LE CHATEAU DE MONTREUIL-BELLAY - Marie Augustine Niveleau Grandmaison
La masse imposante des hautes tours crénelées et des constructions séculaires de Montreuil-Bellay, une des plus belles résidences seigneuriales du centre de la France, domine, en Maine-et-Loire, une colline boisée au pied de laquelle coule la petite rivière de Thouet.
Montreuil-Bellay était au XIe siècle et est resté, pendant plus de cinq cents ans, une très importante forteresse dont Foulques V, comte d'Anjou, en 1124, et Georges Plantagenet, en 1151, firent le siège et s'emparèrent.
Pendant les guerres de religion qui désolèrent la France au XVIe siècle, Montreuil-Bellay fut sans cesse pris et repris par les armées royales et les huguenots : en même temps que de Brissac, situé à peu de distance, Henri de Navarre, combattant contre Henri III, s'en rendit maître en 1589.
Les Melun, les d'Harcourt, les Dunois (Orléans-Longueville) ont jadis tour à tour possédé ce château qui, par suite d'acquisition, passa, en 1622, entre les mains du maréchal de la Meilleraye; il fit ensuite partie des propriétés considérables que le duc Charles-Timoléon de Brissac réunit à son domaine patrimonial et appartenait, depuis 1756, au duc de la Trémoïlle, quand la Révolution éclata. Confisqué à cette lamentable époque, il devint, pendant la Terreur, prison d'État : huit cents femmes appartenant à toutes les classes de la société et considérées comme suspectes y furent iniquement enfermées.
En 1815, Montreuil-Bellay fut rendu aux La Trémoïlle qui vendirent le château en 1822 à M. Niveleau, père de la baronne Millin de Grandmaison.
Celle-ci en hérita après la mort de son frère et, sous ses ordres, des équipes d'ouvriers entreprirent la restauration de l'ancienne forteresse, le donjon et le vieux château, autrefois édifiés par les Melun; de la partie Renaissance, dite Château-Neuf, bâtie pendant que les d'Harcourt en étaient propriétaires, et des constructions ajoutées par les uns et les autres qui forment aujourd'hui un très majestueux ensemble.
Marie Augustine Niveleau Mariée le 1er septembre 1829 à Saumur, avec Alexandre-Adrien-Pierre Millin de Grandmaison (1799 - 1852), baron de Grandmaison, garde du corps du Roi de Sa Majesté.
Devenue par son mariage baronne de Grand maison, elle s’adresse en 1860 à un élève de Viollet-le-Duc, Joly-Leterme, pour mener à bien la restauration de l’ensemble; relativement respectueux de l’existant.
Son petit neveu, le baron de Grandmaison (1), député, conseiller général et maire de la petite ville de Montreuil-Bellay, auquel elle l'a légué, continue depuis 1890 à le restaurer et l'embellir avec infiniment de goût.
Un pont-levis et un ancien donjon donnent accès à la cour d'honneur où se trouve le Château-Neuf contenant un monumental escalier tournant en pierres et une série de magnifiques appartements.
La salle des gardes, transformée en grand salon de famille, contient des tapisseries anciennes et armures de prix; les sons harmonieux d'un piano à queue et d'une harpe y remplacent avantageusement le cliquetis des armes; la salle de Dunois est devenue un joli petit salon très confortable; la salle à manger avec sa vieille cheminée de pierre et ses crédences chargées d'argenterie et faïences anciennes; les chambres de Charles VII, de Louis XIII, de Duplessis-Mornay, de Chartres, d'Harcourt, du maréchal de la Meilleraye; deux grandes salles : la salle Longueville et la salle Brissac ; l'oratoire avec ses fresques, aux trois quarts effacées, justifient l'admiration de ceux qui ont l'heureuse chance de les parcourir.
Les caves et les cuisines avec leurs piliers gothiques et leurs voussures ogivales constituent une des curiosités de Montreuil-Bellay, on dirait une cathédrale, et les logements des chanoines qui servent actuellement de dépendances sont, à eux seuls, un vrai château que beaucoup de visiteurs seraient heureux de posséder.
Ancien officier de cavalerie, M. de Grandmaison a donné sa démission pour se consacrer aux intérêts de ses concitoyens et leur confiance et déférente affection lui ont sans cesse renouvelé le mandat de député ; il est la preuve frappante de l'influence que peuvent acquérir et conserver des châtelains qui, au lieu de ne s'occuper que de leurs propres affaires et plaisirs, un peu parfois de politique générale, prennent à cœur les intérêts qu'ils ont mission de défendre et, sans abdiquer les préférences que chacun a le droit d'avoir, ont surtout en vue de se dévouer pour le bien de tous et la prospérité de la région dans laquelle ils résident.
Toute médaille a malheureusement son revers et ce mandat empêche M. de Grandmaison d'habiter aussi longtemps qu'il le désirerait son beau château de Montreuil-Bellay.
Avec bonheur, il vient ordinairement y passer les vacances parlementaires; mais cette année, il fait partie de la délégation envoyée à l'Exposition de Saint-Louis et a dû repartir aussitôt après la session du Conseil général.
Son exquise jeune femme qui, très gracieusement, le seconde dans sa mission de dévouement, ayant surtout fait des pauvres son spécial département, et ses deux charmants petits garçons y attendent son retour avec impatience.
COMTESSE DE SESMAISONS. Le Figaro-Modes : à la ville, au théâtre, arts décoratifs
Vous connaissez la jolie rivière du Thouet, qui prend sa source à Secondigny, dans les deux Sèvres, et se jette dans la Loire, à Saumur, après avoir arrosé de ses nombreux méandres une région fertile. Or, l'un des points les plus charmants est sans conteste le site au milieu duquel est assis Montreuil-Bellay.
(1) Le baron Georges Charles Alfred Marie Millin de Grandmaison, appelé Georges de Grandmaison, est un homme politique français, né le 14 mai 1865 à Paris et décédé le 3 décembre 1943 à Paris.
Petit-fils, par sa mère, du maréchal Lobau, aide de camp de Napoléon Ier, il commence une courte carrière militaire avant de se tourner vers la politique.
Maire de Montreuil-Bellay dans le Maine-et-Loire en 1892, il devient conseiller général de ce département en 1895. Élu député de Maine-Loire en 1893, il est le benjamin de la Chambre. Il est réélu dix fois, avant de se faire élire sénateur de Maine-et-Loire en 1933. Il reste en poste jusqu'en juillet 1940, où il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Son fils, Robert Millin de Grandmaison (1896-1982) le remplace comme député en 1933.