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PHystorique- Les Portes du Temps
12 septembre 2022

Edification par les moines de l'abbaye de Charroux du couvent de Saint-Sauveur - reconstruction du château de Rochechouart

Edification par les moines de l'abbaye de Charroux, du couvent de Saint-Sauveur - reconstruction du château de Rochechouart

En 1990, le Conseil général de la Haute-Vienne a acquis une maison de la place des Halles où, dans une façade banale, une fenêtre en granit, encadrée de moulurations de la fin de l'époque gothique, prouvait une certaine ancienneté du bâtiment.

Les travaux d'installation du tribunal d'instance de Rochechouart dans ces locaux ont remis au jour des traces de décor peint à fresque, mentionné par le Dr Marquet dans les années 1900. On y devine un buste d'homme en costume du temps de Louis XII ou de François 1er, et une série de portées musicales accompagnant un texte.

C'était la maison appelée du Prieuré, dernier vestige du prieuré Saint-Sauveur fondé en 1049 par les moines de l'abbaye de Charroux à proximité du château de Rochechouart, sur le territoire de la paroisse de Biénac.

A cette époque, l'histoire de la ville et du château se confondent, les vicomtes de Rochechouart étant tout puissants dans le pays.

Le régime féodal inspira un tel orgueil aux seigneurs de cette époque, que le plus mince d'entre eux s'estimait l'égal d'un roi.

En voici deux exemples : Adelbert, comte de Périgord et de la Marche, assiégeait la ville de Tours. Les rois Hugues et Robert l'invitèrent à lever le siège. Comme il n'obéissait pas, ils lui écrivirent, en lui demandant, par forme de reproche : « Qui donc vous a fait comte ?» A quoi le fier Adelbert répondit : « Qui vous a fait rois ? »

L'empereur Frédéric 1er traversait la ville de Thongre; le baron de Krenkingen, seigneur du lieu, ne se leva pas devant lui, et remua seulement son chapeau en signe de courtoisie.

On peut le dire en toute vérité, le corps aristocratique était à la fois oppresseur de la liberté commune et ennemi du pouvoir du roi.

 Que de guerres civiles ! que de maux cette fierté n'a-t-elle pas causés à la France, jusqu'au moment où le pouvoir royal eut enfin raison de tous ces seigneurs turbulents!

 

AYMERIC III.

— Il épousa Alpaïs de Salagnac, noble maison près du Grand-Bourg, en Limousin.

Ce vicomte de Rochechouart, entraîné par le mouvement religieux de l'époque, fit rebâtir le monastère de Saint-Sauveur, avec une belle église qui sert aujourd'hui d'église paroissiale à Rochechouart.

 Il eut beaucoup de difficultés à surmonter. Nous lisons, à ce sujet, dans la chronique de Malleu, traduite par M. l'abbé Arbellot :

Vers les dernières années de l'épiscopat de Jourdain de Laron, en l'année 1049, une colonie de moines, sortie de l'abbaye de Charroux, en Poitou, vint bâtir une église et fonder un monastère auprès du château de Rochechouart, où résidait, depuis 1047, le vicomte Aymeric III.

Les clercs de l'église de Comodoliac (Saint-Junien) virent d'un oeil jaloux cet établissement voisin. Ils regardaient cette fondation comme une usurpation de leurs droits et un empiètement sur leur territoire.

Ils s'en plaignirent à l'évêque de Limoges par l'organe de leur prévôt Ramnulphe 1er, successeur de saint Israël.

Jourdain de Laron entra dans les vues du prévôt de Saint-Junien. Il menaça les moines de Charroux de la peine d'excommunication s'ils refusaient de reconnaître les droits des clercs de Comodoliac.

Mais le prévot Ramnulphe étant mort le 5 décembre 1050 et l'évêque Jourdain étant mort l'année suivante, le 29 octobre 1051, les moines de Charroux purent achever leur église, qu'ils placèrent sous le puissant patronage de la maison de Rochechouart.

 

 Cependant les clercs de Saint-Junien avaient élu pour prévôt Amelius, homme habile et défenseur ardent des droits de son église.

Amelius ne tarda pas à faire entendre ses réclamations à Ithier Chabot, qui avait succédé à Jourdain de Laron sur le siège épiscopal de Limoges.

(Itier Chabot, élu évêque de Limoges vers 1050, qui occupa ce siège jusqu'à sa mort arrivée en 1073. « Il était, disent les auteurs de la Gallia christiana, d'une origine très noble, appartenant à la famille des Chabot  »)

 

L'évêque Ithier fut d'abord du même avis que son prédécesseur. Il reconnut, comme lui, la légitimité des prétentions de l'église de Saint-Junien.

 Mais plus tard, après avoir entendu les moines de Charroux, il changea de sentiment; et dans un synode ecclésiastique où se trouvaient les clercs de Comodoliac, il déclara que, malgré leur opposition, il consacrerait l'église de Rochechouart.

 « J'en appelle au pape, » s'écria le prévôt Amelius.

Malgré cet appel à la justice suprême de Rome, l'évêque Ithier fixa le jour où il ferait la dédicace de l'église.

» Toutefois, neuf jours avant le terme indiqué pour cette cérémonie, il convoqua une assemblée de clercs et de laïques versés dans la science des lois ecclésiastiques, afin d'examiner à fond les droits réciproques des deux parties :

« Je déclare solennellement, dit-il dans ce nouveau synode, que je ne consacrerai pas l'église de Rochechouart si on me prouve que c'est contraire aux canons. »

Aussitôt les clercs de Comodoliac firent valoir leurs titres ; mais les raisons qu'ils alléguèrent ne purent convaincre l'évêque ni le faire changer de sentiment.

« Je consacrerai l'église, dit-il en se levant du synode. » « Nous en appelons au pape, » dirent une seconde fois le prévôt et les clercs de Saint-Junien.

Indigné de voir ainsi braver l'autorité épiscopale, Ithier se retira dans son château.

Trois jours après il en sortit, et, suivi d'une troupe d'hommes de pied et de cavalerie armés, il alla s'emparer du monastère de Saint-Junien, afin de réduire par la force ces clercs récalcitrants qu'il ne pouvait soumettre par son autorité spirituelle. Il entra dans Comodoliac sans trouver de résistance, car le monastère était désert.

Instruits à temps de ses desseins, les clercs de Saint-Junien avaient pris la fuite, et, à leur exemple, les habitants de la bourgade , hommes, femmes et enfants, s'étaient enfuis à son approche.

L'évêque s'empara de l'église et du monastère abandonnés. Il ne trouva dans l'église que deux serfs qu'on y avait laissés pour la garder. Il ne tarda pas néanmoins à y laisser rentrer les anciens possesseurs; mais, malgré les observations que lui fit son métropolitain Aymon, archevêque de Bourges, il n'en persista pas moins à donner gain de cause aux moines de Charroux, et il fit la dédicace de l'église de Rochechouart le 11 novembre 1067; il refusa, toutefois, on ne dit pas pourquoi, de bénir le cimetière.

 Les moines n'ayant pu, sur ce point, vaincre sa résistance, s'adressèrent à Guillaume, évêque d'Angoulême. Celui-ci reçut aussitôt des lettres du prévôt de Saint-Junien, qui lui parlait de ses droits et qui le menaçait même de l'autorité du pape.

L'évêque d'Angoulême crut ne devoir tenir aucun compte de ces réclamations, et vint bénir le cimetière.

» Cependant le pape Alexandre II avait envoyé en France deux légats, le cardinal Hugues-le-Blanc et le cardinal Étienne, pour y tenir des conciles, afin de remédier aux abus et de remettre la discipline ecclésiastique en vigueur.

 

Le cardinal Étienne tint un concile provincial à Bordeaux, en 1068.

L'évêque de Limoges s'y rendit; les clercs de Comodoliac l'y suivirent. Ils exposèrent au légat les griefs qu'ils reprochaient à l'évêque.

 Le cardinal Étienne reconnut les droits du prévôt Amelius; il dit à l'évêque que si l'on apprenait à Rome qu'il se permettait de pareils abus de pouvoir, il courrait risque d'être démis de sa charge.

L'évêque promit de faire justice aux clercs de Saint-Junien. Mais ce n'était pas chose facile de déposséder les moines de Charroux du monastère où ils s'étaient établis sous le patronage du château de Rochechouart.

Une fois que le légat se fût éloigné, Ithier Chabot, rebuté sans doute par les obstacles qu'il avait à vaincre, oublia les promesses qu'il avait faites au concile de Bordeaux.

Alors le prévôt Amelius prit le parti d'écrire au pape Alexandre II, placé au sommet du monde chrétien ; le pape était, dans ces siècles de foi, le juge en dernier ressort de toutes les affaires importantes.

La lettre commençait ainsi : « Nous, clercs de Comodoliac, au diocèse de Limoges, nous faisons monter notre voix aux oreilles de votre piété, o pasteur de l'Eglise universelle, pour nous plaindre des moines de Charroux. »

Elle exposait ensuite les faits d'une manière pleine de récrimination et d'amertume:

» Nous ignorons ce que le pape Alexandre II répondit aux clercs de Saint-Junien. Quoiqu'il en soit, pendant que ceux-ci écrivaient à Rome et s'adressaient à la puissance spirituelle, les moines de Charroux faisaient des démarches à Paris pour obtenir de la puissance temporelle la confirmation de leurs privilèges.

Pendant que les uns écrivaient au pape Alexandre II, les autres s'adressaient au roi de France Philippe Ier.

Les moines de Charroux triomphèrent.

 

Edification par les moines de l'abbaye de Charroux, du couvent de Saint-Sauveur - reconstruction du château de Rochechouart

En 1077 le roi Philippe Ier confirma à Charroux, en Limousin, le monastère qui est près du château de Rochechouart. »

Les moines de Charroux sont restés en possession de ce monastère jusqu'à l'époque désastreuse des guerres du protestantisme, vers le milieu du XVIe siècle.

L'église fut consacrée le 11 novembre 1067, sous l'invocation de saint Julien-de-Brioude.

On trouve à Poitiers, dans les Mémoires du père dom Fontanaud, la charte approbative de Philippe Ier, roi de France, et, dans le même auteur, une bulle d'Urbain II, de l'année 1090, qui approuve l'érection de ce monastère, dont le prieur devait assister au chapitre général de Charroux et y porter dix livres de pension annuelle.

D'après Bernard Guidonis, l'église de Rochechouart était, dans l'origine, sous l'invocation de saint Paul-de-Narbonne.

Le corps de ce saint, d'après la même autorité, repose dans cette église; mais on ignore en quel temps et par qui il y fut porté, et dans quel lieu il est placé.

Les moines de Rochechouart étaient bénédictins ; ils portaient de grandes soutanes de drap d'un blanc fauve, avec un capuchon de même couleur pardessus.

Ces religieux, leur couvent ainsi que le cimetière, d'après Adhémar et une bulle d'Innocent III, de 1211, relevaient du couvent de Charroux.

Aymeric III fit encore bâtir un couvent au Châtenet de Rochechouart; il y fixa la sépulture des seigneurs de sa maison, et y établit plusieurs religieux distincts de ceux de Saint-Sauveur mais du même ordre, pour célébrer un office perpétuel dans la chapelle qui renfermait les caveaux de sa famille.

L'abbaye de Charroux fournissait les religieux nécessaires pour l'un et l'autre couvent.

L'opposition qu'Aymeric III avait rencontrée pour la construction du monastère de St-Sauveur et de son église l'avait grandement irrité.

Il revendiqua quelques droits sur Saint-Junien, et pour les faire valoir il déclara la guerre à Ithier, évêque de Limoges, et à Amelius, prévôt de Saint-Junien.

Pour arrêter cette guerre, il fut convenu qu'Aymeric se contenterait de ce qui avait été laissé à son aïeul, au lieu de Saint-Junien, par l'évêque Hilduin son frère, quand le château de Beaujeu fut ruiné.

Il avait été dit, avant l'accord, qu'on s'informerait du droit d’Aymeric son aïeul par le témoignage des anciens du lieu, où les parties se transporteraient paisiblement; que, dans le cas où l'on ne voudrait y ajouter foi, on s'en rapporterait à la preuve du combat entre deux champions, armés chacun de bâtons et d'un bouclier, à St-Junien, qualifié alors du nom de bourg, ou au château de Nieul, au choix de l'évêque.

On sera étonné de voir un vicomte déclarer la guerre à un évêque et lui proposer un cartel ; ainsi le voulaient les moeurs du temps.

Nous avons vu Hilduin, évêque de Limoges, faire la guerre contre Jourdain de Chabanais ; les évêques allaient alors à la guerre à la tête de leurs troupes, comme des généraux d'armées; ils acceptaient aussi des cartels.

Lorsqu'on leur jetait le gant, ils le ramassaient; ils n'allaient pas eux-mêmes sur le terrain ; mais ils présentaient un champion qui combattait à leur place.

 

Il se rendit donc à Limoges et y accepta les conditions offertes. Il s'engageait à abandonner : « les prétentions mauvaises que son père et lui avaient (imposées), au bourg de Saint-Junien et à l'abbaye, à l'exception de ce que son aïeul Aymeric, avait retenu pacifiquement d'accord avec son frère, l'évêque Hilduin, quand le château de Beaujeu fut démoli ».

Pour fixer quels étaient ces droits légitimes, les parties convinrent amicalement d'aller à Saint-Junien et d'y faire une enquête, dans laquelle on recevrait « le témoignage autorisé des vieillards de la ville et de la paroisse ».

L'enquête achevée, si l'évêque ou Rochechouart en contestaient les résultats, ils s'en remettraient pour la décision définitive au « jugement de Dieu ».

Si ce duel à l'épée et au bouclier, « sans colère ni traîtrise », avait lieu, les champions se rencontreraient, au choix de l'évêque, dans un des trois endroits suivants : la cité de Limoges, le bourg Saint-Etienne ou le château de Nieul.

Pour ce qui était des droits contestés, au cas où le représentant d'Aymeric serait vainqueur, celui-ci, d'après les conventions, tiendrait de l'évêque et de l'église de Saint- Junien tout ce qu'il avait perdu (du fait de la guerre probablement) et leur en ferait foi (et hommage) (1).

 

 

Nous nous sommes servi au figuré de ces expressions : jeter et ramasser le gant, pour dire : présenter et accepter un duel.

Cette manière de s'énoncer vient de ce qu'autrefois, dans les tournois, les chevaliers jetaient leur gant au milieu du champclos, comme pour défier un adversaire.

Celui qui le ramassait était obligé de combattre.

Nadaud nous apprend qu'au milieu du XIe siècle Aymeric III fit rebâtir le château de Rochechouart sur un plan plus beau.

Il devait en être ainsi ; le plus puissant de la contrée devait posséder le château le plus beau et le plus imposant. Tout ce qu'il y avait d'antique fut démoli, moins le donjon, qui est en pierre de taille ; il se trouve à gauche en entrant dans le castel; sa hauteur dépassait celle des autres? tours; il accuse une origine fort ancienne. On le regarde généralement comme une construction gallo-romaine.

Dans l'origine, les vieux manoirs n'étaient que des forts bâtis sur des montagnes, sur des rochers escarpés ou dans des sites bizarres et d'un accès difficile. L'existence de leurs possesseurs l'exigeait ainsi.

Tous les anciens seigneurs étaient des guerriers qui, par le droit du plus fort, voulaient un bien qui ne leur appartenait pas et cherchaient à s'en emparer par tous les moyens; ils frappaient, tuaient, brûlaient tout ce qui leur faisait obstacle, et se mettaient à la place des maîtres légitimes.

Il fallait donc qu'ils habitassent des demeures à l'abri d'un coup de main, soit pour intimider le peuple réduit à l'état de servage, soit pour en imposer aux seigneurs voisins.

A ce point de vue, le château de Rochechouart ne laissait rien à désirer : placé au milieu d'un désert hanté par les bêtes fauves et les reptiles de toute sorte, il était garanti de tous côtés par des ravins, des rochers élevés taillés à pic, couverts de ronces et d'épines ; l’art avait suppléé à la nature du côté du nord, seul point accessible.

Il était protégé par de grands murs d'enceinte, des remparts, des fossés larges et profonds. Toute cette colline a un aspect saisissant et poétique; on y respire librement; l'air y est d'une admirable pureté.

Le nouveau château, élevé sur l'emplacement de l'ancien, tient à la fois de l'antique forteresse et de la moderne demeure d'un grand seigneur.

 

 

Rochechouart: histoire, légendes, archéologie

De Abbé Duléry

 

 

 ==>Château de Rochechouart la légende de la tour du Lion.

 

 


 

(1) Le texte de cet accord est fort embrouillé et presqu'intraduisible littéralement. Nous avons dû nous contenter d'en donner une paraphrase que nous croyons exacte : « Guerram abuit Aimericus de Rocoardo…. cum Icterio episcopo et Amelio praeposito pro monasterium Sancti Juniani et pro omnibus rebus que ad ipsum monasterium pertinebant et (post) ipsam guerram ipse episcopus et Aimericus in camera lemovica pactum firmaverunt et talem pactum ut ipse causas quas suus pater et ipse Aimericus malas habuerant in burgo sancti Juniani vel in abadia omnia amisit excepto tantum quantum Aimericus suus avus cum AI'duino fratrisuo episcopo per voluntatem amborum in pace retinuit quando castrum Belljhoc defactus fuit.

Et convenientia, fuit ut ambo venissent in burgo Sancti Juniani causa amicitiae…. et per autoritatem antiquorum hominum de ipsa villa vel parrochia perquisissent….. si ipsos » credere noluissent bellum inter duos homines cum scuto et baculo firmassent sine ira et deceptione et ipsa lex in lemovica civitate in burgo sancti Stephani vel in castro Niolio ubicumque episcopo de istis tribus locis placitum fuisset:

Et de ipsis causis si missus Aymerici victor fuerit pro ipsis conventis amissionem tenuisset Aimericus contra episcopum vel contra aecclesiam Sancti Juniani omnibus diebus vitac suae per fidem.

 Et fuit conventus inter ipsos ut de istis centum solidis quos Americus requirebat ad episcopum pro defensione hujus ville sancti Juniani….. ei non requiratur ad aecclesiam nec ad villam nec ad omines nec ad ipsas res quae pertinent ad eam…. per nullam » calumniam quam episcopus faciat. » (Sancti Stephani Lemov. Cartul. CXLIV (124), Fol. 70, v°, p. 150.)

 

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