10 Juin 1487 Jean Bourré reçoit au Plessis Bourré, le roi de France Charles VIII avec sa sœur Anne de Beaujeu, régente.
Le maître de céans, Jean Bourré, s’apprête en effet à recevoir une noble société en la personne du roi de France Charles VIII. Le roi et sa suite sont accompagnés d’une ambassade de Hongrie, au total, c’est plus de 100 personnes que l’on attend et chaque serviteur s’adonne avec frénésie à sa tâche. La réception qui s’en suit ne manque pas d’être brillante…...
Dans l'enceinte même de son château, Bourré avait réservé un lieu pour la prière.
Près du pont-levis et du portail crénelé, dans la cour seigneuriale, se dresse encore une petite chapelle dédiée à sainte Anne, que le sire du Plessis, comme le roi Louis XI, entourait d'une vénération particulière, et qu'il avait donnée pour patronne à sa fille.
Le pignon et la haute fenêtre à meneaux quadrilobés de ce petit sanctuaire, ressortaient sur la façade orientale, et inspiraient confiance aux voyageurs et aux pèlerins.
Bourré avait décoré richement cette chapelle : on y voyait, jusqu'au milieu de notre siècle, deux magnifiques vitraux, représentant Jean Bourré et sa femme, à genoux, assistés de leurs patrons, avec une Assomption de la Vierge.
Le Plessis-Bourré construit et orné avec cette splendeur était digne de loger des princes et des rois. Il reçut en effet dans ses murs de royales visites.
Dès le 27 avril 1472 le roi Louis XI, se rendant en pèlerinage à Notre-Dame de Béhuard, s'était arrêté au Plessis-Bourré.
On peut penser que la vue de cet édifice élevé par son compère Bourré ne fut pas sans influence sur la détermination que prit Louis XI de lui confier dès lors la direction de toutes les constructions royales, soit à Amboise, au Plessis-lès-Tours, à Clery ou à Arras (1).
Plus tard le roi Charles VIII et les Beaujeu firent à leur conseiller un semblable honneur.
Le dimanche 10 juin 1487, Louis de Graville annonçait en ces termes à Bourré la venue du roi Charles VIII, pour le soir même, et celle des ambassadeurs de Hongrie pour le lendemain.
« Mons. du Plessis je me recommande à vous tant que je puis. J'ay receu vostre lettre par laquelle vous plaignez de ce que je vous deiz que nous ne iryons point au Plessis et que tout incontinent Jehan vous a mandé que sy ferions. Il est vérité que vous ne feustes pas à deux lieues d'icy qu'ilz ne changèrent de propos. Et pour abréger le roy y sera au jourduy au giste et sera besoing que vous faciez du mieulx que vous pourres, car l'ambassade sera demain chez vous à disner.
« Au regard de la tapisserye à la vérité la breche que j'y ay faicte y est bien grande. Rabillez la le mieulx que vous pourres pour l'onneur des Hongres et vous aydez de la tapisserye qui est en ma chambre et en la garde robbe, car quant j'y vouldrois coucher pour ma santé sy la feroys je oster et quand je suis chez moy jamais je ne couche en chambre tapissée car la challeur mest contraire de nuyt.
Mons. du Plessis je ne vous escript plus pour ceste heure si non que je vous di adieu a qui je pri qu'il vous doint tout ce que plus désirez.
Escript à Chasteaugontier ce dimanche matin. Le tout vostre.
— Loys de GRAVILLE (2)
Charles VIII arriva au Plessis quelques heures après cette lettre.
Marguerite de Feschal, qui n'attendait pas cette visite, était absente; elle était allée à Angers, voir l'ambassade de Hongrie qui y était arrivée le vendredi précédent et que ce jour-là même les Angevins «festoyaient» magnifiquement.
Bourré, pris à l'improviste, n'eut que le temps de faire tuer « ung grand bœuf et deux moutons » pour recevoir dignement son hôte.
Le Roi soupa au château, y passa la nuit et n'en repartit pour Laval que le lundi après dîner (3).
Dans la matinée de ce même jour, les ambassadeurs de Hongrie, eux-mêmes, arrivaient au Plessis (4).
Ils étaient envoyés vers le Roi par Mathias Corvin, au dire de Commines, « un des plus vaillans hommes qui ayent régné de son temps (5) ».
Ils venaient proposer à Charles VIII une alliance commune contre Maximilieu d'Autriche, et réclamaient la remise entre leurs mains du prince Djem, frère du sultan Bazajet II, détenu dans la citadelle de Bourganeuf (6). « En ladite ambassade estoit un archevêque et deux grands de leur pays, accompagnez d'autres sieurs et bien environ de deux cents chevaux et vingt-cinq mulets ; cinq trompettes et plusieurs autres beaux instruments et belles choses (7). »
L'animation fut grande au Plessis ce jour-là et Bourré dut montrer avec orgueil aux Hongrois les richesses de son château.
Il leur fit sans doute goûter avec quelque vanité son « bon vin blanc de Vaulx (8) » et ses « fameuses poires de bon Chrestien (9). »
Marguerite de Feschal était revenue en toute hâte d'Angers pour seconder M, du Plessis, et remplir ses devoirs de châtelaine.
Elle était là pour recevoir le même soir le duc et la duchesse de Bourbon qui vinrent à leur tour souper et coucher au Plessis.
« Et fut tué ledict jour des moutons de ceans, II moutons », inscrivit encore Bourré sur son livre de comptes (10).
Au train dont marchaient les choses, le troupeau tout entier risquait fort d'y passer. !
Le mardi 12 juin, la Régente et son mari quittèrent à leur tour le château du Plessis-Bourré qui reprit vite son aspect sévère et sa tranquillité habituelle.
A son départ, Anne de Beaujeu laissa à la garde de Marguerite de Feschal ses bijoux et objets précieux : diamants, saphirs et rubis enchassés d 'or, patenôtres d 'or, de corail, de jais, d'ambre et de cristal à signaux d'or ; affiquets de perles rondes, garnitures de sein à rubis et diamants; cordelières, chaînettes et colliers d'or émaillés ; couverture de lit de drap d'or, bordé de velours noir fourré d'hermine , deux coupes et un chapeau de Hongrie, don des ambassadeurs (11).
Le château du Plessis-Bourré servit encore plus d’une fois de demeure à des personnages célèbres : l’amiral de Graville et Étienne de Vesc y avaient leur chambre ; le maréchal de Gié y venait fréquemment (12).
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(1) Bibl. Nat., Mss. fr. 20427, fol. 101 ; 20488, fol. 41 ; 20491, fol. 12; 20427, fol. 74 ; 20494, fol. 6 ; 6602, fol. 31.
(2) Mss. fr. 20487. fol. 9. Louis Malet de Graville (vers 1440-1516), amiral de France à partir de 1487
(3) Bibl. Nat., Mss. fr. 20600, fol. 14.
(4) Bibl. Nat., Mss. fr. 20487, fol. 59. V. Marchegay, art. sur le Plessis-Bourré dans le Maine et l'Anjou.
(5) Commines. t. II. P. 284.
(6) Pelicier, Essai sur le gouvernement d'Anne de Beaujeu, p. 156.
(7) Guillaume Oudin, Mss. publié dans la Revue d'Anjou, t. L, p. 143.
(8) « Monsieur de Champigné m'a dit qu'il a beu de bon vin blanc à Vaulx. Gardez-le moy bien à quant jo yré par delà, et le faictes bonder et abiller, qu'il n'ait point de vent, si d'aventure il n'en a besoign par ung petit pertuys emprès le bondon. » (Bibl. Nat., Mss. fr. 6603).
(9) « Mons. le receveur de Vaulx.
« Mons. le recepveur... mondit seigneur m'a chargé de vous escripre que luy mandez combien vous aurez du vin à Vaulx ; et sur toutes choses que facez bien garder les poyres de bon chrestien et autres bons fruits qui sont audit Vaulx. Au Plessis-Bourré, ce samedi derrenier jour de septembre 1503. — DE BORDIGNÉ. » (Bibl. Nat., Mss. fr. 6603, fol. 103.)
(10) « Le lundi le roy s'en alla après disner et mons. de Bourbon vint à soupper et au giste, et fut tué led. jour des moutons de céans II moutons. » (Bibl. Nat., Mss. fr. 20600. fol. 14.
(11) Tous ces objets précieux furent restitués au fourrier de Monseigneur de Beaujeu. le 6 octobre suivant.
(12) Bibl. Nat., Mss. 20427, fol. 100 ; 6003, fol. 72.