Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHystorique- Les Portes du Temps
13 février 2022

1130 PROCÈS ENTRE LES ABBAYES DE MAILLEZAIS ET DE FONTGOMBAUD

1130 PROCÈS ENTRE LES ABBAYES DE MAILLEZAIS ET DE FONTGOMBAUD

Sur les confins de l'Aunis et du Bas-Poitou, deux petites rivières, la Sèvre Niortaise au sud et l'Autize au nord, forment, en se réunissant, un angle dont le sommet dirigé vers l'Océan répond au cours de la Sèvre ; celle-ci, grossie de son affluent, va se jeter dans la mer à l'Anse de l'Aiguillon.

Au douzième siècle, l'Océan pénétrait dans ce pays plat qui est sillonné aujourd'hui de nombreux canaux, et y découpait un petit archipel nommé « Lacus duorum corvorum (1) ».

Sur l'une des îles qui le constituaient, se dressait la riche et puissante abbaye de Maillezais.

Depuis cette époque, l'Océan a reculé, l'archipel a disparu, A la place de la vieille abbaye, on voit le petit village de Maillezais, compris dans l'arrondissement de Fontenay-le-Comte.

Ce village occupe le point culminant de marais desséchés qui l'entourent de toutes parts, et qui sont circonscrits eux-mêmes par la Sèvre Niortaise d'un côté et l'Autize de l'autre.

Vers 1318, l'abbaye fut transformée, et devint un évêché, dont le siège fut transporté à la Rochelle, en 1648, sous le ministère du cardinal de Mazarin.

A l'autre extrémité du Poitou, sur les limites du Berry et de la Touraine, séparé de Maillezais par plus de trente lieues, un nouveau monastère venait d'être fondé lorsque commença le douzième siècle.

En 1093, Pierre de l'Etoile (Petrus a Stella) avait construit une chapelle sur la rive gauche de la Creuse, près de la fontaine Gombaud, en l'honneur de saint Julien évêque du Mans, et avait réuni autour de lui quelques ermites, qui vivaient dans des cellules creusées dans le roc (2).

Le nombre des religieux augmenta très vite ; la fortune vint promptement adoucir leur austérité primitive.

Dès les premières années du douzième siècle, l'abbaye de Fontgombaud prospérait sur les deux rives de la Creuse, et son importance s'était singulièrement accrue, lorsque la subtile ambition de ses possesseurs la fit entrer en lutte avec le vieux chapitre de Maillezais (3).

Pierre de l'Étoile était mort en 1114, Guillaume Ier, qui lui avait succédé, était mort également, laissant le gouvernement de l'abbaye à Airaud, auquel nous verrons donner les noms d'Americ et d'Aimard.

Quand la querelle débuta, vers 1115 ou 1118, l'abbaye de Maillezais était déjà bien ancienne et bien puissante.

 Forte, jusque-là, de la protection de Guillaume IX, comte de Poitiers et de Toulouse et duc d'Aquitaine, seigneur célèbre par ses talents poétiques, elle avait étendu très loin, dans le Poitou, ses propriétés et son influence.

Ce fut précisément un don de ce noble prince qui fit éclater le conflit. Guillaume IX venait de céder gracieusement plusieurs domaines au chapitre de Maillezais (2), lorsqu'il crut devoir faire présent d'une vieille église, abandonnée au milieu de ses forêts, à l'abbé de Fontgombaud.

Malheureusement, cette église et les terres adjacentes avaient jadis appartenu au couvent de Maillezais.

L'abbé Pierre, homme intelligent et actif, ne voulut pas tolérer une usurpation aussi audacieuse, accomplie, en quelque sorte, sous les murs du monastère.

Une grave question religieuse envenimait d'ailleurs le débat ; l'abbé de Fontgombaud suivait sans doute le comte de Poitiers et Gérard d'Angoulême dans le schisme, tandis que Maillezais restait fidèle aux doctrines d'Innocent II

Dans ces conditions, la conciliation était difficile; Pierre s'adressa à l'autorité judiciaire.

On ne connaissait, à cette époque, d'autre juridiction que la juridiction ecclésiastique. Les religieux n'en étaient pas les seuls tributaires ; les plus hauts seigneurs se soumettaient à ses décisions, dont le pape, dernier juge en cas d'appel, pouvait modifier la forme ou atténuer la sévérité.

Les rois de France eux-mêmes devaient compter avec les arrêts du pape et des conciles.

En 1094, le concile d'Autun, obéissant à Urbain II, n'avait pas craint d'excommunier et de priver de la couronne Philippe Ier, qui refusait de se séparer de Bertrade de Montfort (4).

L'autorité papale jouissait d'une si grande force qu'après une longue lutte Philippe dut se présenter en costume de pénitent, les pieds nus, la barbe et les cheveux longs et incultes, devant le concile de Paris, en 1104, pour être relevé de son excommunication par le légat du pape.

Le différend entre les deux abbayes fut donc porté devant un juge ecclésiastique : Guillaume Gaudrade ou Gardrat (5), évêque de Saintes.

 Guillaume X était devenu duc d'Aquitaine, et l'abbaye de Maillezais était passée entre les mains de l'abbé Thibaud, lorsqu'en 1130, quinze ans après le début du procès, l'arrêt fut rendu, à la suite d'une curieuse discussion contradictoire, par le délégué de Gaudrade, Amaluin, entouré d'un conseil de moines et de chanoines.

Le texte du jugement (6) est d'ailleurs assez explicite pour que nous nous abstenions de résumer les débats.

 

DÉCISION DU JUGE ECCLÉSIASTIQUE (7).

Nous, Amaluin, doyen et archidiacre de l'église de Saintes, à Thibaud, abbé de Maillezais, et à ceux qui lui succéderont dans l'avenir.

Nous voulons faire savoir, à tous les lecteurs présents ou futurs de cette charte, le jugement que nous avons prononcé dans le procès pendant entre Thibaud, abbé de Maillezais, et Aimeric, abbé de Fontgombaud, au sujet du droit de possession exercé par ce dernier sur les terres et l'église de Charron.

Celui qui lira cet arrêt saura que, sur l'injonction qui leur en fut faite par monseigneur Guillaume, évèque de Saintes, Thibaud, abbé de Maillezais, et Aimard, abbé de Fontgombaud, comparurent devant nous à Taumacum.

Lorsque les deux parties furent en présence, l'abbé de Maillezais exposa ses griefs. Il accusa l'abbé de Fontgombaud de s'être indûment emparé de l'église de Charron, située dans la paroisse de Mareant, église qui, pendant un temps immémorial, avait fait partie des biens du chapitre de Maillezais.

Après avoir entendu cette accusation, l'abbé de Fontgombaud prit la parole. Lorsque le comte de Poitiers lui donna cette petite église, dit-il, elle était abandonnée au milieu des forêts appartenant à ce seigneur.

Ayant appris, peu après, que l'abbé et les moines de Maillezais en revendiquaient la propriété, il alla, sur le conseil des évêques de Saintes et de Poitiers, trouver le comte qui était justement dans l'île de Charron, et le pria de vouloir bien lui confirmer la possession du présent qu'il lui avait fait, afin de mettre un terme aux réclamations des moines de Maillezais.

Le comte le promit ; le lendemain, ce seigneur se rendit à l'église de Mallezais, et, suivi du prieur de Fontgombaud qu'il avait amené avec lui, il se présenta devant le chapitre. Là, en présence de ce prieur, Pierre, qui était alors abbé de Maillezais, et tous les religieux de l'abbaye, accédèrent aux prières du comte, abandonnèrent toute revendication, et reconnurent la légitimité-du don fait par ce dernier. Voilà, au dire d'Aimeric, comment Loeville et l'église de Charron devinrent la propriété de l'abbé de Fontgombaud.

 Aussitôt, Thibaud, abbé de Maillezais, protesta contre ces allégations. Il reconnut, qu'en effet le comte de Poitiers était venu se présenter devant le chapitre de l'église de Maillezais, et qu'il avait demandé à son prédécesseur, Pierre, abbé du monastère, ainsi qu'aux moines, de cesser toute réclamation, et de reconnaître la validité de la cession qu'il avait faite à l'abbé et aux moines de Fontgombaud.

Mais alors, Thibaud lui-même, et tous les membres de l'assemblée, avaient opposé leurs dénégations aux prières du comte et du prieur de Fontgombaud, et avaient protesté contre la cession faite à ce monastère par Guillaume IX.

Puis, ne voulant pas supporter les menaces de ce dernier, ils étaient sortis du chapitre, n'ayant donné, en réalité, aucun assentiment aux demandes qu'il leur avait adressées.

Ce fait s’était passé en présence de plus de trente moines, dont il produirait les témoignages, si cela était nécessaire.

Après avoir entendu ainsi les plaidoyers des deux parties, nous nous retirâmes à part avec dom Henri, abbé du monastère d'Angers, Pontion, prieur de Saint-Eutrope, Pierre, prieur de Saint-Vivien, Béraud, trésorier, Ranulfe, archiprètre, Gaufridus Audemant, Barbinus, et les chanoines de notre église qui nous accompagnaient.

Nous demandâmes à l'abbé de F'ontgombaud quelles preuves écrites il pouvait apportera l'appui de la cession que lui avaient faite l'abbé et le chapitre de Maillezais, pour l'église de Charron.

L'abbé lui-même nous répondit qu'il n'avait reçu de ceux-ci aucune espèce de garantie matérielle. Toutefois, au dernier moment, il nous présenta deux laïcs tout à fait indignes de confiance, par le témoignage desquels il prétendait prouver l'existence de la cession qui, selon son dire, lui avait été faite.

Aussi, considérant l'insuffisance des arguments de l'abbé de Fontgombaud ; constatant en outre que les témoins qu'il avait cités n'étaient aptes à faire la preuve exigée, ni par leur qualité, ni par leur nombre, et que d'ailleurs cet abbé n'apportait aucune garantie à l'appui de ses allégations ; d'après les instructions de monseigneur Guillaume, évêque de Saintes, qui nous avait chargé de régler cette affaire, nous adjugeâmes l'église de Charron à l'abbé de Maillezais.

 

« Ego, Amaluinus, Xantonensis ecclesise decanus et archidiaconusTetbaudo Malliacensi abbati et successoribusejus in perpetuum.

Ego, Amaluinus, notum volo fieri praesentibus et futuris omnibusque cartulam istam legentibus judicium quod fecimus inter Tetbaudum, Malliacensem abbatem, et Aimericum abbatem Fontis Gombaudi super querelâ quam habebat abbas Malliac. adversus abbatem Fontis Gombaudi pro loco et ecciesia de Charrone quam abbas Fontis Gombaudi possidebat.

Noverit itaque praesentis pagine lector quod ex ammonitione et praecepto domini Guillelmi, Xantonensis episcopi, convenerunt ante nos apud Tauniacum Tetbaudus Malliencis abbas et Aimarus abbas Fontis Gombaudi.

Cumque prsesentes essent, conquestus est abbas Malliacensis dicens quod abbas Fontis Gombaudi auferebat ei et possidebat ecclesiam de Charrone quam Malliacensis ecclesia per multa tempora possederat, et quae erat in parochià ecclesiae de Mareant.

 Ad haec respondit abbas Fontis Gombaudi quod comes  Pictaviensis dederat ei ecclesiolam illam incultam quae tunc déserta erat in sylva ipsius comitis, sed quod audierat quod abbas et monachi Malliacenses calumpniabantur illud do num quod comes ei fecerat, consilio Xantonensis et Pictaviensis episcoporum, venit ad comitem qui tunc in insulâ illâ de Charrone erat, et deprecatus est eum ut donum quod ei fecerat liberum ei redderet, et finiri faceret calumpniam Malliacensium monacorum.

Quod se facturum comes promittens, in sequenti die venit ad Malliacensem ecclesiam,  et cum priore Fontis Gombaudi quem secum duxerat, intravit capitulum Malliacensis ecclesiae, et ibi praesente ipso priore Fontis Gombaudi, Petrus Malliac. abbas et conventus pro prece comitis finie runt calumpniam, et concesserunt donum quod fecerat ei comes de Loevillo et ecclesia de Charrone et sic ecclesiam illam habebat.

 At contra respondit Tetbaudus, abbas Malliac. etdixit quod comes quidem ille Pictaviensis in capitulum Malliacensis ecclesiae venerat, et cum antecessorem suum Petrum ipsius ecclesiae abbatem et monachos commoneret et precaretur ut calumpniam illam finirent et donum suum abbati et monachis Fontis Gombaudi confirmarent tunc ipse Tetbaudus et omnes ejusdem ecclesiae conventus priori Fontis Gombaudiet Pictaviensi comiti contra dixerunt et calumpniati sunt donum illud quod monachis comes fecerat, et non volentes ferre minas comitis, exierunt decapitulo, nullum penitus assensum petitioni comitis attribuentes, et quod ita factum esset in testimonium triginta et amplius producere, si adjudicaretur, volebat monachos.

Auditis itaque utriusque partis narrationibus, sert cessimus in partem cum domno Haenrico, abbate Angeriacensi, et cum Pontione, priore Sancti-Eutropii, et Petro priore Sancti-Viviani, et Beraudo thesaurario, et Ranulfo archipresbytero, et Gaufrido Audemant, et Barbino,et cum ecclesiae nostrae canonicis, qui ibi nobiscum erant; et quaesivimus ab abbate Fontis Gombaudi quae munimenta haberent super concessione ab abbate et a capitulo Malliacensi sibi factade ecclesia de Charrone.

Ipse quidem abbas respondit nulla se munimenta habere nec ab abbate neque a capitulo : sed ad ultimum duos villissimos laïcos produxit per quos volebat probare concessionem abbatis et capituli.

 Considérantes itaque defectum abbatis Fontis Gombaudi.  videntes homines illos quos abbas produxerat non esse idoneos neque sufficientes ad hoc probandum, et quod nulla  prorsus munimenta abbas ille habebat, ex praecepto domni  Guillelmi Xantonensis episcopiqui nobis causa mistam determinandam injunxerat adjudicavimus abbati Malliacensi ecclesiam de Charrone. »

 

H. CHRÉTIEN. Revue du Centre : littérature, histoire, archéologie, sciences, statistique et beaux-arts

 

 

 

 

 

 

 ==> Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU )

 

 

 


 

Lacus Duorum Corvorum, la légende du Marais Poitevin

Lacus duorum corvorum. le lac des deux corbeaux Si nous en croyons un certain Artemidore, deux corbeaux, à l'aile droite, blanche, habitaient les îles de ce lac. C'était là que se rendaient ceux des Santons qui avaient quelques différents à vider.

 

Lacurie (abbé). Carte du Golfe des Santons, Pictons sous les Romains

Lacurie (abbé). " Carte du pays des Santons sous les Romains, dressée pour l'intelligence des Mémoires de la Société archéologique de Saintes, dressée par M. l'abbé Lacurie, secrétaire de la Société. " (S. d.) XIX e siècle Un savant ecclésiastique, M. l' abbé Lacurie, a envoyé au concours un mémoire manuscrit sur les Antiquités de Saintes.

 

(1) L'abbé Lacune, Histoire de L'abbaye de Maillerais. Saintes, 1852. page 1.

(2). Gallia Christiana. Tome II., page 168.

(3). Hist. de Maillerais, loc. cit.

(4). Henri Martin. Hist. de France.

(5). Besly. Histoire des comtes de Poitou et ducs d'Aquitaine. Infolio, 1647.

(6). Manuscrits du bénédictin dom Fonteneau. Tome 25. Folio 45

On en trouve une copie dans. l'Hist. de Maillerais de Lacurie, page 248.

(7). Nous avons pensé que la juxtaposition du texte nous autorisait: à donner une traduction libre, et à ne pas suivre mot à mot les termes, de basse latinité.

 

Publicité
Commentaires
PHystorique- Les Portes du Temps
Publicité
Publicité