Meung sur Loire, Construction d'une demeure particulière pour l'évêque Manassès
En 1146, le siège épiscopal d'Orléans fut occupé par Manassès de Garlande, qui appartenait à l'une des familles les plus puissantes de l'époque : trois de ses membres occupèrent successivement, de 1118 à 1150, la charge de sénéchal de France (1).
Le dernier, Etienne de Garlande, appartenait à l'état ecclésiastique : il cumula, avec les fonctions de sénéchal, celles de grand chancelier. Il était doyen de l'Eglise d'Orléans et ne fut pas sans doute étranger à l'élévation de son neveu Manassès au siège épiscopal de cette ville.
Ce fut Manassès qui, le premier parmi les évêques d'Orléans, songea à se créer à Meung, en dehors des bâtiments et édifices conventuels, une demeure particulière.
Il demanda et obtint du chapitre la cession de constructions occupant un emplacement contigu au clocher de l'église abbatiale et qui comprenaient la salle du chapitre, canonicorum capitulum, ainsi que deux maisons, habitées sans doute pour des chanoines ; ces constructions furent détruites et remplacées par une tour et des appartements que l'évêque fît élever pour son habitation personnelle. C'est ce qui résulte de différentes chartes dont nous allons faire l'examen.
J. Binet, dans son manuscrit intitulé Réponse... etc., nous parle d'une charte de 1171 par laquelle Manassès confirma les privilèges du chapitre ; il n'en donne, malheureusement, qu'une analyse ainsi conçue : « En ce fifre en l'onzième ligne commencent ces mots : praeterea in loco illo ubi canonicorum capitulum extiterat, ubi etiam duas domos habuerat Ecclesia, turrim meam et mansionem turri adjunctam oedificavi, et puis il parle de la récompense qu'il bailla au chapitre pour être placé (lui Manassès) où il avait fait bâtir une tour et bâtiments propres à demeurer ».
Cette analyse, toute incomplète qu'elle soit, ne laisse pas de doute sur les constructions faites par Manassès en un lorrain appartenant au chapitre, terrain qu'il occupa en détruisant les constructions qui s'y trouvaient et en échange duquel il « bailla une récompense au chapitre ».
Dans sa « Lettre à l'évêque », Polluche vise ce litre de 1171 dans lequel, dit-il, Manassès « déclare qu'il a fait bâtir à Meung une tour seigneuriale et des appartements pour lui et ses successeurs, ubi turrim meam et mansionem turri adjunctam aedificuvi (2) ».
Un document important va confirmer ces constatations et nous faire connaître la récompense baillée au chapitre. C'est un rescrit du pape Alexandre III, en date du 16 septembre 1175 (3), confirmant les possessions des chanoines de Saint-Liphard.
Il y est fait mention d'un cens annuel de XV solidi que l'évêque d'Orléans Manassés a donné à l'église de Saint-Liphard en récompense de certaines possessions avec les édifices qui y étaient, construits (4) ».
Tout cela est bien concordant et bien clair, et un dernier document, qui paraît avoir été ignoré et de Binet et de Polluche, va encore nous procurer de nouveaux renseignements confirmatifs.
C'est un titre de 1162, qui ne se trouve pas dans le cartulaire de Saint-Liphard, mais dans un certain formulaire (ou dictamen) de Bernard de Meung, dont le manuscrit existe dans la Bibliothèque d'Agen (n° 4 des manuscrits).
M. Lucien Auvray, dans un intéressant travail publié dans le tome 23 des Mémoires de la Société archéologique d'Orléans, nous en donne le texte complet (5).
Cet acte a pour principal objet de poser certaines règles à l'usage du chapitre de Saint-Liphard et c'est pour cela que M. L. Auvray le qualifie très justement de règlement, mais il contient en même temps certaines dispositions testamentaires qui sont les seules qui nous intéressent.
L'évêque prescrit que le service divin sera célébré « in capella turris » à certains jours, notamment le quatrième jour des nones de juin, qui est le jour où son oncle d'heureuse mémoire, Etienne de Garlande, a quitté la terre (migravit a seculo), il indique qu'après le chant des psaumes par les « scolares » sous la direction de leur maître de chapelle, la messe sera célébrée par le chapitre « in capella turris que jam dicta est ».
Enfin il dispose au profit de l'église de Saint-Liphard, qui devra en jouir librement après sa mort, de tous les ornements qui se trouveront « in capella turris que mea est ».
Ce règlement de 1162 contient de précieuses indications.
Tout d'abord il affirme, avec une certaine insistance, le droit de propriété personnelle de l'évêque sur la tour qu'il a fait construire (turris quse mea est, turrim meam dit aussi l'acte de 1171), puis il nous fournit la preuve que la tour avait été construite avant 1162, enfin il ordonne tout un cérémonial qui implique que la tour dont s'agit devait avoir des dimensions assez considérables puisqu'elle devait permettre d'y réunir, pour célébrer un service solennel, les scolares et le chapitre entier des chanoines, composé d'au moins vingt, membres.
Cette tour, qui remonte donc à la moitié du XIIe siècle, est-il possible de la reconnaître aujourd'hui et de l'identifier en s'appuyant sur des données présentant quelque certitude ?
Nous le pensons et nous allons donner les motifs qui nous portent à croire que les parties aujourd'hui en ruines des anciennes constructions adossées au clocher de l'église, et par là même très distinctes du château actuel, sont précisément, les restes de cette tour construite par Manassès de Garlande.
Si l'on examine ces ruines au point de vue architectural, on serait peut-être tenté de leur attribuer une origine encore plus ancienne que le XIIe siècle.
La tour de l'église, qui forme l'un des côtés de la construction, est en effet antérieure à celle époque et doit remonter au XIe siècle.
Or la tour qui nous occupe peut paraître de la même époque, les appareils de ces deux constructions ne présentant pas de différences très appréciables, leurs ouvertures ayant toutes aussi la forme romane du plein cintre et l'étroitesse caractéristique de cette époque reculée (6).
Cette tour seigneuriale offre une grande analogie avec les donjons si nombreux construits au XIe siècle, notamment par Foulques Nerra dans diverses parties de la Touraine el du Maine, à Loches, à Montrésor, à Montbazon, à Sainte-Suzanne, etc. (7).
Cependant l'examen attentif des deux constructions qui nous occupent nous paraît démontrer que la tour épiscopale ne forme pas avec le clocher de l'église une oeuvre unique, bâtie d'un seul jet, et a, au contraire, été appliquée après coup contre le clocher.
Les deux contreforts sud du clocher ont en effet été utilisés pour servir de point d'appui à la construction nouvelle ; mais, comme leur écartement ne présentait pas un espace suffisant pour la dimension que l'on voulait lui donner, on a prolongé au -delà du contrefort dans la direction de l'est le mur de la tour seigneuriale et c'est ce qui peut seul expliquer le ressaut de cette muraille dans la partie contiguë à la tour de l'église (8).
Il en résulte nécessairement que la tour seigneuriale n'a été élevée que postérieurement à la construction du clocher.
Il n'est pas étonnant d'ailleurs que ces deux constructions juxtaposées l'une à l'autre présentent une grande analogie dans les caractères de leur architecture, si l'on admet que la première a été élevée au XIe siècle et la seconde au commencement du XIIe, l'abandon du style roman et l'apparition du style ogival dans nos contrées ne paraissant pas s'être produits avant la fin du XIIe siècle.
Nous n'avons, dans ces remarques, tenu aucun compte d'un motif architectural (9) qui, placé à hauteur dans le mur sud extérieur de la tour de Saint-Liphard, attire de suite le regard et présente tous les caractères de l'architecture gothique.
Ce motif a été évidemment ajouté après coup, il suffît, pour s'en convaincre, de regarder avec quelque attention la différence des matériaux et aussi la façon dont on a dû, pour établir cette arcature ogivale, entamer l'un des pieds-droits d'une ancienne baie romaine (10).
Il parait donc possible d'identifier la tour construite par Manassès de Garlande avec les ruines figurées au plan sous la lettre B.
Ajoutons que l'emplacement de cette tour et ses dimensions viennent corroborer cette hypothèse par leur parfaite concordance avec les données des chartes ci-dessus analysées.
a) Emplacement. — La tour a été construite « dans un lieu où s'élevaient la salle du chapitre et deux maisons appartenant, à l'Eglise ». Ce lieu devait être très rapproché de l'église elle-même et des autres bâtiments conventuels situés au sud de celte église.
b) Dimensions. — La tour devait être assez vaste pour former une chapelle où pourrait s'assembler solennellement le chapitre tout entier avec ce que nous appellerions aujourd'hui sa maîtrise. La construction dont nous voyons les restes a une forme assez spéciale qui ne l'empêche pas de mériter celte appellation de tour et présente en même temps une disposition et des proportions pouvant satisfaire aux conditions qui viennent d'être indiquées (surface d'environ 70 mètres carrés, 10 mètres de longueur sur 7 de largeur).
Binet a cherché aussi à déterminer quelle était, parmi les tours du château, celle qui avait été construite par Manassès de Garlande ; il s'exprime ainsi (11) : « J'ai noté ci-dessus que Manassez fit faire une tour et bâtiments auprès pour la demeure ; j'ai aussi noté (12) comme il y avait une chapelle épiscopale en la tour. La tour des prisons ne serait pas propre pour une telle chapelle, ni celle qui est près le vieil chasteau, je veux dire le vieil chapitre. En une des vieilles tours du chasteau y a une chapelle, si c'est cette tour dont nous avons parlé (c.-à.-d. celle bâtie par Manassès), faudrait que les autres tours eussent été bâties depuis ».
Si l'on étudie de près le texte de ce passage un peu obscur, il me paraît en résulter que le corps principal du château comprenait un certain nombre de vieilles tours (les tours C D E F de notre plan ; nous verrons que la tour H ne pouvait être comprise par Binet dans ce qu'il appelle les vieilles tours, puisqu'il nous apprend qu'elle n'a été construite que vers 1500).
Dans l'une de ces vieilles tours, il y avait du temps de Binet une chapelle, il hésite cependant à y reconnaître la tour du XIIe siècle parce que « faudrait que les autres tours eussent été bâties depuis » et il ne reconnaît sans doute entre ces tours aucune différence pouvant confirmer l'hypothèse de deux constructions successives.
Mais, en dehors de ces tours, Binet en signale deux autres : « la tour des prisons et celle qui est près le vieil chasteau ; je veux dire le vieil chapitre », mais il trouve que ni l'une ni l'autre « ne serait propre pour une telle chapelle ».
Ne paraît-il pas cependant très raisonnable de penser que ces tours distinctes de la masse principale du château dont nous allons voir la construction faite au XIIIe siècle remontent au XIIe et qu'il faut trouver dans l'une d'elles et vraisemblablement dans l'ancienne tour des prisons (13), la seule qui subsiste aujourd'hui, la tour dont parle Manassès dans ses chartes de 1162 et 1171 ?
Et, si Binet trouve que cette construction « ne conviendrait guère à une telle chapelle », il nous semble que l'objection s'appliquerait encore mieux aux autres « vieilles tours » du château dont les dimensions étaient encore moins considérable-, la plus grande, la tour E, formant seulement une circonférence de 3 mètres de diamètre environ à l'intérieur.
Nous pensons donc que l'on peut, sans trop de témérité, voir dans les ruines adossées au clocher de l'église les restes des constructions élevées vers le milieu du XIIe siècle, par l'évêque Manassès de Garlande.
On pourrait croire que ces constructions qui avaient pour but de procurer à l'évêque une demeure personnelle et indépendante auraient dû être continuées et augmentées par son successeur immédiat.
Jamais, en effet, le siège épiscopal d'Orléans ne fut occupé par un personnage plus considérable (14) que Henri de Dreux, qui l'ut évêque de 1186 à 1105. Il était le propre petit-fils de Louis le Gros, le neveu de Louis VII et le cousin germain de Philippe-Auguste, qui occupa le trône de France pendant toute la durée de l'épiscopat de Henri de Dreux.
Ce nom, qui a toujours été celui de notre évêque, lui provient de son père Robert, créé comte de Dreux, par Louis VI, en 1143.
Pendant l'épiscopat d'Henri, le comté de Dreux appartint soit à son père Robert Ier, soit à son frère Robert II (15).
Henry de Dreux avait-il à sa disposition quelque résidence princière qui lui fit négliger sa demeure épiscopale de Meung ? Toujours est-il qu'aucun document ne nous indique qu'il y ait fait faire un travail quelconque.
Plan des châteaux de Meung
- Clocher de l’église Saint-Liphard ; B. Tour de Manassès de Garlande XIIe siècle ; C. D. E. F. Tours du château de Manassès de Seignelay XIIIe siècle ; G. Salle des Gardes XIIIe siècle ; H. Tour du Pont-Levis XVIe siècle ; I. Escalier à vis XVIe siècle ; J. Construction du XVIIIe siècle ; K. Chapelle, fin du XVIIIe siècle ; L. Cour d’honneur ; M. Restes des anciens fossés ; a. b. c. d. e. Ancien cellier sous roche XIIe siècle ; e. Salle basse XIIIe siècle ; f. Entrée du souterrain au niveau du sol extérieur ; g. Escalier conduisant du rez-de-chaussée au souterrain.
Nota : les parties minuscules indiquent les partie souterraines .
II
Le successeur d'Henry, Hugues de Garlande, neveu de Manassès, n'occupa le siège épiscopal que de: 1198 à 1206, il paraît s'être contenté des mansiones établies par son oncle, et il nous faut arriver à l'épiscopat de Manassès de Seignelay (1206-1221) pour rencontrer le véritable fondateur du château de Meung tel que, après de nombreuses et profondes modifications, il existe encore aujourd'hui.
C'est à ce titre que nous nous permettrons de raconter avec quelques détails ce qui intéresse ce personnage qui est sans doute l'une des figures d'évêque du moyen âge les plus curieuses et les plus caractéristiques.
La famille de Seignelay avait reçu son nom d'un petit village des environs d'Auxerne (16) ; si elle n'était pas aussi puissante que celle des trois prédécesseurs immédiats de Manassès, ses membres avaient cependant occupé des charges importantes, notamment dans le clergé.
L'un d'eux, le propre frère de Manassès, était évêque d'Auxerre, et c'est à cette circonstance que nous devons la bonne fortune d'avoir un très intéressant récit de la vie de notre évêque. Le chroniqueur anonyme qui a écrit l'histoire des évêques d'Auxerre (17) s’est laissé entraîner à nous raconter la vie des deux frères dont l'un dirigeait le diocèse d'Auxerre et 1’autre celui d’Orléans.
Il nous apprend que ce dernier aurait tout d'abord refuse l'archevêché de Sens : comment a-t-il, peu de temps après, accepte un simple évêché suffragant de celle église métropolitaine ? Peut-être a-t-il jugé qu'il n'était pas indigne de lui d'occuper la place des illustres prédécesseurs que nous venons de nommer.
Quoi qu'il en soit, le nouvel évêque d'Orléans allait faire preuve de qualités éminentes, unissant à une infatigable activité el à une volonté énergique la conscience de ses devoirs et aussi de ses droits épiscopaux.
Installé à Meung, il ne tarda pas à reprendre et à développer les plans ébauchés par Manassès de Garlande pour l'établissement d'une résidence en rapport avec les exigences de la vie seigneuriale.
Avant d'exposer, d'après le chroniqueur auxerrois, comment, Manassès réalisa magnifiquement cette pensée, nous croyons que l'élude d'un document inédit peut nous donner d'utiles indications sur les projets de l'évêque et l'époque précise à laquelle il commença à les mettre à exécution.
Manassès de Seignelay évêque d'Orléans de 1206 à sa mort 1221
C'est en 1206 que Manassès occupa le siège d'Orléans et il paraît s'être mis promptement à l'oeuvre. Nous avons vu comment son prédécesseur (médiat) et homonyme avait acquis du chapitre l'emplacement destiné à la tour et aux appartements (mansiones) qu'il fit élever ; Manassès de Seignelay voulut de même s'assurer la possession de quelques cénacles occupés par le chapitre et dont il avait besoin pour réaliser ses projets.
C'est ce qui nous est révélé par une phrase d'une longue charte du cartulaire de Saint-Liphard (pièce n° 30) où sont réglées d'assez nombreuses questions intéressant à la fois l'évêque et le chapitre.
Binet avait parfaitement remarqué l'importance de ce passage de la charte de 1209, lequel est ainsi conçu : « Quant au cellier du roc, voici ce qui a été convenu, ledit cellier restera propriété de l'évêque et le chapitre aura la place qui joint immédiatement l'Eglise (18) ».
Rien n'est plus intéressant, au point de vue spécial de l'histoire du château et de sa construction, que de suivre Binet dans les remarques dont il accompagne cette citation (19) : « Celui qui connaît, dit-il, toutes les aisances du château de présent, et principalement ce qui est entre l'église et le corps du château, ne trouvera point, à mon opinion, endroit plus propre à figurer ce cellier du roc (20) ou bien la cave sur laquelle sont les greniers, lequel lieu est presque contigu, du moins il est bien près de la cave du roc ».
Binet paraît hésiter entre deux caves ou celliers pour y reconnaître le cellarium rupis die la charte de 1209 : suivant lui, ce ne peut être que « ce qui est entre l'église et le corps du château » et qui forme cellier, ou bien la cave presque contiguë sur laquelle sont les greniers.
Mais Binet semble écarter lui-même presque aussitôt cette seconde hypothèse en faisant remarquer que cette expression cellarium rupis « insinuait je ne sçais quoy plutost appartenant à une « cave faicte sous roche ou entre des rochers que non pas un cellier levé sur terre ».
Il ne nous paraît pas très difficile de faire, aux lieux dont nous parle Binet et qui se retrouvent manifestement dans un étal presque identique aujourd'hui encore, l'application indiquée par le manuscrit du chanoine de Meung.
Il existe toujours une cave faicte sous roche et à côté un cellier levé sur terre et qui pouvait, au XVIe siècle, être surmonté de greniers.
La cave sous roche est celle composée de plusieurs travées indiquées au plan par les lettres A. U. C. D.
L'antiquité de ces caves creusées sous le roc et dont la partie extérieure seule a été voûtée de main d'homme se révèle par la forme même de ces voûtes en berceau ainsi que des arcs où l'ogive est à peine sensible, et par la simplicité des piliers qui les supportent dont les chapiteaux sont formés par de grossières moulures (21).
Nous pensons qu'à tous ces signes les archéologues n'hésiteront pas à faire remonter l'arrangement de ces caves à la fin du XIIe siècle, c'est-à-dire à une époque antérieure à la charte de 1269.
Ce sérait donc cette cave ou cellarium rupis (dont Binet semble dire qu'elle allait sous le château) qui aurait été cédée à Manassès par cette charte, et
cette acquisition était en effet nécessaire pour établir les constructions qui allaient s'élever au-dessus même de ces caves.
Quant à la salle basse indiquée au plan par la lettre K, elle est bien un cellier « levé sur terre » et elle fut vraisemblablement construite par Manassès peu après l'acquisition de 1209.
Tous les détails de son architecture, que nous avons cherché à reproduire dans les dessins n° 2 et, 3, indiquent un travail de la première moitié du XIIIe siècle.
C'est, à ce cellier « levé sur terre » que Binet l'ail allusion pour l'opposer au cellarium rupis. Cette salle basse présente donc un reste des plus intéressants des constructions de Manassès.
Les proportions gracieuses de celte salle, l'élégance des piliers, notamment du pilier central sur lequel se réunissent les retombées des voûtes, la variété des sculptures des chapiteaux (feuilles d'eau, trèfles, fleurs diverses) pourraient faire douter qu'on ait apporté un tel soin dans l'aménagement d'un simple cellier.
s pas cependant qu'il soit possible de contester que telle a bien été, dès l'origine, la destination de cette salle (22).
Nous en trouvons la preuve dans ce fait que le sol, qui ne porte la trace d'aucun dallage, a toujours été en contre-bas, relativement au sol extérieur, de toute la hauteur des six marches de l'escalier existant encore à l'angle sud-ouest du cellier ; la courte colonne reliant le palier de cet escalier avec le chapiteau d'angle correspondant est, en effet, incontestablement de la même époque que les colonnes plus hautes qui, dans tous les autres piliers, partent du sol même de la salle, et ce détail ne laisse aucun doute sur la surélévation du sol extérieur au moment de la construction (23).
Mais poursuivons, en reprenant le récit du chroniqueur auxerrois, la recherche des travaux exécutés par Manassès après qu'il se fût assuré la propriété de locaux si voisins de son château et si nécessaires aux transformations qu'il voulait y opérer.
« A Meung, nous dit « l'historien des évêques, au château épiscopal où l'évêque ne possédait pas une habitation convenable (compelens domicilium), il construisit un palais d’un noble aspect avec des tours et des ouvrages de défense ; c'était pour la cité un rempart inexpugnable, ce fut en même temps pour l'évêque une demeure digne de lui lorsqu'il fixa sa résidence dans ce château.
Au même lieu et aussi à Jargeau, il fil construire deux ponts de pierre sur la Loire ».
Nous pensons que l'on peut retrouver dans les constructions du château actuel la disposition même, de celles élevées il y a bientôt sept siècles.
La partie centrale du château comprend, en effet, quatre grosses tours disposées en un parallélogramme à peu près régulier et qui plongeaient dans des fossés en partie comblés depuis.
L'épaisseur de leurs murailles et de celles qui les relient l'une à l'autre, formant une enceinte formidable, révèle bien cette époque reculée où les constructions féodales avaient avant tout un caractère défensif.
Ne reconnaissons-nous pas encore aujourd'hui, malgré des changements inévitables amenés par le temps, le « praesidium inexpugnabile » avec ses « turribus et propugnaculis » ?
A la courte description l'aile par lui, le chroniqueur anonyme ajoute une phrase incidente bien intéressante : « cum ad castrum illud delegaverit mansionem ».
L'idée déjà indiquée du transfert par les évêques de leur principal établissement au château de, Meung est ici nettement formulée, et nous en constaterons plus loin la réalisation.
La fin de la citation que nous avons extraite de la chronique de l'anonyme d'Auxerre nous révèle un événement digne d'arrêter un instant notre attention : Manassés fit construire à Meung un pont de pierre sur la Loire.
De nos jours encore, une pareille oeuvre (les Orléanais en savent quelque chose) est une grosse entreprise ; aussi ne devons-nous pas nous étonner de l'appréciation émise par l'inspecteur général des ponts et chaussées, M. Collin, dans son Etude sur les ponts au moyen âge (25), p. 291 ; en rapportant la construction par Manassès des deux ponts de Meung et de Jargeau, il dit que ce sont là « des oeuvres capitales dont l'une [seulement eût suffi à glorifier le règne d'un souverain ».
Sans doute il y avait eu de tout temps une circulation assez active d'une rive à l'autre du fleuve, l'existence d'anciennes routes romaines, l'importance de Meung comme lieu de passage le démontrent.
M. Collin explique (p. 383) que, dans ces temps reculés, « sur ce cours d'eau comme sur les autres, les ponts de bois, les ponts de bateaux, les bacs et les gués étaient, selon les occasions et le temps, les moyens de passage de rivière par les armées en campagne ».
Ne peut-on pas ajouter que la Loire, n'étant pas à cette époque ramenée par des digues dans un lit étroit, se répandait librement dans le Val, au point que son assiette même était (nous le verrons) assez peu déterminée ? Ces bras nombreux, par la moindre importance de chacun d'eux, devaient offrir au passage un obstacle bien moins difficile à franchir qu'un courant unique.
La construction d'un pont n'en était pas moins un immense service rendu à la ville de Meung et à la région par l'évêque qui ne pouvait, en procédant à ce travail d'intérêt général, prévoir les avantages qu'il procurerait, 200 ans plus tard, aux Anglais assiégeant Orléans.
La construction du pont offrait pour les seigneurs de Meung l'avantage particulier de relier leurs possessions des deux rives de la Loire : l'évêque était en effet propriétaire d'un domaine (villa) appelé manoir d'Estrepoy, situé près de Cléry, sur la rive gauche du fleuve. Là encore, d'après le récit du même auteur auxerrois, Manassès, pour se protéger contre les entreprises d'un voisin turbulent, Jean d'Orléans, dut, faire d'importants travaux de défense (26).
III
Manassès ne fui pas seulement un grand bâtisseur ; son intelligente activité se porta sur tous les points où il lui était loisible de se déployer et, si nous n'avons pas ici à le suivre dans l'administration des affaires ecclésiastiques, il ne sera pas sans intérêt de montrer comment, l'évêque sut défendre ses droits contre le pouvoir royal lui-même.
Nous avons déjà parlé d'un droit royal que nous avons vu s'exercer sous les rois de la seconde, et de la troisième race, le droit de gîte, qui s'écarte d'autant moins, de notre sujet qu'il affectait directement ce château dont nous avons entrepris de retracer l'histoire.
En vertu de cet usage, le roi avec sa suite pouvait venir loger dans les châteaux appartenant, à l'évêque ; toutefois, il paraît résulter d'un texte rapporté plus loin que cette hospitalité n'était due qu'une fois par an (singulis annis) : on appelait procurationes cette obligation dont était grevée la demeure de l'évêque parce que, dit M. de Vassal, dans un travail sur l'abbaye de Bonne-Nouvelle, publié par la Société des Sciences d'Orléans, t. IV (2e série), p. 169 et suiv., elle consistait à procurer au roi le vivre et le couvert, (27).
Manassès s'efforça de dégrever ses possessions d'une servitude aussi onéreuse ; il y parvint, ainsi que le constatent deux documents en date d'août 1212.
Le premier est une charte (28) par laquelle l'évêque, pour obtenir la décharge de ce droit de gîte s'exerçant sur ses résidences de Pithiviers et de Meung, s'engage à verser annuellement, le jour de la fête de la Toussaint, au prévôt royal d'Orléans, la somme de soixante livres parisis.
Le second document (29), contre-partie directe du premier, est la quittance ou décharge perpétuelle donnée à l'évêque d'Orléans par le roi Philippe-Auguste du droit de gîte qu'il lui appartenait d'exercer chaque année à Pithiviers et à Meung, à charge de lui payer tous les ans une somme de 60 livres parisis.
Les rois possédaient, aussi, sur les biens des évêques d'Orléans, un privilège encore plus singulier, qui puisait son origine dans le droit de régale auquel la vacance des bénéfices ecclésiastiques donnait ouverture.
Ce n'était plus, comme le droit de gîte, une servitude sur l'immeuble, mais une, mainmise sur les meubles appartenant à l'évêque décédé.
Les prédécesseurs de Manassès, et notamment, Manassès de Garlande, s'étaient efforcés de restreindre ce que l'abbé Dubois (30), avec quelque: exagération sans doute, appelle le pillage, auquel se livraient les officiers du roi dans les palais épiscopaux à la mort de l'évêque.
Une charte de Louis le Jeune (1157) (31), confirmée par une bulle d'Adrien IV (32). fait, une distinction assez bizarre : le, roi s'interdit, de prendre à l'avenir, par lui-même ou ses officiers, tout ce qui est en bois ou en fer (ligneum seu ferreum adiquid).
On respectera donc l'ensemble du mobilier et « tout- ce qui sert à l'ornement et à l'utilité des maisons » (quaecumque solet. esse, ad pulchritudinem sive speciem atque utilitatem domorum), mais le roi n'abandonne pas son droit sur les métaux précieux, or et argent, (excepto omni eo quod de argento fueril et de auro).
Il paraît qu'au décès du prédécesseur de Manassès II, le roi Philippe-Auguste n'avait point négligé de se faire remettre les bijoux d'Hugues de: Garlande.
Le nouvel évêque vit, là une extension abusive du droit royal tel qu'il avait été limité en 1157. Il réclama et, à force d'insistance, il obtint que les pierres précieuses des bagues épiscopales lui seraient remises, le roi ne conservant que l'or (obtinuit sibi gemmas de annulis... rege aurum sibi relinente) (33).
Puisque nous nous sommes laissé entraîner, pour esquisser cette figure d'évêque féodal, à parler des différends de Manassès avec le roi Philippe-Auguste, on nous pardonnera de ne point omettre le plus grave et le plus curieux.
Le roi, dans la guerre qu'il poursuivait contre le duc de Bretagne et ses alliés les Anglais, avait fait appel à ses vassaux et notamment à Guillaume, évêque d'Auxerre, et Manassès, évêque d'Orléans, qui répondirent à la demande de leur suzerain en envoyant des troupes à l'armée royale, occupée alors au siège du château du Guesclin.
Il semble même, si l'on en croit le chanoine Hubert (34), que les deux prélats conduisirent eux-mêmes leurs soldats, il leur fut donc facile de remarquer que le roi ne dirigeait pas lui-même son armée, placée sous le commandement du comte de Saint-Paul, avec le titre de lieutenant général.
Les deux évêques remmenèrent alors leurs hommes, prétendant « n'estre point tenus d'aller à la guerre, n’y même d'y envoyer, que lorsque le Roy y était en personne ».
Cette audacieuse attitude au regard de l'autorité royale excita au plus haut point le courroux de Philippe-Auguste qui fit saisir les biens temporels que Guillaume et Manassès tenaient en fief de la couronne, et il ne paraît point douteux que cette saisie dut porter sur le château et la chastelleriie de Meung.
Les deux évêques ne craignirent pas d'entrer en lutte ouverte en usant de leurs pouvoirs épiscopaux, en frappant d'interdit les églises de leur diocèse (35) et en excommuniant, les officiers royaux.
Placés entre l'autorité épiscopale et le pouvoir royal, les ecclésiastiques et notamment les chapitres de Sainte-Croix et de Saint-Aignan paraissent avoir tout au moins retardé l'obéissance qu'ils devaient sans doute à leur supérieur hiérarchique.
Le chapitre de Saint-Aignan, invoquant, ses privilèges, ne laissa pas, dit Hubert, de célébrer le service divin à l'ordinaire, « à « haute voix, les portes de l'église ouvertes, avec le son « des cloches » ; des personnes « sujettes à la juridiction de l'évêque el par lui excommuniées et interdites » furent néanmoins admises aux offices. C'est ce fait qui paraît avoir surtout irrité l'évêque. Sur sa plainte et l'appel au pape par les chanoines, Innocent III désigna des commissaires pour trancher le différend (36).
Le chapitre de Sainte-Croix rechercha, avec une louable prudence, la conciliation entre les deux pouvoirs en lutte, « désirant rendre aux rois ce qui appartient aux rois et à Dieu ce qui appartient à Dieu ».
Nous possédons deux curieuses lettres qui forment, une correspondance échangée entre le Roy et le chapitre.
Dans la première (37). le roi félicite le chapitre de n'avoir pas, comme le demandait l'évêque, frappé par une sentence générale la cité et les personnes soumises à l'autorité royale (unirersilatem restram dulciter exorarit quod vos in civitatcm et in persanas nobis subjectas generalem sentenliam proferatis), d'être resté sourd aux exhortations de l'évêque et d'avoir continué à célébrer les offices d'une manière suffisamment convenable (salis congrue).
Le roi les en remercie (persolrentes gratiarum multimodas actiones) et les encourage à persister dans leur fidélité.
La deuxième lettre (38), en réponse à la première, rappelle la saisie pratiquée à la suite du refus de l'évêque d'obtempérer à la réquisition royale (quia deliquit in vos mancipatione regalium), les efforts faits par le chapitre pour retarder les effets de l'interdit épiscopal (ut interdictum quantum, poterimus differalur).
Les chanoines prennent Dieu à témoin, « Dieu qui connaît et scrute toutes les pensées ; il sait que leur coeur est tout entier dévoué à l'amour du royaume et de son salut », ils promettent au roi de s'employer dans la limite de leur faible pouvoir à la gloire de Sa Majesté et de retarder la promulgation de la sentence générale (relative à l'interdit) jusqu'à ce qu'ils y aient été contraints par un ordre écrit » ; ils supplient Philippe de ne pas se montrer impitoyable (si cor vestrum nimium fuerit induratum) et de rendre sa faveur et sa grâce à leur évêque dont ils louent la piété et les bonnes intentions (tam pium, tam honestum episcopum).
L'intervention d'Innocent III s'exerça en faveur du pouvoir royal, il ne voulut pas qu'aucune atteinte fût portée aux coutumes et aux droits royaux : « consuetudines et jura regni nullo temerari », dit La Saussaye (39).
Les évêques durent s'incliner. Guillaume le Breton (40) nous donne le texte de la charte par laquelle, au mois d'août 1212, Manassès « confesse devoir à Philippe, illustre roi des Francs, le service militaire comme le doivent les autres barons et évêques, et promet de le remplir comme les autres ».
Il nous semble que cette soumission même n'est pas sans laisser quelque équivoque sur la question si opiniâtrement disputée : elle n'implique pas non plus de, la part de notre évêque une attitude de regret et, d'excuse qui aurait sans doute été peu d'accord avec son caractère.
C'était néanmoins la paix.
Les évêques cessèrent de subir la mainmise royale et recouvrèrent la possession de leurs fiefs dont ils avaient été privés pendant deux années.
Manassès, de son côté, leva l'interdit édicté par lui, promettant de ne point ouvrir de procédure contre les mariages contractés pendant l'interdit et de n'inquiéter en aucune façon les chanoines de Saint-Aignan (41).
C'est encore le seigneur jaloux de ses droits et prêt à les faire valoir les armes à la main que nous montre son biographe anonyme quand il nous fait le récit d'une expédition en Sologne pour étouffer une révolte des paysans et de la construction de fortifications nouvelles dans le domaine épiscopal d'Estrepoy, situé sur la rive gauche de la Loire.
Manassès fit aussi d'importantes constructions au château de Sully (42).
Cet évêque batailleur, ce vassal ombrageux semble avoir en même temps donné l'exemple des vertus épiscopales.
Son biographe nous dit qu'il est mort en odeur de sainteté (cum opinione sanctitatis) : il nous dépeint l'affliction des pauvres gens suivant en pleurant son cercueil et plus tard l'affluence des malades qui vinrent prier près de son tombeau et obtinrent par son intercession la guérison de leurs maux (43).
L'épiscopat de Manassès marqua l'apogée de la puissance des châtelains de Meung.
Elle s'est manifestée notamment par ces importantes constructions dont nous avons parlé et sur lesquelles il nous faut revenir pour rechercher ce qui reste aujourd'hui de ces oeuvres qui remontent à près de sept siècles.
Nous n'hésitons pas à penser que, depuis cette époque reculée, le château a conservé ce qu'on pourrait appeler son ossature.
Les quatre tours C, D, E et F dessinant le quadrilatère, les murs mêmes qui les relient entre elles sont les témoins survivants de la construction de Manassès (44).
C'est bien le château féodal tel qu'on le concevait au XIIIe siècle : l'épaisseur des murailles (près de 2 mètres) répond à la pensée défensive qui était alors la principale préoccupation des châtelains quand ils se construisaient une demeure. Il est évident que ces murs et ces tours ne sont pas restés dans leur état primitif.
La façade principale (vers l'ouest) a subi, au commencement du XVIIIe siècle, une transformation complète que nous raconterons au chapitre X. Elle ne peut cependant nous empêcher de retrouver, à côté des larges fenêtres à la Louis XIV que nous voyons aujourd'hui, la trace incontestable des anciennes ouvertures gothiques du château de Manassès.
En deux points notamment (45), l'ancienne maçonnerie d'un arc en tiers-point est parfaitement visible. Sans doute cet arc n'est que l'encadrement de la baie ogivale primitive et devait, vraisemblablement renfermer des ouvertures géminées de même forme, séparées par un pilier, suivant la disposition si fréquemment, adoptée à cette époque dans les constructions civiles (46).
salle des Gardes
L'intérieur a été aussi fortement remanié ; une importante partie nous paraît cependant avoir conservé à peu près intacte sa structure primitive, c'est la salle à laquelle nous conserverons le nom qu'on lui donne actuellement de salle des gardes.
Un passage du manuscrit de Binet, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir, nous a fait penser un instant que cette salle ne remontait qu'au XVe ou XVIe siècle, mais l'examen attentif de son architecture et l'avis d'archéologues compétents ont modifié notre opinion.
Cette salle, voûtée en ogives n'a malheureusement pas conservé ses piliers primitifs avec leurs chapiteaux el leurs bases, ils oui disparu lors des derniers travaux faits par les évêques d'Orléans au moment de la construction de la chapelle qui subsiste encore.
Mais les nervures des ogives sont tout à fait caractéristiques du XIIIe siècle (47) et démontrent que nous sommes bien ici en présence d'une portion de l'oeuvre construite par Manassès de Seignelay.
Cette salle est donc l'une des parties les plus anciennes et les plus curieuses du château de Meung.
Le commencement du XIIIe siècle vit ainsi s'élever le château qui devint, à partir de cette époque, la résidence principale des évêques d'Orléans.
Dès 1127, Jean II avait abandonné aux chanoines de Sainte-Croix une partie de la cour de sa demeure épiscopale d'Orléans afin de leur permettre d'y construire des maisons pour s'y loger (48), et nous avons vu que c'est peu de temps après que Manassès de Garlande se créait à Meung une habitation personnelle.
Les travaux de Manassés de Seignelay n'avaient été que la confirmation de cette sorte d'émigration des évêques : c'est ce qui permit à Robert de Courtenay, en 1278, d'abandonner une partie considérable de son hôtel pour « la réédification et l’accroissement de l'église cathédrale ».
Les évêques se dépouillèrent si bien qu'ils en arrivèrent à demander au chapitre une maison pour s'y loger et, le 2 janvier 1358, Jean de Montmorency reconnaissait que les évêques ne demeuraient dans cette maison que sous le bon plaisir et du consentement du chapitre (49).
Nous sommes en droit de conclure: que le château de Meung était devenu le véritable palais épiscopal el que les successeurs de Manassès continuèrent à l'habiter pendant tout le XIIIe siècle et la première moitié du XIV.
Pendant cette longue période, nous ne pensons pas que les évêques aient apporté aux constructions du château quelque addition ou modification importante.
Nous ne rencontrons non plus, pendant le même temps, ni dans l'histoire générale ni dans celle des évêques, aucun événement qui se rattache d'une façon particulière au château ou même à la ville de Meung.
Ce n'est qu'avec les tristes événements de la guerre de Cent ans que le sort de la ville et du château se trouvera de nouveau mêlé à d'intéressants souvenirs.
Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts d'Orléans
Castrum Magdunense - Château Meung sur Loire et son Pont médiéval <==.... ....==> Le passage du pont fortifié de Meung sur Loire pendant la guerre de Cent ans.
Amaury, fils aîné de Simon IV, fut son successeur au comté de Montfort.
(1) Abrégé chronologique de l'histoire de France, par le président HÉNAULT, p. 121. — V. aussi Symph. GUYON, p. 370.
(2) Ce passage de Polluche nous paraît avoir été emprunté par lui au manuscrit de Binet dont il eut certainement connaissance et ne prouve nullement que l'auteur de la « Lettre à l'évêque » ait connu le texte complet du titre de 1171 qui, en tous cas, paraît définitivement perdu aujourd'hui.
(3) V. Cart. de Saint-Liphard, n° 9 ; pièce justificative, lettre Q.
(4) ... annuum censum XV solidorum quem predictus episcopus de assensu capituli sui dédit eccleisie vestre cum justitiiis et comsuetudinibuis ad censum ipsum pertinentibus, in reciompenisatiioaiem quaerundam possessionum et oedificiorum que sunt inibi constructa.
(5) V. pièce justificative, lettre 0.
(6) V. les planches III et IV.
(7) L'abbé Bouchery, dans le travail qui fait l'objet de la note complémentaire V, estime que les deux constructions (clocher de l'église et tour seigneuriale) sont contemporaines.
(8) V. le détail du plan.
(9) V. la planche IV.
(10) Cette remarque a déjà été faite par l'abbé Bouchery.
(11) Fol. 16, v».
(12) Il nous a été impossible de retrouver le passage dans lequel Binet dit avoir parlé d'une chapelle dans la tour. Il n'est pas impossible que le manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal, qui, on le sait, n'est qu’une copie, contienne quelque lacune.
(13) Nous verrons, infrà, chapitre VII, que la tour des prisons était bien celle, aujourd'hui en ruines, dont nous attribuons la construction à Manassès de Garlande et portée à notre plan sous la lettre B.
(14) V. BINET, «... il était de sang royal de France... je vois es dits titres qu'on lui défère davantage qu'aux autres évêques de ce temps-là. »
(15) Ces deux personnages figurent dans de nombreuses chartes contenues au cartulaire de Saint-Liphard et dans lesquelles ils sont qualifiés de comes Brocarum et Brane. — V., sur la famille de Dreux, du Tillet, Recueil des rois de France, Paris, 1612, p. 78.
(16) De Sîllianico, in pago Autissiodorensi (Gall. Chr., VIII, p. 1458). — C'est ce même village, aujourd'hui chef-lieu de canton du département de l'Yonne, qui, au XVIIe siècle, donnera son nom aux descendants de Colbert, sans qu'il y ait aucun lien entre les deux familles de Seignelay.
(17) Historia episcoporum. Autis siodorensium, rapportée au tome VIII du Recueil des Historiens des Gaules, p. 734.
(18) De cellario rupis ita expeditum est quod remaneat Episcopo dictum ceillarium et capitulum habebit plateam que est juxta Ecclesiam.
(19) V. manuscrit de Binet, fol. 17, v°.
(20) La phrase de Binet est rendue un peu obscure par une ellipse à laquelle il faut suppléer en répétant ici les mots : « que ce qui est entre l'église et le corps du château ».
(21) V. le dessin ci-contre n° 1.
(22) On peut voir au Mans, dans la maison dite de Scarron, une salle basse remontant également au XIIIe siècle et présentant la plus grande analogie avec celle qui nous occupe. Elle a été tout récemment transformée en chapelle, mais les archéologues ont toujours été d'accord pour y voir simplement un ancien cellier.
(23) Cette constatation est confirmée par la forme des deux ouvertures qui existaient dans le mur du midi ; cette forme est celle de soupiraux qui, grâce à l'entaille oblique du mur dans la partie inférieure au sol, facilitaient l'entrée de la lumière.
(24) Lettres C, D, E, F du plan.
(25) L'Etude sur les ponts au moyen âge, par M. COLLIN et M. BAGUENAULT DE PUCHESSE, forme le tome 26 des Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais.
(26) Johannes de Aurelianis, miles, apud Egri, villam suam, Estrepoeio videlicet et ville episcopali conterminam, forteritiam erigebat, contra quem episcopus tanto fortius se accinxit. — Histor. des Gaules, XVIII, p. 734. — Cité dans l'Histoire de Cléry, par L. JARHY, qui ajoute qu'il faut lire Cléry au lieu d'Egri.
(27) M. de Vassal, lac. cit., p. 206, traduit le mot procurari employé dans le sens où nous l'entendons, par « recevoir soins son toit et à sa table ».
(28) V. Histor. des Gaules, t. XVII, p. 376, in historia Guilleilmi Bretonis Armorici.
(29) V. Cart. de Sainte-Croix, par MM. THILLIER et JARRY, pièce CLVII, p. 241,
(30) Bibliothèque d'Orléans, ms 596, fol. 136 v.
(31) Cart. de Sainte-Croix, pièce LI, p. 101.
(32) Cart. de Sainte-Croix, pièce XXVI, p. 55.
(33) Histor. des Gaules, t. XVIII, p. 733. Multa constantia contra eumdem regem obtinuit sibi gemmas de annulis praedecessoris sui Hugonis ab ipso rege aurum sibi retinente, restitui ob conservationem privilegiorum ecclesiae.
(34) HUBERT, Antiquités de Saint-Aignan, p. 195.
(35) Il paraît résulter des explications qui vont suivre que cet interdit n'avait point un caractère absolu arrêtant tout service religieux, mais défendait seulement les cérémonies plus ou moins solennelles.
(36) La lettre d'Innocent III, reproduite par Hubert, est empruntée ex registro Epist. Innocenta III P. P.
(37) Cartul. Sainte-Croix, pièce 383, p. 530,
(38) de Sainte-Croix, pièce 384, p. 531,
(39) Liv. X, n° 45.
(40) Histor. des Gaules, t. XVII, p. 771.
(41) Gallia christ, t. VIII, p. 1458... promisit se de matrimoniis contractis durante interdicto non cogniturum, nec quidquam facturum adversus canonicos Sancti Aniani.
(42) V. Loiseleur, Monographie du château de Sully [Mém. Soc. d'agr., arts, sciences, 4" série, t. XI, p. 176, charte de juin 1218.)
(43) V. Histor. des Gaules, loc. cit... pauperes praecipue flentets et altis suspiriis et questibus proclamantes sese vitae sua subsidia amisisse ; ad cujus tumulum multa languidorum et mala habentium confluxit frequentia et nonnullarum confluit usque adhuc, ejus meritis proestolantes a Domino languorum suorum recipere sanitatem.
(44) Nous aurons l'occasion de voir bientôt quand et par qui fut élevée la cinquième tour H. — V. chap. VIII, infra, p. 199.
(45) Près des deux fenêtres ouest de la salle des gardes et cintre la troisième et la quatrième fenêtre de la façade centrale, les anciennes assises des fenêtres gothiques, imparfaitement reproduites par la photographie, apparaissent très nettement sous le crépis un peu dégradé.
(46) V. Histoire de l'art, par André MICHEL, t. Il, flg. 29, 33, etc.
(47) Notre dessin n° 5 met en opposition les arcs de la salle des gardas (XIIIe siècle) :avec ceux de la tour du pont-levis (XVIe siècle).
(48) LEMAIRE, partie ecclés., p. 44.
(49) V. pour tous ces détails la note 8 dans les remarques de Polluche sur sa Description d'Orléans ; chez Rouzeau, à Orléans, 1736, p. 21.