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PHystorique- Les Portes du Temps
12 février 2022

LETTRES DE GARANTIE aux acquéreurs de biens ecclésiastiques, données à Niort par les chefs Huguenots le 29 janvier 1569.

LETTRES DE GARANTIE aux acquéreurs de biens ecclésiastiques, données à Niort par les chefs Huguenots le 29 janvier 1569

Le grand Conseil des confédérés protestants, tenu à Niort, et auquel assistaient le Maire de la Rochelle et six membres du Corps de ville, qui y avaient accompagné Jeanne d'Albret, décrète que tous les biens ecclésiastiques, existant dans les provinces occupées par les protestants, seront vendus au profit de la cause, et, pour inspirer confiance aux acquéreurs, la reine de Navarre et son fils, Condé et les principaux seigneurs du parti, prennent l'engagement d'affecter à leur garantie tous leurs biens personnels. ( Arcère. – H. Martin).

 

 

Déroulements

Peu de jours après la fuite de Condé, les princes réunis en conseil à Niort le 29 janvier 1569, décrétèrent que pour subvenir aux frais de la guerre

 « il n'y avait moyen plus promt ny plus raisonnable que de procéder à la vente du temporel des ecclésiastiques, affermer à deniers anticipés les dixmes et autres fruits et commodités que lesdits ecclésiastiques souloient lever; outre ledit temporel, vendre les rentes qu'ils ont, scittuées et assises tant sur des maisons qu'autres fonds et héritages, ensemble leurs bois tant taillis que haulte futaye, bailler les terres après les bois coupés, à fief et rentes certaines avec droit d'entrées, vendre aussi les dépouilles et places des temples, maisons épiscopales, abbatiales, canoniales et autres appartenant et dédiées à personnes ecclésiastiques. »

Ceci fait ils nommèrent, séance tenante, Nicolas de Compaing, sr de Villette et de Fresnay, chancelier de la reine de Navarre, Jean de Coras, aussi chancelier, Pierre du Bouchet, sgr des Mortiers, échevin de La Rochelle et Jean de la Haize:

« Pour procedder aux ventes, baux et fermes le plus promptement que faire se pourra pour les deniers qui en proviendront, levés et recueillis par celuy ou ceux qu'ils commettront à cet effet estre mis ès mains de maître Jehan Bénard, trésorier général de l'armée, et emploiés aux frais d'icelle. »

Pour applanir les difficultés que présentait une mesure aussi hardie, il était indispensable de rassurer ceux qui avoient de la peine à achepter les biens temporels ;  les chefs Huguenots n'hésitèrent pas, la reine de Navarre en tête, à donner hypothèque sur tous leurs biens personnels et à s'engager à la garantie tant du principal que de tous despens, dommages et intérêts, par lettres données à Niort ledit jour de 29 janvier 1569.

Il semble que !a chancellerie de Navarre à laquelle passait l'expédition des affaires de la cause, dût être chargée dès cette époque de conserver la minute des délibérations de l'assemblée souveraine et que Jeanne d'Albret avait sans doute près d'elle à Niort les deux chanceliers mentionnés au nombre des commissaires chargés de l'exécution du décret de confiscation, cependant le registre du conseil de la reine de Navarre (1) dont M. de Gaulle a donné l'analyse (2) ne commence qu'au 1er juin 1570 et l'on n'en connaît point d'antérieur.

On ne sait donc quelle était la nature du document registre du Conseil ou pièces isolées sur lequel les greniers firent les expéditions authentiques qui nous sont parvenues de la Commission donnée par la reine de Navarre et les chefs Huguenots pour la vente des biens temporels des ecclésiastiques (3) et des Lettre données par la reine de Navare et les autres chefs des Huguenots pour applanir les difficultés et rassurer ceux qui avoient de la peine à achepter les bines temporels mis par ces chefs.

Le P. Arcère a publié le texte de la Commission (4) dont il existe une copie sur parchemin et en bonne forme dans le fonds Jaillot à la Bibliothèque de La Rochelle, reproduite par Dom Fonteneau (5), le 29 juillet 1748 du vivant du savant oratorien. Elle est suivie de cette mention : « Copie extraite de son original et collationnée à icelui par moi soussigné, commis pour escrire et recevoir les actes sous mesdits seigneurs commissaires.

Signé LE SAIGE.

 

 

 

La Commission est en outre reproduite dans l'Etat sur l’Election de Niort  dressé vers 1744 (6). On lit à la fin « Collationné à. l'original par moy greffier commis au fait desdites aliénations.

Signé: DAVID. »

L'auteur inconnu de l'Etat de 1744 avait eu sans doute communication d'une copie vidimée envoyée à Niort pour être annexée au procès-verbal des ventes, celle qui porte la signature de Le Saige paraît avoir été destinée à La Rochelle.

La pièce du fonds Jaillot offre ceci de singulier qu'elle porte la date 14 may1569, erreur de copiste évidente à moins qu'on ne suppose un décret nouveau conforme de tous points à celui du 29 janvier de la même année dont le but nous échappe.

 

Le P. Arcère nous apprend qu'à La Rochelle les ventes se firent en présence de Jean de Coras, chancelier, et de Pierre du Bouchet, échevin. L'un des deux chanceliers devait aux termes de la Commission assister aux enchères avec un autre des délégués. L'éminent historien a publié les actes de ventes de quelques bénéfices de l'Aunis.

 

A Niort ces documents sont fort rares. Au milieu du dernier siècle, on connaissait encore plusieurs domaines dont l'acquisition avait été la conséquence de la confiscation huguenote de 1569.

On lit dans l'Etat de 1744 : « Il y a beaucoup d'aliénations faites en conséquence de cet acte la Commission la longue prescription, la bonne foy des possesseurs; les richesses immenses des ecclésiastiques, sont autant de motifs qui engagent ceux qui en ont les titres à ne pas les montrer. »

II

Arcère n'a pas publié les Lettres de garantie qu'il a cependant connues. Nous les donnons d'après Dom Fonteneau qui a lui-même reproduit une copie authentique du cabinet de Jaillot, supérieur de l'Oratoire de La Rochelle, cabinet dont est issu le fonds Jaillot de la bibliothèque de cette ville, où se trouve aujourd'hui le document. Cette pièce sur parchemin porte encore la signature de Le Saige..

Les Lettres sont adressées aux commissaires désignés dans la Commission. Le préambule donne les noms des chefs huguenots dans 'un ordre identique, leurs titres sont les mêmes, les signatures se succèdent de semblable façon, tout tend à prouver que les deux actes sont l'œuvre d'un seul scribe et tout à fait contemporains. La minute originale semble aussi bien perdue que celle de la Commission, mais la seule expédition qui nous soit parvenue offre heureusement les mêmes caractères d'authenticité.

Le traité conclu par Coligny et La Rochefoucauld avec l'échevinage de La Rochelle, au nom du prince de Condé, abolissait le culte catholique dans cette ville, il est probable qu'alors déjà la confiscation des biens du clergé, conséquence naturelle de cette décision, était admise en principe par les parties contractantes, au moins à La Rochelle.

Depuis longtemps la cause autorisait la course et se faisait attribuer le dixième des prises (7).

A partir de 1569 les princes font table rase de ce qui rappelait encore l'autorité royale. Ils mettent la main sur les anciennes impositions et frappent les aisés d'une nouvelle taxe de 80,000 livres.

A ces diverses ressources viennent encore s'ajouter les subsides de l'Angleterre (8).

 

An 1569, 29 janvier.

LETTRES

Données par la reine de Navarre et les autres chefs des Hugnenots pour applanir les difficultés et rassurer

ceux qui avoient de la peine achepter les biens temporels mis par ces chefs (9)

Jane par la grâce (de Dieu) Royne de Navarre, dame souveraine de Bearn et de la terre de Donezan (10), duchesse d'Albert (11), de Nemours (12), de Gandie (13), de Montbanc (14) et de Pennefiel (15), dame de la cité de Balanguer (16), comtesse de Foix, de Bigorre, d'Armaignac, de Rodez et de Périgort, vicomtesse de Limoges, de Marsan (17), Tursan (18) et de Lautrec (19),

Henri prince de Navarre, duc de Vendomois et de Beaumont (20), premier pair de France, comte de Marte (21), baron d'Espernon (21.) et de Montdoubleau (21) Blonberon et Aurilli, seigneur d'Oisy, d'Han (22), Bouchain (23), Beaurevoir (24), Vendeuil (25), d'Enguien en Flandres, gouverneur lieutenant-général et admirai pour le Roy en ses pays et duché de Guienne,

 

Louis de Bourbon prince de Condé (26), duc d'Anguien, aussypairde France, marquis de Conti (27); comte d'Anisy (28\ de Soissons et de Vallery (29), gouverneur et lieutenant-général pour le Roy en ses pays de Picardie, Calais, Boulounois, Artois, Guines (30) et autres païs nouvellement reconquis, Gaspard, comte de Coligni (3), admiral de France, François comte de la Rochefoucaud (32), prince de Marsillac (32),

François de Coligni, comte de Montfort (33), seigneur d'Andelot (34), colonel général de l'infanterie françoise,

Aux seigneurs de Compaing (35) et de Coras (36) chanceliers de nous dite Royne et aux sieurs des Mortiers (37) et de la Haize (38), commissaires jà par nous députés, salut et dilection.

Nous avons entendu que plusieurs qui souhaitent achapter du temporel des Ecclésiastiques estans ès pays de Poitou, Angoulmois, Saintonge, Onis, Bourdelois et autres lieux par nous tenus sous l'obéissance du Roy, diffèrent entendre aux dits achapts pour le double qu'ils font de la validité et assurance d'iceux.

 Et bien que par les commissions ja octroyées, un chacun ait pu entendre que les deniers qui proviendront de la vente dudit temporel ne sont ordonnés, ne destinés à autre effet que pour subvenir aux frais de cette sainte armée assemblée en France pour le service de Dieu, du Roy, conservation de son Etat et couronne, et de la liberté de conscience octroiée par ses Edits à tous ceulx qui en ce royaume font profession de la religion réformée et qu'il soit sans doute que, à cette occasion, l'emploi de ces deniers sera toujours trouvé non seulement bon, mais très nécessaire, voire que le Roy estant aussi bien persuadé de la vérité des choses passées comme à présent il est imbu d'impostures et mensonges par ceux qui le tiennent et possèdent en leur pouvoir, reconnoïtra les bons et notables services que lui auront fait ceux qui, selon le devoir et pouvoir se sont opposés aux complots et conjurations des ennemis secrets de ce royaume, qui ne tendent qu'à, par moyen des troubles et divisions qu'ils subcitent journellement en iceluy, en diminuer les forces, et même de la noblesse, pour plus aisément introduire audit royaume l'estranger duquel ils sont pensionnaires et gaigés. Si est-ce que, pour oster toute scrupule ausdits achapteurs et pour plus amplement manifester à un chacun notre zèle et affection à la résolution que nous avons il y a longtemps prinse de azarder nos vies, emplois, nos biens et tous moyens qu'il a plu à Dieu nous départir pour empescher que les ennemis de la vraie Religion, de toute piété, soit envers notre Roy ou partye, ne viennent à bout de leurs malicieux desseins, nous avons bien vollu pour tollir les difficultés qu'on pouvoit faire auxdits achapts, pourvoir à ceux qui y voudront entendre de telle sûreté et garentie qu'il appartient.

A ces causes nous avons donné et donnons par ces présentes pouvoir et mandement spécial de, en procédant à la vente dudit temporel, obliger tous et chacuns nos biens, meubles et immeubles, présents et advenir pour la guarentie et assurance desdits achapteurs, ou ce toutefois ils n'ont occasion de craindre, ils seroient en la pleine et paisible jouissance des choses à eux par vous vendues, aucunement troublés ou inquiétés par quelque occasion, personnes ou quel que soit. Promettant sous notre parole et foi prendre la cause et défense pour lesdits achapteurs et ce à la première sommation et réquisition qui nous en sera faite de leur part, aussi prendre sur nous le péril et événement des jugemens et arrêts qui s'en ensuivroient, contre lesdits achapteurs, la guarantie tant du principal que de tous despens dommages intérêts qu'ils pourroient à cette cause souffrir.

 A quoy nous consentons estre contrains par saisie et vente de chacun nos dits biens, comme dit est, et un pour l'autre, et un seul pour le tout, au choix et option desdits achapteurs, desquels on voudroit évincer, en tout ou partie, les biens et choses à eux par nous vendues. De ce faire nous donnons plein pouvoir et mandement spécial par ces présentes signées de notre main et scellées du sceau de nos armes.

A Niort, ce vingt neufviesme jour de janvier mil cinq cent soixante neuf.

 

Et au-dessous

 

Jane, Henry, Louis de Bourbon. Chastillon, d'Andelot, La Rochefoucaud, et scellées du sceau de la dite dame Reine et des dits seigneurs, princes de Navarre et de Condé et des dits sieurs de Chastillon, d'Andelot et de La Rochefoucaud.

 Copie extraite de son original et collationnée à icelui par moi soussigné, commis pour escrire et recevoir les actes sous mes dits seigneurs commissaires.

Signé: LESAIGE.

 

Note. Cette copie a été faite sur une pièce en parchemin, en bonne forme, et du tems de sa date, conservée dans le cabinet de Monsieur Jaillot, supérieur de l'Oratoire de La Rochelle, le vingt neufviesme jour de juillet mil sept cent quarante huit.

Léo DESAIVRE.

 

 

 

 

 

 ==> Les Guerres de Religions en dates

 

 

 


 

(1) Archives nationales K, 100.

(2) Bulletin du Protestantisme français, 1854.

(3) De laquelle est extraite la longue citation du commencement de cet article.

(4) Histoire de Rochelle, I, 628-29.

(5) Dom Fonteneau, XXV, 315.

(6) Manuscrit original, in-folio. Archives des Deux-Sèvres, C.

(7) La paix de Longjumeau avait livré La Rochelle et Montauban comme places de sûreté en 1568.

(8) P. Arcère.

(9 Dom Fonteneau, t. xxv, p. 311.

(10) Donnezan, petit pays dans le comté de Foix.

(11) Albret, Albert ou Labrit, chef-lieu de canton (Landes)

(12) Nemours (Seine-et-Marne).

(13) Espagne, province-de Valence,

(14) Espagne, près Tarragone.

(15) Espagne, aujourd'hui Penafiel, près Valladolid.

(16) Espagne, aujourd'hui Balaguer, province de Lérida et près de cette ville.

(17) Petit pays de Gascogne, avec Mont-de-Marsan pour capitale.

 (18) Petit pays de Gascogne avec Aire (Landes) pour capitale, au lieu de Tursan on trouve Montjouy dans l'Etat sur l’élection de Niort de  1744, sans doute Montjouy, près Barcelone, en Espagne.

(19) Aujourd'hui département du Tarn.

(20) Beaumont-le-Vicomte (Sarthe?), Marte (Aisne), Epernon (Eure-et-Loir), Montdoubleau (Loir-et-Cher). Au lieu de Montdoubleau on lit Montblang dans l’Etat de 1744, sans doute Montblanc, Espagne, près Tarragone.

(21) Han, Ardennes.

(22) Nord.

(23) Aisne.

(25) Hainaut (Belgique).

 

(26) Condé (Nord).

(27) Conti (Somme).

(28) Anisi-le-Château (Aisne).

(29) Somme,

(30) Pas-de-Calais.

(31) Ain.- Coligny était aussi sr de Châtillon-sur-Loing.

 (32) Charente.

(33) Montfort-sur-Meu (Ille- Vilaine).

(34) Haute-Marne.

Les possessions des princes sont rarement énumérées avec autant de complaisance dans les actes de la Cause. La commission et les lettres de garantie fournissent de curieux renseignements sur les possessions espagnoles de la couronne de Navarre. Cf. Mémoire pour l'histoire de Navarre et de Flandre, contenant le droit du roy au royaume de Navarre et au duchez de Pegnafiel, de Candie et de Montblanc, à la comté de Ribagorce, à la vicomté de Castetbon, à la ville de Balaguier et la seigneurie de Castillon de Farfagna, en Castille, Arragon et Catalogne, usurpées et détenues par les roys d'Espagne avec le royaume de Navarre, depuis l'an 1512, etc. A. Galland, Paris, 1648, in-folio.

(35) Nicolas Compaing, sr de  Villette et de Fresnay, chancelier de la reine de Navarre.

(36) Jean de Coras, célèbre jurisconsulte, plus tard conseiller au parlement de Toulouse, périt dans le massacre de cette ville du 4 octobre 1572, aussi chancelier de Navarre.

(37) Pierre du Bouchet, seigneur des Mortiers, échevin de La Rochelle.

(38) Jean de la Haize.

V. pour ces noms P. Arcère, Histoire de la Rochelle (1756) t. I, p. 374.

 

 

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