une sorte de graine à plusieurs lobes. Sur la poitrine se trouvaient deux dents de sanglier, percées de trous, qui servaient à les suspendre à une chaînette d'argent passée autour du cou.
Cette circonstance remarquable nous fait supposer que la femme enterrée à Saint- Médard appartenait à la race gauloise, dont le sanglier était le symbole; vérité historique désormais acquise, grâce aux recherches numismatiques de M. de La Saussaye (20), qui a démontré que l'image de cet animal couronnait les enseignes militaires de nos ancêtres, et que le cheval libre, gravé sur un grand nombre de leurs monnaies, n'était qu'une imitation dégénérée du type des statères de Philippe de Macédoine.
Quant au coq gaulois, on sait qu'il dut sa popularité à un calembour rajeuni par les historiographes en titre de la monarchie de juillet.
VIII.
L'histoire nous a conservé les noms de plusieurs femmes de l'antiquité qui se sont livrées à la peinture; mais il n'en est pas moins extraordinaire de rencontrer les restes de l'une de leurs émules, dans un lieu si éloigné des grands foyers intellectuels.
Quelle mystérieuse histoire renferme cette tombe? Quelle était cette femme, jeune, douée de talents acquis au contact d'une civilisation avancée, qui avait enseveli sa vie aux extrémités du monde?
Si c'était une fille des Pictons, elle était certainement allée s'initier, dans une grande ville, à la pratique de l'art. Revenue ensuite au milieu de ses compatriotes, elle avait charmé ses loisirs en embellissant sa demeure. Les modestes matériaux, employés à la construction de la villa, étaient en effet peu en rapport avec la décoration intérieure : les murailles de pierre, mal échantillonnées, disparaissaient sous les richesses artistiques répandues sur elles par une main habile. La mort surprit l'artiste au milieu de cette occupation, et, comme une coutume touchante faisait alors entourer les morts des objets qu'ils avaient affectionnés durant leur vie, lorsque la dépouille de la jeune femme fut confiée à la terre, on plaça dans sa fosse tout ce qui avait servi à son usage personnel, circonstance qui nous a valu la conservation de ce merveilleux dépôt.
IX.
Autour du cercueil, et dans divers endroits de la fosse, on avait placé près de quatre-vingts vases en verre de toutes les dimensions. La plupart avaient été brisés par le tassement des terres et par la violation de la sépulture ; une vingtaine avait cependant résisté à tant d'épreuves.
Notre pl. II donnera au lecteur une idée exacte de ces vases de formes très variées. Le plus grand de ceux qui subsistent est hexagone et d'une contenance de trois litres cinq décilitres; un autre, dont nous n'avons que les débris, devait en contenir au moins six. Ils étaient en général bouchés avec des tampons en bois recouverts d'une feuille de cuivre.
De l'aveu de M. l'abbé Cochet, aucune autre sépulture de la période romaine, trouvée jusqu'ici en France, ne contenait autant d'objets de ce genre.
Ces verres se divisent en trois catégories distinctes : les uns, d'un blanc verdâtre, et ce sont les plus nombreux, sont de même nature que nos bouteilles; les autres, formés de silice, de potasse, de soude et d'oxyde de plomb, appartiennent à la classe des cristaux artificiels (21) ; un seul, coloré en jaune, est orné de marbrures blanches, mêlées à la pâte, qui lui donnent l'aspect des produits vénitiens. Un petit godet de même couleur a un simple filet blanc dans son rebord.
VASES EN VERRE DE BOUTEILLE.
1 ° N° ler de la pl. II. — Vase hexagone à une anse (22). — Hauteur, 0 m, 23; diamètre, 0 m, 18. — Le fond orné de cercles concentriques.
2° N° 2. — Vase rond à deux anses. — Hauteur, 0 m, 17; diamètre dans sa plus grande largeur, 0 m, 18. — Deux exemplaires.
3° N° 3. — Bouteille carrée à une anse. — Hauteur, 0 m, 20 ; largeur, 0 m3117 — Le fond orné d'un carré inscrit dans un cercle; au milieu du carré trois autres cercles concentriques. — Deux exemplaires ; un entier, l'autre brisé.
4° Même forme. — Hauteur, 0 m, 16; largeur, 0 m, 08. — Brisée.
5° N° 4. - Même forme. — Hauteur, 0m, 12; largeur, 0 m, 06. — Le fond orné de deux cercles concentriques.
6° Même forme. — Hauteur, 0 m, 12; largeur, 0 m, 056. — Brisée.
7° Même forme. — Hauteur, 0m, 09; largeur, 0 m, 048. — Le fond est orné d'un phallus.
8° N° 5. — Bouteille carrée de forme allongée à une seule anse. — Hauteur, 0 m, 25; largeur, 0 m, 08. — Le fond orné de trois cercles concentriques. — Cinq exemplaires, dont un intact, un ayant l'anse détachée, et trois brisés.
9° N° 6. — Grand flacon rond à une anse. — Hauteur, 0 m, 26; diamètre, 0 m, 19. — Deux exemplaires brisés.
10° Flacon carré à grand goulot. — Hauteur, om, 10; largeur, 0 m, 062. — Le fond orné de trois cercles concentriques.
11° Petit flacon rond à grand goulot. — Hauteur, 0 m, 064; diamètre, 0 m, 04.
12° N° 7. — Grande bouteille à fond évasé et à long col renflé au milieu. — Hauteur, 0 m, 24; diamètre du fond, 0 m, 18. — Deux exemplaires; l'un rempli d'une matière bleue, l'autre brisé. Le verre est plus blanc que celui des vases précédents.
13° N° 8. — Bouteille. — Hauteur, 0 m, 20; diamètre du fond, 0 m, 15. Le haut du col est brisé. Trois autres exemplaires étaient en pièces.
14° N° 9, — Bouteille à col plus allongé. — Trois exemplaires brisés.
15° N° 10. — Bouteille. — Hauteur, 0 m, 186 ; diamètre du fond, om, 11. — Six exemplaires, dont trois entiers. Ils étaient remplis de cire.
16° N° 11. — Bouteille. — Hauteur, 0 m, 12; diamètre du fond, om, 067. — Deux exemplaires entiers et quatre brisés. Ils étaient remplis d'une matière dont l'analyse se trouve plus bas
17° Petite bouteille. — Hauteur, 0 m, 097 ; diamètre du fond, om, 05. — Cinq exemplaires, dont un entier.
18° Petite bouteille. — Hauteur, 0 m, 115; diamètre du fond, 0 m, 035.
19° N° 12. — Fiole à deux anses et à panse évasée. — Hauteur, 0 m, 076 ; diamètre, 0 m, 078. — Deux exemplaires brisés.
20° N° 13. — Coupe. —Hauteur, om,088; diamètre, om,086. — Un exemplaire brisé.
VASES EN CRISTAL ARTIFICIEL.
21° Flacon à col rond légèrement renflé et à panse carrée. — Travail remarquable. — Hauteur, 0 m, 164; largeur, 0 m, 053. — Le fond est décoré d'une croix dont les branches sont repliées en angles droits. — Deux exemplaires; un entier et un brisé (23).
22° Autre de même forme, mais plus petit. — Brisé.
23° N° 14. — Fiole à large col et à panse plate. — Hauteur, 0 m, 074; diamètre, 0 m, 083.
24° N° 15. — Fiole. — Hauteur, 0 m, 083 ; diamètre, 0 m, 049. — Quatre exemplaires brisés.
VASES EN VERRE DE COULEUR.
25° N° 16. — Fiole à col renflé et à panse arrondie. — Hauteur, 0 m, 145; diamètre, 0 m, 082. — Verre jaune orné de marbrures blanches.
26° Godet en verre jaune dont le rebord est décoré d'un filet blanc. — Hauteur, 0 m, 03 ; diamètre, 0 m, 039.
TOTAL : cinquante-six vases que l'on a pu mesurer. Plusieurs autres étaient réduits en fragments si petits, qu'il a été impossible d'en reconnaître la forme.
Tous ceux de ces vases, qui étaient en verre commun, devaient provenir des fabriques du pays, de celle de la forêt de Mervent, par exemple, dont nous démontrons l'antiquité, dans l'article consacré à cette forêt.==> La forêt de Mélusine, Le massif forestier de Mervent-Vouvant
Six grandes amphores (24) en terre rougeâtre assez mal cuite occupaient l'angle nord- ouest du tombeau. Elles étaient tellement détériorées par un séjour prolongé dans un terrain humide, qu'il a été impossible de les retirer intactes. Leur contenance était de douze à quinze litres. (Pl. II, n° 17.)
Quelques fragments de vases de moindre dimension et d'assiettes, fabriquées avec la même terre, étaient disséminés çà et là dans la fosse.
X. Le n° 5 de la pl. Ire indique la place où se trouvaient les débris d'un coffret en bois de moyenne dimension. Aux huit angles de ce coffret étaient des plaques en fer, et le dessus était orné d'une bélière en bronze de forme élégante servant à le transporter. Ce meuble était une boîte à couleurs et renfermait plusieurs fragments de fioles en verre blanc très fin, le godet jaune reproduit au n° 5 de la pl. III; un petit couteau à virole (25) ayant un manche en cèdre fait au tour avec beaucoup de délicatesse et dont la lame est complétement oxydée (pl. III, n° 6), et deux petits cônes cylindriques de succin ou d'ambre jaune (pl. III, n° 14). « Cette matière avait toutes les propriétés du succin ou de l'ambre jaune, dit M. Chevreul. M. Guibourt, à qui je l'ai présentée, n'a pas hésité à la considérer comme telle, après s'être convaincu qu'elle n'était ni gomme laque, ni copal. » (Mémoires de l'Académie des sciences, t. XXII, p. 195.)
La terre qui entourait ces objets était noire, pâteuse, et semblait contenir des matières grasses; mais il nous a été impossible d'en déterminer la nature.
A côté de la boîte était un mortier en albâtre avec son broyon, qui devait avoir primitivement la forme d'un pouce, avant que l'action des matières organiques, en suspension dans l'eau, n'eût amené une décomposition salpêtreuse, que l'on remarque sur presque toutes les substances calcaires soumises aux alternatives d'humidité et de sécheresse (pl. III, nos 2 et 3). M. de Girardot, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Inférieure, en possède un semblable trouvé à Bourges.
— La découverte de cet ustensile vient pleinement confirmer ce qu'avait avancé M. Cartier fils, dans son travail sur la peinture encaustique des anciens (Revue archéologique, 1846). La forme est identiquement semblable à celle des deux mortiers reproduits à la page 447 de son travail. — Un petit broyon en cristal de roche brut était aussi près du mortier (pl. III, n° 4)..
XI.
L'extraction de chacun de ces objets fut, pour le petit groupe d'amateurs réunis autour de la fosse, un sujet de joie, mêlé souvent de cruelles déceptions, lorsque l'on ne ramenait que des débris.
Pendant huit jours, métamorphosés tour à tour en manœuvres, nous rivalisâmes de zèle. Tandis que l'un de nous opérait le déblaiement des terres, les autres, les yeux fixés sur la pioche, suivaient les progrès de la tranchée, et, à chaque découverte, applaudissaient, non sans un secret sentiment d'envie, à la bonne fortune de leur compagnon, aussitôt remplacé par un nouveau travailleur.
— Mais pourquoi ne l'avouerions-nous pas ? Notre ardeur imprudente fut plus d'une fois, hélas! presque aussi fatale à certains vases que la maladresse des premiers ouvriers, et plus d'un instrument précieux a porté la peine de l'empressement trop inconsidéré de l'antiquaire.
Ce fut dans un de ces moments d'avide attente que Mlle Clémentine Poey d'Avant retira de l'angle sud-est de la sépulture un coffret en fer, dont le couvercle, légèrement arrondi, était très oxydé et s'en allait en morceaux sous la moindre pression. Ce meuble avait 0m, 25 de longueur, 0m, 15 de largeur et 0m, 10 de hauteur (pl. III, n° 15). Il renfermait, mêlés à un peu de terre amenée par l'infiltration des eaux :
1° Une boîte à couleurs en bronze (pl. III, n° 1er);
2° Un godet ou petit mortier de même métal (n° 7);
3° Un étui contenant deux petites cuillers également en bronze (nos 8, 9, 10);
4° Deux instruments en cristal de roche (n° 11);
5° Deux manches de pinceaux en os (n° 42);
6° Une palette en basalte (n° 13).
XII.
BOITE A COULEURS
— Cette boîte est rectangulaire et munie d'un couvercle à coulisse. L'intérieur est divisé en quatre compartiments recouverts par autant de grillages mobiles en argent, que de petites bélières servent à relever. Chaque compartiment était rempli de pains de couleurs semblables à ceux qui sont dessinés au n° 16 de la pl. III. Leur aspect indique qu'ils n'ont jamais eu de formes régulières, et que le fabricant s'est contenté de verser par petites quantités la matière, réduite en pâte liquide, sur une surface plane, et de la laisser sécher.
M. Chevreul a consigné dans son mémoire le résultat de l'analyse qu'il a faite d'un fragment du bronze dont la boîte est composée.
« Parmi les objets remarquables du tombeau de Saint-Médard-des-Prés, dit-il, il y avait un petit mortier et une boîte à couleurs qui étaient, à en juger d'après l'aspect de la matière verdâtre de leur surface, de cuivre ou d'un alliage de ce métal.
Les fragments de ces objets décapés apparurent avec la couleur et l'éclat du bronze, et une portion de paroi de la boîte attira mon attention par sa minceur moindre d'un millimètre, et par sa flexibilité et sa ténacité; car il fallut la ployer en sens contraire un grand nombre de fois pour la rompre.
» L'analyse chimique démontra que l'alliage est du véritable bronze; car il laissa un résidu blanc insoluble dans l'acide azotique, qui était doué de toutes les propriétés du peroxyde d'étain.
En effet, il fut réduit par le charbon en métal blanc ductile, et ce métal, dissous dans l'acide chlorhydrique, donna, avec le chlorure d'or, du pourpre de Cassius. La solution azotique de l'alliage était bleue, elle ne donna qu'une trace de précipité de plomb par l'acide sulfurique et l'ammoniaque ; enfin, par un excès d'ammoniaque, on ne sépara que quelques flocons de peroxyde de fer, et je constatai l'absence du zinc dans la solution ammoniacale cuivreuse bleue, par deux procédés différents (26).
» Puisque l'alliage de la boîte est du bronze, il faut reconnaître l'habileté des ouvriers anciens pour réduire cet alliage en feuilles aussi minces que celles qui avaient servi à la confection de la boîte de couleurs.
Connaissaient-ils la propriété qu'a le bronze d'acquérir de la mollesse, de la ductilité par la trempe, c'est-à-dire par l'opération à laquelle l'acier doit sa dureté? Quoi qu'il en soit, des fragments de vases en bronze, trouvés dans les ruines de Ninive, qui m'ont été remis par M. Botta, témoignent que les ouvriers des temps reculés où cette ville était une grande cité, exécutaient des ouvrages dans lesquels la difficulté dont je parle avait été surmontée. »
Les anciens connaissaient à coup sûr la trempe, et les Gaulois étaient spécialement fort habiles à travailler le bronze.
Nous citerons à cette occasion le rapport que nous avons lu, en 1843, à la Société des Antiquaires de l'Ouest, sur une découverte considérable d'armes gauloises faite à Notre-Dame-d'Or, département de la Vienne (27), dans lequel nous avons présenté quelques observations relatives à l'emploi et à la composition de ce métal.
Les épées, les javelots, les haches, qui faisaient partie de l'enfouissement, avaient été travaillés avec un soin tout particulier, et quelques petits ustensiles, mêlés à la masse, montraient quelle habileté nos ancêtres apportaient, plusieurs siècles avant la - conquête de César (28), à la confection des objets les plus délicats.
— L'analyse des bronzes de Notre-Dame-d'Or a donné pour cent: cuivre, 82,57; -étain, 17,42; argent, 0,01; .traces de fer.
— Nous ne devons pas non plus oublier de mentionner un anneau de cuivre revêtu d'une épaisse feuille d'or, retiré de l'atrium de la villa. Il peut rivaliser avec ce que les anciens nous ont laissé de plus parfait en ce genre, et l'application de la dorure est si irréprochable, qu'on ne remarque aucune trace de suture. Une imitation au type poitevin des statères de Philippe, trouvée à Saint-Thomas, offrait des caractères tout à fait identiques : l'intérieur était de cuivre rouge pur, tandis que la couche supérieure touchait or fin. Comme fabrique, elle n'avait rien à envier aux médailles romaines fourrées.
Ce dernier exemple prouve que l'art de travailler les métaux était très perfectionné chez les Pictons.
XIII.
Maintenant que nous avons décrit la boîte, faisons connaître la composition des couleurs qu'elle renfermait.
« EXAMEN DE MATIÈRES D'ORIGINE INORGANIQUE (29).
» Matières essentiellement formées de trois oxydes métalliques.
— Elles avaient subi originairement, dit M. Chevreul, une division mécanique et une suspension dans l'eau ; car elles présentaient, dans le plus grand nombre des échantillons, des couches distinctes qui différaient même quelquefois par la couleur.
» Des échantillons des mêmes matières paraissaient avoir été mis à l'état pâteux dans des cavités où ils s'étaient séchés. Comme elles, ils présentaient des couches superposées dont la couleur pouvait varier.
» Ces matières n'étaient donc pas d'une matière homogène, et, en les étendant sur du papier, on reconnaissait qu'aucune ne le colorait d'une teinte franche. Les couleurs participaient du vert, de l'orange et du gris.
» Matière n° 1. — Elle était essentiellement formée de sous-carbonate de cuivre, de sous-carbonate de plomb et de peroxyde de fer. Elle contenait une trace d'une matière organique et de chaux, et, à l'état de mélange, un peu de sable ferrugineux (30). En la chauffant au chalumeau dans la flamme désoxydante, le plomb était réduit et le peroxyde de fer se transformait en oxyde attirable à l'aimant. Quant au sous-carbonate de cuivre, une partie devenait noire, et une autre présentait des points verts.
» La matière n° 1 laissait sur le papier une trace d'un jaune-vert grisâtre.
» Matière n° 2. — Tout à fait analogue à la précédente, elle présentait à l'analyse, outre les sous-carbonates de cuivre et de plomb et le peroxyde de fer, des traces de matière organique, d'oxyde d'étain et d'arsenic, j'ignore dans quel état.
» Il y avait en outre un sable formé de silice, d'alumine et d'oxyde de fer.
» Matière n° 3. — Même composition que la matière précédente; seulement une proportion plus forte de peroxyde de fer : aussi colorait-elle le papier en brun rougeâtre.
» Matière n° 4. — Tout à fait semblable à la matière n° 3.
» Matière n° 5, formée d'oxydes métalliques et de phosphate de fer. — Elle était d'un gris verdâtre pâle, avec des taches brunes superficielles. Quoiqu'elle contînt, comme les précédentes, des oxydes de plomb et de cuivre, probablement sous carbonatés, avec une certaine quantité de peroxyde de fer, matière principale des taches brunes superficielles, il y avait en outre une trace de matière organique et une quantité notable de phosphate d'alumine. Enfin il y avait, à l'état de mélange, du sous-carbonate de chaux et un peu de sable alumino-ferrugineux. »
XIV.
GODET ou PETIT MORTIER. — Le dessin donné, pl. III, n° 7, tient lieu de description.
ÉTUI ET CUILLERS OU SPATULES. — L'étui (pl. III, n° 8) a les parois aussi minces que celles de la boîte à couleurs, et est orné de petits cercles exécutés avec beaucoup d'adresse. Il contenait deux petites cuillers dont l'une est d'une forme charmante et d'un style irréprochable, tandis que l'autre, d'un travail inférieur, est l'oeuvre d'un ouvrier beaucoup moins habile (31) (pl. III, nos 9 et 10).
Quel usage faisait-on de ces spatules ? La femme, qui dédie un tableau à Bacchus (32), peinture souvent reproduite et connue de tous les antiquaires, en tient une de la main droite; mais son geste n'est pas assez franchement accentué, pour qu'on puisse savoir de quelle manière elle l'employait. L'extrémité du manche, qui est arrondie, servait sans doute à mélanger, dans le godet en bronze, les substances colorantes avec le liquide destiné à les humecter, avant de les poser sur la palette.
INSTRUMENTS EN CRISTAL DE. ROCHE. — L'instrument, dont nous donnons le dessin au n° 11 de la pl. III, est en cristal de roche d'une grande pureté, patiemment travaillé par le frottement comme les pierres précieuses. Il était rempli de poudre d'or, mêlée à une substance gommeuse, et faisait l'office des coquilles de moule employées actuellement par ceux qui peignent à l'aquarelle ou à la gouache. Le coffret en fer renfermait deux instruments pareils; mais il y en avait un de brisé.
MANCHES DE PINCEAUX EN OS. — Ces manches, ayant la forme d'une baguette plate de 0m, 14 de longueur, furent mis en pièces immédiatement après avoir été découverts. Nous avons pu néanmoins constater que leur extrémité portait encore des traces du fil de cuivre servant à attacher les barbes du pinceau (pl. III, n° 42).
PALETTE EN BASALTE. — Cette palette est formée d'une plaque de basalte de 0m, 14 de longueur, 0m, 09 de largeur et 0 m, 01 d'épaisseur. Elle a les plus grands rapports avec celle que tient de la main gauche la femme dédiant un tableau à Bacchus, dont nous parlions tout à l'heure.
Une curieuse miniature, extraite d'un manuscrit de la fin du Ve siècle, conservé à la bibliothèque de Vienne, où l'on voit Dioscoride écrivant ses ouvrages, pendant qu'un peintre copie la racine de la mandragore, fournit un second exemple de palette du même genre (33).
— L'examen de ces deux peintures démontre que M. Letronne s'était trompé, lorsqu'il avait cru reconnaître, dans la tablette que tient la femme artiste du premier de ces tableaux, une petite plaque de bois ou d'ivoire, sur laquelle elle copie la figure de Bacchus (34). Je ne pense pas non plus que l'on doive prendre pour une palette le meuble placé à côté du grotesque peintre de portraits gravé dans le livre de Mazois, d'après une peinture trouvée à Pompeï (35). J'y vois plutôt une boîte à couleurs, et crois que la palette doit se trouver dans la main gauche de l'artiste, supprimée par l'auteur de cette caricature.
Le musée de l'hôtel Cluny possède une palette semblable à la nôtre; mais elle porte une inscription (pl. III, n° 17). M. Dusommerard fils, consulté sur sa provenance, n'a pu fournir aucun renseignement, et nous a dit l'avoir rencontrée au milieu d'objets d'origine gallo-romaine.
XV.
Indépendamment des couleurs renfermées dans la boîte, plusieurs vases contenaient des substances de diverses natures, qui ont été analysées par M. Chevreul (36). Laissons-le parler.
« Matière n° 6, formée essentiellement de quatre oxydes métalliques. — Cette matière avait été, m'a-t-on dit, retirée d'une fiole (37). Nul doute qu'elle n'y eût été introduite à l'état pâteux, et qu'elle ne s'y fût séchée en une matière fort compacte dans certaines parties. On apercevait dans l'intérieur, mis à découvert par la cassure, des stries vertes et de petites taches blanches sur un fond brun.
» L'eau bouillante en séparait une très petite quantité de matière organique tenant un sel calcaire autre que le sulfate.
» Chauffée dans un tube de verre, elle décrépitait en dégageant de la vapeur d'eau. qui se condensait en gouttes plutôt alcalines qu'acides.
» L'acide azotique la dissolvait avec effervescence produite par de l'acide carbonique pur. Il ne restait qu'un faible résidu retenant une matière organique, un sable formé de silice, d'alumine, de peroxyde de fer, avec une trace d'oxyde de manganèse et d'acide phosphorique. Mais le résultat remarquable de cette analyse, c'est que la solution azotique renfermait de l'oxyde de plomb, de l'oxyde de cuivre, de l'oxyde de fer, et une quantité considérable d'oxyde de zinc, que l'on obtint parfaitement pur.
» Il est probable que les oxydes de plomb et de cuivre étaient sous-carbonatés.
XVI.
» Examen d'une matière n° 7. — La matière que j'examine sous le n° 7 est une des plus intéressantes de celles qu'on a trouvées dans le tombeau; car, comme nous l'avons vu, elle a été employée à faire le fond d'un fragment de peinture dont on a» parlé plus haut (38).
» Elle avait été trouvée, dans un pot de terre noire (39), en morceaux d'un vert grisâtre avec des taches rougeâtres. Une portion était assez compacte, tandis que l'autre cédait à la moindre pression des doigts, et, en examinant le tout avec attention, à l'œil nu et à la loupe, on distinguait une matière verdâtre d'avec une matière sableuse composée de grains de diverses couleurs.
» J'employai tous les moyens possibles pour séparer les corps mélangés que l'examen précédent m'avait fait apercevoir. Je parvins à des résultats aussi satisfaisants qu'il était permis de l'espérer.
» Après avoir séparé à la main les parties qui me paraissaient différentes, et après les avoir pressées entre les doigts, pour diviser autant que possible les parties friables, j'ai traité séparément chacune de ces parties par la lévigation dans l'eau pure ou par la lévigation dans l'eau fortement acidulée d'acide chlorhydrique. Dans ce dernier cas, il y avait macération préalable dans l'acide, afin d'enlever tout ce qui était susceptible de se dissoudre.
» J'ai soumis quelques parties de la matière n° 7, séparées mécaniquement à la main; comparativement à ces deux traitements. Je divisais préalablement par moitié un même échantillon, et une moitié était soumise au lavage de l'eau pure, et l'autre moitié subissait une macération dans l'acide chlorhydrique, puis un lavage par décantation avec l'eau. Ce traitement était répété tant que l'acide chlorhydrique enlevait quelque chose à la matière.
»: Ce procédé m'a donné :
» 1° Des matières solubles dans l'eau pure;
» 2° Une matière verte, dont la couleur n'était pas également intense ni également pure dans tous les échantillons ;
» 3° Une matière bleue, des grains ou des lamelles jaunes, un sable quartzeux blanc.
» 1° Matières solubles dans l'eau pure. — Ces matières n'étaient qu'en extrêmement- petite quantité dans l'eau distillée qui avait servi à la lévigation de la matière n° 7. Elles consistaient en sulfate de chaux, en chlorure de sodium, et en matière organique dont la cendre laissa de la chaux et du peroxyde de fer.
» 2° Matière verte. — La matière verte a été obtenue par la séparation mécanique en. deux états..
» Premier état. Après avoir été lavée à l'eau, elle était verte. L'acide chlorhydrique en séparait du peroxyde de fer, du deutoxyde de cuivre, et un peu d'oxyde de plomb, mais en petite quantité.
Le résidu avait une couleur verte moins grise ou plus pure que la matière non traitée par l'acide. Je reconnus que la potasse en forte solution dans l'eau n'altérait pas cette couleur.
En chauffant la matière dans un tube de verre, la couleur passait à la couleur de rouille; de l'eau se dégageait. Ce changement est la conséquence de l'oxydation du protoxyde de fer.
» L'analyse de cette matière calcinée par la potasse fondue m'apprit qu'elle ne contenait pas d'acide phosphorique ; qu'elle était formée de silice, d'alumine, de peroxyde de fer, de magnésie, d'une trace de peroxyde de manganèse. Une seconde analyse, faite avec l'azotate de baryte dans le creuset d'argent, me fit découvrir une quantité notable de potasse et de soude.
» Après ces essais, il ne me fut plus possible de douter que la matière verte était de la terre de Vérone. Voici le résultat d'une analyse que je suis loin de considérer comme normale, parce que certainement le produit que j'ai analysé n'était pas pur; il y avait des parties sableuses et une trace de bleu égyptien :
Eau 8,34 ; Silice 56,40 ; Protoxyde de fer 19,80 ; Alumine 3,50 ; Potasse 6,08 ; Soude 2,43 ; Chaux 0,40 ; Magnésie 0,50 ; Deutoxyde de cuivre 0,40
98,15 Perte...... 1,85 ; total 100,00
» Je n'ai pas fait l'analyse de là terre de Vérone pure; mais, dans un échantillon que j'ai eu à ma disposition, j'ai reconnu, dans l'acide chlorhydrique qui avait macéré avec la poudre de cet échantillon, une trace de cuivre. L'acide ne paraissait pas d'ailleurs avoir attaqué le minéral à froid. On ne peut douter de la nature de la matière verte comme terre de Vérone, car M. Delesse, qui a publié une analyse de ce minéral, aussi pur que possible, l'a trouvé formé de
Eau 6,67 ; Silice 51,25 ; Protoxyde de fer 20,72 ; Alumine 7,25 ; Protoxyde de manganèse trace ; Potasse 6,21 ; Soude 1,92 ; Manganèse 5,90 ; total 100,00.
» Deuxième état. La matière verte, qui était dans le second état, se trouvait mélangée à différents corps, tels que de la craie, un sable siliceux blanc très fin, une matière bleue, une matière grise alumino-ferrugineuse, des oxydes de fer, de cuivre et de plomb, avec une trace de peroxyde de manganèse. La craie n'était pas également répartie, car j 'ai eu des échantillons qui faisaient une vive effervescence, tandis que d'autres n'en produisaient pas, Lorsqu'on épuisait cette matière de tout ce qu'elle contenait de soluble dans l'acide chlorhydrique, qui dissolvait, outre la chaux quand il y en avait, du peroxyde de fer, des oxydes de cuivre et de plomb, on obtenait un résidu dans lequel on reconnaissait à la loupe, et même à l'œil nu, une matière bleue dont je vais parler, de la terre de Vérone et un sable fin quartzeux.
» 3° Matière sableuse. — Avec beaucoup de soin, mais toujours par des procédés mécaniques, je suis parvenu à isoler de cette matière les grains jaunes (13.3°). Quoique je n'en aie eu qu'une quantité qui n'excédait pas 0 gr 005, j'ai parfaitement constaté qu'ils étaient formés de soufre et d'arsenic - ils consistaient donc en orpiment. Je l'ai sublimé, il est devenu rouge; je l'ai dissous dans l'acide azotique, et la solution, introduite dans l'appareil de Marsh, m'a donné l'arsenic métallique.
— Après avoir isolé des grains de quartz de la matière séparée du sulfure d'arsenic, il est resté une matière quartzeuse blanche mêlée de petites particules bleues. Ces parties bleues résistaient à l'acide chlorhydrique et à l'acide azotique. Les ayant traitées par la potasse, j'ai constaté l'absence de l'acide phosphorique dans l'alcali, et la présence du cuivre et de la silice; en ayant traité une très petite quantité par l'azotate de baryte, j'en ai retiré de la soude. — Ce résultat me fait penser que la matière bleue est identique avec le bleu égyptien (40).
» EXAMEN DE MATIÈRES D'ORIGINE ORGANIQUE (41).
XVII. » Matière résineuse. — Cette matière, en gros morceaux, se présentait sous deux états très différents : une partie extérieure friable, opaque, jaune de bois ; une partie intérieure légèrement brune, translucide, odorante, ayant toutes les propriétés d'une résine. Entre ces deux parties il n'y avait pas d'intermédiaire; et, comme il n'est pas douteux que la partie extérieure est provenue d'une altération de la partie centrale, la cause de l'altération a dû agir, dans un temps déterminé, sur une fraction seulement de la matière. L'alcool bouillant n'a pas dissous complétement la partie centrale.
» Matière dissoute, par l'alcool bouillant. — Cette solution contenait au moins deux principes immédiats résineux; le plus soluble était décidément acide ; le moins soluble ne l'était que légèrement; enfin l'alcool avait dissous un principe odorant semblable, s'il n'était pas identique, à celui de la résine du pin maritime.
» Matière indissoute par l'alcool bouillant. — Elle retenait 'encore des principes résineux, et un principe azoté, qui manifestait son existence par de l'ammoniaque, lorsqu'on distillait la matière avec de la potasse. La matière, distillée sans potasse, donnait un produit légèrement acide au papier de tournesol, doué de l'odeur de la houille pyriteuse. Ce produit était très sulfuré. Enfin le résidu de la distillation laissait une quantité notable de cendre, tenant du peroxyde de fer de la chaux.
» La partie centrale avait toutes les propriétés essentielles de la résine du pin maritime ou du pin sylvestre. M. Guibourt, auteur d'excellents écrits sur la matière médicale, a jugé comme moi qu'elle avait été extraite par le feu, comme on le pratique encore aujourd'hui pour préparer la poix noire. Il ne me paraît pas impossible qu'elle ait été obtenue en effet par ce procédé; cependant elle n'est point aussi altérée que l'est la poix noire du commerce. Je pense donc que, si le feu a concouru à sa préparation, il n'a pas produit autant d'altération qu'on en remarque dans la résine connue actuellement sous la dénomination de poix noire. Au reste, il est remarquable que la matière dont je viens de parler ait conservé, depuis tant de siècles, l'odeur qui lui est propre. Quant au soufre que cette matière contenait, je n'en vois pas l'origine.
XVII.
» Matière contenue dans une grande fiole. — Cette matière avait subi une altération évidente, car elle répandait une odeur de moisi, et l'aspect n'en était pas homogène; des parties blanches comme effleuries, et des parties noires apparaissaient sur un fond d'un jaune pâle ayant l'aspect de la cire.
» Elle se fondait et se figeait comme elle à 64°;
» Elle rougissait le papier de tournesol légèrement.
» L'alcool bouillant l'a dissoute, à l'exception d'un léger résidu noir qui laissa un peu de cendre formée de chaux et d'une trace de peroxyde de fer et de potasse.
» La solution alcoolique déposa, par le refroidissement, de véritable cire fusible à 64°. Elle retenait une trace de matière noire.
» La solution alcoolique, refroidie et séparée par la filtration de la cire, retenait deux acides gras inégalement fusibles. Le moins fusible cristallisa par l'évaporation spontanée d'une portion d'alcool; l'eau mère mêlée à l'eau donna une matière légèrement colorée , fusible de 41 à 42°, retenant sans doute de l'acide le moins fusible.
» Ces acides, qui n'étaient qu'en petite quantité relativement à la cire, rougissaient le tournesol après avoir été dissous dans l'alcool, et l'eau, ajoutée à la liqueur rouge, la faisait repasser au bleu. Ils m'ont paru différer d'un mélange d'acides margarique et oléique.
» Le liquide d'où ils avaient été séparés était légèrement acide. Le résidu de son évaporation ne donna qu'une trace de cendre formée de chaux et de peroxyde de fer.
» La matière dont je viens de parler était donc de véritable cire d'abeille, dont une très faible quantité avait été altérée.
XIX.
» Préparation d'une matière contenue dans une petite fiole à fond plat. — Cette matière a été mise dans l'eau chaude et agitée, afin d'enlever ce qu'elle pouvait contenir de corps solubles. Elle s'est fondue, a pris une couleur brune, en exhalant une odeur de résine ou de poix. L'eau était couverte, après le refroidissement, d'une pellicule blanche; la plus grande partie de la matière n'avait pas été dissoute; aussi l'eau filtrée et évaporée n'a laissé qu'un résidu léger, jaunâtre, acide au papier de tournesol, tenant un sel calcaire. Mais ce n'était ni un sulfate, ni un azotate, ni un chlorure.
» La matière insoluble séchée a cédé à l'alcool bouillant de la cire, qui s'en est séparée par le refroidissement. Cette cire, fusible à 64°, n'était pas acide.
» Quant à l'alcool filtré après le dépôt de la cire, il tenait en solution de véritable résine de pin, c'est-à-dire la même matière que celle qui a été examinée précédemment.
» Enfin, ce que l'alcool bouillant n'avait pas dissous avait les propriétés du résidu insoluble dans ce liquide, dont il a été question tout à l'heure au sujet de la poix.
» Il n'est pas douteux que la matière dont je viens de parler ne fût un mélange de cire et de résine, destiné à l'usage de la peinture.
XX.
» Matière noire renfermée dans une fiole à fond très plat. — Cette matière, qui, comme on va le voir, était un mélange extrêmement complexe, m'a présenté un résultat bien curieux, puisqu'elle renfermait, à l'état libre, les acides oléique et margarique, dont la découverte ne remonte pas au- delà de l'année 1811, et que le tombeau, où la matière dont je vais faire connaître la nature a été trouvée, date, suivant M. Fillon, du me siècle de l'ère chrétienne.
» Elle avait une couleur noirâtre et l'apparence d'un liquide épaissi par une matière solide qui y avait été intimement unie. A la température de 20°, elle était molle; elle rougissait fortement le papier de tournesol humide, et exhalait une odeur aromatique qui n'avait rien de rance; l'ayant tenue dans l'eau bouillante, je n'ai pu recueillir assez du principe volatil pour l'examiner. L'eau n'avait rien enlevé à la matière; elle se comportait donc à l’instar d'un corps gras.
» Elle a été successivement traitée par l'alcool froid et l'alcool bouillant.
» L'alcool froid a dissous un acide gras parfaitement liquide à 20°, qui était doué de toutes les propriétés de l’acide oléique, retenant de l'acide margarique. Le terme de fusion des deux acides resta constant après leur solution dans la potasse et qu'ils en eurent été isolés; ce qui prouve qu'ils n'étaient pas mêlés de corps gras non saponifiés.
» L'alcool bouillant a laissé déposer par le refroidissement une matière neutre, fusible à 64°, douée de toutes les propriétés de la cire d'abeille; l'alcool filtré après le refroidissement retenait une matière acide fusible à 28°, formée d'acides oléique et margarique.
» Enfin la matière indissoute par l'alcool bouillant était du noir de fumée, qui ne laissa, par l'incinération, qu'une trace de chaux provenant probablement d'un savon calcaire.
» La présence des acides oléique et margarique, de la cire et du noir de fumée, dans la matière analysée, n'est donc pas douteuse d'après les expériences que je viens de rapporter. Quelle est l'origine des deux acides? Proviennent-ils de l'altération spontanée d'une huile neutre qu'on aurait mêlée à la cire et au noir de fumée; de sorte que, sous l'influence des agents atmosphériques ou de tout autre, l'huile neutre eût été acidifiée? ou bien viennent-ils de la décomposition d'un savon d'huile d'olive, de pavot, par du vinaigre, du jus de citron ou par tout autre acide? C'est ce que je ne puis décider d'une manière absolue. Cependant la seconde origine me paraît plus probable que la première, par la raison suivante : on n'a trouvé aucun corps soluble dans l'eau, ni aucun corps odorant analogue à celui des corps gras saponifiables qui deviennent acides en se rancissant; et certes, si on avait examiné la matière, sans en connaître l'ancienneté, on aurait conclu, sans hésitation, qu'elle avait été préparée directement avec un acide oléique retenant un peu d'acide margarique.
» Quel emploi faisait-on de ce mélange? Il est impossible, dans l'état actuel de ce que nous savons de l'antiquité, de le dire. Cependant, s'il a réellement été employé en peinture sur des enduits calcaires, on devrait retrouver de l'oléate ou du margarate de chaux. »
L'existence de ces divers corps gras indique que notre artiste n'employait pas toujours, dans ses peintures, les mêmes procédés que ceux dont elle a fait usage sur certains murs de sa villa. Deux fragments, trouvés parmi les débris, avaient en effet un aspect plus brillant que les autres, et présentaient cela de particulier que, si l'on grattait légèrement les couleurs avec une lame flexible, afin d'enlever la première couche, elles devenaient friables, se réduisaient en poussière et se détachaient à l'eau, résultat qu'il est impossible d'obtenir en conservant la couche, supérieure.
Quinze cents années de séjour sous une terre humide ne leur avaient fait subir aucune altération. Elles devaient, à n'en pas douter, cette propriété à l'enduit dont elles étaient revêtues, et nous croyons, dès lors, pouvoir affirmer que ces peintures étaient exécutées à la détrempe vernie.
Le lecteur vient de voir tout le parti qu'a tiré M. Chevreul des objets soumis à son appréciation éclairée. Il est à regretter qu'il n'ait pas pu analyser le contenu d'une grande bouteille à long col, venue longtemps après entre nos mains. Ayant craint qu'on ne fût obligé de la briser pour en extraire la matière bleue qu'elle renferme, son premier possesseur ne voulut pas permettre de l'envoyer à Paris, quoiqu'il fût certain que l'histoire de la chimie perdrait ainsi une occasion unique d'enrichir son domaine de nouvelles observations.
XXI.
Le centre de la fosse était rempli par les débris de trois grands coffres, dont il ne subsistait plus que les ferrements attachés à des restes d'épaisses planches de chêne réduites en poussière.
Des charnières et des crochets, fixés aux parties latérales, servaient à maintenir les couvercles. Les plaques extérieures des serrures étaient en bronze et de forme ronde ou carrée (42) ; les clefs et le mécanisme intérieur étaient au contraire en fer.
— Au milieu de ces fragments, que le tassement des terres et la chute du plafond avaient mis en pièces, nous trouvâmes des couches horizontales et symétriques d'une matière brune, dans laquelle nous reconnûmes de suite des étoffes pourries. Comme le fond des trois coffres présentait le même aspect, il fut évident pour nous qu'ils avaient contenu les vêtements de la jeune Gauloise.
Quelques-uns des vases en verre et plusieurs des instruments de peinture venaient certainement de loin ; mais les serrures, les doubles charnières, en un mot toutes les parties en métal du cercueil et des meubles avaient dû être fabriquées sur place, et faisaient honneur à l'habileté des ouvriers du pays.
N'est-ce pas là une nouvelle preuve des progrès que cette industrie avait faits chez les Pictons, et qui vient à l'appui de l'opinion émise par nous, il y a déjà bien des années, au sujet de l'ancienneté des scories de fer répandues en si grande quantité sur le sol de la Ferrière, de Mervent, de la Vergue, et de plusieurs autres points de la Vendée ?
XXII.
Mentionnons maintenant diverses découvertes plus récentes, faites à côté des restes de notre artiste et sur les ruines mêmes de sa villa.
Le 22 septembre 1848, Ritter rencontra, en faisant continuer les travaux de déblaiement, une seconde sépulture, entourée de maçonneries grossières, placée à six mètres de l'angle sud-ouest du premier tombeau.
A dix-huit pouces de profondeur était une épaisse couche de cendres, de débris de poteries, de verres, d'ustensiles en métal à demi fondus, parmi lesquels deux billons de Gallien, et un autre frappé sous le second consulat de Postume, des ossements d'homme et d'animaux, mêlés à des grains d'orge et de froment calcinés.
Le squelette d'un cheval remplissait le reste de la fosse.
— Le VIe livre des Commentaires de César fournit l'explication de l'état de cette tombe.
« Les funérailles des Gaulois sont, y est-il dit, relativement à leur civilisation, magnifiques et somptueuses. Ils jettent dans le feu tout ce qu'ils estiment que le défunt avait eu de cher pendant sa vie, sans en excepter les animaux (43). »
Les fragments d'assiettes présentaient quelques différences avec ceux que nous avions retirés du tombeau de la femme artiste, quoiqu'ils fussent aussi en terre très fine, recouverts de vernis rouge ou noir, et décorés de figures et de feuillages. Quant aux morceaux de verre, ils appartenaient à des vases semblables à ceux décrits plus haut, à l'exception des débris d'une coupe d'un beau bleu foncé, et d'une ampoule à deux anses et à fond terminé en pointe, faite de baguettes en émail rouge et jaune, mêlées à une matière vitreuse de couleur verte.
Nous donnons le dessin de ces deux curieuses pièces sur notre pl. Ire. Elle avait 0m, 09 de hauteur sur 0 m, 07 de diamètre (44).
— Parmi les fragments de verre blanc était le fond d'une bouteille carrée, où se voyait la marque du fabricant. Il se nommait GALCACVS, et était fils d'un autre individu du même nom (45) (v. pl. Ire). Un fond de vase en terre rouge vernissée portait aussi la signature ALBINI . M ., trouvée à Rezé sur une autre poterie gallo-romaine.
Quelques mois plus tard, les ouvriers, occupés à extraire des cailloux sur l'emplacement de la villa, mirent encore au jour quatre petites salles attenantes au mur d'enceinte. Sous l'aire de l'une d'elles étaient une hache et un compas en fer assez bien conservés (pl. Ire), et des fragments d'une mosaïque à compartiments blancs et noirs.
Plusieurs années après, en 1854, le fermier du champ, voulant déblayer le terrain des décombres qui gênaient sa culture, découvrit à son tour, au-dessus des substructions romaines, plusieurs sépultures franques, maçonnées à chaux et à sable, dans lesquelles il recueillit divers objets, entre autres un fer de lance, un fragment de lame d'épée, la partie antérieure d'un couteau, et une petite clef à deux dents, semblable à celle reproduite par M. l'abbé Cochet à la page 182 de ses Sépultures gauloises, romaines, franques et normandes.
Au milieu de ces débris il rencontra, en outre, un denier d'argent mérovingien du commencement du VIIIe siècle, fabriqué à Brioux (pl. Ire) (46), et un autre de Charles le Chauve frappé à Melle.
XXIII.
Il nous reste encore à fixer la date de la construction de la villa et du tombeau de Saint-Médard. — Nous avons dit, au commencement de ce mémoire, que les débris de revêtements de murs ornés de peintures gisaient sous le pavé d'une salle appartenant aux édifices les plus récents; ce qui prouve qu'ils faisaient partie de la décoration d'habitations antérieures. Or, on n'a pas trouvé, dans les ruines, de médailles postérieures à Constant (337—350); d'où il résulte que la dernière de ces villas fut détruite à peu près vers le règne de ce prince, par quelque invasion de pirates saxons, et que le tombeau de l'artiste et sa demeure étaient d'une époque plus reculée.
— Le style des peintures, la forme des vases et des ustensiles les font remonter, selon nous, au second tiers du Ille siècle, période où les arts furent cultivés avec beaucoup de succès dans la Gaule. La présence de médailles de Gallien et de Postume, dans les sépultures, nous semble d'ailleurs un argument de quelque poids en faveur de cette hypothèse.
M. Letronne, consulté à ce sujet, fut entièrement de notre avis. Il nous écrivait, le 18 janvier 1848 : « La vue de vos dessins et la nomenclature des monnaies changent mes conjectures en certitude. Vous aviez fort bien indiqué l'âge du monument en fixant sa construction au IIIe siècle. La boîte à couleurs, les petites spatules et les vases de verre ont tous les caractères de cette époque. »
Tous les objets découverts à Saint-Médard sont en notre possession (47).
Les ruines de plusieurs autres villas gallo-romaines, situées dans la partie occidentale de l'ancien territoire poitevin, recèlent des débris de peintures murales. Nous en avons rencontré dans celles de Bouillé, du Martrai (sur la limite des communes de Fontenay et de Longève), du Langon, de Nalliers, du Pouzac de Saint-Martin-l'Ars, de Curzon, de la Touche-Grignon (commune de Longeville), de Trousse-Poil (commune du Bernard), de Saint-Gervais, de Chavagnes-en-Paillers, du Clion (Loire-Inférieure), et de Rezé (même département).
Rien ne démontre mieux que la civilisation romaine avait pénétré, avec tous ses raffinements, dans les parties les moins accessibles de la Gaule.
XXIV.
Il ressort de tout ce qui précède : 1° Qu'au me siècle, les villas du Bas-Poitou étaient décorées de peintures analogues à celles découvertes en Italie; — 2° Que ces peintures étaient exécutées soit à la détrempe vernie, soit avec des couleurs mêlées à de la chaux humide; — 3° Que la femme artiste de Saint-Médard, ainsi que la plupart des peintres décorateurs de la même période, employés en deçà des Alpes, était d'origine gauloise; — 4° Qu'elle se servait, de même qu'eux, de brosses et pinceaux, et faisait usage, comme vernis, de résine, de cire et de matières grasses ; — 5° Que les substances colorantes étaient du bleu égyptien, de la terre de Vérone, du vert-de-gris, du peroxyde de fer, et autres matières d'origine organique ou inorganique; — 6° Que les palettes étaient en basalte, porphyre et autre pierre dure; — 7° Que les anciens faisaient usage de poudre d'or mélangée avec une matière gommeuse; — 8° Qu'on avait coutume chez les Pictons, au IIIe siècle, de placer dans les tombeaux les objets d'affection, de les brûler avec le cadavre, ou de les livrer intacts à la terre; — 9° Que les peuplades de l'ouest de la Gaule avaient poussé fort loin l'art de travailler les métaux, surtout à partir de l'occupation romaine.
Nous ne voulons pas clore ce chapitre, sans remercier nos amis F. Ritter et O. de Rochebrune du concours qu'ils nous ont prêté, lorsqu'il s'est agi non-seulement d'exécuter les fouilles, mais encore de publier le résultat de nos découvertes. Nous nous plaisons à déclarer que ce travail leur doit une bonne portion de l'intérêt qu'il présente.
Fontenay, 31 décembre 1861.
Poitou et Vendée : études historiques et artistiques par B. Fillon et O. de Rochebrune
.
Fontenay-Vendée, 21 Août 1858, Une Lettre Inédite de Benjamin Fillon<==
Camp néolithique de Champ Durand - Nieul Sur L'Autise, Sauvéré Vendée <==
==> Description de la villa et du tombeau d'une femme artiste gallo-romaine, découverts à Saint-Médard-des-Prés (Fontenay)
==> Reconstitution historique d’une moisson au vallus dans le village Gaulois de Saint Saturnin du Bois
==> Le Marais Poitevin et la navigation sur la Sèvre Niortaise (Time Travel)
(1) Description de la villa et du tombeau d'une femme artiste gallo-romaine découverts à Saint-
Médard-des-Prés (Vendée); Fontenay, Robuchon, 1849; in-40 de 68 p. avec 5 planches lithographiées et quelques vignettes en bois. —Tire à 125 exemplaires. — Saint-Médard est à un kilomètre de Fontenay.
(2) D'autres personnes eurent des monnaies de Domitien, de Maximin de Thrace, de Claude II, de Constantin, de Fausta et de Constant.
(3) Près du mur de la cuisine était une quantité considérable de coquilles d'huîtres.
(4) Ces peintures ornaient probablement une chambre à coucher. — V. Pline, lib. XXXV, cap. X; Pline le Jeune, lib. N, epist. XVII.
(5) L'artiste a fortement accentué les contours, au moyen d'une grosse ligne, qui tranche légèrement sur le fond et sert de repoussoir aux demi-teintes.
(6) V. Vitruve, lib. VIII; Pline, lib. XXXVI. — On mettait quelquefois cinq couches successives. Les trois premières étaient composées d'un mélange de chaux et de sable de rivière, et, dans les deux supérieures, -on remplaçait le sable par du marbre pulvérisé. A Saint-Médard, cet élément n'a pu être employé, et l'on s'est contenté d'un sable plus fin.
(7) Histoire de l'art chez les anciens, liv. IV, chap. vin.
(8) V. la Revue archéologique, art. de M. Cartier fils, sur la Peinture encaustique des anciens. — Il signale des fragments de décorations et d'autres peintures exécutées par ce procédé.
(9) Mem. de l'Académie des sciences, 1849, p. 200. — Notre premier travail avait été communiqué à M. Chevreul avant d'être complètement livré à l'impression.
(10) Ce fragment appartenait aux sujets de grande dimension.
(11) V. plus loin l'analyse chimique des matières colorantes trouvées dans le tombeau.
(12) Fragment des sujets de petite dimension.
(13) Parmi les ossements se trouvait une tête d'antilope.
(14) Ce nom a été porté par un chef des Turones dont on a des monnaies.
(15) Avec M. Raoul Rochette.
(16) V. la Revue archéologique, 1847, p. 618.
(17) V. également les Comptes-rendus de l'Académie des sciences, séance du lundi 29 janvier 1849, p. 141.
(18) C'est par erreur que nous avions dit, dans notre première lettre à M. Letronne, que le cercueil était en bois de chêne. — V. Rev. arch., 1847, p. 610.
(19) Ce n'est pas le seul exemple de cercueils en bois employés par les Gallo-Romains. — V. entre autres les travaux si remarquables de M. l'abbé Cochet sur les sépultures antiques ; la notice de M. Eugène Lecointre sur celles d'Ecuré; dans les t. xxv et XXVI de l'Archeologia, la description de tombeaux trouvés en Angleterre, et, dans le Cabinet de l'Amateur, 1843, p. 338, l'article de M. Aug. Moutié sur le cimetière de la butte de Gargans, près de Mantes. Il est vrai que ces dernières sépultures sont attribuées à la période mérovingienne.
(20) Revue numismatique, 1845, p. 245. — « ... Nous établissons, dit M. de La Saussaye, que le sanglier fut choisi comme symbole naturel de la force farouche des Gaulois et de leur vie sauvage dans les forêts et les marécages qui couvraient la plus grande partie de leur territoire.
Et quant à la valeur religieuse, que sa présence sur les monnaies nous commande de reconnaître, elle nous paraît avoir dû son origine à la vie habituelle du sanglier dans ces forêts, qui étaient honorées d'un culte spécial, et où il se nourrissait du fruit même de l'arbre sacré par excellence, le chêne, placé à la tête de tous les objets d'adoration, comme le simulacre du Dieu unique des Druides. »
V. la Porte-Connétable de Narbonne et l'arc de triomphe d'Orange. — Le musée de Narbonne possède des dents de sanglier percées, ayant servi d'amulette, no 339-385 du catalogue. — Les Romains en suspendaient également au cou de leurs enfants en bas âge, et leur attribuaient de merveilleuses vertus odontalgiques. — V. Rev. arch., 1847, p. 230, article de M. Louis Pesch.
(21) Lettre de M. Chevreul du 9 mai 1849. — V. son Mémoire, p. 191 et 206. — M. Girardin a fait l'analyse d'un vase semblable, trouvé aux environs de Rouen dans un tombeau gallo-romain.
(22) Les anses ne sont pas de la même pièce, elles ont toujours été soudées après coup, et sont ornées de cannelures.
(23) Antiquité expliquée, t. v, pl. XCVIII, p. 18.
(24) Antiquité expliquée, par Montfaucon, t. III, 1er part., pl. LXIX.
(25) Ce couteau a la forme de ceux qu'on fabrique encore aujourd'hui à Pouzauges (Vendée). Le mécanisme de la virole est surtout identique. Le manche en cèdre a 0 rn, 085 de longueur.
(26) L'oxyde de cuivre, précipité de l'acide azotique par la potasse en excès, n'a pas cédé d'oxyde de zinc à cet alcali. — Une dissolution du cuivre de ce bronze dans l'acide sulfurique, passé à l'acide sulfhy- drique, n'a point donné de sulfate de zinc, après avoir été évaporée.
(27) Mem. de la Soc. des Ant. de l'Ouest. 1844, p. 465. — La découverte de Notre-Dame-d'Or a été cédée par nous au musée de la ville de Poitiers.
(28) Il y a plus de trente ans, on trouva au Donion de Maillé, commune de l'île de Maillezais, un enfouissement considérable, composé de haches gauloises en bronze.
D'autres dépôts de même nature ont été découverts à Mouzeuil et aux environs de Bazoges-en-Pareds.
(29) Mém. de l'Académie des sciences, t. XXII, p. 183.
(30) Ce sable, dont M. Chevreul ignorait la provenance, avait été mêlé aux couleurs par les eaux, qui l'avaient apporté en s'introduisant dans la fosse. Il compose le sol sur lequel était bâtie la villa de Saint-Médard ; par conséquent, il ne faut pas en tenir compte dans l'analyse des matières. — Il importe également de se souvenir que les couleurs en question étaient enfermées dans une boîte de bronze, dont l'oxydation avait fort bien pu fournir le cuivre trouvé par le savant chimiste.
(31) M. F. Parenteau en a trouvé une semblable à Rezé, près de Nantes.
(32) Pilture di Ercol, V, I.
(33) De la peinture encaustique des anciens, par E. Cartier fils. Rev. arch.. 1846, p. 447.
(34) Lettres d'un antiquaire à un artiste, p. 411.
(35) Ruines de Pompeï, n, p. 68. -
(36) Mém. de l'Académie des sciences, t. XXII, p. 185.
(37) La fiole était brisée ; mais ses morceaux étaient encore adhérents à la matière, qui avait conservé la forme arrondie du fond.
(38) V. plus haut l'analyse des fragments de peintures murales.
(39) V. pl. Ire. — Sur le pot sont gravées à la pointe les lettres IA S..
(40) Le bleu égyptien, fritte d'Alexandrie, a été signalé par Chaptal et Davy, et retrouvé, dans plusieurs villas gallo-romaines de Normandie, par M. J. Girardin, de Rouen, qui en a fait l'analyse.
(41) Mém. de l'Académie des sciences, t. XXII, p. 193.
(42) Antiquité expliquée de Montfaucon, t. m, 2e partie, pl. CLXXXIX, p. 338. — On y voit le monument funéraire d'un architecte, sur lequel est représenté un coffre ayant une serrure du même genre.
(43) Chez les Germains, on enterrait le cheval de bataille avec son maître. — V. Tacite.
(44) Cette ampoule avait beaucoup d'analogie avec certains verres de Venise. — V. l'introduction de la Description des objets d'art qui composent la collection de M. Debruge-Dumesnil, par M. Jules Labarte, p. 329. — V. Pline, Hv. XXXVI, LXVII.
(45) Le chef des Calédoniens, qui résista avec tant de courage aux efforts d'Agricola pour soumettre sa patrie, se nommait Galgacus. (V. Tacite, Agricola, 29.) Notre verrier était-il de race calédonienne?
(46) Conf. le no 18 de la pl. v des Lettres à M. Ch. Dugast-Matifeux sur quelques monnaies françaises inédites, p. 105.
(47) Ils nous ont été donnés en partie par la famille Parenteau de la Voute, propriétaire du terrain dans lequel les fouilles ont été pratiquées.