Connétablie de La Rochelle, Simon de Rochechouart connétable Vicomte de 1306 à 1316

On donnait autrefois le nom de connétablies à des bandes et compagnies de gens de guerre.


Froissard appelle ainsi des escadrons et bannières de cavaleries : constabularia, jurisdictio connestabilis. — Connétablie est aussi le nom de la charge de celui qui commande ces compagnies et bandes, cohortes, turmoe.
On fait dériver le nom de connétable du celtique konincs staphel, qui signifie garde du roi, ou du latin de moyen âge comes stabuli, et cuneus stabilis. Anne Comnène, dans l'histoire de son père l'empereur grec Alexis Comnène, parle de connétables; Pachymère en fait aussi mention.


Le roi Jean de Valois ordonna que ces connétablies seraient composées de vingt-cinq à trente hommes, l'an 1351.


Un vieux document de nos archives départementales prouve qu'on avait établi en Limousin cette organisation près d'un demi-siècle avant la réglementation royale.
C'est une longue et étroite bande de parchemin, où Simon de Rochechouart, connétable de La Rochelle, sorte de gouverneur, écrit en latin et en caractères très-difficiles à lire, un état ou liste des chevaliers, écuyers et hommes d'armes qui composaient sa connétablie.
 Il n'y a point de date; mais j'en ai trouvé une approximative dans l'histoire de la maison de Rochechouart publiée par le général comte de ce nom, à qui j'ai emprunté quelques détails sur le vicomte Simon.

Simon, vicomte de Rochechouart, fils d'Aimery IX et de Jeanne de Tonnay-Charente, naquit en 1262.


 Foucaud, son frère, était plus jeune que lui. Agé de onze ans, et quoique aîné de famille noble, il entra dans l'ordre des Dominicains, où il resta trois ans, et en sortit avant d'avoir quinze ans révolus.


 Le pape le releva de cet ordre monastique après les investigations d'une commission dont faisaient partie Jourdain Tisoni, prévôt de Rochechouart, Amédée de Mont-Cocu (Monscuculli), Almode de Marcillac, et autres chevaliers et damoiseaux.


Après avoir quitté le froc, Simon prit le titre de seigneur de Saint-Laurent, terre que son père lui avait assignée, et embrassa avec ardeur la carrière des armes.


 Il donna en 1299 quittance de 234 livres 17 sols 4 deniers à Guillaume de Montmort, Clerc du Roi, pour ses gages, scellée, en cire rouge, d’un sceau chargé de trois fasces ondées, entre lesquelles sont fermées des larmes ou gouttes d’eau.


Il servit son roi et son pays avec autant de zèle et de dévouement que d'intelligence.
Les titres qu'il obtint en récompense de ses services sont adressés à messire Simon, de Rochechouart, chevalier du roi de France, comme il l'écrivit au présent parchemin : Simon ne voulait pas être le chevalier du roi d'Angleterre, mais bien de son seigneur suzerain.
Il fut nommé par le roi de France Philippe le Bel son conestable de La Rochelle, l'an 1303, pour avoir empêché le transport des grains à l'étranger, et notamment à l'Espagne.


 Dans ses lettres-patentes, ce monarque lui donne des témoignages de sa confiance en sa fidélité.
Simon de Rochechouart, seigneur de Tonnay Charente suivit Philippe le Bel avec tous les chevaliers des provinces qui le choisirent pour chef,  et prit avec eux une part glorieuse à la bataille de Mons-en-Puelle, gagnée par le roi de France dans la guerre de Flandres en 1304

Il épousa, cette même année, Laura, fille de Jourdain III, prince de Chabanais, et d'Alix de Montfort, veuve de Raymond IV, vicomte de Turenne.
Il mourut en 1316, et voulut être enterré dans l'église des Dominicains de Saint-Junien.


De ce mariage :


-    1° JEAN 1er du nom;
-    2. AIMERY, Seigneur de Chabanais, de Confolant, etc., à cause de sa mère, dont il prit le nom et les armes. Il fit partage avec son frère le 29 Avril 1353, et épousa Alix de Châteauneuf, dont : Eschivat, Seigneur de Chabanais, de Confolant, etc., marié à Sibylle de Bouffé, de laquelle il eut (a) JEAN, Seigneur de Chabanais, mort sans alliance ; (b) JEANNE, Dame de Chabanais, de Confolant, etc., mariée 1º à Guillaume Maingot, IXe du nom, Seigneur de Surgères, dont elle était veuve en 1342 ; et 2º à Miles de Thouars, Seigneur de Pousauges et de Tiffauges, fils de Hugues, Seigneur de Pousauges, et d'Isabeau de Noyers, Dame de Tiffauges; (c) Et LAURE, dite Mademoiselle de Chabanois. 2. Et JEANNE, Religieuse à Poissy en 1336.

Le roi de France reçut un legs de trois cents livres, comme un, des exécuteurs de son testament.


Simon avait succédé, en 1306, à la vicomte de Rochechouart, après la mort d'Aimery IX, son neveu, qui avait affranchi les habitants, et constitué la commune de Rochechouart ; son parent Foucaud fut gouverneur de La Rochelle.


Je transcris le texte latin de cette pancarte, en développant les abréviations, et je traduis en français, en suppléant par des équivalents aux mots effacés ou aux lacunes.


Presencia militum et scutiferorum existentium in muntide (1) et stabilita Rupelle in secacestre (2) domini Symonis de Ruppecavardi, militis domini régis Francorum et constabularii ejusdem Rupelle.
Chevaliers et écuyers présents au fort et à la garnison de La Rochelle à la suite de messire Simon de Rochechouart, chevalier du seigneur roi des Français et son connétable à La Rochelle.


Idem constabularius. Gaucelinus de Melhac (3), scutifer. Fulcaudus de Rupecavardi, scutifer.
Ledit connétable. Gaucelin de Meilhac, écuyer. Foucaud de Rochechouart, écuyer.


Amelius Davidis (4), armiger. P. Dompnho (5), scutifer. Deus Lori (6), scutifer. Jordanus Tiso (7), scutifer. P. Tethfont (7 bis), scutifer. Guillelmus de Sto-Laurentio (8), scutifer.
Amelius de David, jeune écuyer, homme d'armes. P. du Dognon, écuyer. Dominique de Lori, écuyer. Jourdain Tison, écuyer. P. Tethfont, écuyer. Guillaume de St-Laurent, écuyer.


Hugo Fulcaudi (9), scutifer. Présentes sunt de hospitio domini constabularii : Dominus Guillelmus de Rupe (10), miles.
Hugues de Foucaud, écuyer. Sont présents au logis (hôtel) du seigneur connétable: Messire Guillaume de La Roche, chevalier.


Heyraudus Chadens, scutifer. Girard de Preunh (11) (biffé). Ademarus Bechada (12). Fulconetus de Chastelluz (13). Isti sunt de sociétaire (14) dicti domini Guillelmi de Rupe.
Heyraud Chadens, écuyer. Effacé Gérard de Preuuh. Adémar Béchade. Foulquet de Chastellux. Font partie de l'escouade du susdit seigneur Guillaume de La Roche.


Habuit dictus dominus Guillelmus pro se et scutiferis predictis VIIIxx VII libras XL solidos XI denarios.
Ledit seigneur Guillaume reçut pour lui et les écuyers susdits huit vingt-sept livres quarante sols onze deniers.


Dominus Guido Bruni (15), miles. Constantinus Mâches (16), scutifer. Geraldus Ruffo (16 bis), scutifer. Geraldus Rotberti, scutifer. Isti sunt de secacestre dicti domini Guidonis.
Le seigneur Guy de Brun, chevalier. Constantin Mâches, écuyer. Gérard Roux, écuyer. Gérard de Robert, écuyer. Ceux-ci sont de l'escouade dudit seigneur Guy.


Habuit idem dominus Guido pro se et scutiferis suis IXxx libras LI solidos IIIj denarios. Guillelmus de Maruelh (17), scutifer, baro. Guillelmus de Maruelh, ejus filius, scutifer.
Ledit seigneur Guy a reçu pour lui et ses écuyers neuf vingts livres cinquante-un sols quatre deniers. Guillaume dé Mareuil, écuyer et baron. Guillaume de Mareuil, son fils, écuyer.


Bernardus Chabrou (18), scutifer. Helias de La Vautta (19), scutifer. P. Chat (20). Habuit dictus Guillelmus de Maruelh pro se et scutiferis suis CCX libras. Guilhotus Le Breton, scutifer, habuit XXXIII libras XVIII solidos.
Bernard Chabrou, écuyer. Hélie de La Voutte, écuyer. P. Chapt (?). Ledit Guillaume de Mareuil a reçu pour lui et ses écuyers deux cent dix livres. Guillaume Le Breton, écuyer, a reçu trente-trois livres dix-huit sols.


Thomas Symonis (20 bis), scutifer, habuit XVI libras V solidos. Rotbertus Saguini (20 ter), scutifer, Perrotus Theobaldi, scutifer, Scolin Rigau (21), scutifer, habuerunt CIX libras.
Thomas de Symon, écuyer, a reçu seize livres cinq sols. Robert de Séguin, écuyer, Perrot de Thibaud, écuyer, Colin Rigau, écuyer, reçurent cent neuf livres.


Guillelmus Seguini, scutifer. J. Malerant (22), scutifer, habuit XXXII libras V solidos. J. Jolivet, scutifer, habuit X libras. Guillelmus Vigerii, scutifer, habuit XIX libras XVsolidos.
Guillaume de Seguin, écuyer. J. Malerant, écuyer, reçut trentedeux livres cinq sols. J. Jolivet, écuyer, reçut dix livres. Guillaume de Vigier, écuyer, reçut dix-neuf livres quinze sols.


Sequuntur expensa de nunciis transmissis pro negociis domini régis Francorum.
Suivent les dépenses des messagers expédiés pour les affaires du sire roi des Français.


In primis sunt Dnus W. de Rupe, miles : ivit de Fce et die veneris in festo sancti Thomoe apostoli, et expendit, eundo, et redeundo, et faciendo moram ad curiam (23), XXXVIII libras et X solidos.
Des premiers sont le seigneur Guillaume de La Roche, chevalier : il alla en France le vendredi avant la fête de saint Thomas apôtre, et dépensa en allant, revenant, et séjournant à la cour, trente-huit livres et dix sols.


Item die veneris post Cineres, dominus magister Johannes fuit transmissus in Fra, et expendit eundo et redeundo, et faciendo moram ad eamdem, L solidos.
Item le vendredi après les Cendres, le seigneur messire Jean fut envoyé en France, et dépensa en allant et revenant, et séjournant à la même cour, cinquante sols.


Item die veneris post Oculi mei (24), fuit dictus dominus Guillelmus de Rupe, miles, ivit in Fran pro negociis domini régis Francorum illustris, et expendit eundo et redeundo , et faciendo moram ad curiam , XXXIII libras XIII denarios.
Item le vendredi après Oculi mei, ledit seigneur Guillaume de La Roche, chevalier, alla en France pour les affaires du sire illustre roi des Français, et dépensa en allant et revenant, et séjournant a la cour, trente-trois livres treize deniers.


Item die lunse post Laetare, Jérusalem (25), dominus constabularius solvit et deputavit Yvonet Vogerin, barbi tonsorem et ejus fratrem : X solidos pro labore quem sustinuerunt ad capiendum Chalop Stae-Marise de Fontearabiae.
Item, le lundi après Leatare, Jérusalem, le seigneur connétable paya et envoya Yvonet Vogerin, barbier, et son frère : dix sols leur furent comptés pour la peine qu'ils prirent dans la capture de Chalop de Sainte-Marie de Fontarabie.


Item XI, solidos Thomse Baco eidem ca et pro eo qui praeparavit.
Item quarante sols Si Thomas Bacon pour le même travail et pour celui qui l'aida.


Item, die jovis sequente, VIII libras Nicholao Berengier, pro eo qui equitavit et praeparavit quod Michelyres le flament caperet.
Item, le jeudi suivant, huit livres à Nicolas Berengier, pour celui qui chevaucha et facilita le Flament dans la prise de Michelyres.


Item, die martis post festum Paschse, dominus constabularius misit in Fram ad Liedis (26) dominum Penot Rouffet pro negociis domini régis, et expendit eundo et redeundo, et faciendo moram, XXV solidos et XIII denarios.
Item, le mardi après la fête de Pâques, le seigneur connétable envoya à Liedis en France le sieur Penot Rouffet pour les affaires du sire roi, et il dépensa en allée, retour et séjour, vingt-cinq sols et treize deniers.


Dictus Penot ivit post festum Pentecostes Par…. et expendit XV solidos.
Ledit Penot alla après la fête de la Pentecôte à Par…. , et dépensa quinze sols.


Item Amelius Davidis, qui cum eo ivit ultro Par..., et expendit XV libras.
Item, Amelius de David , qui l'accompagna volontairement à Par...., dépensa quinze livres.

Oce IIIxx et XV libras et X solidos (27).
Sept cent quatre-ving-quinze livres et dix sols.

Il est vraiment à déplorer que le temps soit venu augmenter par ses ravages les imperfections de cette pièce, qui offrirait d'intéressants détails sur le salaire des hommes d'armes, les frais de voyage, etc., au commencement du XIVe siècle.


Le connétable Simon de Rochechouart la rédigea sans doute de sa main au milieu du bruit des armes, et n'y épargna ni les ratures, ni les abréviations, ni les mots mal écrits, et par suite mal lus.


J'ai dû tâcher d'approcher du sens de cet état militaire en employant quelques équivalents : ainsi, aux renvois 1 et 2 du préambule, j'ai rendu le mot muntide, à cause de sa ressemblance avec munitione, par le fort de La Rochelle; mais le mot secacestre m'a présenté plus de difficultés : je n'ai trouvé ni l'un ni l'autre dans aucun dictionnaire ; et, procédant par analogie, j'ai choisi le mot escouade, partie d'une compagnie : escouade dérive du vieux mot escu, bouclier ; le terme grec kestre signifie petit bouclier.


Sequax, sequus et sequa, pedisequus et pedisequa, sont composés d'un adjectif qui veut dire volontaire, homme qui suit de bonne volonté; et, comme cette troupe consiste en cinq ou six hommes (nombre qui formait les escouades), et tous écuyers, je ne crois pas m'éloigner trop de l'intention de l'écrivain.


Si ce mélange de grec et latin ne paraît pas convenable, le mot latin cestrum signifie arme pointue : alors notre escouade serait composée d'hommes armés de piques. Simon a écrit societatre pour societate, ce qui permet de croire qu'il n'était pas toujours correct.


(3) Le nom de Meilhac est celui d'une seigneurie limousine.
(4) Celui de David est très-ancien en Limousin : les David de Las Tours, les David des Étangs, etc. Amelius de David, chevalier, figura dans des actes de 1304 et 1307.
(5, 6,7, 7 6ts, 8 et 9) Dognon, Lori, Tison (souche de la famille des Cramaud), Teyfon, aujourd'hui Barbe-Teyfon, Saint-Laurent et Foucaud, du Limousin.
(10) Gui de La Roche, le père ou le parent de celui qui défendit si vaillamment la cité de Limoges.
(11) Girard de Preunh, d'une famille attachée aux Rochechouart.
(12 et 13) Béchade de Chalucet, de Chastellus, de la Marche.
(14) Societate serait peut-être mieux traduit par « compagnie » ; mais elle n'est pas plus forte qu'une escouade.
(15, 16 et 16 bis) Les Brun de Luzignan, comtes de la Marche et d'Angoulême, rois de Chypre et de Jérusalem ;
— Macheix , seigneurie en Bas-Limousin ; — Roux de Romain et de ChâteauRocher, limousins.
(17) Mareuil, une des quatre baronnies du Périgord : les Beynat,Biron et Bourdeille.
(18) Chabrou de Lespinasse : un damoiseau de ce nom figure dans un acte de 1307.
(19 et 20) De LaVoulte, fils du duc de Levi Ventadour; Chapt de Rastignac (?), l'un limousin, l'autre périgourdin.
(20 bis) Il y a encore des Simon à Rochechouart.
(20 ter) Des familles Séguin sont connues en Limousin comme en Angoumois.
(21 et 22) Rigaud, famille de St-Junien ; Perry de Malerant, famille d'Angoumois.
(23) J'ai traduit curiam par « la cour », sans pouvoir fixer où elle était, le roi dans ces temps de guerre changeant souvent de résidence. L'abréviation permet à la rigueur de lire in Franciam; mais le lieu commençant par Pa…. n'est pas assez bien écrit pour adopter Paris : Poitiers conviendrait mieux.
(24 et 25) Les 3e et 4e dimanches de carême.
(26) Liedis n'a pu s'expliquer.
(27) Il y a trop de lacunes pour pouvoir vérifier si le total des sommes est juste : je me bornerai à rappeler que le marc d'argent valait 6 fr. en 1303, et qu'il redescendit à 3 fr. environ trois ans après.
Si l'on pouvait donc prendre pour base la valeur du marc d'argent à cette époque, et la nôtre au taux de 48 fr. actuel, notre monnaie vaudrait trois fois celle portée au manuscrit, et ses huit cents livres environ représenteraient 12,800 fr.


MAURICE ARDANT,
Archiviste île la Haute-Vienne, Officier d’academie.
Limoges, le 26 décembre 1862.


Société archéologique et historique du Limousin

 

 

 

En 1264 Aymeric IX de Rochechouart vient assiéger Géraud de Maulmont dans son château de Châlus-Chabrol. <==