L'église de St-Léonard était autrefois un prieuré dépendant de la célèbre abbaye de Déols en Berry. Il n'en reste plus aujourd'hui que le sanctuaire et te déambulatoire, avec les chapelles absidales; mais ces restes suffisent pour donner une idée de ce que dut être au temps passé cette remarquable basilique.
Détruite en 1052 par un incendie, l'église de Déols, reconstruite à nouveau, était consacrée en 1109 par le pape Pascal II.
La construction de St-Léonard dut suivre de bien près l'achèvement de l'église de l'abbaye mère, si tant est que les travaux n'aient point été faits simultanément. Une étude comparative de ces deux monuments ne serait pas sans intérêt. J'ai le regret de ne pouvoir l'entreprendre dans ce moment, faute de notes suffisantes, et ne voulant pas m'en rapporter à ma mémoire qui pourrait me faire défaut. Je vais me contenter de donner une description aussi exacte que possible des parties encore existantes de l'église de St-Léonard, me réservant de poursuivre plus tard la comparaison que je me borne à indiquer ici comme possible et désirable. Cette comparaison, du reste, ne pourrait porter que sur les détails d'ornementation et non sur le plan des deux édifices que je suppose presque contemporains, puisque de l'église du Bourg Dieu il ne reste que le clocher et quelques portions de travées de la nef, tandis qu'à l'Isle-Bouchard la nef entière a disparu ne laissant que les murs délabrés de l'abside.
Lorsque je pénétrai dans le petit enclos qui renferme les ruines de l'église de St-Léonard, je demeurai surpris de leur aspect monumental.
Je ne pus comprendre le triste abandon où l'on laissait ces remarquables débris de l'architecture romane, livrés sans abri aux injures du temps et aux intempéries des saisons. Ces ruines pourtant ne méritent pas un semblable oubli.
Si le Comité officiel des monuments historiques, au lieu d'employer les fonds dont il a la disposition à des travaux souvent inutiles, et qui parfois n'ont d'autre résultat que de défigurer nos vieux monuments, en consacrait quelques parcelles non pas à restaurer, mais à recouvrir d'un abri l'abside de St-Léonard, ce serait en faire un utile emploi.
S'il eût, par exemple, consacré à cet objet une partie des sommes affectées à certaines restaurations du château de Chinon, St-Léonard s'en fût trouvé bien mieux et le château de Chinon ne s'en fût pas trouvé plus mal.
Lorsqu'on observe avec attention l'abside de St-Léonard, on s'aperçoit que le plan et les dispositions primitives ont été modifiés à une époque dont on ne saurait préciser la date, mais qui ne dut pas être très-éloignée de celle de la construction.
Pour rendre cette étude plus claire et en même temps plus pratique, je commencerai par indiquer ce qui me paraît appartenir à la première époque, pour signaler ensuite les modifications survenues postérieurement.
Le pourtour du sanctuaire décrit un demi-cercle tracé suivant un rayon de 3 mètres 50 centimètres environ, ce qui donne au sanctuaire une largeur totale de 7 mètres. Il était circonscrit par quatre colonnes toriques d'un fort diamètre et deux colonnes d'un moindre module recevant la retombée de cinq arceaux surélevés ouvrant sur le déambulatoire. Les baies des arceaux, au lieu de descendre jusqu'au niveau du sol, étaient fermées par un petit mur à hauteur d'appui formant une sorte de balustrade pleine.
L'arceau central seul était ouvert jusqu'à sa base. Un cordon orné d'une guirlande de palmettes règne autour de l'hémicycle un peu au-dessus de l'extrados des arches. Ce cordon supporte une série d'arcatures aveugles figurant, comme à Preuilly un triforium continu.
L'étage d'arcatures était-il, comme dans cette dernière église, surmonté d'une clairevoie ? Je n'oserais l'affirmer, le mur étant dérasé au-dessus des voussoirs du triforium. Il semble toutefois qu'il en devait être ainsi, et j'expliquerai plus tard sur quoi se fonde mon opinion.
Deux piliers cylindriques disposés au point de jonction de l’hémicycle avec le transept s'élevaient jusqu'au-dessus du triforium ou du cférestory, si tant est qu'il eu existât un pour aller supporter !e grand arc qui recevait la retombée de la voûte du sanctuaire.
L'église de St-Léonard avait deux basses nefs larges de 7 mètres 50 centimètres, juste la moitié de la nef principale. En entrant de ces basses nefs dans le déambulatoire, on trouve de chaque côté une absidiole semi-circulaire disposée de telle façon que son axe vient couper presque à angle droit le grand axe du vaisseau principal. Une troisième absidiole était établie au centre du chevet; elle est aujourd'hui presque entièrement démolie.
L'absidiole de droite est ornée de colonnettes dont les bases attiques sont en tout semblables à celles du sanctuaire, ce qui indique qu'elle appartient à la même époque.
L'absidiole gauche n'offre plus les mêmes dispositions dans le profil des hases et dans la façon dont les colonnettes sont distribuées à son pourtour. Les bases ici, au lieu de présenter les moutures classiques, ne sont autre chose- que des chapiteaux renversés dont les larges feuilles viennent reposer leur pointe sur le piédestal de la colonnette.
Ce piédestal, de forme semi-circulaire, à 1 mètre de hauteur. Je me rappelle avoir trouvé des bases à peu près semblables à Montierneuf de Poitiers.
On se souvient que cette dernière église, commencée en 1075, fut achevée en 1096.
Tout me porte donc à croire que l'absidiole en question remonte au XIe siècle. Elle a, du reste, tous les caractères de cette époque.
J'ai dit que le plan primitif de St-Léonard avait subi plusieurs modifications postérieurement à son achèvement, et en énonçant ce fait, je me suis promis de revenir plus tard pour le démontrer; c'est ici le moment d'en dire un mot.
Lorsqu'au commencement du XIIe siècle on construisit le chevet de l'église de St-Léonard, le déambulatoire n'était point recouvert de voûtes en pierre la charpente était demeurée apparente, ou tout au moins elle était dissimulée sous des lambris en bois qui suivaient la pente inclinée du toit.
Plus-tard, vers le milieu du XIIe siècle, on songea à remplacer les lambris par un berceau ogival. Pour asseoir les coussinets des berceaux du côté du sanctuaire sans être obligé de les élever à une trop grande hauteur, on boucha en maçonnerie toutes les arches de son pourtour, réservant à la partie inférieure de ces baies une petite ouverture cintrée en forme de fenêtre à laquelle on donna pour appui la balustrade dont j'ai parlé et qui faisait partie du plan primitif. L'extrados de la voussure de ces petites baies ne dépasse pas l'astragale des grosses colonnes de l'hémicycle.
Une difficulté se présentait alors, difficulté paraît-il assez sérieuse pour que l'architecte ait cherché à la tourner. Jusque-là les voûtes en berceau avaient été établies suivant des plans rectilignes; ici il fallait les adapter au plan circulaire de l'hémicycle, ce qui nécessitait des épures et une taille de pierres assez compliquées. Pour éviter cet embarras, l'architecte disposa deux corbeaux dans l'intervalle qui sépare les absidioles latérales de celles du chevet sur ces corbeaux il établit un cordon en saillie qui figura comme la corde tendue d'un arc, et sur ce cordon il assit tes coussinets de ses voûtes. Il ne changea rien à la disposition du côté opposé, trouvant, à ce qu'il paraît, plus facile de coordonner ses berceaux avec une courbe convexe qu'avec une courbe concave.
Ce détail, qui paraît au premier abord de bien minime importance m'a paru bon à signaler ici comme une preuve du génie inventif des constructeurs du moyen-âge.
Il me reste à parler maintenant des chapiteaux historiés qui ornent le sanctuaire. M. de Galembert les a appréciés au point de vue de la marche et des progrès de la sculpture en Touraine du XP au XIIIe siècle.
Après une étude aussi savante que consciencieuse, je n'ai autre chose à faire que de donner une description des sujets qui y sont figurés description qui n'entrait point dans le plan du travail de M. de Galembert. Ces chapiteaux malheureusement ne peuvent être vus-aujourd'hui dans tout leur développement, masqués qu'ils sont en partie par le mur élevé, comme je l'ai dit, entre les arches.
Toutefois, grâce à l'aide et au concours de M. l'abbé Juteau, membre de la Société française d'archéologie, qui m'accompagnait dans mon excursion à l'Isle-Bouchard j'ai pu reconnaître le sujet de quelques-unes des scènes religieuses figurées au pourtour de l'abside.
On rencontre, en commençant par le premier pilier de droite, te mystère de l'Annonciation et celui de la Visitation. Dans le premier tableau, un ange les ailes étendues se présente devant la Vierge Marie; dans le second, Marie et Élisabeth se tiennent embrassées à peu près dans la même attitude qu'à St-Benoît-sur-Loire.
Le chapiteau suivant représente la Présentation au Temple. On aperçoit un enfant monté sur une espèce de petit socle ayant, d'un côté, un personnage nimbé qui doit être.la Sainte-Vierge, et du côté opposé, un autre personnage dans lequel nous avons cru reconnaître le vieillard Siméon; un ange, la tête ceinte d'un nimbe, se tient les ailes étendues sur le retour de la corbeille.
Ici l'ordre chronologique des événements de la vie de Jésus-Christ est interverti.
Le premier pilier à gauche de l'arche centrale offre la scène du crucifiement, tandis que l'entrée triomphante à Jérusalem, qui eût dû la précéder, occupe le pilier suivant. Dans le crucifiement, Notre-Seigneur sur la croix a à ses côtés Marie sa Mère, et Marie Madeleine.
Deux anges planant à droite et à gauche assistent à cette scène de douleur. Deux personnages sont disposés sur le retour de la corbeille l'un d'eux semble tenir un rouleau déployé. Ce personnage figure-t-il le disciple bien-aimé qui assista à la passion de son divin maître et en a rédigé le récit ? Il y a tout lieu de le croire.
Un autre personnage, dans lequel on reconnaît le traître Judas, s'en va emportant la bourse qui contient les trente deniers prix de sa trahison il est représenté avec une figure de singe. Le tableau du crucifiement demande que nous nous y arrêtions un instant pour en signaler quelques détails. Le Christ est vêtu d'un jupon attaché à sa ceinture et retombant en plis très-plats jusqu'aux genoux. 1'arbre de la croix est fort court, de telle façon que les pieds du Sauveur portent pour ainsi dire à terre. Dans l'entrée à Jérusalem qui se trouve sur le pilier suivant, le Christ, monté sur l'aînesse et la tête ceinte du nimbe crucifère s'avance précédé des Juifs portant une palme à la main et suivi de deux de ses disciples.
Une inscription à moitié cachée sous le mur de remplissage explique le sujet du tableau. On y lit : Hebrei obviam ei….
Tous les anges figurés dans les divers tableaux dont je viens de donner une courte description sont nimbés et vêtus de manteaux ils ne se distinguent des autres personnages que par leurs ailes. Tous les vêtements, en général, sont ornés de riches galons perlés. Les nimbes sont percés de petits trous qui devaient être remplis primitivement d'un mastic coloré pour imiter des pierres précieuses.
Les figures ont ordinairement une hauteur de cinq têtes environ. Comme l'a fort bien remarqué mon ami M. de Galembert, toutes les statues de St-Léonard ont une forme lourde, des têtes énormes avec le nez épaté et les yeux démesurés et saillants; les mains et les pieds ont des dimensions en rapport avec la valeur exagérée de la tête, ce qui est au moins de la logique sinon de la beauté.
Les vêtements, ajoute le comte de Galembert, sont jetés par masses qui suivent convenablement les mouvements du corps avec une modification profonde du système des plis intermédiaires.
Les plis contournés sont remplacés à St Léonard par des filets saillants parallèles et uniformes qui semblent les rayures régulières d'une étoffe bariolée »
Autant que je puis en juger par la gravure reproduite dans un des derniers numéros du Bulletin monumental de 1868, l'agencement de ces plis se rapproche beaucoup de ceux des vêtements de la Vierge et de sainte .Elisabeth dans le tableau de ta Visitation à St-Benoît-sur-Loire. L'ange représenté sur le retour du même chapiteau peut aussi donner une idée assez exacte de la forme et de la disposition des anges figurés à St-Léonard. J'ai remarqué également dans la nef de St-Germain-des-Prés, à Paris, quelques chapiteaux qui ont une certaine analogie avec ceux-ci, quant à la manière dont sont drapés les vêtements.
Il me reste à dire un mot des diverses moutures d'ornement que l'on rencontre dans l'abside de St-Léonard.
Les piles cantonnées qui s'élèvent à l'entrée du sanctuaire et qui recevaient, d'un côté le grand arc de l'inter-transept, et de l'autre, l'arceau communiquant des basses-nefs dans le déambulatoire, présentent une série de quatre-feuilles disposés dans la gorge intermédiaire des cotonnes.
Ailleurs, les tailloirs, les cordons et les autres membres d'architecture sont ornés de palmettes de forme et d'agencement variés, de galons chevronnés ornés de perles, de feuilles flabelliformes et de moulures enfin dont le dessin seul pourrait donner une idée.
En terminant cette étude, je m'aperçois d'un oubli que je dois réparer.
En parlant des dispositions de l'abside de St Léonard, j'ai dit que, suivant toute apparence l'étage d'arcatures devait être surmonté d'une claire-voie comme à Preuilly, et je m'étais promis de développer les motifs sur lesquels se fonde mon opinion; ces motifs, les voici.
On se souvient que dans le courant du XIIe siècle les arches de l'hémicycle du sanctuaire avaient été condamnées, en réservant seulement une petite baie à hauteur d'appui. Il est à supposer que si l'abside n'eût pas été éclairée dans sa partie supérieure cette modification du plan primitif eût été complètement impossible, parce qu'elle eût privé le sanctuaire de toute lumière venant du dehors, l’arche centrale et les petites baies dont je partais tout à l'heure eussent été insuffisantes à cet effet.
Il peut se faire toutefois que le clérestory n'ait été établi que postérieurement et pour suppléer à la suppression des arches. Cette supposition parait même la plus vraisemblable, si j'en juge d'après le caractère des piles cantonnées que j'ai signalées précédemment.
Ces piles appartiendraient à la seconde époque et n'auraient été établies dans leur disposition actuelle qu'au moment de la surélévation de la voûte du sanctuaire. Dans cette hypothèse, le mur construit entre les arches aurait eu un double but, permettre d'abord de construire les berceaux ogivaux du déambulatoire, et en second lieu renforcer les parties inférieures en vue de la charge nouvelle qu'on allait leur imposer. It se pourrait encore que le triforium fût une construction contemporaine de la claire-voie.
Cette pensée ne m'étant point encore venue au moment où j'étudiais sur les lieux l'église de St-Léonard, je n'ai pu en vérifier l'exactitude par un examen approfondi des différents détails qui auraient pu la confirmer ou la contredire.
Vous m'aviez engagé, monsieur le Directeur, à étudier d'une manière toute particulière l'église des Cordeliers, dont certains détails vous avaient frappé lors de votre rapide passage en 1865.
Je n'ai pu, à mon grand regret, me conformer à votre désir. Le propriétaire de cette ancienne église venait de mourir au moment où je me rendis à l'Isle-Bouchard, et certaines circonstances particulières m'ont empêché de me présenter pour la visiter. J'espère pouvoir réparer plus tard cette omission, et j'aurai l'honneur de vous rendre compte du résultat de mes observations.
GUSTAVE DE COUGNY 1815-1895
Aucune étude historique et archéologique d'ensemble n'avait été écrite sur Chinon avant le milieu du siècle dernier ; à M. Gustave de Cougny revient l'honneur d'avoir le premier entrepris et mené à bonne fin cette tâche laborieuse. Avant lui on ne peut signaler que quelques ébauches mentionnées ici seulement pour mémoire.
La plus ancienne de ces ébauches, datées de 1650, est sans valeur historique. Cet écrit sur les Antiquités de Chinon n'est qu'un ramassis sans suite ni liaison d'événements légendaires et parfois indiqués avec des dates erronées. Cette plaquette de six pages est une curiosité bibliographique et rien de plus.
Pour signaler un historien vraiment digne de ce nom il faut arriver jusqu'en 1773 pour saluer la mémoire de Le Royer de la Sauvagère, né à Strasbourg en 1707.
Après une brillante carrière dans l'armée, Le Royer de la Sauvagère prit sa retraite en 1766, avec le grade de colonel du génie. Il vint alors habiter sa propriété des Places près Savigny-en-Véron et consacra ses loisirs à compulser les documents historiques sur l'histoire chinonaise.
Son manuscrit sur l'histoire de Chinon était entièrement terminé en 1773. Comme les frais d'impression devaient être fort élevés, un libraire parisien lança un prospectus en sollicitant des souscriptions. Cet important ouvrage devait former trois gros volumes in-quarto de 700 pages chacun et devait être orné de nombreuses gravures. La souscription échoua ; d'aucuns attribuèrent cet échec à la disproportion de l'ouvrage avec le sujet traité ; sur leurs conseils, Le Royer de la Sauvagère réduisit son manuscrit de manière à ne former qu'un seul volume.
Cette seconde tentative pour les souscriptions devait subir le même sort que la précédente. Découragé, l'auteur renonça à publier son manuscrit, sa modeste fortune ne lui permettant pas une aussi forte dépense. Ce regrettable contretemps nous a privé à jamais d'une publication rédigée par un érudit de premier ordre.
Après le décès de Le Royer de la Sauvagère, survenu en 1782, il faut franchir un quart de siècle pour signaler un autre historien chinonais : Dumoustier de la Fond, ancien capitaine d'artillerie qui, ayant pris sa retraite à Chinon, occupait ses loisirs aux recherches historiques.
Dumoustier n'était pas un débutant dans ce genre d'étude ; il avait, dès 1778, publié une savante Histoire de Loudun, son pays natal. Mais, depuis lors, la Révolution avait passé et provoqué la destruction des archives seigneuriales.
Cette destruction avait tari beaucoup de sources historiques, ce qui gênait les érudits pour leurs recherches, Dumoustier s'en plaint avec juste raison dans la préface de ses Essais historiques sur Chinon ; aussi il s'excuse des lacunes de son travail ; il n'a pu, dit-il, le rendre plus complet par suite -de la destruction des titres féodaux.
Cette brève notice historique, qui occupe 250 pages d'un petit in-8°, n'est vraiment qu'un essai, comme l'indique son titre.
On a l'impression que cette absence des documents est la principale cause de cette brièveté. Malgré les lacunes signalées et diverses digressions étrangères au sujet traité, l'essai de Dumoustier fut favorablement accueilli par le public chinonais ; la première édition publiée en 1807 fut épuisée rapidement en quelques mois et fut suivie d'une seconde en 1809.
Dès cette époque, les Chinonais se montraient avides de connaître les glorieuses annales de leur vieille cité.
L'auteur des essais a voulu répondre à ce désir des Chinonais; on doit lui être reconnaissant d'avoir tenté de faire oeuvre de vulgarisation historique.
Après Dumoustier, décédé en 1815, un autre quart de siècle s'écoula pendant lequel l'histoire chinonaise fut complètement délaissée. En effet, on ne peut estimer comme des travaux historiques deux opuscules publiés à cette époque.
C'est d'abord, en 1839 un Indicateur des Antiquités de la ville et du château de Chinon, rédigé par Poirier, avoué ; cette brochure de huit pages est simplement un guide de touriste ; c'est ensuite, en 1846, une histoire romancée ayant pour titre : Chinon et Agnès Sorel par Albert Cohen, jeune auteur faisant ses débuts d'écrivain.
Quatorze années se passent encore, et l'histoire chinonaise reste toujours ébauchée ; enfin, en 1860, il devait être donné à M. Gustave de Cougny de combler cette lacune et de compléter ainsi l'oeuvre commencée par son grand-père Dumoustier de la Fond.
Par son érudition et sa science archéologique, M. de Cougny était tout désigné pour cet important travail.
Né à Chinon le 4 octobre 1815, M. Gustave de Cougny, qui habitait le château de la Grille, est décédé à Chinon le 19 septembre 1895, il a consacré toute sa vie laborieuse à l'étude de l'histoire locale.
Dans la notice biographique sur M. de Cougny qui a été insérée dans la Revue d'Anjou (année 1896), l'auteur M. Gustave D Espinay apprécie ainsi les travaux de l'historien chinonais :
« En 1860, il publia sa Notice historique et archéologique sur le château de Chinon, imprimée à Chinon même.
Cet ouvrage de 120 pages comprend deux parties.
« La première est consacrée à la description détaillée des trois châteaux de cette ville, reliés ensemble et formant un tout unique. M. de Cougny décrit successivement toutes les portions du château. Rien n'échappe à sa consciencieuse et savante exploration.
En lisant sa description on voit reparaître le château tel qu'il était au moyen âge au temps de Charles VII et de Jeanne d'Arc ; le lecteur assiste à une véritable résurrection de cet antique monument, témoin de si graves événements historiques.
« La seconde partie est plus spécialement consacrée à l'histoire du château.
« M. de Cougny publia une seconde édition de son livre en 1874 sous le nom de Chinon et ses monuments, notice historique et archéologique. Dans cette édition il a élargi son cadre ; il traite à la fois de l'histoire du château et de celle de la ville. »
Une troisième édition a été publiée en 1889.
Cette notice ainsi que les nombreux articles publiés dans le Bulletin monumental par M. de Cougny attirèrent l'attention sur le savant archéologue.
Aussi, en 1872, il fut appelé à la présidence de la Société française d'archéologie, qu'il dirigea jusqu'en 1875.
Pendant ses dernières années, M. de Cougny occupa ses loisirs à rédiger l'Histoire de Chinon d'une façon aussi complète que possible ; il mourut sans avoir eu la satisfaction de publier son oeuvre capitale.
Le précieux manuscrit n'est heureusement pas resté inédit ; en 1898 il a été enfin publié à la satisfaction générale.
Dans la préface de cet ouvrage posthume, M. d'Espinay fait cet éloge mérité du regretté défunt :
« M. de Cougny aime sa ville natale ; il parle avec chaleur du patriotisme, de l'énergie, du dévouement des Chinonais à leur pays aux diverses époques de l'histoire ; il décrit avec amour cette charmante cité, si intéressante, si pittoresque et si pleine de souvenirs historiques. On peut dire que Chinon méritait un tel historien, et que l'historien s'est toujours montré à la hauteur de son sujet. »
Le souvenir de l'historien chinonais sera toujours pieusement conservé par les Amis du Vieux Chinon. Pour honorer sa mémoire, ils ont tenu à exposer le portrait de M. de Cougny dans leur musée et à donner son nom à une des salles.
Un vieux Chinonais.