1372 LE TREUIL AU SECRET Bertrand Duguesclin et Olivier de Clisson à la conquête du château de Vauclair de la Rochelle.
DEVANT la Rochelle gissoient à l'ancre Yvain de Galles en la compagnie de Dam Radigo le Roux (Ruy Diaz de Rojas), amiral d'Espagne, à (avec) soixante grosses nefs, treize barges et huit gallées d'Espagnols.
Si avoient grands traités secrètement ensemble ceux de dehors et ceux de dedans; mais ceux de la ville ne se pouvoient nullement tourner François, tant que le châtel fût en la possession des Anglois.
Si attendoient tondis (toujours), en eux dissimulant, tant que les Anglois qui l'avoient tenu toute la saison s'en étoient partis petit à petit; et l'avoit laissé messire Jean d'Évreux en la garde d'un écuyer appelé Philippe Mansiel, qui avoit environ cent compagnons avec lui, que uns que autres. En ce temps étoit maire de la ville un bourgeois appelé Jean Caudorier.
Dans une petite taverne enfumée, située au bout de la rue de la Juiverie, non loin du château où la bannière anglaise flottait au-dessus de la poterne, à la place de l'étendard fleurdelisé qu'en avait fait tomber le traité de Bretigny, différents groupes de buveurs étaient attablés et se livraient à toute la gaîté du soldat qui a reçu sa paie.
Sept ou huit d'entre eux, les uns la tête nue, les autres encore couverts de leurs casques, fêtaient un large broc d'étain qu'ils se faisaient tour-à- tour passer, après avoir rempli leur gobelet de fer battu.
A leur armure, à leurs barbes blondes ou rousses, on les reconnaissait sur le champ pour Anglais; ils faisaient partie de la garnison, qui depuis douze ans pesait sur la Rochelle, condamnée au joug de l'étranger.
A la table opposée, buvaient, ou plutôt feignaient de boire, trois hommes coiffés d'un chaperon brun avec une houppe blanche au milieu; l'un d'eux était remarquable par une longue chevelure blanche qui débordait de son chaperon sur ses épaules, par un pâle et austère visage plein de fierté, et par une balafre qui lui sillonnait le front et la joue gauche.
Ses deux compagnons étaient jeunes; tous deux hauts de taille, beaux de grâce et de vigueur, hardis de geste et de coup- d'œil. Ils se parlaient à voix basse ; on voyait à l'attention que prêtaient les jeunes au vieillard, qu'il s'agissait entre eux de l'un de ces entretiens où se trouve en cause tout ce qui agite saintement le cœur, et n'en trahit les mystères que par l'éclair du regard.
Aussi, celui des trois bourgeois de la Rochelle s'arrêtait-il de temps à autre sur la table à laquelle buvaient les Anglais, avec une énergique et sombre expression.
Pendant ce temps- là allait et venait dans la taverne une jeune fille que, sous sa cotte de bure, sous ses cheveux en désordre et son bonnet mal attaché, on se surprenait pourtant à trouver charmante.
C'est que Jeanne la tavernière avait l'air si franc et si lutin, que la jeunesse qui brillait en toute sa fleur sur son visage demandait grâce pour la toilette de la pauvre fille.
Parmi les adorateurs de Jeanne se trouvait un archer anglais; elle était peu sensible aux prévenances et aux déclarations d'amour de l'insulaire; elle l'eût été beaucoup plus à celles de Guillaume, l'un des deux frères qui venaient avec le balafré demander quelquefois un broc de vin à la table qu'ils occupaient ce soir- là, comme toujours, dans un coin de la taverne.
Jeanne en les servant adressait à Guillaume des œillades fort peu équivoques; celui-ci, qui ne s'était pas non plus trompé sur la nature des coups-d'œil de l'archer anglais, répondait aux agaceries de Jeanne avec une réserve qui, sans la rebuter, pût cependant, avec de la constance, lui laisser quelque espérance de plaire.
Il espérait lui-même exploiter ainsi l'amour de l'archer pour la tavernière et le faire servir à de grands desseins. L'amour, qu'il conspire dans une taverne ou sous des lambris dorés, n'en voit pas moins, souvent, sa puissance l'emporter sur celle des maîtres du monde.
Le jour baissait, la gaîté des archers anglais se traduisait en propos et en gestes de plus en plus alarmants pour la pudeur de Jeanne ; la maîtresse du logis, petite, vieille et laide, s'indignait qu'on pût être grande, jeune et jolie, et faisait retomber sur sa pauvre chambrière toute sa mauvaise humeur, en la grondant des méfaits des autres ; par bonheur, le son lointain de la trompette se fit soudain entendre dans le château de Vauclair.
A ce signal, les archers se levèrent, prirent leurs casques et se disposèrent à sortir.
L'un d'eux, qui avait déposé son gantelet sur le bord de la table, le fit tomber sous le banc, et paraissait le chercher avec une lenteur qui semblait attendre que ses compagnons d'armes fussent tous sortis; ceux-ci ne se hâtaient guère, occupés qu'ils étaient à adresser à Jeanne leurs dernières douceurs.
Enfin la trompette résonna de nouveau, les anglais sortirent, à l'exception du chercheur de gantelet qui mit la main dessus aussitôt qu'il le fallut. Il gagnait la porte à pas lents, Jeanne le suivait d'un air craintif; Guillaume se leva donc et alla régler avec la vieille juive qui examinait de ses yeux ronds et de son nez crochu un beau Carolus à elle présenté en paiement.
Il prolongeait à dessein le compte à débattre ; Jeanne reparut, et il se trouva à l'instant avoir les quelques pièces de monnaie nécessaires; puis il retourna prendre sa place près de ses amis.
Le vieillard regardait à chaque instant une petite croisée située derrière lui, pendant que les deux frères buvaient quelques gorgées pour faire filer le temps; enfin deux petits coups furent frappés à la vitre fêlée; la joie éclaira les traits des trois compagnons; Guillaume, pendant que son frère gagnait la rue avec le balafré, s'approcha de Jeanne comme pour l'embrasser tandis qu'elle desservait : Quand partent-ils ? lui dit-il à l'oreille.
— Dans trois jours, répondit Jeanne à voix basse.
— Qui les conduira ?
— Jean d'Evreux.
— Bonne nuit, dame Sarah, cria joyeusement Guillaume en passant le seuil de la porte, que le Seigneur vous bénisse !
Les trois compagnons qui sortaient de la taverne étaient Pierre Isambard, riche marchand de la Rochelle, ayant autrefois guerroyé avec le roi Jean, et portant au visage un glorieux certificat de présence à la bataille de Poitiers; les deux jeunes gens étaient Guillaume et Philippe de Séris, fils de l'ancien échevin; l'un et l'autre capitaines d'armes dans la milice bourgeoise, et tous les trois français de cœur et d'âme, ne rêvant qu'à l'affranchissement de leur pays du joug de l'Angleterre.
Le nouveau venu portait la casaque d'un villageois; il s'approcha d'Isambard avec respect; ils sont rendus au Treuil, lui dit-il, et comme vous me l'aviez recommandé, je suis venu vous chercher.
— Va devant, reprit le vieillard.
Ils se dirigèrent alors en silence à travers les rues sombres et tortueuses, vers la porte de la ville, et prirent la route de Niort.
Au bout d'un quart d'heure de marche, ils trouvèrent un sentier à gauche de la route et s'y engagèrent. C'était par une chaude nuit de la fin d'Août; le temps était lourd et sombre; à droite et à gauche du sentier, un épais buisson formait un double rideau noir au pied duquel étincelaient, cachés sous l'herbe, quelques vers luisants dont les reflets bleuâtres coloraient doucement le bord des fossés, tandis que le vol pesant des scarabées troublait seul de son grave bourdonnement le silence de cette solitude.
Le sentier allait en s'élargissant et bientôt laissa apercevoir un massif d'arbres au milieu desquels se cachait une petite maison.
Isambard, qui reconnaissait les lieux, hâta le pas, il frappa légèrement à la porte et elle s'ouvrit un instant après.
Le villageois qui était arrivé depuis quelques minutes, introduisit les nouveaux venus dans la cabane. Une lampe suspendue au manteau de la cheminée laissait à peine distinguer deux hommes assis au bout de la table et qui se levèrent avec empressement à l'aspect des trois Rochelais.
Ils étaient tous deux vêtus d'une longue tunique serrée sur les flancs par un ceinturon auquel était suspendu un poignard à fourreau d'acier; ils avaient, au lieu de casque, un chaperon orné d'une riche mentonnière ; mais leurs jambes, pesamment armées et montrant de longs éperons, faisaient soupçonner que sous le vêtement de laine se cachait une cotte de mailles.
Isambard, après avoir examiné un instant les deux guerriers, s'avança rapidement vers le plus jeune, paraissant avoir trente cinq ou six ans, puis se découvrant, et s'adressant aux deux frères de Séris qui l'imitèrent:
Enfants, leur dit-il, saluez notre seigneur et maître en chevalerie, c'est lui, c'est le sire Olivier de Clisson !
Clisson serra vivement la main aux jeunes gens et au vieillard qui le contemplaient avec respect, et pria chacun de s'asseoir.
— Vive Dieu! dit-il, que c'est bon signe, maître Isambard, que nous .nous retrouvions ici; l'Anglais n'aura point à s'en gaudir.
Ce va bien; l'Aquitaine écrasée sous les impôts du prince de Galles est en pleine rébellion contre ce jeune voluptueux; la fleur de lys revient sur nos drapeaux; Poitiers, Saintes, Saint-Jean-d'Angély, nous viennent d'ouvrir leurs portes;
Duguesclin m'envoie demander à la Rochelle quand il pourra venir frapper de sa masse d'armes à la porte du Château.
Nous sommes tout prêts, n'est-ce-pas, comte de Macé, dit avec fierté le bouillant Clisson à son compagnon, à ne pas y ménager nos coups ?
— Et nous, répliqua vivement Philippe, à servir de fidèles écuyers à la chevalerie de France !
— Quand nous avons appris, continua Isambard, que Duguesclin marchait sur le Poitou pour le rendre à notre roi Charles, nous nous sommes senti au cœur comme un aiguillon; m'est avis que ce grand coup de hache d'armes qui me fendit le front à la journée de Poitiers, voulait saigner encore; nous avons dépêché au vaillant Bertrand un bon et fidèle sujet du roi de France et non d'Angleterre, pour lui offrir les cœurs et les bras des Rochelais...
— Et le connétable, reprit Clisson, m'a fait l'honneur de me choisir pour m'entendre avec eux; le comte de Macé et moi nous avons suivi le guide par vous envoyé à travers champs et bois ; et nous voilà.
— Nous avons bonne nouvelle à vous donner pour votre bien venue ; le gouverneur, pour Edouard d'Angleterre, Jean d'Evreux, part dans trois jours et va conduire du renfort à l'armée anglaise; il dégarnira le château de Vauclair...
— Combien y laissera-t-il d'hommes ? demanda vivement Clisson.
— Nous saurons cela plus tard, dit Isambard en souriant et en regardant Guillaume de Séris ; nous avons des intelligences jusque derrière les créneaux. Ah ! si nous pouvions seulement planter pennon fleur delysé sur les deux nids d'où les faucons anglais s'abattent sur leur proie; sur le château de la Rochelle et celui de Benon !
— A vous le premier, s'écria Clisson, je me charge de l'autre ! Olegrave David, ce terrible ennemi de la France, ne me connaît pas encore, mais, Dieu aidant, nous trouverons bien le chemin de Benon ! !...
Et à ces mots, l'œil de Clisson prenait un éclat d'audace et de férocité à faire pâlir qui le connaissait.
En ce moment, un des chevaux attachés derrière la maisonnette fit entendre un long hennissement. Chacun se tut et sembla inquiet.
— César sent l'Anglais, dit Clisson ; est-ce que le château de Vauclair envoie chevaucher la nuit jusque dans les tanières à renards ?
Et la main du Breton se portait instinctivement vers son poignard.
— Oh ! ce n'est point de nuit, mais bien en plein soleil que Jean d'Evreux envoie rançonner les campagnes; et cela pour des maîtres étrangers !
— Ah ! s'écria Guillaume, que la Rochelle revienne à Charles V, et nous répéterons ce que disait notre père, envoyé au roi Jean, prisonnier à Calais : Pour demeurer Français, nous consentirions plutôt à nous laisser tailler chaque année de la moitié de nos chevances; puisqu'il le faut, nous serons et obéirons aux Anglais, des lèvres, mais nos cœurs ne s'en mouvront.
L'entretien continua ainsi une partie de la nuit entre les délégués de la Rochelle et ceux de Duguesclin; de part et d'autre la parole était chaleureuse et le dévouement à la patrie sans hésitation comme sans bornes.
Il fut convenu que les Rochelais tenteraient de s'emparer du château de Vauclair après le départ de Jean d'Evreux ; que Duguesclin attendrait, près de Surgères, l'avis de leur succès ; qu'il attaquerait ensuite avec Clisson le château de Benon; puis qu'ils marcheraient tous sur la Rochelle pour y proclamer Charles V et rendre à la couronne tout le pays d'Aunis.
Il y avait dans la garnison du château de Benon un certain nombre d'enfants de la Rochelle; il fut jugé utile de les prévenir du projet formé, afin que pendant l'attaque, ils prêtassent la main aux troupes royales ; la mission était périlleuse, mais les deux frères de Séris se la disputèrent, et ce fut Philippe qui promit de s'introduire avec quelques hommes dans la place, tandis que son frère dirigerait, à la Rochelle, la surprise du château.
— Ça, poursuivit Clisson, en souriant, le connétable aurait besoin pour son armée de quelques mille livres; il m'a prié de demander à la Rochelle si elle ne pourrait point les lui prêter.
— Dites au connétable, répondit Isambard, que ce ne serait servir le roi qu'à demi, de lui offrir seulement son sang; la Rochelle aura de l'or pour Duguesclin comme il aura du fer pour elle; je donnerai l'exemple au négoce. Mais, sire Olivier, j'ai à vous demander à mon tour votre garantie pour les franchises de la Rochelle; nous voulons chasser l'Anglais, mais ne voulons point nous donner des maîtres en renonçant à la charte d'Éléonor.
— A vous, comte de Macé, qui êtes plus expert que moi en écriture; puisque Bertrand vous a joint à moi pour cela, voyez à vous entendre avec les bourgeois de la Rochelle.
La lampe fut alors décrochée de la cheminée et posée sur la table ; le comte prépara ce qu'il fallait pour écrire, et la conférence recommença.
Isambard, déjà imbu de cette fierté née des franchises municipales que déploya à un si haut degré la commune de la Rochelle, dans ses luttes avec la couronne, défendit pied à pied la vieille liberté rochelaise; le comte, au nom de Duguesclin, se porta défenseur des droits du trône.
Enfin, après avoir soutenu chacun leur cause avec une égale chaleur, les deux envoyés finirent par s'entendre sur les conditions proposées par la Rochelle à Charles V, pour prix de son retour à la couronne de France.
Indépendamment de la mairie élective et de la souveraineté locale de la commune, posées comme première base du traité, en voici les principaux articles; les Rochelais les soutinrent les armes à la main pendant plus de deux siècles.
« Le château de Vauclair sera rasé; ses démolitions seront employées à la défense du nouveau port. »
« Le Roi pourra bâtir un palais à la Rochelle, pour se loger quand il y viendra, mais sans forteresse. »
« Les Rochelais seront exempts de toute garnison, de tout gouverneur, de tout subside de guerre. »
Ces conventions arrêtées, il fut convenu qu'elles seraient soumises à l'acceptation de Duguesclin ; puis le vieux soldat blessé à Poitiers pour la France tendit la main au chevalier qui allait combattre encore pour elle; tous les regards s'enflammèrent de joyeuse espérance ; et cette étreinte fraternelle fut comme un sceau de loyauté apposé au traité dont elle devint la consécration. (Le traité fut signe en septembre 1372, entre Duguesclin et La Rochelle.)
La nuit fuyait, Clisson et son frère d'armes remontèrent à cheval; Isambard et les deux frères les accompagnèrent à pied dans le sentier devenu moins sombre; puis quand on fut rendu sur le bord de la route, les deux cavaliers, se détournant une dernière fois vers leurs compagnons, leur firent du geste un amical adieu, pressèrent de l'éperon les flancs de leurs vigoureux coursiers qui caracolèrent avec grâce et s'élancèrent en avant.
Pendant quelques instants, les trois amis demeurèrent immobiles, les regards tournés vers eux, écoutant en silence le bruit cadencé du galop qui allait en s'éteignant; le ciel qui s'éclaira vivement à leur droite leur fit détourner les yeux vers la Rochelle ; le soleil venait de poindre à l'horizon et jetait comme un bandeau de pourpre sur le front de la tour du château.
— Regardez donc, jeunes gens, dit Isambard; on dirait que le soleil vient de planter là- haut l'oriflamme de Saint-Denis sur le front de l'Anglais.
— Il y manque la fleur de lys, s'écria Guillaume ; s'il plaît à Dieu, avant huit jours nous l'y aurons mise !
Un quart-d'heure après, ils étaient tous les trois rentrés à la Rochelle, heureux du succès obtenu, et plus encore de celui qu'espérait leur courage.
« Ce complot fut fait au TREUIL AU SECRET, petite maison sise en un vallon qu'on laisse à gauche allant de La Rochelle à Nuaillé, ainsi nommé, pour ce que tout fut bien prévu et dextreinent. «
(LA POPELINlERE).
Accord discret « sagement conduit et dextrement exécuté » disent les textes.
Etude dans les Chroniques de Froissart par Siméon Luce
Les habitants de la Rochelle, qui ont noué des intelligences avec Owen de Galles et aussi avec Bertrand du Guesclin, dès lors maître de Poitiers, voudraient bien se tourner français, mais ils sont retenus par la crainte de la garnison anglaise qui occupe leur château.
Pendant l'absence du capitaine Jean Devereux, parti de la Rochelle pour répondre à l'appel du maire de Poitiers, cette garnison est commandée par un écuyer nommé Philippot Mansel homme d'armes d'une grande bravoure, mais d'une intelligence très bornée.
Voici la ruse qu'imagine Jean Chauderier, maire de la Rochelle, pour s'emparer du château et en expulser les Anglais.
Un jour, il invite à dîner Philippot Mansel et feint pendant le repas d'avoir reçu une lettre du roi d'Angleterre lui ordonnant de passer en revue les soudoyers de la garnison, qui sont au nombre de soixante, et de payer leurs gages échus depuis trois mois.
Le lendemain, pendant que le maire passe en revue ces soudoyers sur une des places de la Rochelle, deux mille bourgeois armés leur coupent la retraite et se rendent maîtres du château resté sans défense, Les Anglais sont arrêtés, désarmés et enfermés deux par deux en divers endroits de la ville. P. 75 à 80, 308.
Les ducs de Berry, de Bourbon et de Bourgogne, qui s'étaient tenus très longuement sur les marches de l'Auvergne et du Limousin (3) la tête de deux mille lances, lorsqu'ils apprennent que les habitants de la Rochelle ont chassé les Anglais, se dirigent vers Poitiers, où ils vont rejoindre le connétable de France.
Chemin faisant, ils s'emparent des châteaux de Saint-Maixent (4), de Melle et de Civray. P. 80, 81, 309.
De Poitiers où ils se tiennent (5) les trois ducs de Berry, de Bourgogne, de Bourbon et le connétable de France envoient des messagers à la Rochelle s'enquérir des dispositions des bourgeois de cette ville; ceux-ci font savoir qu'ils sont et seront bons Français, pourvu que Charles V fasse droit à leurs demandes (6), mais qu'en attendant ils prient le duc de Berry et le connétable Bertrand de se tenir et de tenir leurs gens d'armes éloignés de la Rochelle.
Ils envoient douze d'entre eux à Paris exposer au roi de France leurs conditions; ils exigent le rasement du château 2° la réunion irrévocable de leur ville au domaine de la Couronne; 3° la création d'un hôtel des monnaies à la Rochelle; 4° l'exemption de toute taille, gabelle, louage, subside, aide ou imposition qui n'aurait pas été levée avec leur assentiment; 5° une sentence du pape les relevant du serment de fidélité qu'ils avaient prêté au roi d'Angleterre.
Charles V, qui estime que la Rochelle est de toutes les villes de cette partie de son royaume celle dont la possession lui importe le plus, accorde aux députés des Rochellais tout ce qu'ils lui demandent (7); il les comble même de cadeaux et de joyaux qu'il les charge d'offrir de sa part à leurs femmes. P. 81 à 83, 309.
Les bourgeois de la Rochelle s'empressent de raser leur château (8), dont ils ne laissent pas pierre sur pierre et dont ils emploient les débris au pavage de leurs rues; cela fait, ils informent le duc de Berry qu'ils sont tout prêts à le recevoir au nom du roi de France.
Par l'ordre du duc, Bertrand du Guesclin part de Poitiers avec une compagnie de cent lances et va prendre possession de la Rochelle (9).
Après cette prise de possession, Radigo le Roux, amiral de Castille, et ses marins, ayant reçu le payement de leurs gages (10), lèvent l'ancre et reprennent le chemin de l'Espagne.
Quant à Owen de Galles, il se dirige vers Paris, où il amène au roi le captal de Buch (11).
Charles V fait le meilleur accueil à Jean de Grailly qu'il espère attirer dans son parti; mais le captal reste insensible à ces avances; il offre seulement de se racheter en payant cinq ou six fois plus que son revenu annuel.
Le roi de France, à son tour, repousse cette offre et tient son prisonnier enfermé au château du Louvre. P. 83 à 85, 309.
C'est dans le cours de la même année (1372) que l'Aunis, démembrée de la Saintonge, forma une province particulière dont La Rochelle fut la capitale.
Charles V, par un édit du 8 janvier 1372, établit formellement cette banlieue, dont il fixa les limites.
Le privilège de noblesse, et le pouvoir de tenir des fiefs, même l’exemption des péages, des coutumes et Barrages, est accordé aux Maires, Echevins et Pairs de la Rochelle, et pour leurs enfants nés et à naitre.
Traité de la noblesse par Laroque, Edit de Rouen, 1734, p123
Six ans plus tard (19 septembre 1378) Charles V ayant échangé Benon à Tristan Rouault contre les deux tiers du comté de Dreux, l’érigea en comté d'où relevèrent quatre baronnies, celles de Surgères, de Pauléon, de NuaiIIé et de Mauzé
Dans les conditions du retour de la ville à la couronne de France en 1372, il fut stipulé que le château serait rasé et les matériaux employés à l'achèvement et à la défense du nouveau port, par la construction de la muraille du Gabut (on conserva les tours comme prison) ; durant le siège de 1573, les deux tours qui restaient encore furent si ébranlées qu'elles s'écroulèrent l'année suivante ; il subsiste des carreaux de faïence à décor de fleurs de lys et de léopards attestant les occupations successives, française et anglaise.
Les traces dans l’histoire du château de la Rochelle dit de Vauclair
La saisie exacte de l'organisation spatiale du tissu urbain rochelais au Moyen Age est un exercice difficile, tant les documents iconographiques restent fragmentaires à ce sujet.
Les Chroniques de l'historien Froissart comportent une vue du port de la Rochelle vers 1372, mais celle-ci esquisse simplement la physionomie du havre au XIV siècle (12).
En ce qui concerne le château, on y distingue bien au troisième plan un bâtiment couvert ayant soit l'aspect d'un donjon soit l'aspect de l'église Saint-Barthélemy, mais il est difficile de trancher clairement. Pourtant, les sources littéraires peuvent compléter les quelques plans et planches à notre disposition et nous permettre de répondre à quelques questions.
Quelle facture présentait le château de Vauclair ? Quel espace précis occupait-il dans la cité ? Y avait-il une chapelle ?
Bon nombre d'auteurs locaux ont abondamment écrit sur l'histoire de la Rochelle, à partir des informations contenues dans les récits des érudits du XVIII et du XIXe siècles.
Pour le XVIIIe, il s'agit des Oratoriens Jaillot et Arcère et pour le XIX, il s'agit des travaux de Musset, Jourdan ou Delayant, voire de ceux de Couneau publiés en 1929 (13).
Mais chaque œuvre reprend la précédente dans des proportions inégales, sans apporter fondamentalement de nouveauté aux questions posées. En outre, les erreurs se répètent inlassablement, sans qu'il y ait une réflexion critique et scientifique valable.
Ainsi, les sources les plus proches de la réalité sont, nous semble-t-il, celles des XVIe et XVIIe siècles ; leurs auteurs ont vécu dans le tissu urbain médiéval remodelé ; ils ont donc une perception plus fiable de l'espace.
Le manuscrit Baudouyn (fin XVIe), les publications de La Popelinière (1573 et 1581), les manuscrits d'Amos Barbot (1610) et de Pierre Mervault (1669) apportent l'essentiel des données sur la description de la bonne ville de la Rochelle et de son château, des origines aux grandes modifications du XVIIe siècle : siège de 1628 et reconstruction des remparts à partir de 1689 (14).
D'après Barbot, Vauclair vient du latin valde clarum, soit vallée claire (dégagée) en français (15) ; pour Mervault, Vauclair est une transformation de Beauclerc, soit le surnom du grand-père d'Henri II Plantagenêt (16).
Henri Ier d'Angleterre était, comme son nom l'indique, un esprit éclairé ; Henri II aurait donc voulu marquer de sa filiation l'édifice qui symbolise grandement le pouvoir anglais dans la ville. Cela est tout à fait possible puisque Plantagenêt est un Angevin qui ne doit sa couronne anglaise qu’au remariage de sa mère, Mathilde, fille d'Henri Ier, avec son père Geoffroy, comte d'Anjou.
Les deux sens sont donc acceptables ; d'ailleurs, l'orthographe diffère selon les auteurs - Vauclair ou Vauclerc quoique cette donnée ne soit pas grandement significative étant entendu le manque de règles en la matière, à cette époque.
La proposition d'Amos Barbot semble la plus intéressante : le nouveau port aurait donc été installé sur le ruisseau de Lafond au XIIe siècle dans une vallée plus accessible que celle du Maubec, emplacement du port primitif.
L'historiographie sur les origines de la Rochelle a récemment progressé avec les travaux de Jean Nappée, académicien rochelais (17). L'originalité de ses propos n'est pas tant sur l'existence d'une forteresse dans ce qu'il convient d'appeler le « croissant commercial rochelais » - l'axe rue des Merciers, rue du Temple - que sur l'apport d'un raisonnement logique sur la question.
En effet, le débat sur les origines de la Rochelle est ancien : Mervault rapporte dans son manuscrit qu'il existait déjà deux thèses sur le sujet au XVIIe siècle.
La première accréditait l'existence d'un simple village de pêcheurs, alors que la deuxième croyait à la présence d'un ouvrage protecteur (18).
Jean Nappée reprend la deuxième en s'appuyant sur la toponymie et l'étymologie : il démontre donc qu'un port primitif sur le Maubec est à l'origine de l'espace urbain rochelais.
Après la chute de Châtelaillon en 1131, le comte du Poitou, Guillaume IX veut faire du petit port sur le Maubec un grand havre : par une charte de 1137, il lui donne alors le droit de communauté et donc
le droit d'ériger des murailles (19).
Ainsi, il semble qu'entre 1140 et 1160 selon les auteurs (20), une enceinte castrale protégeait non seulement le bourg et la forteresse originale, mais encore tout r espace entre les marais du Maubec et ceux du Lafond, le bord de mer et les élévations au nord (21).
Le château aurait donc été construit sur ordre d'Henri II Plantagenêt, à partir de 1162 (en même temps que les remparts), dans le cadre d'une politique de défense des provinces du Poitou et de Saintonge (22).
Dans ses Chroniques, Froissart parle du « chastel, és vieilles murailles (23) » ; à l'évidence, le château a été édifié à l'intérieur de la première enceinte, ce qui pose le problème de son réel emplacement par rapport à celle-ci.
Claude Masse donne un tracé quelque peu hasardeux de ces murailles primitives : elles suivraient les rues Rambault et du Minage au sud pour aller rejoindre la porte Malvault (jonction rue des Cloutiers et rue Gambetta (24).
Mais l'existence du Minage, dès 1200, nous invite à rectifier l'emplacement de ce mur (25) : il partirait de la Porte Rambault et passerait au nord des rues Rambault et du Minage pour tourner vers le sud à hauteur de la porte Malvault (26).
Selon Isabelle Warmoes, l'autre enceinte, celle qui insérait le faubourg de Cougnes dans la ville, daterait d'avant 1180 diaprés une charte qui rebaptise le prieuré Saint-Jean en Saint-Jean-du-dehors (les murs) (27).
Mais cette interprétation qui ne peut être étayée par aucune preuve archéologique, doit être considérée avec beaucoup de prudence : elle nous semble peu crédible.
En 1222, une charte d'Henry III d'Angleterre demande aux Rochelais d'assainir le Lafond de la porte des Deux-Moulins au pont Rambault (porte Rambault), ce qui confirme la construction de cette porte, mais ce qui ne peut induire l'existence d'une muraille au-delà (28).
On peut se demander alors si une ville, même de croissance très rapide comme la Rochelle, a pu s'offrir la construction de deux grandes murailles à vingt ans d'intervalle.
A la fin du XIIe et au début du XIIIe siècles, c'est au sud que les remparts de la ville s'étendent : autour des quartiers du Perrot et de Saint-Nicolas (29).
D'autre part, on sait par Baudouyn, recopié par Jaillot, que le mur de la porte Rambault à la tour de la Fontaine est recrépi en 1381(30) : l'agrandissement de l'enceinte pourrait alors dater du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle, mais aucun texte ne le confirme aujourd'hui.
Une seconde hypothèse peut être envisagée : il n'y aurait eu qu'une seule muraille construite au XIIe siècle, englobant Cougnes et Rochella.
Mais La Popelinière dément : « Le maire avait mis bon nombre de soldats en embuscade entre quelques vieilles murailles qui étaient derrière le château, avec charge de se saisir du pont du château (31). »
Ainsi, il prouve que le château a été édifié à l'intérieur de l'enceinte urbaine telle que nous l'avons retracée au nord et que le quartier de Cougnes a bien été intégré à l'espace urbain soit au XIIIe siècle soit au début du XIVe siècle.
Par ailleurs, dans l'édition de 1574, les Chroniques de Froissart précisent que les Anglais « issirent du chastel et après ce qu'ils eurent passé le pont, l'embuche se mit entre [eux] et la porte du chastel (32) ».
Il s'agit du coup de force rochelais de 1372 organisé par le maire Jehan Chaudrier à l'intérieur de la ville : ce texte montre l'existence d'une porte et de douves orientées vers l'espace urbain communal.
Jaillot parie aussi des « portes et ponts du château (33) », ce qui induit qu'il y avait deux portes au moins.
Mervault confirme : « Et du côté de la dite ville il y avait deux belles grandes portes et entrées et à chacune d'icelles un portail aux gages du roi avec la garnison entretenue audit château d'autres que des habitants (34). »
Les récentes découvertes archéologiques confirment ces textes.
Mervault nous donne auparavant une description de l'ensemble du château : « Le château était en ce temps-là un très beau et riche édifice en toutes sortes d’ouvrages ayant en son front cinq belles grosses tours regardant sur le vieux havre et port de la dite ville qui prenait en ce temps là depuis Port Neuf, venant de Chef de Baie jusques au devant dudit château où à présent ne sont que prairies et vieilles salières de marais salants. »
Le donjon et les cinq tours donnant sur le Lafond - quatre selon Jourdan (35) -, faisaient encore partie du paysage urbain au XVIe siècle, ainsi que l’attestent les plans de cette époque (36).
Les textes font très peu référence à la chapelle : la synthèse du professeur Favreau reste la plus éloquente à ce sujet.
En effet, il rapporte qu'en 1203, une chapelle a été construite pour célébrer certains sacrements en vertu de l'entente scellée entre les trois curés de la ville primitive (Saint-Barthélemy, Saint-Sauveur et Saint-Jean ?).
Cette chapelle serait proche du cimetière de Saint-Barthélemy : est-ce la chapelle Sainte-Anne ?
En 1412, une chapelle Saint-Louis a été « fondée au château (39) » : celui-ci étant détruit, n’est-ce pas déjà la chapelle Sainte-Anne ?
Les plans de la ville au XVIIe siècle montrent l'existence de cette chapelle.
A partir de ces quelques réflexions, nous pouvons esquisser une nouvelle chronologie de l'espace urbain rochelais.
A la fin du IXe siècle ou au Xe siècle, un village de pêcheurs, de sauniers et de marchands nommé Rochella se serait développé le long du ruisseau de Maubec et de la côte océane autour d'une forteresse dressée sur une élévation calcaire, face à un port sur l'embouchure dudit cours d'eau.
En 1137, Guillaume IX, comte du Poitou, contrôle ce lieu et permet à ses habitants de s'ériger en communauté, de se protéger et de croître dans un castrum plus ou moins rectangulaire.
La ville se développe vers l'ouest et peut-être vers le nord : d’abord sans murailles, puis au sein du castrum, construit à partir des années 1140-1160, qui enserre l'espace urbanisé en longeant l'océan, le Lafond, les rues Rambault, du Minage et le Maubec.
Il s'ouvrait au nord-est par la porte Malvault (rues Gambetta et des Cloutiers), au sud-est par la porte Maubec (parvis de Saint-Sauveur), au sud-ouest par la porte Chef-de-Ville (rues Réaumur et Léonce-Vieljeux), au centre-ouest par la porte du Petit-Comte (40) et au nord-ouest par la porte Rambault.
De ces portes partaient respectivement les chemins vers Saint-Jean-d 'Angély, Saintes, Marans.
Le bourg plus ancien, Cougnes, s'étendait donc au nord autour de l'actuelle église Notre-Dame-de-Cougnes : il n'y avait donc aucune église importante près du nouveau port, malgré la présence des Templiers (cour du Temple) depuis 1128.
Vers 1152, afin d'éviter des déplacements massifs jusqu'à Notre-Dame (tout au nord) et face à la progression du nombre d'habitants, l'église Saint-Barthélemy est construite près du port sur « vingt coudées en long et en large » (environ 100 m2).
A partir de 1162, le château de Vauclair est lui aussi peu à peu édifié à l'intérieur de l'enceinte urbaine sur la partie la plus élevée de la table calcaire jurassique (41), avec deux portes regardant vers l'espace urbain.
Cette nouvelle forteresse, possédant un front de quatre ou cinq tours, intégrant un donjon près du Lafond, abrite une garnison : elle est le symbole du pouvoir ducal, voire royal, dans la ville.
Selon la chronologie, elle ne possèderait pas de chapelle : la chapelle Sainte-Anne a été construite au dehors au XVe siècle ou au XVIIe siècle.
En 1372, les Rochelais organisent un coup de force pour chasser les soldats anglais qui séjournent dans la forteresse. Leur forfait attire les faveurs du roi de France : leur rattachement à la couronne les exempte de garnison.
En conséquence, le château est presque entièrement rasé : les quatre ou cinq tours donnant sur les remparts restent en l'état, ainsi que quelques bases de murs en ruine, comme nous l'apprend La Popelinière. (42)
En 1574, les deux tours du donjon qui servaient de prison s'effondrent après les bombardements intensifs du siège de 1573.
La destruction du château signifiait la fin de l'emprise royale dans la ville et l'accession à une plus grande autonomie politique.
Aucune forteresse ne sera construite à l'avenir, même si, en 1535, François Ier avait réintroduit un gouverneur à la tête d'une garnison de cinquante gens d'armes dans la cité.
Pascal RAMBEAUD. Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis
Le port d’Aliénor d’Aquitaine : Voyage dans le temps des Templiers et Hospitaliers de la Rochelle.<==
Aliénor d’Aquitaine la concession des priviléges de franche-commune <==
==> LA TOUR DE BROUE 1115-1789 ; En 1372, le château est assiégé par Bertrand Du Guesclin
==> LE PRÉTENDU COUTUMIER DU POITOU DE L'ÉPOQUE ANGLO-FRANÇAISE DIT DE PIERRE-JEAN MIGNOT (1372)
(1). Jean Cot et Philippot Manssel étaient les deux principaux hommes d'armes de la garnison anglaise de la Rochelle. A la date du 12 septembre 1372, après la reddition de cette ville et la prise du château, Cot et Manssel étaient les prisonniers du duc de Berry, qui fit acheter deux roncins pour les monter. c A Naudon de Figac et Geffroy Narron pour deux roussins pris et achatés d'eulx, du commandement monseigneur (le duc de Berry), pour monter Jehan Cot et Philippot Manssel, Anglois, prisonniers de mon dit seigneur (Arch. Nat., KK 251, f 98).
(2). En 1372, le maire de la Rochelle était non pas Jean Chauderier, mais Pierre de Boudré. Il est nommé Jean Chaudrier (1323 - 1392), ou Jehan Chauderer, seigneur de Nieul-lès-Saintes dans l'Histoire de la Rochelle.
Au commencement du mois d'octobre de cette année, « honorable homme et sage sire Pierre de Boudré, maire de la Rochelle », prêta aux frères Jacques et Morelet de Montmor une somme de 969 francs d'or destinée à l'achat d'un certain nombre de chevaux pour amener à Paris le captal de Buch, laquelle somme fut remboursée le 16 novembre suivant à Jean Kaint, facteur du dit maire (Arch. Nat., J 475, n" 100").
(3) Froissart se trompe grossièrement lorsqu'il affirme que les trois ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon s'étaient tenus « moult longuement sur les marches de l'Auvergne et du Limousin. Le duc de Berry, qui avait fait son entrée à Poitiers dès le 7 août, le jour même de la reddition, attendit dans cette ville, avant de se remettre en campagne, l'arrivée du corps d'armée que lui amenait son frère cadet, Philippe, duc de Bourgogne. Parti de Nevers le mercredi 18 août, celui-ci, après un trajet de dix jours à travers le Berry et la Touraine, n'arriva dans la capitale du Poitou que le samedi 28 au matin, le même jour qu'Olivier, seigneur de Clisson, et que Charles d'Artois, comte d'Eu.
Pendant ce temps, Bertrand du Guesclin et Louis, duc de Bourbon, paraissent avoir dirigé les opérations en Saintonge, opérations dont les deux principaux résultats furent la délivrance de la duchesse de Bourbon et la prise du captal de Buch.
(4) Deux-Sèvres, arr. Niort, entre cette ville et Poitiers. On voit par les comptes de Philippe le Hardi, qui sont heureusement parvenus jusqu'à nous, que le duc de Bourgogne partit de Poitiers le 30 août au matin, dina et gîta le soir à Sanxay, fit halte le 31 à la Mothe-Sainte-Heraye (Deux-Sèvres, arr. Melle) et arriva le mercredi 1er septembre devant le château de Saint-Maixent. Après avoir assisté à la messe dans l'église du lieu à laquelle il fit une offrande, le duc attaqua le château, qui ne fut emporté que le samedi 4 après quatre jours de siège (E. Petit, Campagne de Philippe le Hardi en 1372, p. 9).
Saint-Maixent possédait une antique abbaye dont let religieux avaient mis beaucoup d'empressement à faire leur soumission. Pour les récompenser, Charles V confirma leurs privilèges par acte en date du 26 novembre 1372 (Ordonn., V, 545, 546); et dans un autre acte octroyé en leur faveur le 27 juillet de l'année suivante pour les placer dans le ressort de Chinon substitué à celui de Loudun, il est fait mention des services signalés rendus à la Couronne de France par Guillaume de Vezençay, qui fut abbé de Saint-Maixent de 1363 à 1380 (Ibid., 625, 626).
(5). On a vu par ce qui précède que, des trois ducs désignés ici par Froissart, le seul qui semble avoir fait un assez long séjour à Poitiers avant la reddition de la Rochelle, à savoir du 7 au 29 août, est Jean, duc de Berry.
(6). Charles V ordonna qu'il ne seroit fait ni poursuite ni recherche de ceux qui avoient rasé le château aussitôt après l'expulsion des Anglois ce qui prouve que la démolition de ce château ne fut point un des articles stipulés, comme nos écrivains modernes l'assurent d'après Froissart. P. Arcère, Hist. de la Rochelle, I, 260.
(7). Les habitants de la Rochelle obtinrent en effet, dans les quatre ou cinq mois qui suivirent la reddition de cette ville, la plupart des avantages énumérés ici par Froissart, à savoir, le 25 novembre 1372, la création ou plutôt le rétablissement de leur hôtel des monnaies (Ordonn., V, 543) et le 8 janvier suivant, la confirmation de tous leurs anciens privilèges et en outre l'octroi de la noblesse aux maire, échevins et conseillers en même temps que la remise des droits de franc fief aux non-nobles (Ibid., 571 à 576).
(8). Par acte daté du mois d'avril 1373, Charles V institua Bernard Gautier, bourgeois de la Rochelle, ouvrier du serment de France au nouvel hôtel des monnaies qu'il venait d'établir dans cette ville, pour le récompenser des services qu'il avait rendus « à aidier à bouter hors de nostre chastel du dit lieu les Anglois » (drch. Nat., JJ 104, n° 156, f 70).
(9). D'après la Chronique des quatre premiers falots, plusieurs des hommes d'armes qui avaient l'habitude de combattre sous la bannière personnelle de Bertrand du Guesclin prirent part au combat de Soubise, où l'on attaqua les Anglo-Gascons en poussant le fameux cri de guerre du connétable « Claquin Notre Dame Claquin »
D'un autre côté, Cabaret d'Orville, dans sa Chronique du bon duc Loys de Bourbon, après avoir raconté que Bertrand aida le duc de Bourbon à emporter d'assaut la Tour de Broue où l'on retenait prisonnière la duchesse douairière de Bourbon, mère du duc Louis, ajoute que cette prise de la Tour de Broue précéda immédiatement l'affaire de Soubise « Quant la Tour de Brou fut rendue, les gens du duc de Bourbon s'en allèrent courre devant Sebise » (édit. Chazaud, 1876, p. 92).
La forteresse de Soubise et la Tour de Brou ou de Broue, située à seize kilomètres au sud de Soubise, commandaient le cours inférieur de la Charente et par suite les communications par terre entre la Rochelle et Bordeaux.
Une fois maître de ces deux points stratégiques, Bertrand du Guesclin, après avoir assuré ainsi ses derrières, put procéder en toute sécurité à l'investissement de la Rochelle par terre en même temps que la flotte des frères de Montmor, de Jean de Rye, d'Owen de Galles et des Espagnols, ancrée entre les îles de Ré, d'Aix, d'Oléron et le continent, bloquait étroitement cette ville par mer (Ordonn., V, 567).
Ce blocus, mis ou du moins resserré et complété après l'occupation de Soubise qui eut lieu le 23 août, dura jusqu'à la reddition de la Rochelle, c'est-à-dire jusqu'au 8 septembre suivant.
Ce fut pendant cet intervalle que les Rochellais, s'il en faut croire un de leurs historiens, consentirent à payer au connétable une somme de cinquante mille livres tournois, à la condition qu'on épargnerait leurs maisons et leurs terres (P. Arcère, d'après Barbot, Hist. de la Rochelle, I, 253).
Le rôle actif joué par Du Guesclin dans les préliminaires de la reddition de la Rochelle est attesté par plusieurs actes, notamment par une donation datée du 5 septembre 1372, antérieure par conséquent de trois jours à l'entrée des Français dans la capitale de l'Aunis.
Cette donation de deux maisons, l'une sise à la Rochelle, l'autre à Dompierre en Aunis, fut faite par Charles V à un Breton nommé Yvon le Corric, qui avait servi le roi « en la compaignie de son amé et féal connestable, pour la bonne diligence qu'il a mis à faire venir et tourner la Pille de la Rochelle en nostre obeissance » (Arch. Nat., JJ 103, n° 287, f° 136).
Par un autre acte délivré à la Rochelle sous son sceau le 8 septembre, précisément le jour où Jean, duc de Berry, prit possession de cette ville au nom du roi de France, Du Guesclin lui-même fit don d'une maison sise dans la rue de la Blatrie à un bourgeois de la Rochelle appelé Jamet du Chesne, originaire de Bretagne, en remuneracion des services faiz par le dit Jamet, en pourchaçant à faire venir et retourner de nouvel la ville de la Rochelle en l’obeissance du roy (JJ 104, no 36, f° 15).
(10). Ces Espagnols, qui depuis l'affaire de Soubise ne cessaient de réclamer le captal de Buch comme leur prisonnier, eurent un jour une rixe sanglante avec un certain nombre d'habitants de la Rochelle « ou temps que nostre dicte ville (de la Rochelle) vint derrenierement en nostre obeissance, lit-on dans une lettre de rémission datée de mai 1373, une très grant noize et tumulte soursist entre les gens du navire d’Espaigne et aucuns des habitans de nostre dicte ville, et y eut de part et d'autre grant quantité de gens armés tant que aussi comme tous les habitans de nostre dicte ville en furent commeuz. »
Cette rixe éclata peut-être à l'occasion du transfert à la Rochelle du captal de Buch et des autres prisonniers revendiqués par les Espagnols.
(11). Le 8 septembre, le captal et les autres personnages de marque faits prisonniers à l'affaire de Soubise, que l'on avait gardés jusqu’alors à bord d'un navire ancré en vue de l'ile d'Oléron, furent transférés par l'ordre de Du Guesclin à la Rochelle où ils restèrent jusqu'au 6 octobre sous la garde de Morelet de Montmor et de 16 autres hommes d'armes; ensuite, on les interna dans l'abbaye de Saint-Maixent, où ils séjournèrent pendant le reste du mois d'octobre et pendant tout le mois de novembre.
Au commencement de décembre, ils prirent place dans le cortège des ducs de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, lorsque ces trois ducs quittèrent le Poitou, en compagnie de Bertrand du Guesclin, pour se diriger vers Paris, où ils arrivèrent le 11 de ce mois (Arch. Nat., J 475, n° 1001 à 7).
« Ce jour de samedi XIe jour de decembre (1372) retournèrent de la conqueste de Poitou, Xantonge et Angoloisme et la Rochelle et entrèrent à Paris noz seigneurs les duz de Berry, Bourgoigne et Bourbon et plusieurs autres barons et seigneurs en leur compaignie et aussi le connestable de France. Et lors Pierret d'Auvillier, escuier, amena le captal de Buch, messire Guillaume (lisez Thomas) de Percy et le sire de Mareuil et autres prisonniers gascoins et anglois. Le dit Pierret avoit pris en bataille le dit captai, etc. b (Arch. Nat., sect. jud., X 1470, f' 6).
(12). M. DELAFOSSE et coll., Histoire de la Rochelle, Toulouse, Privât, 1985, p. 16.
(13). Bibl. mun. la Rochelle, ms. 93, Tableaux synoptiques sur l'histoire de la Rochelle et du pays d'Aunis, par Jaillot ; L.-E. ARCÈRE, Histoire de la Rochelle et du Pays d'Aulnis, La Rochelle, Desbordes, 1756-57, 2 tomes, 666 p. et 722 p. ; G. MUSSET, La Rochelle et ses ports, La Rochelle, Siret, 1890, 158 p. ; J.-B.-E. JOURDAN, Ephémérides historiques de la Rochelle, La Rochelle, 595 p. et 619 p. ; L. DELAYANT, Historiens de La Rochelle, La Rochelle, Maréchal, 1863, 306 p. ; E. COUNEAU, La Rochelle disparue, La Rochelle, 1929, 404 p.
(14). Bibl. mun. la Rochelle, ms. 45 et 46, « Manuscrit Baudouyn (1199-1589) », 2 volumes ; LA POPELINIÈRE, la vraye et entière histoire des troubles et choses mémorables, advenues tant en Flandres qu'en France & pays circonvoisins depuis l'an 1562, la Rochelle, Pierre Davantès, 1573, 426 f. ; LA POPELINIÈRE, Histoire de France, 2 volumes, La Rochelle, Abraham Haultin, 1581, 397 f. ; A. BARBOT, Inventaire des titres, chartes et privilèges de la Rochelle et Pays d'Aunis... jusques en 1574..., ou Histoire de la Rochelle, éd. Denis d'Aussy, dans Arch. hist. de la Saintonge et de l'Aunis, tomes XVI-XVIII, 1886-1890 ; Bibl. mun. la Rochelle, ms. 59 ; P. MERVAULT, Recueil de la naissance, progrès, accroissements et décadence de la ville de la Rochelle avec le catalogue de tous ses maires et de tout ce qui s'est passé de plus mémorable en leur mairie, depuis Robert de Montmirail à Jehan Guiton, dernier maire... [1669].
(15). A. BARBOT, op. cit., p. 43.
(16). Bibl. mun. la Rochelle, ms. 59, p. 7.
(17). J. NAPPÉE, Les origines de la Rochelle, La Rochelle, Rumeur des âges, 1994, 57 p.
(18). BibI. mun. la Rochelle, ms. 59, p. 9.
(19). Ibid., p. 1.
(20). 1. WARMOES, Les fortifications médiévales de la Rochelle, Mém. de maîtrise d'Archéologie, Université de Paris 1, 1991, 2 vol., p. 36.
(21). Du sud vers le nord, la topographie va croissante de 4 à 10 m. Voir la carte de la Rochelle de l'I.G.N. au 1/25 0000.
(22). Bibl. mun. la Rochelle, ms. 59, p. 7.
(23). FROISSART, Chroniques, publié par Denis Sauvage, Paris, 1574, 2 vol., p. 393.
(24). Voir le plan de la Rochelle à l'époque où elle fut assiégée par le duc d'Anjou sous Charles IX en 1572, par Jourdan (XPO s.). Dessin aquarellé manuscrit, dim. 45 x 30 cm XIXe s. (Bibl. mun. la Rochelle, carton II, 5).
(25). M. DELAFOSSE, op. cit., p. 18.
(26). Le tracé de Masse paraît sinueux et peu rationnel, mais seules des fouilles archéologiques pourraient apporter quelques éléments fiables à cette question.
(27).1. WARMOES, op. cit., p. 41 et 42.
(28). G. MUSSET, op. cit., p. 14.
(29). M. DELAFOSSE, 0). cit., p. 24.
(30). Bibl. mun. la Rochelle, ms. 93, année 1381.
(31). LA POPELINIÈRE, La vraye..., op. cit., f. 125.
(32). FROISSART, Chroniques, op. cit., p. 393.
(33). Bibl. mun. la Rochelle, ms. 47, copie du manuscrit Baudouyn par Jaillot ou commandée par Jaillot, Annales jusqu'en 1628, poursuivies par Jaillot, XVIIe- siècle, p. 1.
(34). Bibl. mun. la Rochelle, ms. 59, p. 8.
(35). Ibid..
(36). J.-B.-E. JOURDAN, Op. cit., p. 16.
(37). I. WARMOES, ov. cil.. vol. 2.
(38). M. DELAFOSSE; op. cit., p. 18.
(39). Ibid., p. 49.
(40). L.-E. ARCERE, op. cit., p. 99.
30. Bibl. mun. la Rochelle, ms. 47, p. 1.
(41). P. RAMBEAUD, La Rochelle, une ville en rébellion (1568-1576) ? Mém. de maîtrise, Bordeaux III, 1989, tome 1, p. 65.
(42). LA POPELlNIÈRE, op. cit., f. 116.