Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHystorique- Les Portes du Temps
2 juin 2022

3 Fév - 12 mars 1434 – Siège de Sillé-le-Guillaume en Maine, Arthur de Bretagne, comte de Richemont, Gilles de Rais

3 Fév - 12 mars 1434 – Siège de Sillé-le-Guillaume en Maine, Arthur de Bretagne, comte de Richemont, Gilles de Rais

Pendant l'été de 1433, le gouvernement anglais décide de reprendre l'offensive dans la vicomté de Beaumont.

Une armée très forte, commandée par John, lord Maltravers, comte d'Arundel, s'empare de Bonmoulins au mois de septembre, et arrive le 26 décembre devant Saint-Cénery, qui capitule entre le 20 et le 26 janvier 1434.

 Sillé-le-Guillaume est assiégé avant le 3 février.

Voici maintenant le récit de la journée près de Sillé-le-Guillaume, suivant un chroniqueur qui fut sans doute témoin oculaire.

L'an 1433, les Anglais mirent le siège à Saint-Cénery ; et pour faire lever ledit siège, se mit le Connétable Arthur de Bretagne, comte de Richemont sus en armes, et assembla tout ce qu'il put de gens (1); après quoi, il tira vers Saumur (2) et de là à Durtal (3), pour aller faire lever le siège.

Mais là vinrent les nouvelles que Saint-Cénery était rendu (4), et revinrent le Connétable, et Monseigneur d'Alençon (5) à Saumur, pour attendre et savoir ce que feraient les Anglais; et bientôt on leur apporta nouvelles qu'ils étaient devant Sillé-le-Guillaume.

Et comme ils furent prêts à partir, on leur vint dire que ledit Sillé entrait en composition et que les gens de Sillé avaient baillé otages en la manière qui ensuit : c'est à savoir que ceux qui se trouveraient les plus forts dans six semaines, à un jour fixé, en une lande, à un orme (6) qui était là, on leur devait bailler la place, si c'étaient les Anglais ; et, si c'étaient les Français, on leur devait rendre les otages (7).

Sur ce le Connétable, et monseigneur d'Alençon, et les autres seigneurs se départirent, et promirent de se rendre au jour fixé; puis ils firent assemblée de gens, chacun endroit soi, comme ils purent.

 Si se rendirent ensemble deux jours avant le jour assigné, et s'y rendit monseigneur du Maine (8) qui amena tous les gens qui y voulurent venir, de l'Hôtel du Boy.

 Et y vinrent les seigneurs de Bueil (9), le grand Sénéchal (10), de Coitivy (11), de Chaumont (12) et de Thouars (13).

Et avec le Connétable y vinrent les seigneurs de Rais (14), le maréchal de Rieux (15), de Rostrenen, de Bressuire, et plusieurs chevaliers et écuyers de Bretagne, et de ses terres de Poitou.

Si partirent lesdits seigneurs de Sablé (16), et allèrent coucher aux champs ; et le lendemain ils couchèrent assez près du champ où devait être la bataille.

Dieu sait si le Connétable leur montra bien ce qu'il savait faire; et aussi s'attendaient-ils du tout à lui, pour ordonner le guet et les écoutes, et de tout il avait le gouvernement (17).

Si fit tirer son avant garde jusque sur le champ, vers un petit ruisseau ; le lendemain il fit déloger tout le monde avant le jour, avec torches, en telle manière qu'ils furent au champ avant le soleil levant, et fit toutes ses ordonnances en cette manière : Les maréchaux de Rais et de Rieux faisaient l'avant garde, avec d'autres gens qu'on leur avait baillés.

Le seigneur de Bueil faisait une aile ; l'autre aile, c'était le Vidame de Chartres (18) avec d'autres gens.

Le Connétable, les seigneurs d'Alençon et du Maine faisaient la bataille ; et le seigneur de Lohéac (19) et plusieurs autres seigneurs vinrent sur le passage (20).

Et les Anglais de l'autre part étaient en belle bataille; et étaient chef d'iceux le comte d'Arondel, lieutenant du roy d'Angleterre, bien accompagné, jusques au nombre de sept à huit mille combattants.

Et en vérité, je crois qu'ils étaient plus que les Français d'environ deux mille, et n'osèrent passer un petit passage pour venir au champ.

Et n'y avait entre les batailles des Français et Anglais qu'une petite rivière, et n'osaient entrer les uns sur les autres. Si furent longuement les uns devant les autres, et croyait-on que jamais la chose ne se départit sans combattre.

Et y furent fait plusieurs chevaliers. Et vint Monseigneur du Maine requérir Chevalerie au Connétable, et le Connétable lui dit qu'il serait plus honorable qu'il le fût de monseigneur d'Alençon, qui était duc.

Et monseigneur du Maine répondit qu'il ne le serait point, s'il ne l'était de lui; et lors le Connétable le fit chevalier.

Et puis Monseigneur du Maine fit plusieurs chevaliers, et entre autres ceux dont les noms s'ensuivent : les seigneurs de Bueil, de Coitivy, le grand Sénéchal, de Chaumont, de la Bessière (21), et grand nombre d'autres (22).

Et le Connétable fit de sa maison chevaliers : Gilles de Sainct- Simon, Olivier le Veer, Jean Bonnet, Jean Sevestre, Pierre Guyou, Jean de la Chaussée, Emery Chauvin, et d'autres.

Puis les Anglais tirèrent au long d'une petite rivière, en un petit village, qui était à leur advantage, là où ils se fortifièrent (23).

Et pource qu'ils n'avaient pas été les plus forts, à l'heure de midy (24), à l'orme qui était dit, le Connétable les fit sommer de rendre les otages, et incontinent ils les envoyèrent.

Cela fait, le Connétable demanda aux seigneurs et Capitaines ce qui était à faire.

Et aucun ne fut d'opinion d'assaillir les Anglais en leur fort (25) et s'entre-conseillèrent tous qu'il fallait s'en aller, parce qu'ils n'avaient aucuns vivres, ni pour leurs chevaux, et qu'il leur avait convenu apporter vivres sur leurs chevaux pour trois jours, qui tous étaient faillis ; et les Anglais étaient campés entre leurs places de tous côtés, et nos gens n'avaient place que Sablé, qui était bien à neuf ou dix lieues de là.

Le Connétable leur demanda ce qui était à faire de cette place qui ne valait rien (26), et était d'opinion qu'on devait mettre le feu dedans, et faire couper la tête à celui qui avait fait cette composition (27).

Beaucoup furent de cette opinion, excepté le seigneur de Bueil, qui dit qu'il la garderait bien, et s'en fit fort.

Après quoi partirent nos gens en belle ordonnance, et vinrent coucher sur les champs en un petit village, et le lendemain à Sablé.

Les Anglais dès le lendemain prirent ladite place de Sillé (28), et puis se retirèrent en leurs places, et les Français és leurs.

Et sembla à beaucoup de gens qu'ils avaient bien fait (29); car il n'était de mémoire d'homme qu'à une journée assignée les Français fussent comparus, jusques à ce jour (30).

Dans le roman du Jouvencel, à propos des armées ennemies qui restent rangées en bataille, en face l'une de l'autre et près d'un ruisseau, sans pouvoir engager le combat, Jean V cite sans détails les escarmouches « à l'Ommeau-Lescameau et à Cillé-le-Guillaume (31) ».

Il s'agit, dans ce passage du Jouvencel, de la journée dite de Sillé-le-Guillaume, sur la fameuse lande que Guillaume Gruel et Berry désignent par la présence d'un orme, arbre dont le nom usuel est ormeau. Jean Chartier fixe le champ de bataille « en ung lieu nommé Hommel Alestamen (32) ».

Le village occupé par l'avant-garde française, puis par les Anglais, s'appelle aujourd'hui Neuvillalais.

Les deux armées, avant l'action, avaient entre elles le ruisseau de Longuève.

 

 

 

3 Fév - 12 mars 1434 – Siège de Sillé-le-Guillaume en Maine, Arthur de Bretagne, comte de Richemont, Gilles de Rais

 

 

SILLÉ-LE-GUILLAUME. CHATEAU.

— Sillé-le-Guillaume est un chef-lieu de canton, à 36 kilomètres du Mans, sur la route du Mans à Laval.

 La ville, bâtie aux bords d'une plaine adossée à un coteau de 262 mètres, dont elle escalade les pentes, présente, du chemin de fer, un aspect pittoresque.

Sa jolie église, du XIIIe siècle, mais presque complètement rebâtie de nos jours, et couronnée d' une élégante flèche, touche presque le vieux château du XVe siècle qui se compose de quatre tours réunies par des bâtiments plus modernes, dans lesquels on a installé la mairie et divers autres services.

Dans l'enceinte du château s'élève la grosse masse assez lourde, mais encore imposante du donjon, haut de 38 mètres, large de 14, avec des murailles de 4 mètres d'épaisseur. Il est couronné d'un toit pointu.

La mouvance de Sillé comprise dans la juridiction de Mayenne s’étendait sur Sillé, Saint-Rémy, Crissé, le Grez, Orthe, Saint-Germain de Coulomer, Classé, Roufrançois, Maulny, Beaugency, à Saint-Georges-le-Gaultier, Douillet, Conrtoussaint, la Droulinière, la Bouteveil- lère, Montreuil-le-Chétif et Mont-Saint-Jean en entier.

 Dans toute cette circonscription on suivait les usages de la Coutume de Mayenne.

Depuis la fin du X e siècle jusqu’au milieu du XV e, la baronnie de Sillé-le-Guillaume fut possédée par la famille de Sillé dont un des membres les plus connus, Robert II (1330-1361), épousa la Bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé, et dont la dernière représentante, Anne de Sillé, devint la femme de Jean I de Montjean.

 En 1463, Jean II de Montjean vendit Sillé à Bertrand de Beauvau, baron de Pressigny en Touraine, lequel fit rebâtir, tel que nous le voyons aujourd’hui, le château détruit par les Anglais en 1433.

Dans les siècles suivants, la baronnie de Sillé reste aux mains d’illustres familles, dont celle du maréchal de France Charles de Cossé-Brissac, puis le duc de La Meilleraye.

En 1684, Louis XIV acquiert le château et l'offre à sa fille, la princesse de Conti.

La dame fait construire un corps de logis et puis... les propriétaires successifs l’abandonnent : les ducs de La Vallière, les ducs d'Uzès...

 

 

 

À la France : sites et monuments. Bretagne orientale et Maine (Ile-et-Vilaine, Mayenne, Sarthe) / [notices de Onésime Reclus]

Bulletin de la Société archéologique de Touraine

 

 

 ==> Chronologie des principaux faits de la vie de Jean V, sire de Bueil (Fléau des Anglais 1406-1478), chevalier, comte de Sancerre

==> Arthur III comte de Richemont

==> Gilles de Rais

 

 

 


 

(1) L'armée du connétable fut assemblée sur 1 ordre direct du roi Charles VII, au pourchas du Messire Ambroise sire de Loré, qui avait dans la place assiégée sa femme Catherine de Marcillé et ses enfants. Jean Chartier, t. I, pp 164 et 165.

(2) Saumur, chef-lieu d’arrondissement, Maine-et-Loire.

(3) Durtal, chef-lieu de canton, arrondissement de Baugé, Maine-et Loire.

(4) Les assiégés avaient été contraints par les Anglais de faire composition et de rendre la place avant l'arrivée de l'armée de secours.

Car leurs deux chefs, Jean Armenge, lieutenant de Messire Ambroise sire de Loré, et Guillaume de Saint-Aubin, puis quarante ou cinquante hommes d'armes, avaient été morts à la défense d'une grande brèche faite en la muraille d'icelui château par lesdites bombardes et autres engins des Anglais. Jean Chartier, t. I, pp. 154 et 165.

(5) Jean II. deuxième duc d'Alençon.

(6) Environ une lieue et demie - dudit Sillé. Jean Chartier, t. I, pp. 165 et 166.

(7) De ce le capitaine dudit Sillé bailla otages, et le comte d'Arundel son scellé. Berry, dans Denys Godefroy, Charles VII, p. 387.

(8) Charles d'Anjou, comte du Maine.

(9) Jean V, sire de Bueil.

(10) Pierre de Brézé, sire de la Varenne, sénéchal de Poitou, qui fut aussi comte de Maulevrier, d'Evreux, grand sénéchal de Normandie.

(11) Prégent de Coëtivy, seigneur de Rais et de Coëtivy, amiral de France.

(12) Pierre d'Amboise, seigneur de Chaumont. Voir récit II.

(13) Louis d'Amboise, seigneur d'Amboise, vicomte de Thouars, comte de Guines et de Benon, prince de Talmont, seigneur de Montrichard, de Marans, de l'île de Ré.

(14) Gilles de Laval, sire de Rais, maréchal de France.

(15) Pierre de Rieux, seigneur de, Rochefort, d'Asserac et de Châteauneuf. Il est souvent appelé Pierre de Rochefort.

(16) Sablé-sur-Sarthe, chef-lieu de canton, arrondissement de la Flèche, Sarthe.

(17) Le chroniqueur a de bonnes raisons pour insister sur le soin avec lequel le connétable établit le guet.

Ledit duc d'Alencon, Messire Charles d'Anjou et le connétable de France étaient logés avec leur armée au village de Coullie (Conlie). Leur avant-garde, en laquelle étaient Gilles de Laval sire de Raiz, Messire Pierre de Rochefort, Ambroise sire de Loré, Gautier de Brussac, se logea à demie lieue dudit orme, en un village nommé Villeneufve la Haye (alias la Haye-Neufville), près d'une petite rivière.

Pendant que l'avant-garde départait les logis, les logeurs du comte d'Arundel et de Thomas sire de Scales attaquèrent, pour s'en emparer et y mettre les Anglais.

 Une contre attaque française les rebouta jusques oultre le ruisseau.

Le comte d'Arundel et ses Anglais se logèrent sur icelle riviere.

Ils étaient si près d'icellui village et des Français que, d'un camp à l'autre, ou entendait les voix et les instruments de musique.

Et fut toute icelle nuit tenue l'escarmouche sur ladite rivière par lesdits sire de Loré et de Brussac, avec autres, tandis comme les autres Français reposaient.

Et le lendemain au matin, lesdits maréchal, le sire de Loré, Brussac et autres se délogèrent en arrière garde pource qu'ils étaient plus près de l'ost desdits Anglais, et s'en allèrent audit orme eux mettre en bataille auprès desdits seigneurs français. Jean Chartier, t. I, pp. 166 et 167.

(18) Charles de Vendôme — Chabanais.

(19) André de Laval, seigneur de Lohéac.

(20) C'est le passage dont il va être question dans les lignes suivantes.

Il s'agit, soit d'un gué, soit d'un chemin, que les Anglais étaient obligés de prendre, pour arriver à la lande fixée comme champ de bataille.

(21) Pierre de Beauvau, seigneur de la Bessière.

(22) A cette journée tenue fut encore fait chevalier le maréchal de Rieux. Berry, dans Denys Godefroy, Charles VII, p. 387.

(23) Et ledit comte d'Arundel, le sire de Scales et autres seigneurs anglais avec leur ost se délogèrent et tirèrent semblablement audit orme, tant que les batailles desdits Anglais et des Français s'entrepouvaient voir clairement. Mais c'était entre lesdits deux osts et compagnies ladite petite rivière dont dessus est faite mention. Et quand les Anglais aperçurent que lesdits Français étaient audit orme ils s'en retournèrent tout court au lieu où ils avaient couché la nuit devant, et là passèrent icelle rivière et se mirent en bataille le dos contre icelle rivière et au village d'icelle Villeneufve la Haye où lesdits Français avaient couché.

Et ce venu à la congnoessance desdits Français, s'approuchèrent d'iceulx Anglais comme de demi-lieue, et là commencèrent plusieurs grandes escarmouches, et souvent y en ot de prins et rués par terre tant d'un côté que d'autre. Jean Chartier, t. I, pp. 167 et 168.

(24) Et environ soleil couchant. Jean Chartier, t. 1, p. 168.

(25) Malgré la présence de Jean V Malet, sire de Graville, grand maître des arbalétriers (Berry, dans Denys Godefroy, Charles VII, p. 387), l'armée française, mobilisée à la hâte, sans bagages et presque sans vivres, n'avait pas d'infanterie.

 Le connétable, avec sa prudence habituelle, ne voulut pas lancer les premiers princes du sang et l'élite de la chevalerie, à l'assaut d'un village fortifié, défendu par la redoutable infanterie anglaise. Le souvenir d'Azincourt était encore présent à toutes les mémoires.

(26) Le château de Sillé-le-Guillaume, au pays du Maine.

(27) Aymery d'Anthenaire, capitaine dudit château de Sillé-le-Guillaume. Jean Chartier, t. I, pp. 165 et 166.

(28) Les Anglais enlevèrent le château de Sillé-le-Guillaume par un vigoureux assaut. Jean Chartier, t. I, p. 168.

Vers la même époque, ils prirent Beaumont-le-Vicomte. Berry, dans Denys Godefroy, Charles VII, p. 387.

Nous n'avons aucune indication sur le siège de Beaumont, qui capitula probablement sans résistance entre le 25 février et le 25 mars.

(29) il faut interpréter ces mots dans le sens de : Ils avaient bien agi, ils s'étaient bien conduits.

(30) Guillaume Gruel, Extrait d'une Histoire particulière d'Artus III, duc de Bretagne, et Connestable de France, dans Denys Godefroy, Charles VII, pp. 758 et 759.

Cet extrait, adapté au goût du public d'élite de son temps par le savant éditeur du XVIIe siècle, est tiré du texte de Guillaume Gruel, Chronique d'Arthur de Richemont, publiée pour la Société de l'histoire de France par Achille Le Vavasseur 1890.

(31) Le Jouvencel, t. II, p. 227.

(32) Jean Chartier, t. I, p. 165.

Alias « Hommel à Lestamen », « Lommel », « Loumel », dans l'édition de Jean Chartier par Denys Godefroy, Charles VII, pp. 62 et 63.

 

 

Publicité
Commentaires
PHystorique- Les Portes du Temps
Publicité
Publicité