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PHystorique- Les Portes du Temps
18 janvier 2022

Entre 1886 et 1910, l’abbaye de Fontevraud est restaurée par Lucien Magne élève de Eugène Viollet-le-Duc

Entre 1886 et 1910, l’abbaye de Fontevraud est restaurée par Lucien Magne élève de Eugène Viollet-le-Duc

Au pied de hauts et pittoresques coteaux, émergeant des bois d'alentour, la célèbre abbaye de Fontevrault profile encore des lignes grandioses et des murs imposants. Par ce qui reste, on peut juger de l'effet que devait produire, en sa période florissante, cette merveille du plus pur style roman. Mais, avant de l'étudier, il convient d'indiquer, au moins à large traits, et les origines du monument, et l'histoire de la congrégation qui l'habitat.

En effet, pour comprendre l'esthétique d'une époque, il faut en connaître les croyances et les moeurs. Si Balzac a dit, avec raison, que l'architecture est « l'expression de la civilisation d'un peuple », on peut ajouter que l'architecture monastique est la traduction visible de l'idée puissante qui la créa.

Tous les chroniqueurs ont vanté l'éloquence de Robert d'Arbrissel (1), cet homme « grandement pieux et tout embrasé du zèle des âmes », selon Hildebert, évêque du Mans ; sa parole inspirée qui étonna Urbain II, et qui fit dire à Baudri, évêque de Dol « c'est le Saint-Esprit qui parle par sa bouche », savait à la fois toucher les grands et enthousiasmer les simples.

En outre, consolateur de toutes les afflictions, miséricordieux comme un apôtre, il avait le don de convertir. Aussi, était-ce un véritable peuple de prosélytes, de néophytes et de pénitents qu'il traînait après lui ; si bien qu'il devint nécessaire de leur donner des règles et un abri, pour subvenir aux premiers besoins des corps et des âmes.

Mais bientôt, voyant que cette multitude voulait obéir à sa voix et montrait les meilleures dispositions pour la vie religieuse, Robert eut l'idée d'en faire une communauté réelle et de tranformer en vaste monastère son campement improvisé.

L'ancien vicaire du diocèse de Rennes était d'autant plus capable de mener à bien cette tâche délicate que, quelques années auparavant, il avait déjà fondé, dans la forêt de Craon, l'abbaye de la Roë.

Son choix s'arrêta sur Fontevrault (Fons Ebraldi), alors dépendance de la paroisse poitevine de Roiffé.

Ce vallon désert, aux grandes lignes sévères, lui parut propre à inspirer et à nourrir les sentiments religieux et les idées mystiques.  C'est encore l'impression qu'il produit aujourd'hui. Arbrissel y installa sa troupe ; aussitôt les cénobites, se mirent à l'oeuvre, rude besogne, car il leur fallut conquérir leur Thébaïde sur les bruyères et les ronces. Les femmes se parquèrent en un lieu retiré, derrière des fossés, les hommes s'occupèrent aux travaux des champs.

Bientôt, conséquence de la foi admirable de ces âges primitifs, les dons arrivent en foule à la communauté naissante ; en ce temps-là selon l'expression imagée du moine Raoul Glaber « on aurait dit que le monde se secouait pour dépouiller sa vieillesse et revêtir une robe blanche d'églises ».

Haramburge (2) avait légué une importante vallée ; un seigneur de Montreuil-Bellay donnait les terres de Born, de Sainte-Radegonde et la forêt de Fontevrault ; peu après, rois, princes, seigneurs, villes, bourgs et villages rivalisent de largesses, et de sérieux travaux d'architecture peuvent enfin remplacer les huttes de branchages et les logettes improvisées dans le tuf.

Dès 1101, l'actif et sage Robert organise son oeuvre, en cela merveilleusement aidé par une dame de la Maison de Champagne, la célèbre Hersende, veuve de Guillaume de Montsoreau.

En 1102, sont jetés les fondements du choeur de la grande église ainsi que ceux des principaux bâtiments.

 Cinq ans après, Pierre II, évêque .de Poitiers, confirmait canoniquement l'établissement de l'ordre et, en 1119, le pape Calixte II lui accordait, par bulles, son approbation.

La même année voit consacrer la grande église.

Quatre quartiers composèrent Fontevrault : Le grand Moutier, destiné aux vierges et aux veuves ; Saint-Lazare, pour les infirmes et les lépreux; la Madeleine, pour les pécheresses; Saint-Jean-de l'Habit, maison professe des religieux.

Trois cents religieuses, élues entre les plus instruites, furent placées dans les bâtiments voisins de la grande église, commune à tous les moutiers, et chargées d'y chanter l'office ; on répartit les autres par soixantaines ou par centaines. Les novices et les profès-étudiants furent placés sous la direction d'un prieur, d'un sous-prieur et d'anciens moines.

Les travaux et l'ardeur communicative du fondateur semblent dès lors obéir à une grande idée, celle de répandre et d'exalter le culte d'hyperdolie que l'Eglise rend à la Vierge. Mais, si Marie est la Mère de Dieu, son Fils a voulu qu'elle fût aussi la Mère de l'homme. Or, cette seconde maternité n'avait pas encore d'honneurs particuliers.

Robert résolut de renouveler et de célébrer la mystérieuse alliance que Jésus-Christ, mourant, avait conclue entre Marie et saint Jean. Il voulut rendre visible, à Fontevrault, et perpertuer par un saint ordre, l'image de cette soumission volontaire que le disciple bien-aimé rendit à la Vierge en qualité de fils adoptif ; c'était, en même temps, réhabiliter la femme, encore trop inconnue par une société qui n'avait pas secoué toutes les habitudes du paganisme.

Le dévot novateur ne se contenta pas de dédier la grande église à la Vierge Marie, il remit encore à une abbesse l'anneau et la crosse du commandement.

A cette phrase de Geoffroy de Vendôme : « C'est par la femme que le péché est entré dans le monde et c'est par elle que tous les hommes périssent », le chevaleresque mystique de Fontevrault opposait ces paroles du Rédempà saint Jean : Mulier, ecce filius tuus, filz, ecce Mater tua.

Fait sans précédent dans la chrétienté, des religieux durent obéir à une religieuse, la considérer comme Mère et Supérieure (3), situation anormale qu'expliquait la nécessité de réagir contre la barbarie de ces temps encore : grossiers, mais qui, par suite — l'oeuvre de civilisation étant accompli — devait fatalement troubler la paix du monastère. Prosternés au pied du trône splendide sur lequel présidait l’abbesse, les religieux pupilles de la Vierge prononçaient leurs voeux de chasteté, d'obéissance et de pauvreté.

 L'abbesse avait d'ailleurs un pouvoir des plus étendus, elle et son ordre ne reconnaissaient d'autres supérieurs ecclésiastiques que le Souverain Pontife.

Grâce aux pieux et zélés donateurs, le trésor de l'abbaye s'enrichit rapidement et des annexes se fondèrent dans la forêt des Loges, à Chaufournois, dans les landes de la Garnache et la forêt de la Gironde ; enfin jusqu'à Orsan, dans le Berry ; jusqu'à Haute-Bruyère, près Paris.

Bref, lorsqu'en 1117, Robert, déclaré bienheureux, rendit son âme à Dieu, Fontevrault — de même que tous les monastères bénédictins, — créait la prospérité des localités environnantes.

Comme à Citeaux, les frères convers étaient organisés en groupes, meuniers, boulangers, brasseurs, fruitiers, corroyeurs, fouleurs, tisserands, cordonniers, charpentiers, maçons, maréchaux, menuisiers, serruriers, etc., etc..

Ainsi, parmi les ordres religieux, seuls éducateurs de la classe pauvre , les uns développaient l'agriculture, les autres ouvraient la voie aux corporations laïques du XIIIe siècle.

A Fontevrault, la règle de l'ordre fut d'abord rigide jusqu'à l'ascétisme, et cela se comprend : pour diriger et policer la foule hétérogène des premiers prosélytes, pour éviter tout scandale, toute mésintelligence entre tant d'individus de l'un et de l'autre sexe, une discipline impitoyable s'imposait. Mais aussi, quelle vie exemplaire et vraiment céleste menèrent plusieurs générations de ces cénobites ! Pendant longtemps on vanta les religieuses pour leurs pratiques austères, leurs pures vertus. On cite d'elles des exemples d'une abnégation qui touchait à l'héroïsme.

A la règle élaborée en 1459 par les délégués du Pape, et qui avait pour but de rendre malléables les caractères opiniâtres, succéda le règlement plus inflexible de 1471, autorisé par les commissaires apostoliques.

Mis en vigueur dès 1475 à la Madeleine d'Orléans, il passait bientôt après à la Chaise-Dieu et à Fontaine-en-France, puis quatre années plus tard, on l'imposait à l'ordre tout entier, grâce à l'énergie et aux rares qualités administratives de René do Bourbon.

En 1507, nouvelle réforme, nécessitée cette fois par les religieux.

Les effets s'en exercent jusqu'au milieu du siècle suivant. Alors, excipant de certaines bulles en date de 1621 ainsi que d'un bref de 1636, les religieux prétendent transformer les statuts et garder la libre disposition d'au moins trois prieurés ; un arrêt du Conseil d'Etat (8 octobre 1641) (4) devient indispensable pour ramener à l'exécution des règlements et rendre à l'ordre sa renommée première.

On compte parmi les religieuses de Fontevrault, cinq reines, quatorze princesses, dont cinq de sang bourbonien, et nombre de dames de haute naissance et de remarquable qualité (5).

 

Au XVIIe siècle, l'ordre réparti dans trente-quatre évêchés de France, comptait plus de cinquante prieurés, assistés chacun d'un ou plusieurs religieux ; à l'abbaye-mère résidaient en 1650, quatre cent trente religieuses et cinquante religieux, un intendant, un agent-général, un contrôleur, un solliciteur (un autre restait en permanence à Paris) et de nombreux officiers, serviteurs et journaliers.

 

Après la prise de possession par l'Etat (1791-1792) la vente à vil prix du mobilier fournit prétexte au plus effréné pillage, la population envahit le vieil et riche asile et n'y laissa que ce qui ne pouvait être emporté.

Des 5,000 volumes que possédaient les deux bibliothèques, 3,000 seulement furent sauvés, parmi lesquels on admire surtout un missel de 1606, de curieux Migravit (6), le bréviaire en deux tomes de René de Bourbon et les Heures du duc de Bretagne, aux lettres tracées en argent sur taie, aux marges ornées de délicates miniatures.

Enfin, par décret du 18 octobre 1804, les bâtiments de l'ancienne abbaye furent affectés à une prison centrale de détention, et l'installation se fit, non seulement sans aucun respect pour l'archéologie, mais même sans expérience technique.

Le XVIIe siècle avait osé toucher au style primordial de l'édifice, avec le XIXe l'oeuvre du vandalisme commença.

 

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIème au XVIème siècle

Etat de l'Abbaye au XIIe siècle

Les documents sont rares sur l'architecture monastique du moyen-âge, car les monastères ont été pour la plupart transformés ou rebâtis ; cependant nous en connaissons les grandes lignes et les données principales.

 

Voici ce qu'en dit Viollet-le-Duc :

« Le cloître, placé sur un des côtés de la nef, le plus souvent au sud, donne entrée dans la salle du chapitre, le trésor, la sacristie et au-dessus le dortoir est bâti dans le prolongement du transept, par les motifs déduits plus haut.

Le long de la galerie du cloître opposée et parallèle à celle qui longe la nef. est élevé le réfectoire, aéré, vaste, n'ayant presque toujours qu'un rez-de-chaussée.

 En retour et venant rejoindre le porche de l'église sont placés à ses rez-de-chaussée les celliers, au-dessus les magasins de grains, de provisions.

La cuisine est toujours isolée, possédant son office, son entrée et sa cour particulière. En aile, à l'est, à la suite du réfectoire, ou le long du second cloître, la bibliothèque, la cellule des copistes, le logement de l'abbé, l'infirmerie.

Près de l'entrée de l'église, du côté opposé, l'hôtellerie pour les étrangers, l'aumônerie, les prisons, puis enfin les dépendances autour des bâtiments du grand cloître, séparées par des cours ou des jardins.

A l'est, un espace libre, retiré, planté et qui semble destiné à l'usage particulier de l'abbé et des religieux.

Pour résumer ce programme, une fois l'église donnée, les services matériels, ou qui peuvent être remplis par des laïques, sont toujours placés du côté de l'ouest, dans le voisinage du porche, tandis que tout ce qui tient à la vie morale et à l'autorité religieuse se rapproche du choeur de l'église. »

L'abbaye de Robert ne fait pas exception à ce programme, cela ressort de l'étude de son plan primitif.

Reportons-nous un instant par la pensée au XIIe siècle.

Avec ses cinq églises, ses chapelles, ses cloîtres et leurs vastes dépendances, ses terrasses, cours et jardins, Fontevrault avait vraiment l'importance d'une ville. On y accédait par une porte dite Athanasis —

l'Immortalité. — Dans l'enceinte du Grand-Montier, se dressaient, à l'est: la chapelle abbatiale, au nord: entre cours et jardins, l'église principale, à la silhouette imposante. On l'a comparée bien à tort à une cathédrale, son caractère est tout monastique, simple jusqu'à la sévérité, d'une extrême sobriété décorative. Il ne faut pas oublier qu'à cette époque la réforme de l'ordre des Bénédictins par saint Bernard exerçait une manifeste influence sur l'architecture ; et nous avons vu, d'autre part, que les sentiments et les projets de Robert d'Arbrissel le poussaient, en toute logique, à demander pour ces ouailles des bâtiments aux lignes austères en rapport avec la discipline qu'il leur avait tracée.

Dans la nef — édifiée, croit-on, vers 1125, par Foulques V, comte d'Anjou, — à gauche, près le gros pilier d'angle du transept, furent dressés, de 1189 à 1254, les sépultures des six Plantagenets, religieux de l'ordre, c'est là ce qu'on nomma le Cimetière des Rois. — Dans le choeur, on remarquait, auprès du maître-autel, le tombeau de Robert d'Arbrissel et de l'évêque Pierre de Poitiers, puis, en avant des stalles, le mausolée des Abbesses. Un escalier de seize marches en pierre, percé au milieu du choeur, conduisait à la crypte où chacune d'elles gisait en un cercueil de plomb, sous une simple dalle.

A la nef et à l'aile droite de l'église se rattachait le grand cloître, comprenant à l'est la salle capitulaire, les dortoirs, le noviciat des Religieuses. La Salle Capitulaire était flanquée extérieurement de la jolie petite église Saint-Benoît, très probablement alors affectée au Chapitre.

Plus loin, dans la même direction, s'étendaient les greniers, les fours, le dépôt, les jardins dits du Liban, et à l'extrémité sud-est, la communauté de Saint-Lazare avec son immense enclos en quinconce, aux allées larges de trente pieds.

Parallèle à la principale église, la façade sud du grand cloître possédait une salle grandiose, le réfectoire. A l'ouest, et séparé du dit réfectoire, selon la coutume d'alors, on n'en peut douter — s'élevait la tant fameuse tour d'Evraud.

Un passage séparait l'aile nord-est |du grand cloître et le chevet de la grande église d'un cimetière intérieur bordé au nord-est, — et non au nord-ouest comme l'ont, affirmés tant d'auteurs

 

 

Dictionnaire_Viollet_le_Duc_-_tome_4_-_page_468

Entre 1886 et 1910, Fontevraud est restaurée par Lucien Magne élève de Eugène Viollet-le-Duc

 Il s'occupe notamment des cuisines et de l'abbatiale. La prison est fermée en 1963 et de nouvelles restaurations sont entreprises. Depuis 1975, l'abbaye abrite le Centre culturel de l'Ouest.

 

 

LES PLANTAGENETS Leurs tombeaux à l'Abbaye de Fontevraud

M. Magne, l'architecte chargé de la restauration: de l'abbatiale de Fontevraud, a mis à jour les tombes des Plantagenets. L'Illustration dans son numéro du 20 août 1910 dernier a rendu compte de ces fouilles,

 Les quotidiens ont reproduit en l'abrégeant l'article de l'Illustration. En l'abrégeant, presque tous en ont dénaturé le sens. Tâchons de mettre un peu de clarté, en y mettant un peu de précision, dans cette question qui nous intéresse particulièrement, nous, Rouennais, puisque les parents de Henri II, Geoffroi Plantagenet et Mathilde, ont été les insignes bienfaiteurs de notre Cathédrale, puisque Henri II fut duc de Normandie, puisque le jeune fils de Henri II, Henri le jeune, dit Court-Mantel, fut enterré dans le chœur de la cathédrale, puisqu'un autre de ses fils, inhumé à ses pieds, à Fontevraud , Richard Cœur-de-Lion voulut que son cœur reposât dans cette même cathédrale.

Les vicissitudes de ces sépultures royales furent très nombreuses.

Pour les comprendre il faut distinguer avec soin les tombes proprement dites ou fosses dans chacune desquelles fut déposé un cercueil, les tombeaux, ou cénotaphes élevés primitivement sur chacune des tombes, et enfin les effigies ou statues couchées de chacun des illustres morts.

Les tombes ont été bouleversées à diverses reprises et ont été comblées, puis en partie remises à jour par M. Magne. Les cénotaphes ont été brisés et ont disparu. Quatre statues sur six subsistent.

Nous venons de donner les dates d'inhumation. Chaque tombeau et chaque statue furent placés sur chaque tombe très peu det emps après les inhumations.

Le tout resta respecté et entouré de vénération jusqu'au début du XVIe siècle.

 En 1004, à la suite de la réforme des Ordres religieux, hardiment entreprise et vigoureusement menée par Georges 1er d'Amboise, archevêque de Rouen, ministre d'Etat et légat du Saint-Siège, la clôture fut réimposée aux religieuses de Fontevraud. L'abbesse était alors Renée de Bourbon. Au mois de juin, elle fit construire la. clôture qui sépara la nef et le chœur« des dames », ainsi que la grille qui sépara le chœur des « dames » du chœur de l'autel. Le chœur des religieuses fut ainsi placé dans la croisée du transept,

Or, l'abbesse profita de ces travaux pour faire entrer, dans la clôture des religieuses, les tombeaux des Plantagenets.

Le cimetière des rois resta autour du pilier où dominait Notre Dame des Rois, mais d'un côté les lombes furent bouleversées par la construction du mur de clôture, car plus tard, lors d'une fouille nouvelle en 1638, on ne trouva pas Richard -aux pieds de son père Henri ; et de l'autre les tombeaux et effigies furent déplacés et pivotèrent, pour ainsi dire, autour du pilier du transept, afin d'être enclavés dans la clôture.

Renée de Bourbon disposa ces effigies dans l'ordre suivant : « Henri II, Richard, Aliénor, Jeanne d'Angleterre, toutes quatre, a costé l'une de l'autre et à la suite, couchées et étendues sur tombeaux vides et élevés ». Plus près de la grille, furent placées les statues d'Elisabeth et de Raymond. (Cf. Honorat Nicquet, Histoire de Fontevraud, p. 529).

En 1638, nouvelle et plus considérable transformation. L'abbesse Louise avait « embelli le grand autel d'une riche et magnifique architecture ». La clôture des dames et le cimetière des rois n'étaient pas ornés dans le goût du temps. « Il falloit sur leurs fondements relever quelque somptueuse structure de bastiment, c'est ce qu'entreprit Madame Jean-Baptiste ».

Et Madame Jean-Baptiste résolut de faire deux belles arcades qui côtoieraient la grande grille et serviraient d'appui à deux autels placés dans le chœur des religieuses. « Pour faire les ., tranchées des fondements de ces deux belles arcades », les tombes, déjà bouleversées par Renée de Bourbon, le furent à nouveau ; tombeaux et statues furent une fois encore disposés autrement.

Sans tenir compte des places occupées par les cendres royales dans les tombes, Madame Jean-Baptiste fit élever un mausolée commun sur lequel elle plaça quatre figures arrachées aux divers monuments qui les supportaient et les plaça dans cet ordre : Henri, Richard, Aliénôr, Elisabeth.

 Comme son arcade était trop peu large pour contenir six statues, elle en fit disparaître deux ceux de Jeanne d'Angleterre et de Raymond ; elle les remplaça par deux statues de marbre blanc à genoux, qu'elle mit devant. A côté du tout, elle plaça une épitaphe qui, dit Courajod, « prouve corn; bien elle ignorait ce qu'elle voulait enseigner à la postérité ».

« L'arcade, dit encore Courajod, fut resplendissante d'or, de marbres de toutes couleurs, ornée de sujets allégoriques et de festons dans le style le plus pompeux du jour».

 Les deux statues refaites étaient dans le même goût. Mais les quatre vieilles statues rigides et froides du XIIe.  On eut beau les peinturlurer, comme elles détonnaient sur ce sarcophage postiche !

A la Révolution, cette chapelle sépulchrale. fut renversée, les deux statues à genoux furent détruites. Le cimetière n'exista plus, mais les quatre vieilles statues, quoique martelées, subsistèrent : elles devinrent biens meubles ; elles voyagèrent.

Constatons aujourd'hui, pour finir, que ce qui a été découvert l'autre jour par M. Magne ce sont les ruines du mausolée-élevé par Madame Jean Baptiste, avec, au-dessus, les débris de « la belle arcade », et au-dessous les tombes « remuées pour faire les tranchées des fondements de ces deux belles arcades ».

Voici en effet ce que dit l’Illustration :

 « Lorsqu'on eut démoli dernièrement un mur de clôture adossé, au dix-septième siècle, au mur du transept, on entrevit, sur la  muraille nord-ouest du transept, une décoration des plus curieuses.

« Malgré les dégradations dues à l'établissement du mur de clôture, on distinguait, par endroits, des croix d'or à branches égales, dessinées sur un fond noir, et, dans l'encadrement d'un arc qui portait encore des traces de peinture, des écussons piqués et des léopards d'or.

Dans le bas apparaissait une ligne d'inscriptions: « Un nom effacé terminé par un T (Elisabeth?); puis Richard-Aliénor-Henri.

« En creusant le sol, on ne tardait pas à mettre à découvert quatre sépultures, orientées de l'est à l'ouest, qui touchaient presque au pilier fouillé.

Celles de Richard Cœur de Lion et d'Aliénor étaient protégées par une sorte d'arc composé de débris sculptés et peints d'un enfeu du quatorzième siècle formant voûte (7).

« Détail curieux: l’arc de protection prenant appui sur l'emplacement affecté à la tombe d'Henri II, on ne s'était pas gêné, au seizième siècle (8), pour raccourcir le cercueil, en lui donnant plus de largeur sur les côtés, L'ouverture de la tombe permit de constater cette opération singulière : le crâne et le tronc se trouvaient  rapportés sur la partie inférieure du squelette ».  L. J.

 

 

LE TOMBEAU DE RAYMOND VII

Sous ce titre, nous lisons dans l'Express du Midi la note suivante :

« Dans le dernier de ses articles si intéressants pour les Toulousains fidèles à la petite patrie, M. Jules de Lahondès a rappelé à quelques-uns, peut-être — mais a appris à l'immense majorité que Raymond VII comte de Toulouse, était enseveli à Fontevrault.

« Ce n'est pas le seul prince toulousain dont le corps soit déposé dans l'illustre monastère. L'abbaye de Fonievrault, en effet, fondée au onzième siècle, doit une partie de sa célébrité aux princes angevins, aux Plantagenets, dont les libéralités enrichirent l'abbaye et qui lui demeurèrent fidèles lorsqu'ils eurent fondé une dynastie en Angleterre.

« Six princes de cette maison, du onzième au treizième siècles choisirent comme lieu de sépulture la nef de l'église abbatiale qui fut nommée depuis, pour cette raison « Cimetière des Rois ».

 « Ces six princes sont : Henri II et sa femme, Éléonore de Guyenne, épouse répudiée de Louis VII ; leurs enfants : Richard Cœur-de-Lion et Jeanne d'Angleterre; ensuite Elisabeth d'Angoulême, reine d'Angleterre puis comtesse de la Marche, et Raymond VII, comte de Toulouse.

« Raymond VII désira être enterré à Fontevrault pour être auprès du corps de sa mère, car sa mère ne fut autre que cette Jeanne d'Angleterre, sœur de Richard Cœur-de-Lion, qui, étant devenue veuve de Guillaume, roi de Sicile, épousa Raymond VI comte de Toulouse, père de Raymond VII.

« Seuls les monuments funéraires de la comtesse Jeanne et du comte Raymond ne sont pas parvenus jusqu'à nous.

« Ils auraient été détruits au dix-septième siècle, lors des remaniements opérés à Fontevrault par l'abbesse Jeanne-Baptiste de Bourbon, mais les dessins de Gaignares, conservés les uns à la bibliothèque d'Oxford, les autres à la bibliothèque Nationale, nous en ont gardé le souvenir.

« Or, d'après une note du Journal des Débats (24 juillet 1910), qui nous fournit quelques-uns de ces détails. M. Lucien Magne, inspecteur général des monuments historiques, travaille en ce moment à rechercher les restes de quatre des personnages royaux de la famille ensevelie, et les Débats terminent ainsi :

 « Grâce aux travaux de restauration de M. Lucien Magne, l'ancienne église abbatiale, chef-d'œuvre de l'art français, va reprendre ses proportions et ses sarcophages des rois d'Angleterre pourront retrouver à l'entrée du chœur, la place d'honneur qui leur était assignée ».

« La présente note a pour but de demander à M. Magne de vouloir bien ne pas négliger, de rechercher aussi et de placer « avec honneur » les restes de la comtesse Jeanne et de Raymond VII.

« Les Toulousains, qui possèdent — au moins d'après la tradition — les corps de plusieurs de leurs comtes à Saint-Sernin, n'ont pas perdu le souvenir de la comtesse Jeanne et de Raymond VII, ces princes si chers à leurs ancêtres, qui lurent les héros de la défense méridionale contre Simon de Monfort. Ils seraient heureux que leurs restes ne fussent pas oubliés en ce moment.

« Et il cette occasion, pourquoi n'aurions- nous pas à Toulouse, au Musée Saint-Raymond ou au Donjon du Capitole, une bonne photographie des dessins de Gaignères s'ils reproduisent les mausolées primitifs de ces deux princes toulousains? »

J.-R. de B.

 

 

 

 

L'Auta : que bufo un cop cado més : organe de la société les Toulousains de Toulouse et amis du vieux Toulouse / gérant P. Mesplé

Bulletin religieux de l'archidiocèse de Rouen

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIème au XVIème siècle. Tome quatrième

 

 

 

 

 

 le Cimetière des Rois d'Angleterre à l’abbaye de Fontevraud <==

 Tour d'Evrault - Abbaye royale de Fontevraud <==

 


 

(1) Né vers 1045 à Arbrissel, aujourd'hui Arbre-Sec, village de l'évêché de Rennes, à une lieue de la Guerche.

(2) « Haramburge, qui tint le Maine » dit Villon, dans la fameuse ballade des Dames du temps de jadis. Elle était fille et unique héritière d'Elie de la Flèche, comte du Maine.

(3) Cette organisation, quoique rare, n'est pourtant pas sans exemple. On peut citer notamment l'abbaye de Montivilliers, en Normandie, qui avait dans sa juridiction 15 paroisses et les capucins d'Harfleur.

(4) Réforme de Sixte IV.

(5) La première promue à la dignité d'abbesse fut Pétronille de Chemillé, 28 octobre 1114, -j- le 25 avril 1149; la coadjutrice de l'inoubliable Hersende. privée de ce titre on ne sait pourquoi. Vinrent ensuite: Mathilde d'Anjon. - le 3; mai 1155 ; Auteburge de Hautebruyère,- le 3 juillet 1180 ; Gilette,-1190 ; Mathilde de Flandres, le 23 mai 1194; Mathilde...,  en 1207; Marie de Bourgogne, 1207 ; Adèle ou Alice de Bretagne, 1207 et 29 octobre 1216 ; Berthe, 1217  le 25 décembre 1227 ; Alice de Blois ou de Champagne, 1228-1244 ; Mathilde de la Ferté - le 21 octobre 1265 ; Jeanne de Dreux ou de Benne, - le 2 mai vers 1276; Isabeau d'Avoir, le 2 juin 1284; Marguerite de Pocé, -1er octobre 1304 : Aliéonor de Bretagne, -j-13 mai 1342 ou 1343; Isabeau de Valois,- le 11 novembre 1349 ; Tiphaine de Chambon, - le 13 août 1353 ou 1355 ; Jeanne de Mangey,  le 2 mai 1372; Alice de Ventadour, -le 11 octobre 1372; Aliènor de Parthenay, 12 janvier 1390 ou 1391 ; Blanche d'Harcourt,-le 13 octobre 1431; Marie d'Harcourt, 14 décembre' 1451 ; Marguerite de Montmorency,  le 13 avril 1452 ; Marie de Montmorency, -le 12 février 1457: Marie de Bretagne, le 19 octobre 1477; Anne d'Orléans, le 9 septembre 1491 ; Renée de Bourbon, 8 novembre 1534, qui, pour agrandir l'abbaye et élever un cloître en pierre de taille vendit jusqu'à sa vaisselle d'argent ; Louise de Bourbon, — le 21 septembre 1575 : Eléonore de Bourbon, le 27 mars 1611 ; Louise de Bourbon-Lavedan, le 11 janvier 1637; Jeanne-Baptiste de Bourbon, le 16 janvier 1670, sous laquelle l'ordre fut rediscipliné selon la réforme de Sixte IV ; Marie-Madeleine-Gabrielle-Adélaïde de Mortemart de Vivosme, 15 août 1704, théologienne érudite, poète et collaboratrice de Racine pour la traduction du Banquet de Platon, grâce à laquelle le monastère brilla d'un nouvel éclat tout intellectuel; Louise-Françoise de Vivosme, fille du maréchal de Vivosme et nièce de Marie-Madeleine-Gabrielle-Adélaïde de Rochechouart,-- le 16 février 1742, après laquelle l'ordre fut divisé en quatre provinces : de France, d'Aquitaine, d'Auvergne et de Bretagne ; Louise-Caire de Montmorin de Saint Herem, le I9décembre 1753 ; Marie-Louise de Thimbrune de Valence -le 7 mai 1765; Julie-Sophie-Gillette de Gondrin de Pardaillan d'Antin, -à Paris, le 20 Sécembre 1797.

 (6) Nécrologes où à la mention de l'Obit s'ajoutait une courte biographie du défunt. 

(7) Ce doit être là un reste du travail de 1504 (L. J.).

(8) Cet ouvrage et ces profanations sont de 1638 (L. J.).

 

 

 

 

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