Colonne de Henri IV à Clisson par le baron François-Frédéric LEMOT
Le baron François-Frédéric LEMOT, statuaire, membre de l'institut, professeur à l'école royale des beaux-arts de Paris, officier de l'ordre de la Légion-d Honneur, chevalier de l'ordre de Saint-Michel, naquit à Lyon, le 4 novembre 1771.
Son père était un maître menuisier de cette ville, qui, étant venu à Paris pour s'y fixer, emmena avec lui son fils, à peine âgé de douze ans. Dans l'intention où il était qu'il embrassât sa profession, il parvint à le faire recevoir à l'école gratuite de dessin pour lui faire apprendre la géométrie pratique et l'ornement; mais le hasard détermina la carrière que devait enivre cet enfant : un jour qu'il était allé visiter le parc de Sceaux, MAI. Julien et Dejaux, qui s'y promenaient avec plusieurs autres artistes distingués, le trouvèrent dans le bosquet d'Éole et de Scylla, dessinant le fameux hercule gaulois, du célèbre Pierre Puget. M. Dejoux charmé de cette ébauche, lui proposa d'entrer à son école, ce que le petit élève accepta avec de grandes marques de joie et de vifs témoignages de reconnaissance. Sous un tel maître, ses progrès furent immenses : après quatre ans d'études seulement, il ne craignit pas de concourir pour le grand prix de sculpture, en 1790. Le sujet proposé par académie était le jugement de Salomon.
Lemot, âgée de dix-neuf ans, offrit son bas-relief, qui fixa l'admiration et tous les suffrages de ses juges; la couronne lui fut décernée.
Présenté à la reine Marie-Antoinette et au Dauphin, bientôt il alla à Rome, comme pensionnaire du roi, perfectionner un talent qui donnait de si belles espérances.
Lemot, se formant à Rome sur les grands modèles, s'initiait depuis trois ans à l'art si difficile du statuaire, lorsqu’ en 1793 la révolution, se développant dans toute sa fureur, porta jusqu'en Italie ses funestes éclats.
Le 13 janvier 1793, la population romaine, après avoir assassiné l'ambassadeur de la république, le malheureux Hugon de Basseville, se porta sur-le-champ à l'académie de France, y mit le feu, poursuivit et maltraita les élèves quelle y trouva.
Naples et ensuite Florence, servirent d'asile à Lemot et à ses confrères. Dans cette dernière ville, dénué ainsi qu'eux de toutes ressources, ils s'adressèrent à l'envoyé de la république auprès du grand-duc, afin d'en obtenir des secours, qui furent si insuffisants, que Lemot se détermina à se rendre à Paris, pour solliciter du gouvernement une pension qui permît aux élèves de l'académie d'achever leurs études en Italie.
A peine de retour, frappé par la réquisition, il n'eut que le temps d'obtenir l'objet de ses sollicitations, et partit pour l'armée du Rhin, commandée par le général Pichegru. Il y servait aux avant-postes comme artilleur, lorsqu'en 1795 la république, voulant ériger une statue colossale en bronze, représentant le peuple français, sous la figure d'Hercule, lui donna ordre de revenir dans la capitale : cette statue de cinquante pieds de proportion, devait être placée sur le terre- plein du Pont-Neuf; elle ne fut point exécutée. La convention avait appelé pour la confection de ce colosse, le concours de tous les artistes.
Sous le gouvernement du directoire, Lemot fut chargé de faire, pour la salle du conseil des Cinq-Cents, le modèle en plâtre de la statue de Numa-Pompilius.
Sous le consulat, il exécuta pour la salle du tribunat, au Palais-Royal, une statue en marbre tic Cicéron, au moment où cet orateur fait tonner dans le sénat sa catilinaire. Il fut encore chargé sous le consulat, du modèle en plâtre d'une statue de Léonidas aux Thermopyles, pour la salle des délibérations du sénat conservateur, et, pour le vestibule du palais, d'un bas-relief, représentant deux renommées, dont on admire le style et le dessin.
Sous le gouvernement impérial, il fit pour la salle des séances du corps législatif, les modèles en plâtre des statues de Lycurgue et de Brutus, toutes deux de six pieds de proportion. On y remarque un dessin pur et des draperies d'un excellent style. Il fit encore pour la tribune du corps législatif un bas-relief allégorique en marbre, d'une belle ordonnance; le buste de la liberté , posé sur un socle élevé, occupe le milieu de cette composition; au-dessous est un médaillon , présentant l'image de Janus; deux figures de femmes, de grandeur naturelle, la Renommée à droite et l'Histoire à gauche , publient et transmettent aux siècles à venir les hauts faits de la république, française; enfin deux enseignes militaires, surmontées d'un coq aux ailes déployées, ornent le fond de ce bas-relief, qui est tout-à-fait dans le goût de ceux du célèbre Goujon, et qui est un des plus beaux morceaux qui soient sortis des mains de cet artiste.
Tant de compositions remarquables dues au ciseau de cet habile sculpteur lui ouvrirent, en 1805, les portes de l'institut. M. Lemot est auteur du char et des deux figures de la victoire et de la paix, qui accompagnaient sur l'arc de triomphe du Carrousel, le célèbre quadrige de bronze du portail de l'église Saint-Marc à Venise. Ces trois morceaux, en plomb doré, furent mis en place sur la fin de l'année 1808.
Vers le milieu de 1810, ce sculpteur termina l'immense bas-relief qui remplit le tympan du fronton du Louvre, du côté de Saint-Germain l'Auxerrois. Ce superbe ouvrage, désigné par le jury pour le grand prix décennal, offre vingt-quatre mètres de longueur sur cinq de hauteur; on en admire le grandiose et la légèreté.
Par décret impérial du 8 septembre 1810, Lemot fut donné pour successeur à Chaudet, que la mort venait d'enlever, et qui remplissait à l'école des beaux-arts de Paris la place de professeur de sculpture. Dans cette même année, l'académie de Lyon fit l'honneur d'admettre au nombre de ses membres associés celui qu'elle avait vu naître dans ses murs.
En 1811, il fut chargé de faire la statue de Murât; peu de temps après ou lui commanda la sculpture de l'arc de triomphe sur le pont de Châlons-sur-Marne, détruite par les alliés en 1814.
Il exécuta pour Dunkerque le buste colossal de Jean Bart, ainsi que le modèle en plâtre de la statue du général Corbineau, aide-de-camp de Napoléon, tué à la bataille d'Iéna.
En 1814, le roi et l'académie des beaux-arts choisirent ce savant artiste pour l'exécution de la statue de Henri IV : il lui fut compté, pour le prix et les frais de son travail, 337,870 fr. L'inauguration de cette statue eut lieu le 25 août 1818, en présence du roi.
La ville de Lyon ayant résolu d'élever sur la place Bellecour la statue équestre en bronze de Louis XIV, elle confia ce travail à Lemot, auquel on adjugea une somme de 373,750 fr.
Le roi de Prusse ayant vu cette statue dans l'atelier de cet artiste, lui dit : « Quand on fait un si bel ouvrage, on coule sa réputation en bronze. » Elle fut posée sur son piédestal, le 4 novembre 1823. Le cheval est une imitation de celui qui porte Marc-Aurèle, dans la cour du Capitole à Rome ; la noblesse et la majesté sont empreintes dans la pose du roi. Une Hébé en marbre, versaut le nectar à Jupiter transformé en aigle; une femme couchée, et plongée dans une douce rêverie, où l'on reconnaît la pose de cette figure antique dite la Cléopatre, sont encore sorties du ciseau de cet artiste; il y faut joindre une statue colossale d'Apollon, en marbre, qui n'est point terminée.
Il a ait aussi pour la chapelle expiatoire construite à Paris, dans la prison de la conciergerie, l'esquisse entière d'un groupe de la religion et de la reine de France, Marie-Antoinette.
Lemot à Clisson
PLAN DE LA GARENNE LEMOT
- Maison LEMOT
- Maison du jardinier
- Temple de Vesta
- Manufacture de papier de la Feuillée
- Bain de Diane
- Moulin Plessart
- Obélisque
- Statue d’Henri IV
- Temple de l’Amitié
- Maison du Portier
- Hospice Saint Antoine
- Ancien hôtel de la Poste
- Château de CLISSON
En 1805, les frères Cacault invitèrent à Clisson plusieurs artistes parisiens dont le sculpteur François-Frédéric Lemot.
Il se porta, en juin de la même année, acquéreur de la Garenne au bord de la Sèvre et en 1807 du château médiéval. (la Garenne Lemot).
Epris, comme les frères Cacault, des beautés de Clisson, il s'associa à. leur oeuvre de régénération.
Lemot se constitua progressivement un important domaine et, aidé de l'architecte nantais Mathurin Crucy, créa un jardin néo-classique peuplé de « fabriques » forçant ainsi la comparaison entre Clisson et Tivoli : la Maison du jardinier est inspirée des maisons rurales du Latium ou de Toscane et la grande maison de la Garenne, des villas italiennes.
Non loin d'une statue revêtue de la toge romaine, on aperçoit un tombeau antique, avec l'inscription : Et in Arcadiâ ego.
A quelque distance de là, il a fait élever une borne milliaire, pour réaliser, sans doute, les illusions historiques de M. Isidore Massé.
Puis, sur un rocher, il construisit un temple de Vesta, modelé sur celui de Tivoli : « Copie heureuse qui complète la ressemblance, a dit M. Touchard-Lafosse, du Tibur de la Sèvre avec celui d'Horace, de Salluste, de Mécène et de Varron. »
Avais-je donc si grand tort d'incliner, Votre reconnaissance à l'entrée de cet Elysée breton? M. Lemot a préféré à son pays, à préféré aux bords du Rhône, Clisson, les rives de la Sèvre.
Il a mis ses deniers à acheter les ruines de ce château, pour s'en constituer le gardien, pour écarter les vandales et attarder la marche destructive du temps.
Il s'est fait l'acquéreur désintéressé de cette Garenne, où il a ajouté l'art à la nature, le travail à l'accident de terrain, le bienfait de la science au bienfait du ciel.
La colonne Henri IV
Entre 1824 et 1825, François-Frédéric Lemot fait ériger sur le coteau St-Gilles et face à son domaine (la Garenne Lemot) une colonne avec, à son sommet le buste du roi Henri IV. Cette effigie évoque Henri de Navarre, futur roi de France qui, en septembre 1588, a tenté, sans succès, de prendre par les armes le château de Clisson.
La colonne a été exécutée en pierre par des artisans locaux. Le buste, en pierre de calcaire, a été sculpté par Lemot. Le chapiteau corinthien fait référence à l’Antiquité. Monument historique depuis 1986, la Colonne Henri IV est la propriété du Conseil Départemental de la Loire-Atlantique.
Pour ce pays qui n'est pas le sien et sans autre fortuné que celle du revenu de son habile ciseau, M. Lemot a fait ce que les plus opulentes cités ne font pas avec les ressources de leurs riches budgets.
Grâce à ses sacrifices, grâce à ses goûts artistiques, Clisson est le Versailles de Nantes, le site enchanté qu'on va visiter, comme on va visiter le parc de Louis XIV, l'oeuvre de Mansard et de Le Nôtre; et cependant, disons-le encore, sur ces rives où on retrouve partout la main dû digne bienfaiteur, pas un monument spécial ne consacre la mémoire du baron Lemot, pas un souvenir ne témoigne à Nantes de la reconnaissance de ses habitants pour l'illustre statuaire; vous chercheriez inutilement une rue qui porte son nom.
La ville de Lyon, qu'il a abandonnée pour Clisson, lui a élevé dans son musée un buste en marbre.
Le petit temple bâti à l'Amitié, sur les hauteurs de Clisson, au-dessus de la prairie des Chevaliers, au lieu où s'élevait autrefois la chapelle de Saint-Gilles, n'est pas l'expression de la reconnaissance des habitants du pays pour Lemot; c'est l'oeuvre pieuse de deux amis, qui, nous venons de le dire, unis dans la vie pour le bien de Clisson, ont voulu que leur mémoire restât unie dans la mort, au sommet du panorama qu'ils ont tant contribué à embellir.
Nous le disons hautement : à Lemot, que le premier Empire a anobli pour ses chefs-d'oeuvre ; à Lemot, dont la France s'honore, il faut ici, sur cette terre de ses affections artistiques, un monument digne de lui, digne au pays qu'il a tant aimé.
Lemot mourut à Paris, le 6 mai 1827, des suites d'une chute qu'il fit à la pose de la statue de Henri IV.
Selon ses vœux, ses restes furent transférés à son beau château de Clisson, que le roi avait érigé en majorat la veille de sa mort, et son corps a été déposé dans un tombeau qu'il s'était préparé lui-même.
Sur le socle de cette statue, on burinerait la phrase laissée par le baron. Lemot comme le testament de sa pensée et de-son cœur :
« Je m'empressai d'acheter ce château, dans l'unique intention de conserver avec soin ce monument fait pour intéresser, sous le doublé rapport de l'histoire nationale et de l'art. Elles seront respectées, du moins tant que je vivrai, ces antiques et hautes murailles, que des guerres furieuses, des sièges opiniâtres et que six siècles n'ont pu détruire. Je ne ferai point disparaître, par une honteuse cupidité, cette noble enceinte où des héros reçurent le jour, que d'illustres personnages habitèrent, et qui rappelle enfin tant d'actions de vertu, de barbarie et d'héroïsme. »
Mais, en sortant de la Garenne, on vous tend un registre, comme aux portes du château.
Chaque visiteur y met ses impressions : c'est sa carte de visite; en y glissant la vôtre, n'oubliez pas de tourner les feuillets du livre usé, ils reflètent l'intelligence humaine. En le parcourant le, 24 avril. 1846, Alfred de Musset y a écrit ce satirique quatrain :
« J'ai vu Clisson et son castel en deuil,
» Son parc si frais, son antique muraille ;
» Mais je n'ai rien vu qui vaille
» Les traits d'esprit semés dans ce recueil. »
Ainsi que Michel-Ange, Lemot joignait à son art un esprit orné, un style pur et élégant. Il publia sous le voile de l'anonyme, en 1817, une Notice sur la ville et le château de Clisson, imprimée à Paris, chez P. Didot
Notice sur la ville et le château de Clisson... [Par Jules Forest.]
https://www.mairie-clisson.fr/ville-de-clisson/presentation/6-le-temple-de-lamitie/
==> Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU )
Des Séjours de Henri de Navarre (Henri IV) à La Rochelle. <==