Chinon 1626 - Notice sur Madame Des Planches (Elisabeth du Puy du Fou - Combronde) Religieuse du Calvaire

« On peut sans doute mettre au nombre des meilleurs sujets qui soient entrez dans le Calvaire (1) d'Angers (2) la R. Mère Marie de la Croix, puisque son entrée a esté honorable et profitable à toute la Congrégation naissante, par son extraction, par ses bienfaits, et plus encore par sa Jouable et sainte conversation. »

C'est en ces termes que les Annales Calvairiennes. (3) auxquelles nous empruntons plusieurs de ces détails, parlent de l'éminente religieuse dont nous voudrions ressusciter le souvenir — brièvement.

Elle s'appelait Elisabeth du Puy du Fou (4).

La date de sa naissance n'est indiquée dans aucun des documents que nous avons pu consulter, non plus que celle de sa mort.

Selon nos calculs, elle dut naître vers 1599 et mourir vers 1655 (5).

Elle était la fille unique du baron de Combronde.

Toute jeune, elle fut mariée à Messire Charles des Touches, écuyer et marquis des Planches qui la laissa, vers 1624, veuve et sans enfants. Elle n'avait alors que 24 ans.

A cet âge, la vie possède encore quelques charmes ; l'horizon de l'avenir se découvre plein de grâces, de fraîcheurs et d'espérances. La jeune veuve, semble-t-il, ne devait donc pas s'éterniser dans les pleurs stériles d'un deuil sans fin.

 Fort aimable, douée d'un bel esprit, d'un excellent jugement, d'un caractère doux et agréable et d'une beauté charmante quoique de petite taille et de santé délicate, elle préféra demeurer dans la maison de son mari, à peu de distance de Nantes, tranquille et isolée.

Elle avait déjà lié connaissance avec une religieuse du Calvaire de Nantes (6), la mère Agnès de Sainte-Croix qui pour lors était prieure (7), elle était avec elle en relation de visites et de correspondance ; et la vue d'une cérémonie de profession au monastère avait profondément remué l'âme inquiète de Mme des Planches.

A l'étonnement de tout le monde elle fit grise mine, à tous les partis qui se présentèrent pour obtenir sa main. Et ils se présentèrent nombreux et pressants. Un gentilhomme entre autres, fort de l'appui d'un grand personnage, poussa l'audace jusqu'à tenter un enlèvement. Il se met à la tête d'une compagnie de cent hommes, comme pour l'assaut d'une forteresse. C'est â un fil qu'il ne tint que le tour réussit.

Mme des Planches est heureusement avertie en temps utile par un paysan, elle se déguise en femme du peuple, gagne la ville de Nantes et de là se retire en Poitou, puis finalement à Angers.

Qui fut désappointé ? Ce fut le gentilhomme.

Il le fut davantage encore, quand il apprit que Mme des Planches était entrée en qualité de religieuse (8) au Calvaire d'Angers (9). Toutefois la postulante ne prit pas aussitôt le voile blanc.

Il était des accommodements qu'elle ne pouvait tout d'abord se dispenser de préparer.

Sa mère,  la baronne de Comeronde vint à Angers ; par ces prières et ses larmes elle conjure sa fille de renoncer au projet d'enfermer sous les grilles austères d'un cloître à la fois tant de richesse, tant de jeunesse et de beauté.

 Ce fut en vain. Le refus qu'elle essuya blessa au cœur Mme de Comeronde qui mourut peu de temps après, de chagrin.

Madame des Planches, qui avait pris le nom de sœur Marie de la Croix, et reçu l'habit de l'ordre des mains de Mgr Philippe Cospéan (10) était alors novice, et elle avait été envoyée à Chinon, afin de donner commencement à une nouvelle fondation (11).

 

Peu de temps auparavant elle avait eu à soutenir un procès au sujet de la succession de sa mère.

Un sien cousin, M. d'Argenton, prétendait qu'elle n'était pas capable de succession parce qu'elle était religieuse.

Il fallut, devant notaire, passer un acte authentique constatant que la profession religieuse n'avait point encore été émise. A cette occasion, Madame des Planches dut faire le voyage de Paris.

 

Elle repartit du Calvaire de Saint-Germain, où elle était probablement descendue, le mardi 25 avril 1625 (12) et s'arrêta à Vendôme qu'elle ne dut quitter qu'après les fêtes de la Pentecôte (13), pour rentrer à Angers.

A la suite de son procès, Mme des Planches se trouva héritière de 250,000 livres.

 Cette fortune fut répartie entre plusieurs monastères de la Congrégation ; la généreuse donatrice n'en refusa pas moins constamment le titre de Fondatrice.

 

 

1632 Donation faite par une Religieuse avant sa Prosession, de l’usufruit d'une terre de grand prix au profit du Monastère réduite à la moitié de l'usufruit.

LE Vendredi 18. Juin, jugé qu'une donation faite par Dame Elizabeth du Puydufour, au profit du Monastere des Benedictines du Calvaire du Fauxbourg S. Germain, avant qu'y faire Prosession, de l’usufruit de sa terre de Phemoreau (Faymoreau), située en Poitou, étoit nulle, et de nul effet et valeur, et néanmoins ordonné qu'elle jouiroit de 1200. livres de rente par forme de pension viagère sur ladite terre, pour le payement de laquelle le sieur du Puydufour son cousin germain et son héritier, seroit tenu lui bailler bonne et suffisante caution ert cette Ville de Paris, conformément aux conclusions de Monsieur l'Avocat General Talon.

 La terre, de l'usufruit de laquelle elle avoit disposé au profit du Monastere, étoit affermée à 2400. liv. par chacun an. Il y avoit outre cela preuve que ladite Damoiselle avoit encore porté une somme de 3 200. livres en un des Convents desdites Bénédictines hors la Ville de Paris.

Plaidant Buffet pour ledit sieur du Puydufour. V. Bard. ibid. ch. 33.

 

 

(18 JUIN 1632.) Entre le sieur DU PUYDUFOUR, demandeur en requête civile, Et les DAMES RELIGIEUSES du monastère des Bénédictines du Calvaire de Paris, défenderesses.

Une donation faite par une religieuse à un monastère, avant que d'y faire profession, est-elle valable?

MESSIEURS, Il se peut faire que cette cause, qui importe également à l'une et l'autre des parties pour la conservation du bien qu'elles prétendent réciproquement leur appartenir, soit susceptible de divers jugements selon les faces différentes que l'on a voulu lui donner, parce que d'une part l'on s'est efforcé de faire valoir la bonne foi, l'autorité des transactions et l'honneur des choses jugées, de l'autre côté, l'on recherche tous les avantages que peut donner la faveur des causes publiques dans lesquelles l'on excite la nécessité de nos offices pour nous intéresser dans les maximes générales et faire cesser le préjudice que l'on appréhende par les fins de non-recevoir : de sorte que nous sommes obligés, outre les actes de la procédure, d'examiner les pièces qui nous ont été mises entre les mains: car il semble que le récit exact et véritable de ce qui s'est passé doit suffire pour éclaircir les difficultés de l'affaire.

Dame Elisabeth du Puydufour, veuve du sieur du Plancher, est cousine du demandeur en requête civile, et d'ailleurs sa belle-sœur, ayant épousé le frère de sa femme.

D'une part, il étoit son héritier présomptif; et d'autre coté, il avoit plusieurs différends à démêler avec elle.

Ils transigèrent le 24 octobre 1625: le sieur du Puydufour s'obligea de lui payer une somme de 11,000 écus pour la restitution de ses deniers dotaux et le remploi de ses propres aliénés.

En conséquence de ce, ladite dame promit de ne vendre, engager ni aliéner aucune chose de ses biens immeubles tant qu'elle seroit dans le monastère des Bénédictines de la ville d'Angers, sauf à elle à en disposer au cas qu'elle voulût vivre et rester dans le monde.

Elle se réserva pourtant la jouissance de ces biens sa vie durant, soit qu'elle fît profession en religion pour en disposer au profit du monastère, soit autrement, ainsi qu'elle aviseroit.

Cette somme de deniers a été fournie à la dame du Puydufour pendant qu'elle étoit comme novice dans le monastère du Calvaire d'Angers, ou dans celui du Calvaire de Chinon.

Elle a aussi reçu autre semblable somme de 11,000 écus, des cohéritiers du sieur du Puydufour, en la même succession.

Nous apprenons que, le 2 février 1626, elle est entrée dans le monastère des Bénédictines du Calvaire à Angers; qu'elle y a été vêtue religieuse et leur a donné l'usufruit de tous ses immeubles.

Il est difficile de savoir combien de temps elle y a demeuré, car le 23 janvier 1627, elle étoit à Chinon, dans le même monastère du Calvaire, non plus comme novice, mais comme femme veuve qui s'y étoit retirée, et au mois de mars de cette même année elle se trouve dans un deuxième noviciat au couvent de Loudun où elle a demeuré environ jusqu'au décès de la dame de Combronde, sa mère, époque à laquelle elle est venue loger en cette ville de Paris, au faubourg Saint-Germain, proche le couvent du Calvaire.

Elle est sortie pour recueillir sa succession, plaider contre ceux qui la retenoient à son préjudice, et faire casser la clause insérée dans la transaction du 24 octobre 1625, faite avec le sieur du Puydufour, contre lequel elle avoit obtenu des lettres à cet effet.

Ces deux procès ont été terminés en même temps et en même jour :

l'un par transaction du premier février 1629, par laquelle elle a vendu la succession de sa mère, moyennant une somme de 12,000 écus ; l'autre par un arrêt par appointé rendu avec le sieur du Puydufour, confirmatif de la transaction et de la sentence rendue par le juge de Fontenay.

Ainsi cette dame ayant établi l'ordre dans ses affaires, touché tous les deniers qui lui pouvoient être dus jusqu'à la quantité de 34,000 écus, et ne pouvant plus raisonnablement espérer aucune succession, a fait un troisième noviciat et donné au monastère du Calvaire de cette ville de Paris, dans lequel elle est entrée, l'usufruit de ses immeubles qu'elle s'étoit réservé par la transaction.

Voilà, Messieurs, ce qui a donné lieu au différend qui se présente.

La conséquence en est plus grande que l'intérêt des parties ; et les considérations publiques, plus fortes que celles des particuliers, nous obligent de requérir, pour l'exemple, ce qui paroît être dissimulé dans les circonstances de l'affaire, et semble, dans les premières apparences , combattre la bonne foi et la légalité.

Car si, d'une part, le demandeur en requête civile se présente comme un homme qui profile du bien de sa cousine-germaine, recueille une ample et grande succession collatérale, et qui, non content de tous ces avantages, lui envie l'usufruit d'une terre qu'elle s'est réservée pour lui tenir lieu de pension viagère ; si dans l'ordre de la procédure vous le considérez comme un homme qui se plaint d'un arrêt rendu à son profit, se veut prévaloir de l'opportunité du temps pour refuser à présent ce qu'il a autrefois désiré, il n'est pas bien difficile, dans ces premières propositions, de le convaincre, ce semble, d'ingratitude et de prévarication.

Mais quand nous examinons, d'un autre côté, l'ordre, la suite et la tissure de tout ce qui s'est passé à l'égard de cette dame, du moment qu'elle a été veuve, et que son esprit, possédé par ces religieuses, a pris la résolution de se retirer dans leur monastère, l'a portée à faire des actions indignes de sa condition et de l'honnêteté publique, nous rougissons de honte de la voir, en moins de cinq années, être trois fois novice, en trois di verses maisons d'un même ordre , sortir deux fois d'un monastère où elle étoit entrée, pour plaider contre ses parents, réduire la meilleure partie de son bien en argent comptant, se dépouiller de tous les sentiments d'humanité et de bienséance pour porter 100,000 liv. sonnantes dans un monastère , et tout cela fondé sur la science des équivoques , sur des rétentions mentales et sur le projet de faire fraude à l'ordonnance, de circonvenir les paroles et l'intention de la loi, et de trouver des subterfuges pour éluder l'autorité de vos arrêts.

Les religieuses du Calvaire savent bien qu'elles ne peuvent recevoir de donation de la part de celles qui entrent dans leur maison, parce que les édits du Roi le défendent, et que vos jugements y résistent. Elles ne peuvent ouvertement combattre les paroles de la loi, ni s'opposer à son exécution ; mais elles reçoivent cette dame en habit et en qualité de séculière, en la ville d'Angers, au mois de décembre 1625.

Deux mois après, elles lui baillent l'habit de novice.

Puis l'on la promène en la ville de Chinon, dans une maison du même ordre, et parce qu'il n'y avoit rien encore qui pressât sa profession, elle y paroit à la grille en qualité de séculière, dans le mois de janvier 1627.

Incontinent après, elle y est faite novice, pour la deuxième fois, et demeure dix - huit ou vingt mois dans cette maison.

Les saints canons obligent une religieuse de faire profession après l'année de son noviciat, si elle est capable, ou de quitter le monastère, si elle n'est pas propre à la religion : ainsi parlent les conciles de l'Eglise; tel est l'usage de tous les monastères et la discipline régulière de tous les ordres.

Mais notre siècle a inventé des exceptions pour se garantir de cette règle générale, quand il y a des successions à écheoir et du bien à espérer dans le monde, pour le porter dans un monastère.

Aussi cette pauvre femme qui, dans les sentiments de piété dont sa conscience étoit occupée , n'agissoit plus que par l'organe d'autrui et dans une volonté empruntée, est obligée de sortir pour paroître une seconde fois dans la salle du Palais, poursuivre la succession de sa mère, qu'elle ne vouloit pas posséder ; faire contenance de vouloir rentrer dans le monde ; soutenir qu'elle n'est plus et ne veut pas être religieuse.

 Et cela, n'est-ce pas mentir à sa conscience, imposer au Saint-Esprit, vouloir piper tout le monde et profiter de sa tromperie au préjudice de l'ordonnance et des édits du roi? A quoi bon tout cela? quelle en est l'utilité ?

C'est pour porter dans le couvent des Bénédictines du Calvaire 102,000 liv. en argent comptant : car il est bien vérifié qu'elle a reçu cette somme; qu'elle lui a été comptée et nombrée à la grille du monastère; que ces deniers sont entrés dans le couvent; et nous nous assurons qu'il n'y a personne en l'audience qui voulut croire qu'ils en sont sortis, ni que cette dame en a disposé, comme si le complément d'une profession monastique qui doit être un sacrifice de cœur et une victime de louange, se mesuroit par le nombre des offrandes et par la quantité de l'encens.

Celui qui reçoit et exauce nos vœux examine les volontés et méprise les présens. Nous honorons les moines dans leur solitude, et les religieux dans leurs exercices de piété ; nous les considérons comme des esprits bienheureux qui, s'étant détachés des affections et des intérêts de ce monde, anticipent le temps d'une meilleure vie, contents de leur condition qui contient en soi-même une plénitude de grâce et de satisfaction toute entière ; mais lorsque faisant une démarche contraire à la vertu de leur profession, ils paroissent en état de gens qui veulent acquérir, qui se fortifient contre le siècle ; et, se défiant quasi de la Providence qui nourrit les oiseaux du ciel et sait bien revêtir les lis de la terre, ils cherchent leur avantage dans la possession du bien qu'ils désirent par des voies in directes contre la disposition des lois publiques introduites pour la conservation des familles et l'intérêt commun de l'Etat, nous ne les traitons plus comme religieux, et nous sommes obligés de leur opposer perpétuellement la sévérité des règles générales.

Anciennement, lorsque l'Eglise, gouvernée dans l'ordre établi par les apôtres, toute échauffée de l'ardeur des premiers saints pères, se conduisoit dans les voies de la charité et de la délection, il étoit bienséant de lui voir posséder de grands biens. Les ecclésiastiques en étoient simples économes et administrateurs, ils en retenoient fort peu pour eux, afin d'avoir le moyen d'en distribuer davantage aux autres. Il y avoit presse à qui donneroit à l'Eglise et doteroit richement les monastères : ils étoient les dépositaires publics pour la nourriture des pauvres d'une province, leur charité n'ayant d'autres bornes que celles de leur pouvoir ; et comme la condition des ecclésiastiques ne résistoit point à cette possession, les lois de l'état autorisoient facilement cet usage dont le public retiroit toute l'utilité.

Mais du moment que cette charité s'est tant soit peu refroidie , et que les biens de l'Eglise diversement ménagés ont été aux uns des instruments d'avarice pour s'enrichir et s'accroître, aux autres des occasions de luxe et de dépenses superflues, les enfants ont suffoqué leur mère, et les richesses ont étouffé la piété qui les avoit introduites dans l'Eglise.

Pour cela les princes, dans leurs états, ont fait des établissements pour conserver les biens dans les familles, à l'exclusion des ecclésiastiques, ce que les grands personnages pieux n'ont jamais improuvé : ils ont au contraire été obligés d'avouer n'avoir à se plaindre que des mauvaises mœurs de ceux qui avoient rendu ces lois nécessaires.

Ainsi le grand législateur des Hébreux ayant invité le peuple de Dieu à contribuer à l'édification du tabernacle, qnand les sages qui y étoient employés l'eurent averti que les présents du peuple se portoient à l'excès, et que chacun mesuroit sa dévotion à la valeur de son offrande , arrêta tout court cette impétuosité ; et, se contentant de ce qui étoit nécessaire pour le service divin, défendit à son de trompe de ne plus apporter aucuns présents, co quod oblata sufficirent et superabundarent.

L'on a donc pensé, en conservant à l'Eglise son ancien patrimoine, qu'il étoit avantageux de s'opposer à l'accroissement insensible de ceux qui, retenant toute sorte de biens, et les retenant sans pouvoir les aliéner, deviendroient sans cela trop puissants dans l'état.

Comme de vérité en cela doit consister la mesure et la règle la plus certaine à accorder en de telles occasions, c'està-dire que celui qui entre dans un monastère , et principalement en l'un de ceux qui ne sont point rentes, doit avoir la liberté de faire un contrat en sa faveur, lors de sa réception, d'y donner une portion honnête, d'y porter une somme modique de deniers proportionnée à ses biens et à sa condition, et non pas d'épuiser sa substance par des donations immenses. Les ordonnanc es faites pour l'ordre public de l'état y résistent, et vos arrêts qui les exécutent cassent toute sorte de contrats pratiqués pour y faire fraude et préjudice, n'importe quelque consentement qu'il y ait, ni quelque fin de non recevoir que l'on articule.

La loi a le pouvoir de déroger aux droits des particuliers, et de les abolir pour le bien public; mais les particuliers ne peuvent déroger à la puissance et autorité du prince, ni empêcher, soit par donation entre vifs, soit par transaction ou disposition testamentaire, que la loi ne retienne son autorité, toujours plus puissante que l'intérêt de ceux qui contractent.

Nous savons bien qu'il leur est permis de renoncer aux droits introduits en leur faveur, de se départir du bénéfice de la loi, et que la disposition de l'homme fait cesser celle du législateur; mais cela s'entend en affaires particulières, en choses qui sont de droit commun : car quand une loi conçue en termes prohibitifs et négatifs a établi un droit public pour retenir la disposition des hommes , et mettre des bornes à leur volonté , comme, par exemple , quand elle limite l'âge pour tester , quand elle défend aux personnes mariées de s'avantager l'une l'autre, quand elle interdit l'aliénation , la donation des propres ou des acquêts jusqu'à certaine concurrence , quand elle défend les contrats usuraires, quelque disposition qui paroisse, elle est inutile.

Les transactions, les fins de non recevoir, les arrêts par appointé sont de foibles obstacles pour y faire préjudice, parce que son établissement étant l'âme de la cité et l'esprit principal qui fait subsister l'économie générale, il ne peut ni ne doit souffrir aucune altération.

 Le consentement contraire doit être estimé nul dans son principe, et destitué de la forme nécessaire qui donne l'être et la naissance à tous les actes civils. Les ordonnances de cette qualité seroient effectivement inutiles, s'il étoit au pouvoir des particuliers de les éluder obliquement, et si la prévoyance de la loi pouvoit être surmontée par l'artifice de ceux contre lesquels elle est faite.

Or, l'ordonnance d'Orléans, art. 19, et celle de Blois, art. 28, défendent les donations directes et indirectes au profit des monastères : et leur intention a été de conserver les biens dans les familles, ne jugeant pas raisonnable que les religieux se puissent enrichir aux dépens des sujets du Roi qui supportent les charges de l'état.

Ces établissemens publics, lesquels importent à tout le monde, ont été heurtés par des voies obliques et indirectes : les uns ont donné aux couvents du même ordre que celui dans lequel ils faisoient profession : vous avez cassé leur disposition ; les autres ont fait des ventes simulées, pour en faire tourner les deniers au profit des monastères: vous les avez déclarées nulles en une cause qui fut plaidée il y a deux ans, concernant une femme veuve de la ville d'Angers, qui s'étoit retirée dans le monastère de la Fidélité de Saumur.

A présent, l'on veut faire subsister une donation que l'on sait être nulle et contraire à l'ordonnance, non par la qualité de l'acte, mais parce que, dit-on, celui qui peut y avoir intérêt y donne les mains, l'a consenti, approuvé, et n'est pas recevable à agir contre son propre fait.

Mais outre qu'il vous représente qu'il l'a consentie en un temps auquel il ne la pouvoit empêcher, nous ne l'avons pas consentie pour le public ; nous sommes obligés, par le devoir de nos charges, de nous y opposer : et s'il y avoit en la personne du sieur du Puydufour des obstacles précédents aux actes qu'il a passés, il y a des fins de non recevoir et des incapacités plus puissantes en la condition de ces religieuses qui les rendoient incapables de recevoir et d'accepter la donation qui leur est faite.

Tout ainsi que l'exécution des lois qui sont, dit Aristote , des conventions publiques entre l'état et les particuliers, doit être plus forte et plus puissante que les contrats des hommes , ainsi l'incapacité de ces religieuses qui procède de la disposition de l'ordonnance, n'a pu être purgée par aucun consentement, tel qu'il soit, parce qu'il n'est pas en la puissance ni en la liberté de ceux qui contractent, d'autoriser ce que la loi défend , ni d'habiliter ceux qui sont incapables de soi.

Aussi ce que nous considérons principalement en la cause, n'est pas la personne ni l'intérêt seul du sieur du Puydufour; ce qui blesse le public, c'est la condition des religieuses Bénédictinnes, incapables de posséder du bien par le moyen qu'elles ont employé, et les artifices par elles pratiqués pour circonvenir l'autorité et l'intention de l'ordonnance, car nous ne faisons point de différence entre le monastère du Calvaire de Paris et celui d'Angers, de Chinon et de Vendôme dans ceux-ci comme dans celui-là , il n'y a que des religieuses du même ordre ; elles ont la même règle et une même supérieure, qui prend la qualité de supérieure générale de toute la congrégation.

Cette supérieure est nommée dans le contrat; elle a accepté pour tout l'ordre, et les deniers reçus à la grille de tous ces monastères n'ont qu'un même maître, et ne se conduisent que par une seule direction.

Si les 34,000 écus, reçus par la dame du Puydufour, eussent été par elle employés en acquit et paiement des dettes de la maison, en l'exécution testamentaire de son mari, ainsi que le disent les mémoires sur lesquels l'avocat des défenderesses a plaidé , nous nous arrêterions tout court pour faire réflexion sur une vérité si importante ; mais puisque l'on ne rapporte aucune preuve de tous ces faits, quoique l'instance de requête civile soit intentée depuis dix-huit mois; puisque le sens commun résiste à croire que cette femme ait payé ce qu'elle ne de voit pas, et tiré d'un monastère ses deniers pour les employer à des œuvres de charité au dehors, elle qui a toujours été entre les mains de ces religieuses, ou comme séculière ou comme novice, nous estimons sans difficulté qu'elles en ont profité., et qu'ils ne sont jamais sortis du couvent où ils sont entrés.

C'est pour cela que nous, qui sommes obligés, en toutes rencontres de censurer le mal où nous le rencontrons ; qui, sans acception ni considération de personnes, devons ouvrir notre bouche pour parler de l'abondance de notre cœur, omne hominum genus indulgens et increpans, comme nous estimons qu'il seroit honteux et sans apparence de refuser la pension d'une dame qui entre dans un monastère, laissant à des héritiers collatéraux une grande et ample succession, de même nous pensons qu'il ne seroit pas raisonnable que l'on se donne licence d'aller jusqu'aux extrémités, d'enlever 100,000 livres d'une famille sans en être content, d'abuser de la piété et de la dévotion d'une pauvre femme pour s'enrichir de ses dépouilles, la faire passer de ville en ville, de monastère en monastère, et lui faire changer trois fois de condition.

Ce n'est pas à elle à qui la faute en doit être imputée : nous louons hautement son zèle , sa persévérance et sa dévotion ; mais nous ne pouvons approuver le dessein de celles qui ont abusé de sa personne, de son temps et de son bien ; et quoique nous sachions qu'il se peut apporter un tempérament en la cause, que, dans les voies de l'accommodation, il y eût eu lieu de réduire l'usufruit de la terre de Femoreau à une pension de 1,000 ou 1,200 livres en argent, si tant étoit que les religieuses n'eussent pas reçu autre chose de la dame du Puydufour, nous croyons être obligés, en cette affaire toute publique, dont l'événement regarde tous les monastères du royaume et principalement ceux de cette ville de Paris, qui, dans une heure d'ici, seront bien informés de l'issue de cette audience, de vous dire : C'est une honte qu'il faille si souvent réclamer l'autorité des ordonnances, mais la honte est à ceux qui nous donnent sujet de le faire. Il est pour cela nécessaire qu'il intervienne un arrêt d'exemple, et que chacun sache que les maximes qui importent à la conservation des familles et à la sûreté de l'Etat, ne manquent jamais en ce lieu.

Nous adhérons donc avec le demandeur en requête civile, et passerions plus avant pour la somme des 30,000 écus, que les religieuses ont touchée, si nous voyions assez de jour pour asseoir une condamnation certaine.

Arrêt du 18 juin 1632, qui déclare la donation de l'usufruit de la terre de Femoreau nulle, de nul effet et valeur, et néanmoins ordonne que dame Elisabeth de Puydufour jouira de 1,200 livres de rente, par forme de pension viagère sur ladite terre.

 

 

  

Ancien Couvent des Calvairiennes, 37500 Chinon

Après le départ des religieuses à la Révolution française, le couvent est transformé en « hôpital Saint-Michel » en 1794

 Les quatre ailes se développent sur les côtés du préau carré du cloître dont les galeries s'ouvrent d'arcades plein cintre. La chapelle s'appuie à l'est. Elle était composée d'une nef non voûtée, suivie d'un choeur rectangulaire voûté d'ogives.

 Hospice St.Michel. Les travaux de restauration de cet ancien couvent XVIIe des Calvairiennes, partiellement détruit par un incendie durant la nuit du 23 au 24 avril 1980, ont été menés à bien et le campanile a été remis en place (voir Bull.Amis Vx.Chinon, 1984, p. 1124).

 

 

 

— ( Journ. des Aud. tom. I. page 137. )

Oeuvres d'Omer et de Denis Talon,.... Tome 3

 

 

Faymoreau en bas Poitou – voyage dans les temps des seigneurs au centre minier <==

 

 


 

(1) La Congrégation de Notre-Dame du Calvaire est une réforme des bénédictines de Fontevraud, commencée à Lencloître en Poitou, en 1617, par l'entremise d'Antoinette d'Orléans et du P. Joseph du Tremblay, capucin. — Bib. nat. ms. f. fr. 10.571. — Vie de la M. Antoinette d'Orléans, publiée par l'abbé Petit, Paris, 1880.

(2) Le Calvaire d'Angers fut établi en 1619. La première prieure fut la M. Marie Michel, dite du Saint-Esprit ; elle eut pour compagnes trois religieuses professes : la M. Marie Ménard, dite de Saint-Joseph ; la M. Jeanne Planchette, dite de Saint-Paul, et la M. Claude de Girois, dite de Saint-François. Elles venaient du Calvaire de Poitiers., Cf. Arch. munie. d'Angers, II 7, no 17 et BB 93, fol. 222. — Péan de la Thuilerie. — Bibl. d'Angers, ms. 795, et ms. 620, p. 115 à 118.

(3) Les Annales Calvairiennes... par le F. Siméon Mallevaud, recollet. Angers, l'vain, M. D. C. LXXI, in-4° de 1133 pages, p. 346.

(4) Une lettre lui fut en effet adressée à la fin de 1625, peu de temps après son entrée au Calvaire d'Angers. Or nous savons par ailleurs qu'elle mourut dans la trentième année de sa vie religieuse, et dans la cinquante-sixième de son âge.

 (5) Le Puy du Fou est à deux lieues des Herbiers dans le Bocage vendéen. Cf. Baron de Wismes. La Vendée, Nantes, Sébire, s. d. in-fol. Vendée, no 10..— Les du Puy du Fou avaient pour armes : de gueules à trois macles d'argent. — Sur les du Fou, voir La Chesnaye-Desbois. Dict. de la noblesse. Paris, tom. VI, 2" édit. 1773, p. 567.

(6) Le couvent du Calvaire de Nantes date de 1623. La permission de l'évêque Philippe de Cospéan est du 25 janvier de cette année-là ; celle de la municipalité est du 27 janvier. Les premières religieuses de la fondation furent : la M. Julienne de la Sainte-Trinité (Picot) ; la M. Claude de Saint-François (de Girois), la M. Barbe de Sainte-Catherine (Moutardeau) et la M. Marie de l'Assomption (Avril) professe d'Angers. Elles partirent d'Angers le icr février 1623. — Il est à remarquer que d'après les Archives de la Loire-Inférieure (H. 441448), la fondation des Calvairiennes de Nantes ne remontrait qu'à 1625.

Ce qui est de cette année, c'est la fondation du couvent au Pré des Ballus, sur la paroisse S. Nicolas. Primitivement les religieuses avaient établi leur hospice au lieu dit la Chasse (Cf. Mallevaud. Ann. Calvairiennes, p. 509 à 541). Les Calvairiennes ne prirent toutefois réellement possession de leur nouvelle demeure que le 21 juin 1629 (id. p. 536). Le contrat d'achat est du 5 mai 1625. L'acte d'amortissement donné par l'évêque de Nantes est du 2 mai 1626.

(7) Elle fut la seconde prieure du Calvaire de Nantes probablement dès 1624. Cf. Ann. Calvairiennes, p. 546.

(8) Sa maîtresse au noviciat fut la M. Marie du Saint-Esprit (de Boussac), précédemment prieure, qui mourut le 17 août 1649.

(9) Elle s'y décida sur les conseils du P. Pierre d'Alençon, capucin, mort plus tard au Maroc. — Cf. P. François d'Angers, Hist. de la mission du Maroc, Niort, 1644.

(10). Le même évêque donna peu de temps après l'habit de Cal. vairienne à la cousine de Mme des Planches, Mil. de Joue de la Noblaye.

 Ce fut Mme des Planches qui fournit la dot, ainsi qu'à Mlle des Roches Baritaud.

(11). Ce monastère de Chinon date de 1626. La municipalité avait demandé les religieuses dès le 20 juillet 1624. Le consentement de l'évêque Bertrand Deschaux est signé du 7 janvier 1626.

Les Sœurs partirent d'Angers pour Chinon le 11 juillet, Cf. Ann. Calvairiennes, p. 865 et 866. — Arch. d'Indre et Loire, H. 802 dont le fonds est assez important.

(12) Annales Calvairiennes, p. 637.

(13) id. p. 646.