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PHystorique- Les Portes du Temps
27 novembre 2021

1368 Une bande des Grandes Compagnies de Gascon venant de Beaugency occupe quatre mois Faye la Vineuse

1368 Une bande des Grandes Compagnies de Gascon venant de Beaugency occupe quatre mois Faye la Vineuse

La guerre franco-anglaise officiellement déclarée n'allait se clore, pour un temps, qu'aux trêves de Bruges, en 1375.

Marquée par la campagne militaire menée en Poitou, elle allait modifier considérablement les conditions de sécurité des lieux et des routes avoisinant la Loire. Mais, outre que jamais depuis 1360 les faits d'armes avouables n'avaient complètement cessé, il faut remarquer que la zone frontalière longeant les terres devenues anglaises paraît avoir été le théâtre de fréquents coups de main qui contribuèrent à tenir les gens de guerre en haleine, pendant que les infiltrations des « pillards » jetaient l'alarme dans les moindres villages (1).

Lors du retour d'Espagne des Compagnies en 1367, il se pourrait que l'Ouest eût été relativement épargné.

Elles paraissent s'être jetées d'abord sur le Languedoc, où les attirait la guerre de Provence ; dans la vallée du Rhône, en Bourgogne et en Champagne, où elles trouvaient un pays riche, animé par les villes de foire ; dans le Massif Central enfin, où elles pouvaient se fixer dans des repaires sûrs afin de mettre au ravage le pays d'alentour.

Les régions de l'Ouest n'offraient pas ces avantages. Elles ne demeurèrent pourtant pas à l'abri, comme le montre l'occupation de Faye-la-Vineuse en 1368.

Dès le commencement de l'année 1368, les Grandes Compagnies, fatiguées de guerroyer en Espagne et dans le midi de la France, dont elles avaient, d'ailleurs, épuisé toutes les ressources, reprirent le chemin de chez nous, et cherchèrent à rentrer dans leur chambre, comme elles appelaient notre infortunée région.

Charles V, prévenu de ce retour intempestif, recommandait, par un mandement en date du 5 février de la dite année 1368, à ses « lieutenants, baillis, Vicomtes et Généraux conseillers, que : « l'en fist crier deuement que tous ceulx qui avaient sur le plat païs, blés, avaines, fains, vins et  autres vivres, excepté bestial et voleilles, il les retrait es villes fermées et es forteresces avant la my mars sous paines d'estre confisquées et acquis au roy, nostre Seigneur » (2).

« Le 4 juillet 1368, lisons-nous dans l'ouvrage précité de G. Dupont (3), une de ces Grandes Compagnies de: « retour du midi et composée de Gascons et d'Anglais, était arrivée jusqu'à Etampes.

« Charles V réussit, probablement en usant du moyen ordinaire; c'est-à-dire en  payant, à jeter la division parmi les routiers qui se séparèrent en deux corps ; l'un rétrograda vers la Loire et s'en alla à Beaugency.

L'autre qui ne contenait guère que des Anglais et qui avait pour chefs Hochequin Roussel, Jean Cercle, Folcquin Lallement, Toumelin, « Bel et peut-être un nommé Briquet, marcha sur la Normandie et se jeta sur Louviers, Il échoua devant cette  place..., et se dirigea alors, en ravageant tout sur son  passage, vers la Basse-Normandie ».

 Ce fut le fait de bandes d'irréguliers qui paraissent avoir agi pour leur propre compte, mais sans doute avec l'approbation plus ou moins ouverte de l'administration anglaise en Poitou.

 La menace des Compagnies fut assez sérieuse pour provoquer d'importantes mesures de sécurité de la part des tourangeaux et des angevins.

Mais l'on ne put empêcher l'occupation de Faye

« Item, en celui temps lesdis Gascoins de compaignie, qui avoient passé la rivière de Loire, comme dit est , alèrent en Touraine, et grant foison de gens d'armes du royaume de France, tant aux gaiges du roy comme sans gaiges alèrent après, en espérance de les combattre, jusques à une ville que l'en appelle Faye-les-Vigneuses, en laquelle se estoient retrais lesdis Gascoins; et se tindrent lesdites gens d'armes devant ladite ville par aucuns jours, cuidans que iceux Gascoins deussent issir de ladite ville pour combattre : mais riens n'en firent, et pour ce se retraistrent lesdites gens d'armes de France en la ville de Lodun, et assez tost après se départirent, et lesdis Gascoins demourèrent en ladite ville de Faye. »

 

Et, quarante ans après, les chanoines de Saint-Georges se plaignaient des ruines ainsi causées à la collégiale par le fait des guerres et « des grans compaignes qui furent au dit lieu, prindrent, détindrent et occupèrent par aucun temps la dicte église et laquelle pour leur fait et coulpe fu démolie et abattue en grant partie » (4).

D'autres détails nous ont été conservés dans des lettres royaux d'octobre 1369 portant confiscation au profit de Jean, comte de Sancerre, de plusieurs terres et rentes ayant appartenu en Loudunais et Mirebalais à des chevaliers et bourgeois qui avaient choisi de soutenir la cause anglaise après la reprise des hostilités.

Faye-la-Vineuse fut occupée durant plus de quatre mois et les « compaignons » qui s'y étaient retranchés faisaient pillage aux environs jusqu'à plus de quatre lieues.

Les habitants de la contrée furent presque réduits à la misère.

On ne peut préciser tout à fait la marche des partisans qui s'étaient emparés de Faye, mais, selon les Grandes Chroniques, il s'agissait d'une troupe de Gascons qui avaient d'abord pris leur cantonnement au nord de la Loire dans la région d'Etampes, puis de Beaugency, où ils demeurèrent quelque temps, cependant que le Conseil royal engageait avec eux des pourparlers par l'intermédiaire du sire d'Albret.

Ils avaient traversé le fleuve en Sologne avant la période des crues pour gagner enfin la Touraine à Faye-la-Vineuse, cependant qu'une véritable mobilisation avait lieu pour la protection du pays.

Ces Gascons semblent avoir pénétré en Touraine vers septembre 1368 et avoir gagné la vallée de l'Indre, où la présence d'ennemis est signalée en fin septembre à Azay.

Les habitants de Tours avaient eu la précaution de se renseigner soigneusement sur « l'état » de cette troupe pour communiquer leurs informations au maréchal Louis de Sancerre, qui était à Meung-sur-Loire (5).

Il n'est pas sûr que les ennemis d'Azay aient été précisément ceux qui devaient faire la prise de Faye-la-Vineuse.

Peut-être n'était-ce qu'une troupe chargée de garder le flanc droit du gros de la Compagnie pendant qu'elle se dirigeait plus au Sud.

Il est d'ailleurs probable que, devant la préparation de la riposte française, les Gascons firent un détour prononcé au Sud, en passant par les terres contrôlées par l'administration du Prince Noir.

 

Ce chemin permettait d'éviter la zone des baronnies tenues par des seigneurs fidèles au roi de France et notamment par les Sancerre.

Il supposait une attaque de Faye par le Châtelleraudais, avec la possibilité d'une incursion en Chinonais.

 

En octobre 1369, Charles V donna au comte Jean des biens situés aux confins du Poitou et de Touraine confisqués à vingt rebelles (Guillaume du Plessis, Pierre de la Broche, chevaliers, la Thomasse, veuve de feu Imbert Gui, chevalier, etc.) pour le dédommager de l'occupation par les gens des Grandes Compagnies, l'année précédente, pendant 4 mois de son Château de Faye-la-Vineuse, et pour l'aider à tenir en bon état de défense les forts qu'il possédait en Anjou et Touraine à proximité des frontières avec le Poitou occupé par les Anglais

 

Le 15 octobre 1372, le duc de Berry, qui se trouvait alors aux Herbiers (Vendée, arr. la Roche-sur-Yon), fit donner 20 sous tournois à Symonnet, l'un de ses chevaucheurs, qu'il envoyait à Fontenay-le-Comte porter un message à Jean, comte de Sancerre, l'un de ses conseillers (Arch. Nat., KK 251, f 91).

 On ignore ce que devint après l'occupation de Faye la troupe gasconne qui avait dévasté la région ; peut-être fit-elle quelque incursion en Anjou, comme pourrait le laisser entendre un passage des instructions remises en 1375 par le duc d'Anjou à certains messagers qu'il envoyait auprès du roi de Castille Henri II (6).

Si la Touraine ne fut pas autrement dévastée, ce fut sans doute à cause des mesures qui y furent ordonnées tant pour la levée des troupes que pour la mise en défense des forteresses.

De semblables précautions furent d'ailleurs prises à l'époque dans toutes les régions menacées par les Compagnies, notamment en Bourgogne et en Champagne, où eurent lieu de véritables opérations de guerre.

 Entre Tours et Vendôme, la levée avait été faite par le sire de Clisson. Mais la discipline des gens d'armes, sans doute, laissait à désirer, puisqu'ils se procuraient parfois les équipements dont ils avaient besoin par le pillage, comme le laisse entendre une lettre de rémission accordée quinze ans plus tard à Jean de Montbrun (7).

Lever des troupes et mettre en état de défense les châteaux supposait des ressources. Il faut remarquer sur ce point l'utilisation qui fut faite à partir de 1367 des circonscriptions diocésaines pour l'assiette des aides de guerre. Le gouvernement royal avait intérêt à emprunter à cet égard les cadres administratifs depuis longtemps établis par l'Eglise. Du point de vue financier, d'ailleurs, qui mieux que les curés connaissait les facultés contributives des paroisses?

Il n’est pas inutile de noter que ce fut dans la région de la Loire que très tôt apparurent, après la désignation des élus sur le fait des aides, des élections à délimitation stable, entre Chinon et Angers.

Ne peut-on y voir la conséquence de l'état d'alerte dans lequel vécurent trop souvent à cette époque les populations angevines et tourangelles, menacées d'incursions anglaises venues soit du Maine soit de la Bretagne ? Voir G. DUPONT-FERRIER, Les origines des élections financières en France, Bibl. Ec. Chartes, t. 90, 1929, p. 233 sq.

Les deniers nécessaires à l'entretien des fortifications seront à l'occasion cherchés dans les ressources issues du paiement des droits de franc-fief, comme le montrent des lettres royaux données à Montargis le 13 septembre 1379, qui rappellent que le roi avait octroyé au duc d'Anjou les finances des francs-fiefs, amortissement et indemnités des acquêts faits par personnes coutumières de personnes nobles et en fiefs nobles, des chapellenies fondées d'acquêt, des dons et des legs aux églises, puis ajoutent que le duc a signifié « qu'il lui convient faire moult de grans mises pour les euvres et réparacions qu'il fait fere en ses chasteaulx et forteresces pour la seurté et défense d'iceulx » et lui accorde « les proffiz qui en pourront issir des diz acques faiz en frans fiez ».

Par ces lettres, Etienne des Plantes, prieur de Champgenetoux, et Julien Darue étaient commis à faire traiter, lever et exiger ces finances.

Le 21 janvier suivant, me Michel Le Roy, archidiacre d'entre Sarthe et Mayenne qui avait fondé « une chapellenie desservie en l'église de Mons Saint-Martin d'Ambillo en Touraine de trois messes la semaine et résidence en la dite église pour aidier à faire le service solempnelement à notes » moyennant 25 1. de rente, composait avec les commissaires pour une somme de 75 1., versée huit jours après à Julien Bourdon, receveur royal des deniers des francs-fiefs en Anjou, Touraine et Maine (Arch. nat., JJ 116, f 56 V. février 1380, n. st.)

La prise de Faye-la-Vineuse fut l'œuvre des Compagnies et l'on ne peut y voir un fait de guerre véritable autrement que par ce qu'elle décela de l'attitude des autorités anglaises du Poitou.

Il ne s'ensuit pas qu'entre partisans et vassaux des deux rois la paix effective ait régné dès lors que le traité de Brétigny était signé et que la délivrance des châtellenies poitevines à Edouard III était accomplie. Tant s'en faut, du moins dans la région mitoyenne qui s'étendait au long des vallées de la Creuse et de la Vienne.

L'histoire de la paix de 1360 est surtout celle des difficultés d'exécution, des imprévisibles entraves, des infractions et des menées qui aboutirent dix ans plus tard à sa « rupture ».

L'incursion des Compagnies, survenue en 1368, supposait, sans doute, des complicités anglaises, mais aurait pu être considérée comme le fait de bandes sans aveu.

 

 

Société archéologique de Touraine.

 

 

 

 

 

1366 Querelle de Barons entre le comte de Sancerre, seigneur de Faye-la-Vineuse et le sire de L’ile Bouchard <==

 Janvier 1368 Niort- Angoulême, le Prince Noir convoque les États généraux d'Aquitaine pour élever l’imposition du fouage<==

 


 

(1) Histoire du Cotentin et de ses Iles, pages 392 et 393 du deuxième Volume de cet ouvrage, édité en quatre volumes in-8°, à Caen, en 1896.

(2) Ld Delisle. Actes et mandements divers, etc., n° 1963.

(3) Loco Cit.

(4) Arch. nat., XIA 58, f° 43 v° sq. Extrait de lettres du 10 août 1407.

 (5) DELAVILLE LE ROULX, op. cit., t. II, nos 131, 133 et 136.

(6) « item comment pour la grande faveur et aide que Mons. Le duc avoit fait comme dit est au dit roy de Castille, le Prince envoya les compaignons en ses pais d'Anjou ou quel ils prindrent villes et firent moult de dommages, montans a plus de quatre millions que à lui que à ses subgiez et fut quant ils furent revenus d'Espaigne ». Cité par DELACHENAL, op. cit., t. IV, p. 451.

On peut rapprocher de cette affirmation un article des instructions envoyées par le conseil royal aux négociateurs français en 1377 : « Item, les diz de compaigne estoient receptés par eulx, aloient et venoient en l'ostel du Prince, receuz par lui et en Angleterre, les laissoient et souffroient passer et repasser paisiblement par Guyenne, pour venir et dommager le royaume et y faire toute maniere de guerre, en leur administrant vivres, armeures, artillerie et tous autres abillemens de guerre ».

 Un article précédent précise qu'il s'agissait notamment du soutien accordé aux Compagnies à la Ville-Dieu, Faye-la-Vineuse et Brinay. Voir ces instructions dans Camden Miscellany, XIX, pp. 80-85 (d'après Arch. nat., J 654, n° 5). --

(7) Arch. nat., JJ 122, Il 75 v°, 16 mars 1383 (publie aux pièces justificatives, n° I). Peut-être est-ce le même Jean de Montbrun qui était chargé entre 1360 et 1364 de collecter les deniers de la paroisse Sainte-Croix à Tours (Comptes municipaux, t. I, n. 553 et 1688).

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