Le Couvent de la Baumette-lès-Angers, René d’Anjou - Rabelais
C'est le 25 octobre 1452 que le roi René posa la première pierre du couvent de la Baumette (1).
Le 28 avril 1453, il donna 27 sols 6 deniers au maçon qui avait fait « certains pertuis entaillés au chef du roc de l'église de la Baumette, pour mettre les reliques ».
Dans le testament que le prince fit à Aix le 29 juin 1453, l'église de la Baumette fut mentionnée parmi les ouvrages dont il recommandait l'achèvement à son héritier.
Les constructions étant achevées, le roi y fit porter solennellement des reliques, le 30 août 1454.
Dix-huit mois après, le 30 janvier 1456, René signa, en son manoir de Chanzé, près la Baumette, la charte qui appelait les Cordeliers.
Le 4 avril suivant, Alain, cardinal de Sainte-Praxède, légat du Pape en France, accorda une indulgence de cent jours à perpétuité à l'audition de chaque messe dans l'église de la Baumette.
Le 15 juin de la même année, le roi désintéressa le curé de Saint-Laud du droit qu'il pouvait prétendre sur les oblations de l'église de la Baumette.
A la date du 2 juillet 1457, Jeanne de Laval, femme du roi René (2), écrit, du château de Bourbon en Provence, au concierge du château d'Angers de payer bien exactement la pitance hebdomadaire des religieux de la Baumette (onze sols huit deniers par semaine).
De Marseille, le roi René mandait, le 9 septembre 1459, à la Chambre des Comptes d'Angers : « Frère Guillaume, de la Baumette, nous a écrit qu'il pleut tellement en leur église, haut et bas, par les fuies du roc, qu'encore à cette heure il leur a convenu lever un aultier de bois en la petite chapelle. L'eau pourrit tous leurs ornements. Il leur a fallu ôter la croix qui était en la fenêtre au- dessus, en laquelle sont les reliques de la Vraie Croix, parce qu'elle pourrissait. »
On décide de creuser une tranchée ou fossé pour empêcher les dégâts causés par les eaux, et le roi donne son approbation, dans une autre lettre également datée de Marseille le 8 novembre 1459.
« D'après les ordres du roi, un marché fut conclu, le 1er décembre 1461, pour construire la sacristie.
C'est le 8 mars 1464 qu'eut lieu la dédicace solennelle de l'église de la Baumette, et le 8 novembre 1465 le roi René donna aux religieux un Psautier.
Enfin le 8 décembre 1467 le Souverain Pontife confirma la fondation du couvent.
Le 27 octobre 1469, les religieux écrivent au roi : « Sire, tant et si humblement que faire se peut, à votre bénigne grâce se recommandent vos petits frères de votre ermitage de la Baumette, vous suppliant très humblement d'excuser notre simplicité, car nous ne sommes pas stylés de la manière d'écrire aux princes et seigneurs. » La lettre continue en expliquant que la Chambre des Comptes d'Angers n'a pas payé ce qui leur est dû pour la fondation faite par le roi en leur église le vendredi de chaque semaine. Ils signent : « Vos petits et simples frères ermites de votre ermitage de la Baumette. »
— René manda, d'Aix, le 26 novembre suivant, à sa Chambre des Comptes de ne pas oublier de payer la pitance des Frères de la Baumette, ainsi que la dépense de la lampe qui « continuellement éclaire devant le corps de Jésus-Christ » (3).
On sait que les Cordeliers furent remplacés en 1596, à la Baumette, par les Récollets, qui y restèrent jusqu'en 1791.
Nous allons maintenant citer plusieurs auteurs qui ont parlé du couvent de la Baumette (4).
- - Guillaume Oudin, prêtre, sacriste du Ronceray d'Angers, nous apprend, dans son Journal, que le roi Charles VIII et sa fiancée (5) visitèrent la Baumette en 1490 : « Le vendredi, 10e jour de septembre, l'an 1490, notre sire le roi Charles VIII de ce nom fut voir son ost et ses gens d'armes qui étaient dans une île au droit de Bouchemainè, du côté de la Baumette.
Après qu'il eut vu et visité, il fit venir et assembler en bataille les gens d'armes, lesquels furent fait venir hors du parc pour être découverts, afin que Madame la Reine, qui était sur le haut du tertre de l'enclos de la Baumette, vît l'ébat des gens d'armes, car elle avait tenu compagnie au Roi depuis le château (d'Angers) jusqu'à là Baumette. » (Mss 858.)
II. —- Les deux premiers livres de Pantagruel parurent en 1535. Rabelais y fait mention de la Baumette :
« Cest enfant nous abuse, car les estables ne sont jamais au hault de la maison. — C'est (dist le maistre d'hostel) mal entendu à vous, car je sçay des lieux, à Lyon, à la Bas- mette, à Chaisnon et ailleurs, où les estables sont au plus hàult du logis. » (6).
Dans sa Description de la ville d'Angers, publiée en 1778, l'abbé Péan de la Tuilerie parle de la Baumette ;
« On voit encore enchassé dans le mur de l'église, par dehors, un plat de faïence dans lequel on servait à manger au roi René, et, selon quelques-uns, où on lui lava les mains après qu'il eut posé la première pierre de l'église, sur laquelle il y a une lame de cuivre, où ces mots sont gravés en lettres gothiques :
Le roi René m'a mis ici l'art 1464.
« Les religieux montrent dans leur bibliothèque son portrait fait de sa main, avec un psautier en lettres gothiques, au premier feuillet duquel on a écrit ces paroles :
Le 8e jour de novembre 1465, le roi René de Jérusalem et de Sicile, duc d'Anjou, donna aux frères religieux de la religion et observance de l'ordre de monsieur saint François, étant en son église et ermitage de la Baumette-lès-Angers, ce présent psautier (7) pour demeurer et être à perpétuité audit ermitage pour le divin service de ladite église. Et pour plus grande approbation audit don à eux fait par ledit sieur dudit présent psautier, ledit sieur a ici mis et apposé son seing manuel, fait mettre et apposer le mien, Jean Allardeau, son indigne secrétaire et protonotaire de N. S. P. le Pape, les jour et an susdits., de beauv
— Présents : Jean de Beauveau, sieur dudit lieu, sénéchal du pays d'Anjou, Bertrand de la Haye, seigneur de Mallièvre, Saladin d'Anglure, seigneur de Nogent, chambellan, et maître Jean Breslay, juge ordinaire du pays d'Anjou, tous conseillers dudit sieur, et plusieurs autres gentilhommes. — RENÉ, ALLARDEAU.
« Ils y font voir aussi des manuscrits qui sont enchaînés.
« Au pied du rocher, il y a un endroit de la rivière où l'eau tournoyant engloutit ce qu'elle peut. Aussi l'appelle-t-on le gouffre de la Baumette.
« En revenant dans la ville, on profite d'une promenade très agréable par les rivages de la Mayenne, qui sont embellis de maisons, d'allées de saules, et terminés par des coteaux; à moins qu'on ne veuille passer la rivière sur un petit bateau, pour aller de l'autre côté. Comme cette promenade est souvent couverte d'eau en hiver, on passe par le chemin de Frémur, quand on veut aller ou revenir de la Baumette, à moins qu'on ne veuille y aller en bateau. »
Ancien couvent de la Baumette – Angers 1, chemin bas de la Baumette
49000 Angers
Rabelais (3e édition) / par René Millet
L'Anjou historique
(1) On lit dans les comptes du roi René, à la date du 25 octobre 1452 : « Au seigneur, comptant en sa main, 71 sols 8 deniers pour mettre sous la première pierre de la Baumette. » — Le chanoine Dumesnil (mort en 1696) nous apprend que le roi René « mit la première pierre au bâtiment de la Baumette, en présence de Jean de Beauvau, évêque d'Angers, et de plusieurs grands ». (Mss 658.)
(2) Isabelle de Lorraine étant morte au château d’Angers le 27 février 1453, le roi René avait épousé en secondes noces Jeanne de Laval. La cérémonie avait eu lieu à l'abbaye Saint- Nicolas d'Angers, le 10 septembre 1454.
(3) Le 21 mars 1477, le roi René ordonne à Thibault de la Barre, châtelain et receveur de Champtoceaux, de payer aux Cordeliers de la Baumette 43 livres 7 sols 6 deniers pour leur année finissant à la Toussaint prochaine.
Le Musée Saint-Jean d'Angers possède le sceau du gardien des Cordeliers de la Baumette. Sous un édicule en style de la fin du XVe siècle, sainte Madeleine tient l'urne des parfums, avec cette inscription : sigillum gardiani de Balmeta.
(4) L'Anjou historique (XXVI, 141) a cité d'autres auteurs ayant parlé de la Baumette : Bourdigné, Jousselin, Pelletier. Golnitz, Rapine, Grandet, Rangeard, etc. La même Revue (XXX, 193) a publié l'intéressante description de la Baumette faite par Bruneau de Tartifume.
(5) Il s'agit de Marguerite, fille du roi des Romains et duc d'Autriche. Le mariage n'eut pas lieu, et le roi épousa plus tard Anne de Bretagne. -
(6) Joseph Grandet disait, à la fin du XVIIe siècle :
« Rabelais à demeure à la Baumette, et on dit que, par une allusion impie, il trouvait qu'il y avait autant de degrés pour descendre dans la cave que de mots dans le Pater; et aux dernières marches, il disait : Libera nos a malo, allusion au mauvais vin. » (Mss 1757.)
Rabelais fit ses premières études à Seuillé, c'est-à-dire à deux pas. du pressoir paternel; puis, en 1510, il devient novice au couvent de la couvent de la Baumette, près d'Angers.
Ce qu'était au juste ce couvent, et si les écuries s'y trouvaient au grenier, comme le ferait croire un passage de Gargantua, cela me paraît indifférent.
Quant à la manière dont on y formait les écoliers, Rabelais lui-même a pris soin de nous le dire.
N'ayant jamais fait pour son compte métier de pédagogue, il n'a pu retrouver que dans ses souvenirs de collège les figures pédantes de maître Thubal Holoferne, et de cet « autre vieux tousseux, nommé maître Jobelin Bridé ».
Il faut donc se représenter les étudiants de la Baumette, portant leur « gros écritoire » à la ceinture, avec un « galimard », pour mettre les plumes, et passant de longues heures sur le Donat, le Facet, Theodolet, Alanus in parabolis, puis avalant ensuite pêle-mêle « le Quid est, le Supplementum, Marmotret, de moribus in inensa servandis, Seneca de quatuor virtutibus cardinalibus., et dormi secure pour les fêtes » ; amas informe de grammaires indigestes, de niaiseries et de prétendus catéchismes où les maximes de la civilité puérile et honnête se confondaient presque avec les articles de la foi.
Il est probable qu'on y joignait l'explication hâtive de quelques auteurs latins, récemment remis en honneur, mais en les traitant d'après les procédés de la scolastique, c'est-à-dire en s'attachant moins au fond qu'à la forme.
(7) Ce psautier, imprimé à Mayence en 1457, est aujourd'hui conservé à la bibliothèque d'Angers (mss 16).
On y a inscrit les décès de quelques Cordeliers ou amis des Cordeliers de la Baumette : le 1er octobre 1556, Jean Textoris, ministre de la province de la Madeleine et gardien de la Baumette; le 3 janvier 1557, Claude Jolivet, prédicateur émérite, gardien de la Baumette; le 9 septembre 1579, François Cour- celles, gardien; le 30 juin 1583, Hilaire Jamet; le 28 juin 1584, Mathurin Destriché, homme distingué, ami spirituel du couvent de la Baumette; le 2 février 1586, Jean Rhegius, prédicateur émérite, gardien, difiniteur.
Le roi René donna aux Cordeliers de la Baumette, en cette même année 1465, un commentaire sur les psaumes, du XIIIe siècle (mss 42).
(8) Les mss 27, 218, 222, 223, 311, 409 et 433 de la Bibliothèque d'Angers proviennent du couvent de la Baumette. Ils étaient tous enchaînés.